Méningite bactérienne aigüe

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C U R R I C U LU M
Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002
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Méningite bactérienne aiguë
M. Egger, M. G. Täuber
Introduction
Malgré la mise au point de nouveaux antibiotiques et une meilleure compréhension de sa
pathogenèse, la méningite conserve une forte
létalité et est encore source de séquelles neurologiques – ou de troubles du développement en
ce qui concerne les enfants – chez presque un
tiers des patients survivants. Avec les résistances aux antibiotiques que développent les
pneumocoques, ces complications pourraient
même augmenter. Dans un tel contexte, la prophylaxie prend une grande importance. En fait,
l’impact de la prophylaxie s’est déjà vérifié avec
la diminution des méningites dues à Haemophilus influenzae. Quant au rôle des vaccins
conjugués contre les pneumocoques et les
méningocoques du sérogroupe C récemment
mis sur le marché, il n’est pour le moment pas
encore clairement défini pour la Suisse.
Dans cet article, un cas clinique illustre les
questions diagnostiques, thérapeutiques et préventives relatives à la méningite bactérienne
aiguë, telles qu’elles peuvent se poser dans la
pratique quotidienne. L’accent est mis sur la
méningite chez l’adulte.
Diagnostic clinique
Un médecin généraliste de garde est appelé
chez une jeune femme de 20 ans, jusque-là
en bonne santé habituelle, qui est fébrile à
39 ˚C et qui présente des céphalées.
Correspondance:
Dr M. Egger
Ambulatorium für Infektionskrankheiten
Inselspital
CH-3010 Bern
[email protected]
L’anamnèse et l’examen clinique ont une valeur
limitée dans l’affirmation ou l’infirmation du
diagnostic de méningite bactérienne aiguë. En
effet, tant les études à disposition que l’expérience clinique montrent que les symptômes et
signes cliniques – seuls ou en association – ne
sont ni assez sensibles ni assez spécifiques pour
diagnostiquer ou exclure avec certitude une
méningite bactérienne [1]. Les symptômes cardinaux (fièvre, raideur de nuque et trouble de
la conscience) ne sont présents que dans un peu
plus de deux tiers des cas de méningite et sont
globalement peu spécifiques: une raideur de
nuque sans méningite se retrouve chez 35% des
personnes de plus de 60 ans [2], où elle est
souvent d’origine vertébrale, et nombreuses
sont les causes de fièvre et de troubles de la
conscience. L’accentuation des céphalées par
des mouvements saccadés rotatoires actifs
de la tête («jolt accentuation of headache»)
semble représenter le meilleur critère diagnostique, mais il n’a fait l’objet que d’une seule
étude [1].
Même si le traitement est bien conduit, la létalité de la méningite bactérienne varie entre 1 et
30%, selon l’âge et l’agent pathogène. En 1995
aux Etats-Unis, elle s’est montée à 21% pour les
pneumocoques, à 6% pour H. influenzae et à
3% pour N. meningitidis [3]. Plus le diagnostic
est tardif, plus il faut compter avec des évolutions fatales.
Comme la valeur de l’examen clinique et des
pronostics est très limitée, il ne faut pas hésiter
à pratiquer une ponction lombaire au moindre
doute. Le risque de complication qu’entraîne
cet examen est faible lorsqu’il est correctement
exécuté et que les contre-indications sont respectées.
Prise en charge
Face à une discrète raideur de nuque, le
médecin de garde envisage la possibilité
d’une méningite bactérienne et transfère la
patiente à l’hôpital régional où elle est admise vingt minutes plus tard. A ce moment,
elle est somnolente, présente une photophobie, une raideur de nuque marquée, une ecchymose à la jambe droite et des pétéchies
isolées aux quatre extrémités.
