Ann Gerontol 2011 ; 3 (n° spécial 1) : 21-7 Jean-Luc Novella1 Stéphane Sanchez2 Max Prudent3 1 doi: 10.1684/age.2010.0119 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 3 Hôpital de jour de neurologie gériatrie, CHU de Reims, 51100 Reims <[email protected]> 2 Service de gériatrie, CHU de Reims, 51100 Reims <[email protected]> Université de Reims Champagne-Ardenne, Faculté de médecine, EA 3797, 51100 Reims <[email protected]> Synthèse Observance et persistance du traitement : particularités dans la maladie d’Alzheimer Observance and persistance of the treatment: Characteristics in Alzheimer’s disease ■ Résumé La maladie d’Alzheimer pose de nombreux problèmes aux cliniciens, problèmes de compréhension physiopathologique, d’atypie sémiologique, de diagnostic et de traitement. Face à cette pathologie évolutive, il apparaît nécessaire de structurer le mieux possible nos stratégies cliniques. L’observance et la persistance thérapeutiques pourraient être un reflet indirect de la qualité de la prise en charge engagée. L’objectif est ici de faire le point sur les éléments contributifs à une observance et une persistance thérapeutiques optimales. Mots clés Abstract maladie d’Alzheimer, observance, persistance, anticholinestérasiques, personne âgée ■ Alzheimer’s disease causes numerous problems to clinicians mainly in its pysiopathology issues, its atypical semiology, its prognosis, and its treatment. In front of an evolving disease, it seems necessary to structure as well as possible our management strategies. The observance and the persistence of the treatment could be an indirect reflection of the quality of care. The aim of this work was to take stock of the different elements that contribute to optimise observance and persistence of the treatment. Tirés à part : J.-L. Novella S Key words Alzheimer’s disease, observance, persitence, cholinesterase inhibitors, elderly elon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) un traitement spécifique doit être envisagé chez tout patient atteint de la maladie d’Alzheimer lorsque le diagnostic a été annoncé en prenant en compte son rapport bénéfice/risque. Cette recommandation se fonde sur les bénéfices démontrés des traitements symptomatiques. Ainsi, les différents essais thérapeutiques, repris dans trois méta-analyses [1-3], mettent en évidence un gain versus placebo. S’il n’est effectivement pas de nature à stabiliser au long cours l’état clinique du patient, le médicament participe à l’ensemble du processus mis en œuvre pour ralentir son déclin. Ce bénéfice thérapeutique ne peut être perceptible que si l’observance du traitement est réelle, et le renouvellement de l’ordonnance par le médecin traitant effectif dans un contexte de suivi toujours perfectible. La bonne compréhension de ces deux éléments, sous-jacents à la prise en charge, semble aujourd’hui importante pour améliorer le service rendu à nos patients. L’observance peut se définir par : « L’action d’obéir à une habitude, de se conformer à un modèle, une coutume ; la règle de conduite elle-même, convention. » (Dictionnaire Larousse). Le terme de compliance est également utilisé pour désigner la plus ou moins grande obéissance du patient et son désir de se conformer aux directives médicales. Ces notions se définissent dans la pratique médicale par le respect strict des prescriptions en termes d’horaires, de posologie et de contenu. Elles renvoient parfois à une conception ancienne d’asymétrie du rapport médecin/patient. Il conviendrait donc davantage de parler « d’adhésion au traitement » où l’adhésion correspond à l’ensemble des conditions, qu’il s’agisse de la motivation, de l’acceptation, de l’information, qui permet l’observance à partir d’une participation active du patient. L’adhésion est ainsi fondée sur un contrat thérapeutique clairement explicité dans ses fondements et objectifs, négocié et accepté par les deux parties (patient/médecin). Pour en revenir à l’observance, certains auteurs ont introduit une notion de seuil, considérant les sujets observants comme étant ceux prenants plus de 80 % de leur traitement [4]. Pour Ankri et al. Il