C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002 989 Méningite bactérienne aiguë M. Egger, M. G. Täuber Introduction Malgré la mise au point de nouveaux antibiotiques et une meilleure compréhension de sa pathogenèse, la méningite conserve une forte létalité et est encore source de séquelles neurologiques – ou de troubles du développement en ce qui concerne les enfants – chez presque un tiers des patients survivants. Avec les résistances aux antibiotiques que développent les pneumocoques, ces complications pourraient même augmenter. Dans un tel contexte, la prophylaxie prend une grande importance. En fait, l’impact de la prophylaxie s’est déjà vérifié avec la diminution des méningites dues à Haemophilus influenzae. Quant au rôle des vaccins conjugués contre les pneumocoques et les méningocoques du sérogroupe C récemment mis sur le marché, il n’est pour le moment pas encore clairement défini pour la Suisse. Dans cet article, un cas clinique illustre les questions diagnostiques, thérapeutiques et préventives relatives à la méningite bactérienne aiguë, telles qu’elles peuvent se poser dans la pratique quotidienne. L’accent est mis sur la méningite chez l’adulte. Diagnostic clinique Un médecin généraliste de garde est appelé chez une jeune femme de 20 ans, jusque-là en bonne santé habituelle, qui est fébrile à 39 ˚C et qui présente des céphalées. Correspondance: Dr M. Egger Ambulatorium für Infektionskrankheiten Inselspital CH-3010 Bern [email protected] L’anamnèse et l’examen clinique ont une valeur limitée dans l’affirmation ou l’infirmation du diagnostic de méningite bactérienne aiguë. En effet, tant les études à disposition que l’expérience clinique montrent que les symptômes et signes cliniques – seuls ou en association – ne sont ni assez sensibles ni assez spécifiques pour diagnostiquer ou exclure avec certitude une méningite bactérienne [1]. Les symptômes cardinaux (fièvre, raideur de nuque et trouble de la conscience) ne sont présents que dans un peu plus de deux tiers des cas de méningite et sont globalement peu spécifiques: une raideur de nuque sans méningite se retrouve chez 35% des personnes de plus de 60 ans [2], où elle est souvent d’origine vertébrale, et nombreuses sont les causes de fièvre et de troubles de la conscience. L’accentuation des céphalées par des mouvements saccadés rotatoires actifs de la tête («jolt accentuation of headache») semble représenter le meilleur critère diagnostique, mais il n’a fait l’objet que d’une seule étude [1]. Même si le traitement est bien conduit, la létalité de la méningite bactérienne varie entre 1 et 30%, selon l’âge et l’agent pathogène. En 1995 aux Etats-Unis, elle s’est montée à 21% pour les pneumocoques, à 6% pour H. influenzae et à 3% pour N. meningitidis [3]. Plus le diagnostic est tardif, plus il faut compter avec des évolutions fatales. Comme la valeur de l’examen clinique et des pronostics est très limitée, il ne faut pas hésiter à pratiquer une ponction lombaire au moindre doute. Le risque de complication qu’entraîne cet examen est faible lorsqu’il est correctement exécuté et que les contre-indications sont respectées. Prise en charge Face à une discrète raideur de nuque, le médecin de garde envisage la possibilité d’une méningite bactérienne et transfère la patiente à l’hôpital régional où elle est admise vingt minutes plus tard. A ce moment, elle est somnolente, présente une photophobie, une raideur de nuque marquée, une ecchymose à la jambe droite et des pétéchies isolées aux quatre extrémités. La probabilité qu’il s’agisse d’une méningite bactérienne aiguë est élevée à cause de la fièvre, du syndrome méningé et de l’aggravation des symptômes neurologiques centraux. Aussi faut-il instaurer le plus rapidement possible un traitement antibiotique empirique. En principe, la ponction lombaire (PL) – nécessaire à la confirmation du diagnostic – devrait être pratiquée avant d’administrer la première dose d’antibiotique, pour permettre l’identification de l’agent pathogène. Cependant, comme la PL comporte un risque d’engagement cérébral en cas de processus intracrânien expansif et que la symptomatologie de la méningite peut recouper celles de