La probabilité qu’il s’agisse d’une méningite bactérienne aiguë est élevée à cause de la fièvre,
du syndrome méningé et de l’aggravation des
symptômes neurologiques centraux. Aussi
faut-il instaurer le plus rapidement possible un
traitement antibiotique empirique. En principe,
la ponction lombaire (PL) – nécessaire à la
confirmation du diagnostic – devrait être pratiquée avant d’administrer la première dose
d’antibiotique, pour permettre l’identification
de l’agent pathogène. Cependant, comme la PL
comporte un risque d’engagement cérébral en
cas de processus intracrânien expansif et que
la symptomatologie de la méningite peut recouper celles de l’abcès cérébral, de la tumeur
cérébrale et de l’hémorragie intracrânienne, il
est devenu courant, en cas de doute, d’effectuer
un scanner cérébral avant la PL. Puisque cette
procédure implique souvent un délai de plus
d’une heure, on ne peut pas attendre d’avoir
pratiqué la PL pour commencer le traitement
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antibiotique, même si ce dernier empêche
l’identification de l’agent pathogène lors de la
mise en culture du liquide céphalorachidien
dans une partie des cas. Les critères qui permettent de renoncer au scanner sans prendre
de risques pour le patient ont été étudiés dans
un travail publié récemment [4]. Les auteurs
ont identifié certains troubles neurologiques
associés à des anomalies du scanner (tabl. 1).
Ils sont parvenus à la conclusion suivante: on
peut renoncer à un scanner lorsque le patient
ne présente aucun signe du tableau 1, qu’il est
immunocompétent, âgé de moins de 60 ans,
sans antécédent neurologique et qu’il n’a pas
présenté de convulsion au cours des semaines
précédentes. Sur cette base, on aurait pu renoncer à effectuer un scanner chez 40% des
patients qui en ont subi un. Cependant, le
nombre de scanner pourrait probablement être
encore diminué sans risque pour le patient si
on y renonce dans les cas où le tableau clinique
est très évocateur d’une méningite (comme
celui de notre exemple).
Chez les patients dont le pronostic est très
mauvais (coma, évolution foudroyante avec
péjoration du tableau clinique sous les yeux du
médecin), le prélèvement des premières hémocultures et l’instauration immédiate de l’antibiothérapie (avant la PL) sont de toutes façons
prioritaires et cela, indépendamment de la
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question de savoir si un scanner sera effectué
ou non.
Traitement empirique
Comme l’introduction du vaccin conjugué
contre H. influenzae type b dans le plan des vaccinations de routine de l’enfant en bas âge a entraîné une forte régression des méningites dues
à cet agent pathogène [3], les méningocoques
et les pneumocoques représentent les agents
pathogènes les plus fréquents chez les enfants
et les jeunes adultes (jusqu’à 25 ans), avec une
prédominance des méningocoques surtout chez
les enfants (méningocoque du sérogroupe B
principalement) et chez les adolescents (méningocoque du sérogroupe C principalement).
Les pneumocoques prédominent chez les adultes à partir de 25 ans, tandis que Listeria prend
de l’importance avec l’âge. Les entérobactéries
et les streptocoques du groupe B sont des
agents pathogènes significatifs dans les catégories d’âge extrêmes. Les staphylocoques et
Pseudomonas aeruginosa – en sus des entérobactéries – ne jouent un rôle que chez les patients ayant subi une intervention neurochirurgicale.
L’antibiothérapie empirique (le tabl. 2 présente
les posologies pour les adultes dont la fonction
Tableau 1. Fréquence des anomalies décelées au scanner en fonction des troubles
neurologiques [5].
Signe neurologique
Pourcentage des patients avec un scanner anormal
Etat de conscience altéré
55%
Incapacité à répondre correctement à deux questions
57%
Incapacité à exécuter deux ordres
63%
Ophtalmoplégie
71%
Champ visuel altéré
86%
Parésie faciale
100%
Difficultés à positionner les bras
72%
Difficultés à positionner les jambes
71%
Troubles du langage (aphasie, dysarthrie)
64%
Tableau 2. Antibiothérapie empirique, posologies.