n’existe pas à ce jour de définition consensuelle sur les patients observants ou non observants [5]. L’absence de gold standard concernant la définition et l’évaluation de l’observance thérapeutique explique les difficultés de sa • Annales de Gérontologie • vol 3, n° spécial 1, février 2011 • 21 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. JEAN-LUC NOVELLA, STÉPHANE SANCHEZ, Ann Gerontol 2011 ; 3 (n° spécial 1) : 21-7 MAX PRUDENT mesure. Pour cette raison, il existe très peu d’études ayant spécifiquement ciblé ce sujet. Dans ce contexte, le patient âgé et encore plus le patient souffrant de maladie d’Alzheimer, qui par définition présente des capacités cognitives altérées, nécessite une prise en charge particulière quant à l’observance et à la persistance du traitement. La prise en charge pluridisciplinaire, mais surtout le rôle pivot de la médecine générale, sont gages du respect et de la persistance des traitements spécifiques. En raison d’un état polypathologique, les personnes âgées ont des particularités en termes de consommation médicamenteuse. Environ 1,5 million de personnes âgées consommeraient plus de 7 médicaments par jour, de classes thérapeutiques différentes [6]. Ce phénomène semble s’accentuer depuis les années 1990, il est encore plus marqué pour les personnes institutionnalisées. La seule donnée française disponible est l’enquête Paquid [7] : avec une moyenne de 5,2 médicaments par jour pour les patients institutionnalisés versus 3,9 chez les plus de 65 ans vivant à domicile. L’enquête ESPS de l’Irdes [8] en 2000 montre par ailleurs la proportion des médicaments consommés chez les plus de 65 ans : 51 % de médicaments cardiovasculaires, 21 % de médicaments du système nerveux central, 17 % pour l’appareil digestif, 16 % pour l’appareil locomoteur, 16 % pour les psychotropes. La consommation médicamenteuse s’avère être assez concentrée, ainsi 16 % de la population consomment 39 % des médicaments prescrits chaque année [9]. Une enquête « budget et ménage » (Insee, 1995) montrait que le budget « santé » des plus de 60 ans est 1,6 fois supérieur au budget « santé » des ménages français. Ces données sont corrélées par des enquêtes plus récentes de l’Irdes [10], montrant que le budget passe de 771 €/an pour les 65-74 ans à 971 €/an pour les plus de 75 ans. Plus l’âge augmente, plus le budget santé devient important. En situation économique difficile, cette charge financière peut être un frein à la persistance des traitements. L’inscription de la maladie d’Alzheimer sur la liste des pathologies ouvrant droit à une prise en charge à 100 % par la caisse primaire d’assurance-maladie (ALD 30) est là pour limiter ce phénomène. La population des plus de 65 ans est aujourd’hui un groupe hétérogène avec des spécificités physiques, économiques et sociales. En raison de cette hétérogénéité, des états polypathologiques, d’une prévalence de la fragilité plus importante et d’une susceptibilité accrue à la iatrogénie, les personnes âgées sont ainsi bien souvent sous-représentées dans les essais thérapeutiques [11]. Lorsqu’elles y sont présentes, elles constituent un groupe de petite taille. Une méta-analyse récente soulignait les limites méthodologiques de ces études réalisées sur des populations de petite taille [12]. Cette sousreprésentation conduit le médecin à extrapoler un bénéfice attendu vis-à-vis d’une pathologie à une population sur laquelle le traitement n’a pas toujours été testé. Au regard 22 des spécificités physiologiques des sujets âgés (absorption, fixations protéiques, modification du volume de distribution, altérations rénale et/ou hépatique), le risque iatrogène et donc le risque d’inobservance sont plus importants. Observance L’observance repose donc sur le principe de suivi de la règle, édictée par d’autres, la compréhension n’étant pas nécessaire. À cette notion stricte, même chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer, nous préférerons le terme « d’adhésion au traitement ». De nombreux travaux sur le concept d’observance permettent de proposer un récapitulatif général concernant l’observance chez la personne