l’abcès cérébral, de la tumeur cérébrale et de l’hémorragie intracrânienne, il est devenu courant, en cas de doute, d’effectuer un scanner cérébral avant la PL. Puisque cette procédure implique souvent un délai de plus d’une heure, on ne peut pas attendre d’avoir pratiqué la PL pour commencer le traitement C U R R I C U LU M antibiotique, même si ce dernier empêche l’identification de l’agent pathogène lors de la mise en culture du liquide céphalorachidien dans une partie des cas. Les critères qui permettent de renoncer au scanner sans prendre de risques pour le patient ont été étudiés dans un travail publié récemment [4]. Les auteurs ont identifié certains troubles neurologiques associés à des anomalies du scanner (tabl. 1). Ils sont parvenus à la conclusion suivante: on peut renoncer à un scanner lorsque le patient ne présente aucun signe du tableau 1, qu’il est immunocompétent, âgé de moins de 60 ans, sans antécédent neurologique et qu’il n’a pas présenté de convulsion au cours des semaines précédentes. Sur cette base, on aurait pu renoncer à effectuer un scanner chez 40% des patients qui en ont subi un. Cependant, le nombre de scanner pourrait probablement être encore diminué sans risque pour le patient si on y renonce dans les cas où le tableau clinique est très évocateur d’une méningite (comme celui de notre exemple). Chez les patients dont le pronostic est très mauvais (coma, évolution foudroyante avec péjoration du tableau clinique sous les yeux du médecin), le prélèvement des premières hémocultures et l’instauration immédiate de l’antibiothérapie (avant la PL) sont de toutes façons prioritaires et cela, indépendamment de la Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002 990 question de savoir si un scanner sera effectué ou non. Traitement empirique Comme l’introduction du vaccin conjugué contre H. influenzae type b dans le plan des vaccinations de routine de l’enfant en bas âge a entraîné une forte régression des méningites dues à cet agent pathogène [3], les méningocoques et les pneumocoques représentent les agents pathogènes les plus fréquents chez les enfants et les jeunes adultes (jusqu’à 25 ans), avec une prédominance des méningocoques surtout chez les enfants (méningocoque du sérogroupe B principalement) et chez les adolescents (méningocoque du sérogroupe C principalement). Les pneumocoques prédominent chez les adultes à partir de 25 ans, tandis que Listeria prend de l’importance avec l’âge. Les entérobactéries et les streptocoques du groupe B sont des agents pathogènes significatifs dans les catégories d’âge extrêmes. Les staphylocoques et Pseudomonas aeruginosa – en sus des entérobactéries – ne jouent un rôle que chez les patients ayant subi une intervention neurochirurgicale. L’antibiothérapie empirique (le tabl. 2 présente les posologies pour les adultes dont la fonction Tableau 1. Fréquence des anomalies décelées au scanner en fonction des troubles neurologiques [5]. Signe neurologique Pourcentage des patients avec un scanner anormal Etat de conscience altéré 55% Incapacité à répondre correctement à deux questions 57% Incapacité à exécuter deux ordres 63% Ophtalmoplégie 71% Champ visuel altéré 86% Parésie faciale 100% Difficultés à positionner les bras 72% Difficultés à positionner les jambes 71% Troubles du langage (aphasie, dysarthrie) 64% Tableau 2. Antibiothérapie empirique, posologies. Antibiotique Posologie Ceftriaxone 2 g en perfusion brève toutes les 12 heures durant 24 h., puis 2 g en perf. brève toutes les 24 heures Amoxicilline 2 g en perfusion brève toutes les 4 heures Vancomycine 1 g en perfusion brève de 2 heures, puis 500 mg en perfusion brève d’1 heure toutes les 6 heures Rifampicine 600 mg en perfusion brève toutes les 24 heures; elle peut aussi être donnée per os au patient alerte et sans trouble digestif C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002 rénale est normale) doit couvrir à la fois Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitidis et Haemophilus influenzae, quelle que soit la catégorie d’âge. Ce but peut être atteint avec une céphalosporine de troisième génération, la ceftriaxone (alternative: céfotaxime), qui est par ailleurs aussi