Antibiotique
Posologie
Ceftriaxone
2 g en perfusion brève toutes les 12 heures durant 24 h., puis 2 g en perf. brève
toutes les 24 heures
Amoxicilline
2 g en perfusion brève toutes les 4 heures
Vancomycine
1 g en perfusion brève de 2 heures, puis 500 mg en perfusion brève d’1 heure
toutes les 6 heures
Rifampicine
600 mg en perfusion brève toutes les 24 heures; elle peut aussi être donnée per os
au patient alerte et sans trouble digestif
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rénale est normale) doit couvrir à la fois Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitidis
et Haemophilus influenzae, quelle que soit la
catégorie d’âge. Ce but peut être atteint avec
une céphalosporine de troisième génération, la
ceftriaxone (alternative: céfotaxime), qui est
par ailleurs aussi efficace contre les entérobactéries et les streptocoques du groupe B, germes
qui sont importants tant dans les premiers mois
de vie que dans le grand âge. En général, le traitement est complété avec de l’amoxicilline chez
les enfants de moins de trois mois à cause de
Listeria et des entérocoques. Chez les patients
de plus de 50 ans et les personnes présentant
une immunodéficience (cellulaire) quel qu’en
soit le type, Listeria monocytogenes peut aussi
être mis en cause. C’est pourquoi le traitement
empirique doit également être complété avec de
l’amoxicilline dans ces groupes de patients [5].
Les résistances aux bêta-lactamines développées par les pneumocoques représentent un
problème d’ampleur croissante dans le traitement de la méningite [6]. Les pneumocoques
acquièrent, probablement surtout par transmission horizontale, du matériel génétique qui
code pour une modification des protéines liant
la pénicilline (Penicillin binding protein, PBP),
leur conférant une affinité amoindrie pour la
pénicilline. Cela mène à une augmentation de
la concentration minimale inhibitrice (CMI) qui
est normalement de <0,1 mg/mL et qui passe
ainsi à 0,1–1 mg/mL (résistance intermédiaire),
voire à ≥≥ 2 mg/mL (résistance élevée). L’affinité
des céphalosporines de troisième génération
Figure 1.
Séquence des mesures à prendre
en cas de suspicion de méningite
bactérienne aiguë.
pour cette PBP peut encore être suffisante pour
garantir un succès thérapeutique; cependant,
on décrit aussi parmi les pneumocoques dont
les PBP sont modifiées, des souches présentant
des résistances intermédiaires (CMI >0,5 mg/
mL) et élevées (CMI ≥ 2 mg/mL) aux céphalosporines. Bien que les pneumocoques résistant
à la fois aux céphalosporines et à la pénicilline
soient encore peu répandus parmi les cas sporadiques d’infection invasive en Suisse, on doit
tenir compte de ce phénomène dans l’antibiothérapie empirique. Aussi est-il habituel de
compléter le traitement empirique de céphalosporine par de la vancomycine ou de la rifampicine. Cette antibiothérapie empirique sera
poursuivie jusqu’à l’identification aussi bien de
l’agent pathogène que d’éventuelles résistances
et sera ensuite remplacée par un traitement
adapté.
Après le prélèvement des premières hémocultures, la patiente reçoit 2 g de ceftriaxone
en perfusion brève; en sus, une perfusion de
1 g de vancomycine en deux heures est
posée. Le scanner cérébral est normal. La
ponction lombaire ramène un liquide discrètement trouble avec une pression d’ouverture de 25 cm d’H2O.
Cette prise en charge correspond à la procédure
standard incluant le scanner (fig. 1). Si le premier médecin à être en contact avec le patient
soupçonne fortement une méningite et estime
que le transfert à l’hôpital peut prendre plus
âge >60 ans ou déficit immunitaire ou
pathologie neurologique centrale dans le
antécédents ou crise convulsive au cours
des 7 derniers jours
oui
non
présence d’un trouble neurologique
mentionné dans le tableau 1
oui
une paire d’hémocultures
dexaméthasone si indiqué
antibiotiques
scanner cérébral
PL si elle n’est pas contre-indiquée
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non
une paire d’hémocultures
PL
une paire d’hémocultures
dexaméthasone si indiqué
antibiotiques
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de 30 minutes, il peut prélever les premières
hémocultures et administrer 2 g de Rocéphine
en perfusion brève encore dans la phase préhospitalière de manière tout à fait justifiée.
A noter que la perfusion de vancomycine ne doit
pas dépasser 10 mg/min.; un taux plus élevé peut
générer une décharge d’histamine provoquant
un érythème généralisé, ce qui peut faire poser
un diagnostic erroné d’allergie à la vancomycine.