âgée. Le tableau 1 résume assez bien les variables d’intérêts dans cette thématique, il propose un ensemble de variables réévalué selon la littérature. La prévalence générale de l’observance chez le sujet âgé varie selon les définitions retenues pour l’observance et la méthodologie de l’étude. Les taux d’observance constatés varient de 26 à 59 %, tous médicaments confondus [15]. L’inobservance se décompose pour la plus grande partie en une sousutilisation du traitement prescrit. Ainsi, 90 % des patients non adhérents le sont par une réduction des doses, horaires, voire l’arrêt de certains traitements [16]. Les 10 % restants de patients inobservants le sont sur un mode de surconsommation [16]. Cette observance et ses facteurs restent complexes à expliquer. Si l’information du patient et sa formalisation jouent un rôle certain dans l’observance [17-19], les rapports sont complexes et de nombreuses inconnues persistent dans l’explication de l’observance chez la personne âgée [15, 19]. Très peu d’études se sont spécifiquement attachées à explorer l’observance chez les patients touchés par la maladie d’Alzheimer. À partir des données générales sur l’inobservance, on peut tirer un certain nombre d’éléments concernant de façon plus spécifique le patient souffrant de troubles cognitifs. Ainsi, au regard des déterminants de l’observance établis par Barbeau et al. (figure 1), le sujet souffrant de maladie d’Alzheimer est plus à risque d’inobservance, en raison de la diminution de ses capacités d’apprentissage et de mémorisation des instructions qui lui ont été données. Col et al. [20], dans une autre étude, expliquaient que les facteurs statistiquement associés au risque de non-adhésion aux traitements chez les sujets âgés hospitalisés étaient : le sexe féminin, le fait de ne pas se rappeler son traitement, sa posologie, ou la nécessité de la prise, l’intervention de nombreux médecins, et la multiplicité des traitements. Cependant, cet état pathologique n’est que l’un des éléments contributifs à un défaut d’adhésion thérapeutique. La connaissance de la gravité de la maladie et de l’efficacité du traitement est un des déterminants favorisant l’observance du patient. Cette donnée s’intègre dans la nécessité d’une annonce diagnostique de qualité. Il semble difficile • Annales de Gérontologie • vol 3, n° spécial 1, février 2011 • OBSERVANCE ET PERSISTANCE DU TRAITEMENT : PARTICULARITÉS DANS LA MALADIE D’ALZHEIMER Tableau 1. Principaux déterminants de l’observance [13, 14]. Table 1. Main determinants of compliance [13, 14]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Déterminants de l’observance Caractéristiques Influence sur l’observance Remarques des auteurs du tableau Données actuelles de la littérature (CRESIF) Sociales Age Indirecte Attention aux 75 ans et plus Sexe Indirecte Éducation Indirecte Ethnie Variable Isolement social Variable Statut économique Soutien naturel Variable Inconnue Les femmes sont plus exposées parce qu’elles reçoivent plus d’ordonnances L’éducation peut influencer les valeurs et les comportements La juxtaposition des facteurs de communication et d’éducation peut influencer l’observance L’isolement social peut entraîner un manque de motivation et une perception négative de la personne Facteur second Le soutien familial est l’élément clé Facteur associé à l’isolement social Pas d’influence directe Facteur retrouvé Physiques Dextérité Directe Acuité visuelle et auditive Directe Cognitives Capacité de mémorisation et d’apprentissage Psychologiques Perception de l’individu Acceptation des limites physiques et mentales Perception de la gravité de la maladie Maladies chroniques Gravité de la maladie Facteur non retrouvé dans la littérature Non retrouvé Retrouvé Non retrouvé Non étudié précisément La perte de dextérité cause des difficultés à manipuler Retrouvé certains contenants dits sécuritaires La diminution de l’acuité visuelle et auditive entraîne Retrouvé des difficultés de compréhension des instructions verbales et écrites Directe La diminution de la capacité d’apprendre et de retenir des instructions réduit l’impact de l’information