efficace contre les entérobactéries et les streptocoques du groupe B, germes qui sont importants tant dans les premiers mois de vie que dans le grand âge. En général, le traitement est complété avec de l’amoxicilline chez les enfants de moins de trois mois à cause de Listeria et des entérocoques. Chez les patients de plus de 50 ans et les personnes présentant une immunodéficience (cellulaire) quel qu’en soit le type, Listeria monocytogenes peut aussi être mis en cause. C’est pourquoi le traitement empirique doit également être complété avec de l’amoxicilline dans ces groupes de patients [5]. Les résistances aux bêta-lactamines développées par les pneumocoques représentent un problème d’ampleur croissante dans le traitement de la méningite [6]. Les pneumocoques acquièrent, probablement surtout par transmission horizontale, du matériel génétique qui code pour une modification des protéines liant la pénicilline (Penicillin binding protein, PBP), leur conférant une affinité amoindrie pour la pénicilline. Cela mène à une augmentation de la concentration minimale inhibitrice (CMI) qui est normalement de <0,1 mg/mL et qui passe ainsi à 0,1–1 mg/mL (résistance intermédiaire), voire à ≥≥ 2 mg/mL (résistance élevée). L’affinité des céphalosporines de troisième génération Figure 1. Séquence des mesures à prendre en cas de suspicion de méningite bactérienne aiguë. pour cette PBP peut encore être suffisante pour garantir un succès thérapeutique; cependant, on décrit aussi parmi les pneumocoques dont les PBP sont modifiées, des souches présentant des résistances intermédiaires (CMI >0,5 mg/ mL) et élevées (CMI ≥ 2 mg/mL) aux céphalosporines. Bien que les pneumocoques résistant à la fois aux céphalosporines et à la pénicilline soient encore peu répandus parmi les cas sporadiques d’infection invasive en Suisse, on doit tenir compte de ce phénomène dans l’antibiothérapie empirique. Aussi est-il habituel de compléter le traitement empirique de céphalosporine par de la vancomycine ou de la rifampicine. Cette antibiothérapie empirique sera poursuivie jusqu’à l’identification aussi bien de l’agent pathogène que d’éventuelles résistances et sera ensuite remplacée par un traitement adapté. Après le prélèvement des premières hémocultures, la patiente reçoit 2 g de ceftriaxone en perfusion brève; en sus, une perfusion de 1 g de vancomycine en deux heures est posée. Le scanner cérébral est normal. La ponction lombaire ramène un liquide discrètement trouble avec une pression d’ouverture de 25 cm d’H2O. Cette prise en charge correspond à la procédure standard incluant le scanner (fig. 1). Si le premier médecin à être en contact avec le patient soupçonne fortement une méningite et estime que le transfert à l’hôpital peut prendre plus âge >60 ans ou déficit immunitaire ou pathologie neurologique centrale dans le antécédents ou crise convulsive au cours des 7 derniers jours oui non présence d’un trouble neurologique mentionné dans le tableau 1 oui une paire d’hémocultures dexaméthasone si indiqué antibiotiques scanner cérébral PL si elle n’est pas contre-indiquée 991 non une paire d’hémocultures PL une paire d’hémocultures dexaméthasone si indiqué antibiotiques C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002 de 30 minutes, il peut prélever les premières hémocultures et administrer 2 g de Rocéphine en perfusion brève encore dans la phase préhospitalière de manière tout à fait justifiée. A noter que la perfusion de vancomycine ne doit pas dépasser 10 mg/min.; un taux plus élevé peut générer une décharge d’histamine provoquant un érythème généralisé, ce qui peut faire poser un diagnostic erroné d’allergie à la vancomycine. La décision de ne pas administrer des corticostéroïdes à cette patiente est correcte. Un traitement adjuvant par de la dexaméthasone se justifie le mieux chez les enfants, surtout en cas de méningite à H. influenzae et parfois en cas de méningite à pneumocoques. Chez les adultes, son utilité est moins claire [4, 7]. Comme, en plus, la dexaméthasone limite la diffusion de la vancomycine dans le liquide céphalorachidien, l’indication à une corticothérapie devrait se restreindre aux patients présentant des signes d’hypertension intracrânienne (troubles de la conscience importants, paralysie des nerfs crâniens, œdème papillaire, vomissements récidivants); par ailleurs, la dexaméthasone ne devrait pas être associée à la vancomycine. Si l’on décide d’administrer de la dexaméthasone (0,15 mg/kg toutes les 6 heures ou 0,4 mg/kg toutes les 12 heures pendant 2–4 jours), la première dose devrait si possible précéder la première dose d’antibiotiques [8]. 