La décision de ne pas administrer des corticostéroïdes à cette patiente est correcte. Un
traitement adjuvant par de la dexaméthasone
se justifie le mieux chez les enfants, surtout
en cas de méningite à H. influenzae et parfois
en cas de méningite à pneumocoques. Chez les
adultes, son utilité est moins claire [4, 7].
Comme, en plus, la dexaméthasone limite la diffusion de la vancomycine dans le liquide céphalorachidien, l’indication à une corticothérapie devrait se restreindre aux patients présentant des signes d’hypertension intracrânienne
(troubles de la conscience importants, paralysie
des nerfs crâniens, œdème papillaire, vomissements récidivants); par ailleurs, la dexaméthasone ne devrait pas être associée à la vancomycine. Si l’on décide d’administrer de la dexaméthasone (0,15 mg/kg toutes les 6 heures ou
0,4 mg/kg toutes les 12 heures pendant 2–4
jours), la première dose devrait si possible précéder la première dose d’antibiotiques [8].
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typique d’une méningite bactérienne aiguë due
aux pneumocoques, aux méningocoques ou
encore à H. influenzae. Le tableau 3 compare
les résultats obtenus lors de l’analyse du LCR
dans différents processus inflammatoires.
Le résultat de la coloration de Gram doit toujours être considéré avec prudence. Toutefois,
lorsque l’épidémiologie, la clinique (ecchymose
et pétéchies sont des signes cutanés typiques
d’une méningite à méningocoque [8]) et la coloration de Gram du liquide céphalorachidien
sont congruents – comme dans notre exemple –,
l’étiologie fait peu de doutes.
Si les cultures sont négatives, les tests d’agglutination au latex permettant la détection d’antigènes solubles dans le LCR (disponibles dans
le commerce pour les pneumocoques, méningocoques, H. influenzae et les streptocoques du
groupe B) représentent théoriquement un outil
diagnostique attractif. Mais, si la spécificité de
ces tests est bonne, leur sensibilité est si restreinte qu’en règle générale leur emploi ne se
justifie pas d’autant que, d’une part, leur prix
est élevé et, d’autre part, ils exercent peu d’influence sur l’antibiothérapie [2].
Quel que soit l’agent pathogène finalement
identifié, la méningite est une maladie à déclaration obligatoire qui doit être annoncée dans
les 24 heures au médecin cantonal.
Prophylaxie
Analyse du liquide
céphalorachidien
Dans ce cas clinique, le diagnostic de méningite
à méningocoque est très probable; il faut donc
prévoir pour les personnes proches de la patiente une chimioprophylaxie par antibiotiques
dont le but est d’éradiquer le portage rhinopharyngé de méningocoques afin d’empêcher
l’apparition de cas secondaires de méningite
chez ces porteurs. Les indications pour une chimioprophylaxie ont été récemment publiées
par un groupe de spécialistes travaillant en col-
L’analyse du liquide céphalorachidien donne
ces résultats: 1200 106 cellules/l, 93% de
polynucléaires; glucose 1,2 mmol/L, protéines 0,98 g/L, lactate 4,1 mmol/L.
La coloration de Gram met en évidence des
diplocoques Gram négatifs isolés.
L’analyse du liquide céphalorachidien (LCR) est
Tableau 3. Analyse du liquide céphalorachidien dans différents processus inflammatoires intrathécaux.
Paramètre
(norme)
méningite
bactérienne
aiguë
méningite
à Listeria
méningite1
lymphocytaire
méningite
tuberculeuse
Cellules (95 u 106/l)
souvent >1000
de <100 à >1000
<1000, svt <100
Type cell. dominant
(mononucléaire)
polynucléaire
polynucléaire
ou
mononucléaire
mononucléaire
(début évt.
polynucléaire)
Protéines (0,2–0,45 g/l)
↑
↑
Glucose LCR/sérum (>0,5) <0,4
Lactate (1–2 mmol/l)
1
2
↑
↑
processus
infectieux
épidural
100–1000
gén. <1000
<1000
mononucléaire
mononucléaire,
évt. atypique
polynucléaire
ou mononucléaire
↑
<0,5, évt. normal normal
↑
méningite2
néoplasique
normal
↑
–↑↑
↑
<0,4
<0,5
normal, évt. <0,5
normal, évt. ↑
normal, évt. ↑
normal, évt. ↑
comprend les méningites virales et aseptiques (toxiques) ainsi que les méningites à spirochètes (Borrelia burgdorferi, Treponema pallidum)
Méningite leucémique, lymphomateuse ou carcinomateuse
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Tableau 4. Méningite à méningocoque: indications pour une chimioprophylaxie des
contacts proches.