Retrouvé Directe Une attitude négative entraîne à l’égard du traitement Retrouvé Inconnue Le refus de ses limites rend improbable l’acceptation du traitement La perception négative de la maladie et du traitement modifie l’observance Les traitements prolongés favorisent l’abandon La connaissance de la gravité de la maladie et de l’efficacité du traitement favorise l’observance Les maladies asymptomatiques favorisent l’inobservance Non prévisibles, sauf en présence de maladies psychiatriques où l’inobservance est constante Le patient informé de sa maladie et de son traitement est plus enclin à faire exécuter sa prescription Non étudié Directe Directe Variable Symptômes Polypathologies Directe Variable Ordonnances Directe Contenants Variable Etiquette Directe Nombre de médicaments Simplicité de l’ordonnance Effets indésirables Directe Directe Indirecte Couleur des comprimés Inconnue Milieu physique Inconnue Les contenants mal adaptés compliquent la prise de médicaments Les indications doivent être précises et complètes pour en faciliter la compréhension Le nombre d’erreurs et d’oublis est directement proportionnel au nombre de médicaments Le nombre de doses quotidiennes va de pair avec le nombre de médicaments Le lien entre les effets indésirables et le médicament est peu marqué La similarité physique des comprimés peut compromettre la gestion du traitement L’aménagement non favorable à la confidentialité diminue la communication avec le malade Non étudié Retrouvé Retrouvé Retrouvé Retrouvé Retrouvé, ainsi que la qualité de l’explication Retrouvé massivement Retrouvé Retrouvé Retrouvé Retrouvé de façon importante Retrouvé, avec en plus des questions de taille et de goût Non étudié (suite) • Annales de Gérontologie • vol 3, n° spécial 1, février 2011 • 23 JEAN-LUC NOVELLA, STÉPHANE SANCHEZ, Ann Gerontol 2011 ; 3 (n° spécial 1) : 21-7 MAX PRUDENT Tableau 1 (suite) Déterminants de l’observance Caractéristiques Influence sur l’observance Remarques des auteurs du tableau Données actuelles de la littérature (CRESIF) Médecin Directe La mauvaise relation patient-médecin favorise l’inobservance Retrouvé Pharmacien Directe Le pharmacien peut évaluer la fidélité au traitement Retrouvé sous forme de conseils Autres professionnels Directe Infirmières, diététiciens, travailleurs sociaux et autres professionnels de la santé peuvent influencer l’attitude du malade face à son traitement Retrouvé Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Composante sociale d’envisager une observance thérapeutique ou une adhésion au traitement si le patient ne se sait ou ne se croit pas malade. Cette annonce doit contribuer à la mise en place d’un projet thérapeutique et d’un plan suivi, négocié avec le patient, permettant de minorer un défaut d’adhésion au traitement. L’isolement est également un déterminant de l’inobservance. Celui-ci est fréquent chez le patient atteint de la maladie d’Alzheimer dont l’observance pourrait être un indicateur de prise en charge, notamment au niveau du soutien formel ou informel dont il bénéficie. Aujourd’hui la population vieillit, et c’est en vieillissant que les rapports intergénérationnels sont les plus importants : 50 % des sujets âgés reçoivent l’aide de leurs enfants et la même proportion de personnes âgées aident leur descendance. Seules 20 % des personnes aidées le sont par une aide extérieure et environ 80 % des aidants sont des femmes. L’entourage, la prise en charge adaptée au sein d’une institution, à domicile et généralement, nécessitent un scénario où chaque acteur (social, médical, familial) trouve sa place. La presbyacousie est un phénomène fréquent, sa prévalence élevée chez la personne âgée peut être un paramètre influençant la conduite et l’adhésion au traitement. Si le lien entre la maladie d’Alzheimer et la presbyacousie n’est pas démontré de façon claire et fait encore débat [21], on imagine que l’atteinte sensorielle et l’absence d’appareillage jouent un rôle dans la communication du patient avec son aidant et le praticien. Si l’information et la communication sont au cœur du suivi, la presbyacousie peut être un sérieux frein à