Faux tendons intraventriculaires gauches : un piège

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Faux tendons intraventriculaires gauches :
un piège diagnostique à l’échocardiographie
● A. Niakara*, L.V.A. Nebie*, T. Ouedraogo**, B.J.Y. Toguyeni*, N.J.P. Kabore*, P. Zabsonre*
n patient de 40 ans est adressé en consultation de
cardiologie pour suspicion de cardiomyopathie
hypertrophique obstructive (CMO). Le diagnostic
d’une CMO importante avait été porté lors d’une première échocardiographie, en raison d’une épaisseur du septum interventriculaire (SIV) mesurée à 20 mm. Cette échocardiographie avait
été pratiquée dans le cadre du suivi d’une hypertension artérielle
(HTA) essentielle, légère (stade I), avec un indice de SokolowLyon dépassant 35 mm. L’absence d’antécédents de CMO dans
la famille, de signes fonctionnels, l’excellent état clinique du
patient et la normalité de son auscultation cardiaque contrastent
avec ce diagnostic. Une échocardiographie de contrôle montre
un ventricule gauche non dilaté, de bonne fonction systolique, et
un SIV de 11 mm en diastole. Il existe une image de fin liseré le
long du SIV correspondant à l’existence d’un faux tendon intraventriculaire gauche longeant le SIV (figures 1 et 2). Le Doppler ne montre ni syndrome obstructif intraventriculaire gauche,
ni anomalie de la fonction diastolique du ventricule gauche.
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Figure 1. Échocardiographie en mode bidimensionnel, incidence parasternale grand axe : image d’un fin liseré le long du septum interventriculaire (flèche) correspondant à l’existence d’un faux tendon intraventriculaire gauche.
* Service de cardiologie, CHU Yalgado-Ouédraogo (CHU-YO), Ouagadougou,
Burkina Faso.
** Laboratoire d’anatomie, UFR SDS, université de Ouagadougou, Burkina Faso.
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Figure 2. Échocardiographie en mode TM. La coupe montre bien le faux
tendon intraventriculaire gauche, le long du septum interventriculaire.
COMMENTAIRES
Les faux tendons (FT) sont des structures anatomiques de type
fibreux ou fibromusculaire, uniques ou multiples, surnuméraires,
allant d’une paroi ventriculaire à l’autre, sans attache avec une
cusp valvulaire (1). Ils peuvent être à l’origine de diagnostics échocardiographiques erronés (2) avec des conséquences dommageables pour le patient. Ils sont composés de muscle cardiaque,
de tissus fibreux, de vaisseaux sanguins et de cellules de Purkinje
(1). Cette composition explique leur implication en pathologie.
En effet, les faux tendons sont incriminés dans la genèse de
troubles du rythme chez certains patients (3, 4), en favorisant les
circuits de réentrée. Des faux tendons ont été trouvés chez les deux
tiers des enfants ayant un souffle cardiaque innocent, et chez 40 %
des adultes ayant un souffle sans cardiopathie sous-jacente (3, 5).
En échocardiographie, la principale préoccupation est le piège diagnostique dont les faux tendons peuvent être responsables. Notre
fait clinique en est un exemple. Le diagnostic de CMO a été porté
à tort ; dans d’autres situations (bilan d’HTA par exemple), une
hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) peut être faussement retenue. Or, l’HVG est un facteur pronostique puissant et indépendant,
et influence les choix thérapeutiques (6). Les autres diagnostics
pouvant être portés à tort sont une thrombose intraventriculaire (7)
La Lettre du Cardiologue - n° 385 - mai 2005
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Figure 3. Incidence apicale 4 cavités : faux tendon apical pouvant faire
évoquer à tort un thrombus apical intraventriculaire gauche.
Figure 4. Incidence apicale 4 cavités : faux tendon oblique pouvant être
confondu sur l’image dynamique avec une rupture de cordage.
lorsque le FT est apical (figure 3), et, moins fréquemment, un diagnostic de rupture de cordage (8) dans les cas de faux tendons
obliques et lâches (figure 4). Dans ce cas de figure, l’examen échographique ne montre pas de prolapsus valvulaire, et on ne perçoit
pas de structure échogène fine (aspect de fouet) très mobile dans
le VG et prolabant dans l’OG en systole. La rupture d’un faux tendon est également possible ; on observe alors des échos denses
intracavitaires mobiles, pouvant induire à tort un diagnostic de
thrombus flottant ou de végétation (9). Le diagnostic différentiel
avec la rupture d’un vrai cordage est également important (8), aidé
par l’échocardiographie transœsophagienne.
La fréquence des FT en échocardiographie est variable selon les
auteurs, allant de 6 à 27 % (7). Les études autopsiques rapportent
des fréquences plus élevées de 34 à 55 % (10), du fait que les faux
tendons de moins de 2 mm ne sont pas détectés par l’échocardiographie. Dans notre expérience en échocardiographie chez le sujet
noir africain, les faux tendons sont relativement fréquents chez des
patients explorés pour palpitations ou hypertendus. Des études
prospectives sont cependant utiles pour déterminer la fréquence
des faux tendons et leur implication en pathologie.
Bibliographie
1. Kervancioglu M, Ozbag D, Kervancioglu P et al. Echocardiographic and morphologic examination of left ventricular false tendons in human and animal
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3. Thakur RK, Klein GJ, Sivaram CA et al. Anatomic substrate for idiopathic left
ventricular tachycardia. Circulation 1996;93:497-501.
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5. Malouf J, Gharzuddine W, Kutayli F. A reappraisal of the prevalence and clinical importance of left ventricular false tendons in children and adults. Br Heart J
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6. Vakili BA, Okin PM, Devereux RB. Prognostic implications of left ventricular
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7. Abdulla AK, Frustaci A, Martinez JE et al. Echocardiography and pathology
of left ventricular “false tendons”. Chest 1990;98:129-32.
CONCLUSION
Une attention particulière doit être portée à la présence de faux
tendons au cours de l’échocardiographie, en raison de leur fréquence et des conséquences thérapeutiques et pronostiques que
peuvent avoir des diagnostics erronés. Le rôle exact de ces faux
tendons en pathologie cardiovasculaire chez le sujet noir africain
reste à définir par des études prospectives.
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La Lettre du Cardiologue - n° 385 - mai 2005
8. Goicolea FJ, Laraudogoitia E, Medina A et al. False tendon rupture simulating chordal rupture after percutaneous mitral balloon dilation. A report of two
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