Chimioprophylaxie des contacts proches
–
personnes vivant sous les même toit
–
personnes ayant dormi dans la même chambre
–
personnes ayant été exposées directement ou fortement aux sécrétions nasales ou pharyngées
du malade (baisers, réanimation, intubation, aspiration)
si
–
le contact a eu lieu dans les 10 jours précédant le diagnostic ou dans les 24 heures suivant le début du
traitement
laboration avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP); celles qui concernent les cas isolés sont résumées dans le tableau 4. En effet,
des directives particulières existent pour les cas
confirmés ou suspects de méningite à méningocoque dans les crèches, écoles et autres
structures impliquant des contacts sociaux rapprochés [9]. Actuellement, l’antibiotique recommandé pour la chimioprophylaxie est la ciprofloxacine en dose unique de 500 mg. La rifampicine (600 mg toutes les 12 heures, 4 doses
au total) constitue une alternative, mais il faut
rendre la personne attentive au fait que ce médicament non seulement diminue la sécurité
des contraceptifs oraux, mais surtout il colore
les lentilles de contact souples et donne aux
urines une teinte orangée. Comme il existe une
crainte que les fluoroquinolones n’entraînent
des troubles cartilagineux, les enfants de moins
de 14 ans reçoivent généralement de la rifampicine – moins d’1 mois, 5 mg/kg – dès 2 mois,
10 mg/kg toutes les 12 heures pendant 2 jours.
Pour les femmes enceintes, on recommande
une dose unique de 250 mg de ceftriaxone en
injection intramusculaire ou intraveineuse.
Dans les cas isolés confirmés ou suspects de
méningite soit à méningocoque du sérogroupe
C, soit à méningocoque non groupable, l’OFSP
recommande une vaccination avec le vaccin
conjugué Meningitec® pour les personnes qui
répondent aux critères d’une chimioprophylaxie (tabl. 4). Des recommandations particulières liées à la vaccination existent également
pour les cas suspects ou confirmés apparaissant dans des crèches, écoles ou autres structures impliquant des contacts sociaux rapprochés [9]. La vaccination doit être effectuée le
plus rapidement possible parce que, d’une part,
elle protège contre des cas secondaires tardifs
que la chimioprophylaxie ne couvre plus et,
d’autre part, le développement de l’immunité
prend 15 jours. Par ailleurs, la vaccination est
aussi recommandée pour les parents du 1er
degré, même s’ils n’ont eu aucun contact avec
la personne malade au cours des 10 jours précédant la maladie. Cette recommandation tient
compte d’une prédisposition génétique clini-
quement indécelable aux infections à méningocoque invasives.
Adaptation du traitement
48 heures après l’admission, la température
baisse, se situant juste au-dessous de 38 °C,
tandis que les céphalées, la raideur de nuque
et la confusion persistent. Les hémocultures
ont permis la croissance de Neisseiria meningitidis, mais le sérogroupe n’a pas pu être
identifié.
C’est le dernier moment pour arrêter la vancomycine. Les antibiothérapies de choix selon
l’agent pathogène et l’analyse des résistances
sont compilées dans le tableau 5.
Les hémocultures ayant permis d’identifier
N. meningitidis, la persistance d’une partie du
tableau clinique ne peut donner lieu qu’à une
vérification tant de la prescription des antibiotiques que de la manière de les appliquer
puisque les résistances ne posent pas encore de
problèmes avec cet agent pathogène. Cependant, lorsque l’agent pathogène est inconnu et
surtout lorsqu’il s’agit de pneumocoques de
sensibilité diminuée à la pénicilline, il est indiqué de répéter la ponction lombaire si l’amélioration clinique est insuffisante [5, 7]; elle permet d’analyser l’évolution du glucose et de la
pléocytose du LCR et, en tout cas, de mettre en
culture un nouvel échantillon.