celles-ci. Les problèmes liés à l’altération de la vision sont aussi un écueil dans l’adhésion [22] et la persistance des anticholinestérasiques. Les formes galéniques, la couleur et la posologie sont aussi des facteurs de risque. Les traitements de la maladie d’Alzheimer sont complexes à mettre en place, et l’on imagine aisément qu’un changement dans la forme ou la couleur des comprimés peut avoir un effet néfaste sur l’adhésion. Cependant, l’absence d’étude sur le sujet rend difficile l’établissement d’un rapport de cause à effet véritable. Le passage en forme généricable des anticholinestérasiques d’ici deux ans devrait permettre des études sur le sujet. 24 Le médicament est un des aspects du projet thérapeutique négocié. Les traitements spécifiques de la maladie d’Alzheimer ont fait l’objet d’une recommandation de la HAS récente [23]. On retrouve dans ces recommandations la possibilité d’instaurer un traitement quel que soit le stade de la maladie, après évaluation du rapport bénéfice/risque. Cependant, il reste recommandé dans le stade léger d’utiliser les inhibiteurs de la cholinestérase, dans les stades modérés les anticholinestérasiques ou les glutamatergiques, dans les stades sévères uniquement les glutamatergiques. Ces recommandations sont corrélées et étayées par trois méta-analyses [1-3], elles impliquent une évaluation constante du rapport bénéfice/risque du traitement dans la pathologie d’Alzheimer. Cela suppose une réévaluation périodique du projet thérapeutique négocié. La mise en place d’un traitement médicamenteux ne se conçoit que sur un argumentaire bénéfice/risque en faveur du patient. Le bénéfice des anticholinestérasiques reste limité. Roe et al. [24] montrent lors d’une étude rétrospective que les patients atteints de démence sous anticholinestérasique prennent un traitement anticholinergique dans 33,0 % des cas versus 23,4 % pour le groupe témoin non dément. Ces données suggèrent une prévalence de la polymédicamentation anticholinergique plus élevée chez les patients déments. Ces traitements symptomatiques peuvent également altérer la qualité de vie des patients par leurs effets indésirables. C’est l’un des éléments bien argumentés dans la littérature concernant l’inobservance. Aussi il est nécessaire, lors de la négociation du projet thérapeutique proposé aux patients, d’aborder ces possibles désagréments et d’envisager avec eux la conduite pratique en cas de survenue. Pour les anticholinestérasiques, on peut regrouper les effets secondaires en fonction de leur fréquence attendue. Ainsi, dans plus de 1 cas sur 100, il est possible de retrouver : anorexie, hallucination, agitation, agressivité, diarrhée, vomissements, nausées, rash cutané, crampes musculaires, incontinence, fatigue, céphalées, douleurs, vertiges. Dans plus de 1 cas sur 1 000, il est possible de retrouver : convulsion, hémorragies gastro-intestinales, ulcère gastrique, bradycardie. • Annales de Gérontologie • vol 3, n° spécial 1, février 2011 • Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. OBSERVANCE ET PERSISTANCE DU TRAITEMENT Ces effets surviennent majoritairement à l’instauration du traitement et ne durent généralement pas plus d’une semaine. Cette mauvaise tolérance clinique peut cependant être la source d’un défaut d’observance [25], notamment devant les effets digestifs aigus (perte de poids, anorexie, diarrhée). Il est aussi à souligner que dans la méta-analyse de Birks et al. [26], les effets indésirables des traitements anticholinestérasiques sont responsables d’arrêt dans 18 % des cas versus 8 % dans le groupe placebo (OR = 2,32 ; IC 95 % 1,95-2,76 ; p < 0,00001), et que la survenue d’effets indésirables est beaucoup plus fréquente sous anticholinestérasiques que sous placebo (OR = 2,51 ; IC 95 % 2,14-2,95 ; p < 0,00001). La galénique utilisée peut jouer un rôle dans l’observance des traitements. Les nouveautés récentes en matière de voie d’administration ouvrent de nouveaux horizons en termes de tolérance, d’adhésion et de mise en pratique pour l’aidant. La disponibilité de formes à libération prolongée ou utilisant la voie transdermique permet