992 typique d’une méningite bactérienne aiguë due aux pneumocoques, aux méningocoques ou encore à H. influenzae. Le tableau 3 compare les résultats obtenus lors de l’analyse du LCR dans différents processus inflammatoires. Le résultat de la coloration de Gram doit toujours être considéré avec prudence. Toutefois, lorsque l’épidémiologie, la clinique (ecchymose et pétéchies sont des signes cutanés typiques d’une méningite à méningocoque [8]) et la coloration de Gram du liquide céphalorachidien sont congruents – comme dans notre exemple –, l’étiologie fait peu de doutes. Si les cultures sont négatives, les tests d’agglutination au latex permettant la détection d’antigènes solubles dans le LCR (disponibles dans le commerce pour les pneumocoques, méningocoques, H. influenzae et les streptocoques du groupe B) représentent théoriquement un outil diagnostique attractif. Mais, si la spécificité de ces tests est bonne, leur sensibilité est si restreinte qu’en règle générale leur emploi ne se justifie pas d’autant que, d’une part, leur prix est élevé et, d’autre part, ils exercent peu d’influence sur l’antibiothérapie [2]. Quel que soit l’agent pathogène finalement identifié, la méningite est une maladie à déclaration obligatoire qui doit être annoncée dans les 24 heures au médecin cantonal. Prophylaxie Analyse du liquide céphalorachidien Dans ce cas clinique, le diagnostic de méningite à méningocoque est très probable; il faut donc prévoir pour les personnes proches de la patiente une chimioprophylaxie par antibiotiques dont le but est d’éradiquer le portage rhinopharyngé de méningocoques afin d’empêcher l’apparition de cas secondaires de méningite chez ces porteurs. Les indications pour une chimioprophylaxie ont été récemment publiées par un groupe de spécialistes travaillant en col- L’analyse du liquide céphalorachidien donne ces résultats: 1200 106 cellules/l, 93% de polynucléaires; glucose 1,2 mmol/L, protéines 0,98 g/L, lactate 4,1 mmol/L. La coloration de Gram met en évidence des diplocoques Gram négatifs isolés. L’analyse du liquide céphalorachidien (LCR) est Tableau 3. Analyse du liquide céphalorachidien dans différents processus inflammatoires intrathécaux. Paramètre (norme) méningite bactérienne aiguë méningite à Listeria méningite1 lymphocytaire méningite tuberculeuse Cellules (95 u 106/l) souvent >1000 de <100 à >1000 <1000, svt <100 Type cell. dominant (mononucléaire) polynucléaire polynucléaire ou mononucléaire mononucléaire (début évt. polynucléaire) Protéines (0,2–0,45 g/l) ↑ ↑ Glucose LCR/sérum (>0,5) <0,4 Lactate (1–2 mmol/l) 1 2 ↑ ↑ processus infectieux épidural 100–1000 gén. <1000 <1000 mononucléaire mononucléaire, évt. atypique polynucléaire ou mononucléaire ↑ <0,5, évt. normal normal ↑ méningite2 néoplasique normal ↑ –↑↑ ↑ <0,4 <0,5 normal, évt. <0,5 normal, évt. ↑ normal, évt. ↑ normal, évt. ↑ comprend les méningites virales et aseptiques (toxiques) ainsi que les méningites à spirochètes (Borrelia burgdorferi, Treponema pallidum) Méningite leucémique, lymphomateuse ou carcinomateuse C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002 993 Tableau 4. Méningite à méningocoque: indications pour une chimioprophylaxie des contacts proches. Chimioprophylaxie des contacts proches – personnes vivant sous les même toit – personnes ayant dormi dans la même chambre – personnes ayant été exposées directement ou fortement aux sécrétions nasales ou pharyngées du malade (baisers, réanimation, intubation, aspiration) si – le contact a eu lieu dans les 10 jours précédant le diagnostic ou dans les 24 heures suivant le début du traitement laboration avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP); celles qui concernent les cas isolés sont résumées dans le tableau 4. En