Fièvre secondaire
96 heures après son hospitalisation et après
une courte période de défervescence, la patiente est à nouveau fébrile (autour de 38 °C),
mais elle est bien orientée, ne présente plus
de raideur de nuque et son état général est
satisfaisant. Par contre, une tuméfaction
douloureuse de son genou gauche est apparue et elle se plaint de discrètes douleurs thoraciques respiro-dépendantes à gauche.
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Tableau 5. Antibiothérapie recommandée en fonction de l’agent pathogène.
Agent pathogène
Antibiothérapie de choix
Streptococcus pneumoniae: sensible à la pénicilline et aux
céphalosporines
pénicilline G1 ou ceftriaxone
Streptococcus pneumoniae: résistance intermédiaire
à la pénicilline, sensible aux céphalosporines
ceftriaxone
Streptococcus pneumoniae: résistance élevée
à la pénicilline ou résistant aux céphalosporines
ceftriaxone et vancomycine ou rifampicine
Neisseria meningitidis
pénicilline G1 ou ceftriaxone
Haemophilus influenzae
ceftriaxone
Listeria monocytogenes
amoxicilline 8 gentamicine2
1
2
Posologie: 6 x 4 mio UI par jour i.v.
Prescription seulement si la méningite à Listeria est prouvée; dosage 2 mg/kg KG (dose de charge), puis
1,7 mg/kg KG toutes les 8 h.
Quintessence
Comme le tableau clinique de la méningite peut être insidieux, il faut
pratiquer une ponction lombaire même si la suspicion de méningite n’est
que modérée.
On peut renoncer à effectuer un scanner avant la ponction lombaire chez
les patients jeunes, immunocompétents, sans trouble neurologique ni
antécédent neurologique.
L’augmentation des résistances des pneumocoques aux bêta-lactamines
doit être prise en compte dans l’antibiothérapie empirique de la méningite.
Conformément aux recommandations de l’OFSP, le vaccin conjugué contre
le méningocoque du sérogroupe C – disponible depuis peu – a sa place
dans les mesures de prophylaxie concernant l’entourage du patient.
Chez le patient présentant une méningite, une
réapparition de la fièvre peut généralement
être attribuée aux causes suivantes: infections
dues au cathéter, fièvre médicamenteuse et
(surtout chez l’enfant) empyèmes sous-duraux.
Mais il est aussi bien connu qu’il peut y avoir,
dans le contexte d’infections à méningocoque
invasives, des manifestations inflammatoires
au niveau des tissus séreux liées à une altération du système immunitaire. Ainsi des arthrites stériles des articulations proximales et
des pleuro-péricardites – déclenchées par les
complexes antigène – anticorps – apparaissent-elles pendant la phase de convalescence
chez 10 à 20% des patients [10]. Une ponction
articulaire est souvent indiquée pour des raisons thérapeutiques. Par ailleurs, on peut instaurer un traitement d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens.
Six jours après son admission, la patiente est
sous ibuprofène, a subi une ponction du
genou gauche, et ne présente plus ni douleur
ni fièvre
Il n’est pas possible de relayer le traitement intraveineux de la méningite par un traitement
per os car, parmi les antibiotiques à disposition
actuellement, aucun ne réunit toutes les qualités garantissant une éradication de l’agent pathogène, c’est à dire une biodisponibilité suffisante, une bonne diffusion dans le LCR lorsque
les méninges sont saines et une activité intrinsèque contre les pathogènes significatifs.
Enfin, la durée du traitement se monte à 7 jours
pour les méningites à N. meningitidis et à H. influenzae, alors qu’elle est de 10 à 14 jours pour
les méningites à pneumocoques et de 14 à 21
jours pour les autres méningites bactériennes
aiguës [5].
Remerciements
Nous remercions le Docteur Daniel Desgrandchamps, Baar, pour sa lecture attentive et critique du manuscrit.
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