un dosage optimal par rapport à la prise de capsule de la même molécule deux fois par jour [27]. La prise trois fois par jour de certains traitements améliore les effets d’intolérance, notamment digestive [28], mais nécessite la présence d’un aidant plus souvent. D’autres voies d’avenir sont à l’étude sur l’animal [29], comme des capsules sous-cutanées à libération prolongée. Des formes à libération continue sont actuellement en essai [30]. Les glutamatergiques utilisés dans les formes modérées à sévères présente globalement une bonne tolérance. La fréquence de survenue d’effets indésirables ne diffère significativement pas du placebo. Dans 1 cas sur 100 on retrouve la survenue de vertiges, céphalées, somnolence, hypertension, dyspnée, constipation. Et dans 1 cas sur 1 000 la survenue : d’infections fongiques, troubles de la marche, confusion, insuffisance cardiaque, thrombose veineuse, vomissements, fatigue. Il paraît donc nécessaire d’informer au mieux les praticiens et acteurs de la prise en charge du patient Alzheimer concernant la iatrogénie et son rôle dans l’inobservance [25]. Parmi le faible nombre d’études s’étant spécifiquement intéressées à l’observance chez le sujet souffrant de maladie d’Alzheimer, Gardette et al. dans une étude prospective [25] ont récemment montré que la prévalence de la non-adhésion était de 12,7 pour 100 patients traités par an (taux d’arrêt de 3,6, taux de changement de 9,1) chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Les résultats de l’analyse multivariée montrent que les facteurs d’inobservance entraînant un changement de thérapeutique sont les suivants : l’inefficacité des anticholinestérasiques, un déclin cognitif rapide, une hospitalisation sans rapport avec la maladie d’Alzheimer et des manifestations d’anxiété. Les facteurs de risque d’arrêt sont les suivants : une hospitalisation avec ou sans rapport avec la maladie d’Alzheimer, la prise de médicaments anticholinergiques et la perte de poids traduisant la mauvaise tolérance digestive. : PARTICULARITÉS DANS LA MALADIE D’ALZHEIMER Certaines équipes ont présenté des résultats intéressants concernant l’utilisation d’un pilulier qui serait gage d’une adhérence au traitement de plus de 90 % [31]. Il est cependant à noter que l’assistance à la mise en place du pilulier pourrait être la cause de ces résultats très élevés. En somme, l’adhésion au traitement est le fruit de multiples paramètres dont les principaux semblent être l’information du patient et la formation de l’aidant [32], la communication dans la relation médecin/malade, ainsi que le suivi et l’éducation du patient comme de l’aidant. Le patient atteint d’une maladie d’Alzheimer ou d’un syndrome apparenté est un patient complexe. Sa prise en charge demande une évaluation permanente des bénéfices/risques réalisée par le soignant, tant au niveau de la thérapeutique que de l’ensemble des mesures associées à la vie quotidienne. Le caractère multifactoriel de l’adhésion relève ainsi d’une prise en charge globale et cohérente, prenant en compte les déterminants liés au milieu, à l’individu et aux traitements. La persistance La persistance peut être définie comme le fait de persister à prendre son traitement sur un temps défini nécessaire en se conformant à la prescription [33]. Cette notion rejoint celle de l’adhésion au traitement en incluant la notion de temporalité nécessaire au fonctionnement du traitement. Cette continuité dans la prise du traitement est nécessaire pour une prise en charge de qualité. La persistance est donc un outil qualitatif à part entière, dont l’importance est capitale dans la gestion de la maladie [34]. La personne âgée, lorsque ses attentes restent insatisfaites ou lorsque les réponses aux questions qu’elle se pose ne sont pas apportées, présente un plus grand risque d’interruption de traitement [35]. Les études qui s’intéressent à la persistance thérapeutique dans la maladie d’Alzheimer sont peu nombreuses. Elles comparent majoritairement les différents traitements disponibles [36-38]. La persistance d’un traitement anticholinestérasique à un an semble significativement