effet, des directives particulières existent pour les cas confirmés ou suspects de méningite à méningocoque dans les crèches, écoles et autres structures impliquant des contacts sociaux rapprochés [9]. Actuellement, l’antibiotique recommandé pour la chimioprophylaxie est la ciprofloxacine en dose unique de 500 mg. La rifampicine (600 mg toutes les 12 heures, 4 doses au total) constitue une alternative, mais il faut rendre la personne attentive au fait que ce médicament non seulement diminue la sécurité des contraceptifs oraux, mais surtout il colore les lentilles de contact souples et donne aux urines une teinte orangée. Comme il existe une crainte que les fluoroquinolones n’entraînent des troubles cartilagineux, les enfants de moins de 14 ans reçoivent généralement de la rifampicine – moins d’1 mois, 5 mg/kg – dès 2 mois, 10 mg/kg toutes les 12 heures pendant 2 jours. Pour les femmes enceintes, on recommande une dose unique de 250 mg de ceftriaxone en injection intramusculaire ou intraveineuse. Dans les cas isolés confirmés ou suspects de méningite soit à méningocoque du sérogroupe C, soit à méningocoque non groupable, l’OFSP recommande une vaccination avec le vaccin conjugué Meningitec® pour les personnes qui répondent aux critères d’une chimioprophylaxie (tabl. 4). Des recommandations particulières liées à la vaccination existent également pour les cas suspects ou confirmés apparaissant dans des crèches, écoles ou autres structures impliquant des contacts sociaux rapprochés [9]. La vaccination doit être effectuée le plus rapidement possible parce que, d’une part, elle protège contre des cas secondaires tardifs que la chimioprophylaxie ne couvre plus et, d’autre part, le développement de l’immunité prend 15 jours. Par ailleurs, la vaccination est aussi recommandée pour les parents du 1er degré, même s’ils n’ont eu aucun contact avec la personne malade au cours des 10 jours précédant la maladie. Cette recommandation tient compte d’une prédisposition génétique clini- quement indécelable aux infections à méningocoque invasives. Adaptation du traitement 48 heures après l’admission, la température baisse, se situant juste au-dessous de 38 °C, tandis que les céphalées, la raideur de nuque et la confusion persistent. Les hémocultures ont permis la croissance de Neisseiria meningitidis, mais le sérogroupe n’a pas pu être identifié. C’est le dernier moment pour arrêter la vancomycine. Les antibiothérapies de choix selon l’agent pathogène et l’analyse des résistances sont compilées dans le tableau 5. Les hémocultures ayant permis d’identifier N. meningitidis, la persistance d’une partie du tableau clinique ne peut donner lieu qu’à une vérification tant de la prescription des antibiotiques que de la manière de les appliquer puisque les résistances ne posent pas encore de problèmes avec cet agent pathogène. Cependant, lorsque l’agent pathogène est inconnu et surtout lorsqu’il s’agit de pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline, il est indiqué de répéter la ponction lombaire si l’amélioration clinique est insuffisante [5, 7]; elle permet d’analyser l’évolution du glucose et de la pléocytose du LCR et, en tout cas, de mettre en culture un nouvel échantillon. Fièvre secondaire 96 heures après son hospitalisation et après une courte période de défervescence, la patiente est à nouveau fébrile (autour de 38 °C), mais elle est bien orientée, ne présente plus de raideur de nuque et son état général est satisfaisant. Par contre, une tuméfaction douloureuse de son genou gauche est apparue et elle se plaint de discrètes douleurs thoraciques respiro-dépendantes à gauche. C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002 994 Tableau 5. Antibiothérapie recommandée en fonction de l’agent pathogène. Agent pathogène Antibiothérapie de choix Streptococcus pneumoniae: sensible à la pénicilline et aux céphalosporines pénicilline G1 ou ceftriaxone Streptococcus pneumoniae: résistance intermédiaire à la pénicilline, sensible aux céphalosporines ceftriaxone Streptococcus pneumoniae: résistance élevée à la pénicilline ou résistant aux céphalosporines ceftriaxone et vancomycine ou rifampicine Neisseria meningitidis