moins importante chez les plus de 80 ans. Par ailleurs, on retrouve une persistance significativement plus marquée chez les patients pour lesquels un traitement antidépresseur est présent au moment de l’introduction d’un traitement spécifique [39].1 Les facteurs explicatifs de la persistance thérapeutique apparaissent globalement liés à ceux de l’observance. Un anticholinestérasique prescrit par le spécialiste, impliquant les aidants, et étant bien toléré par le patient a toutes les chances d’être suivi dans le temps. Cela implique une prise 1 Les psychotropes n’ont pas d’effet préventif sur la survenue des TCP. Il n’est pas recommandé de prescrire en première intention et sans évaluation préalable un traitement par psychotrope, en particulier neuroleptique, en cas d’opposition, de cris, de déambulations. • Annales de Gérontologie • vol 3, n° spécial 1, février 2011 • 25 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. JEAN-LUC NOVELLA, STÉPHANE SANCHEZ, Ann Gerontol 2011 ; 3 (n° spécial 1) : 21-7 MAX PRUDENT en charge de qualité, une pédagogie et une empathie réelle de la part du spécialiste. L’impact du médecin généraliste est assez peu étudié mais il paraît logique que la prise en charge conjointe et coordonnée soit un gage de suivi et d’un renouvellement d’ordonnance mieux accepté. En effet, comme le recommande la HAS [23], le médecin traitant doit reprendre l’annonce du diagnostic et continuer de délivrer l’information en relai du spécialiste afin de redevenir le prescripteur qui conduit et renouvelle le traitement dans une démarche globale. Le rôle des médecins spécialistes, et notamment celui du gériatre, doit se concevoir sur un mode de partenariat actif avec le médecin traitant, permettant d’assurer une persistance optimale. En effet, les informations nécessaires à un suivi de qualité sont multiples avec, notamment, une connaissance du statut cognitif du patient, de l’existence de troubles psycho-comportementaux, de son statut fonctionnel, nutritionnel, sensoriel, et de sa satisfaction vis-à-vis de son existence. Le suivi nécessite également des informations sur le ou les aidant(s) et notamment sur leur propre état de santé et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer au quotidien. Une telle collecte d’informations ne peut se concevoir que dans le cadre d’un partenariat dynamique des acteurs. L’adhésion au traitement et la persistance de celui-ci sont intimement liées à la satisfaction du patient vis-à-vis de la prise en charge proposée. Il serait illusoire de penser que le médicament à lui seul peut générer cette satisfaction. Le médicament doit se concevoir dans une prise en charge thérapeutique plus large, intégrant des notions de réadaptation, de stimulation, de soutien et de valorisation de l’individu. Conclusion L’observance est aujourd’hui un paramètre difficile à étudier. Cette adhésion au traitement se fait nécessairement par une implication forte du patient et surtout dans le cas du patient Alzheimer, de son aidant. Globalement, la persistance à un an des traitements spécifiques reste perfectible. L’amélioration de l’observance et de la persistance des traitements passe par une optimisation des approches médicamenteuses et non médicamenteuses ainsi que par la collaboration de l’ensemble des acteurs impliqués dans la prise en soin du patient. Cette collaboration nécessite des échanges entre les différents partenaires pour identifier les attentes et les possibilités d’action de chacun, au mieux des intérêts du patient. Remerciements et autres mentions. Financement : aucun. Conflit d’intérêts : aucun. RÉFÉRENCES 1. Lanctot KL, Herrmann N, Yau KK, et al. Efficacy and safety of cholinesterase inhibitors in Alzheimer’s disease: a meta-analysis. CMAJ 2003 ; 169 : 557-64. 13. Barbeau G, Guimond J, Maller C. Observance du régime médicamenteux. Médicaments et personnes âgées. Paris : Maloine, 1991 : 576. 2. Raina P, Santaguida P, Ismaila A, et al. Effectiveness of cholinesterase inhibitors and memantine for treating dementia: evidence review for a clinical practice guideline. 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