pénicilline G1 ou ceftriaxone Haemophilus influenzae ceftriaxone Listeria monocytogenes amoxicilline 8 gentamicine2 1 2 Posologie: 6 x 4 mio UI par jour i.v. Prescription seulement si la méningite à Listeria est prouvée; dosage 2 mg/kg KG (dose de charge), puis 1,7 mg/kg KG toutes les 8 h. Quintessence Comme le tableau clinique de la méningite peut être insidieux, il faut pratiquer une ponction lombaire même si la suspicion de méningite n’est que modérée. On peut renoncer à effectuer un scanner avant la ponction lombaire chez les patients jeunes, immunocompétents, sans trouble neurologique ni antécédent neurologique. L’augmentation des résistances des pneumocoques aux bêta-lactamines doit être prise en compte dans l’antibiothérapie empirique de la méningite. Conformément aux recommandations de l’OFSP, le vaccin conjugué contre le méningocoque du sérogroupe C – disponible depuis peu – a sa place dans les mesures de prophylaxie concernant l’entourage du patient. Chez le patient présentant une méningite, une réapparition de la fièvre peut généralement être attribuée aux causes suivantes: infections dues au cathéter, fièvre médicamenteuse et (surtout chez l’enfant) empyèmes sous-duraux. Mais il est aussi bien connu qu’il peut y avoir, dans le contexte d’infections à méningocoque invasives, des manifestations inflammatoires au niveau des tissus séreux liées à une altération du système immunitaire. Ainsi des arthrites stériles des articulations proximales et des pleuro-péricardites – déclenchées par les complexes antigène – anticorps – apparaissent-elles pendant la phase de convalescence chez 10 à 20% des patients [10]. Une ponction articulaire est souvent indiquée pour des raisons thérapeutiques. Par ailleurs, on peut instaurer un traitement d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Six jours après son admission, la patiente est sous ibuprofène, a subi une ponction du genou gauche, et ne présente plus ni douleur ni fièvre Il n’est pas possible de relayer le traitement intraveineux de la méningite par un traitement per os car, parmi les antibiotiques à disposition actuellement, aucun ne réunit toutes les qualités garantissant une éradication de l’agent pathogène, c’est à dire une biodisponibilité suffisante, une bonne diffusion dans le LCR lorsque les méninges sont saines et une activité intrinsèque contre les pathogènes significatifs. Enfin, la durée du traitement se monte à 7 jours pour les méningites à N. meningitidis et à H. influenzae, alors qu’elle est de 10 à 14 jours pour les méningites à pneumocoques et de 14 à 21 jours pour les autres méningites bactériennes aiguës [5]. Remerciements Nous remercions le Docteur Daniel Desgrandchamps, Baar, pour sa lecture attentive et critique du manuscrit. C U R R I C U LU M Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002 995 Références 1 Atti J, Hatala R, Cook DJ, Womg JG. Does this adult patient have acute meningitis? JAMA 1999;282:17581. 2 Choi C. Bacterial meningitis in aging adults. Clin Infect Dis 2001; 33:1380-5. 3 Schuchat A, Robinson K, Wenger JD, Harrison LH, Farley M, et al. Bacterial meningitis in the United States in 1995. New Engl J Med 1997;337:970-6. 4 Hasbun R, Abrahams J, Jekel J, Quagliarello VJ. Computed tomography of the head before lumbar puncture in adults with suspected meningitis. New Engl J Med 2001; 345:1727-33. 5 Quagliarello VJ, Scheld WM. Treatment of bacterial meningitis. New Engl J Med 1997;336:708-16. 6 Bradley JS, Scheld WM. The challenge of penicillin-resistant Streptococcus pneumoniae meningitis: current antibiotic therapy in the 1990s. Clin Infect Dis 1997;24 (Suppl. 2):S213-21. 7 Tunkel AR, Scheld WM. Issues in the management of bacterial meningitis. Am Fam Phys 1997;56: 1355-62. 8 Leib SL, Täuber MG. Meningitis (II) – akute bakterielle Meningitis. Ther Umsch 1999;56:640-5. 9 Schweizerische Kommission für Impffragen, Arbeitsgruppe Meningokokken, Bundesamt für Gesundheit. Prävention von invasiven Meningokokken-Infektionen. BAGBulletin 2001;46:893-902. 10 Van Deuren M, Brandtzaeg P, Van der Meer JWM. Update on meningococcal disease with emphasis on pathogenesis and clinical management. Clin Microbiol Rev 2000;13: 144-66.