
mesure. Pour cette raison, il existe très peu d’études ayant
spécifiquement ciblé ce sujet.
Dans ce contexte, le patient âgé et encore plus le patient souf-
frant de maladie d’Alzheimer, qui par définition présente des
capacités cognitives altérées, nécessite une prise en charge
particulière quant à l’observance et à la persistance du traite-
ment. La prise en charge pluridisciplinaire, mais surtout le rôle
pivot de la médecine générale, sont gages du respect et de la
persistance des traitements spécifiques.
En raison d’un état polypathologique, les personnes
âgées ont des particularités en termes de consommation
médicamenteuse.
Environ 1,5 million de personnes âgées consommeraient plus
de 7 médicaments par jour, de classes thérapeutiques différen-
tes [6]. Ce phénomène semble s’accentuer depuis les années
1990, il est encore plus marqué pour les personnes institution-
nalisées. La seule donnée française disponible est l’enquête
Paquid [7] : avec une moyenne de 5,2 médicaments par jour
pour les patients institutionnalisés versus 3,9 chez les plus de
65 ans vivant à domicile. L’enquête ESPS de l’Irdes [8]
en 2000 montre par ailleurs la proportion des médicaments
consommés chez les plus de 65 ans : 51 % de médicaments
cardiovasculaires, 21 % de médicaments du système nerveux
central, 17 % pour l’appareil digestif, 16 % pour l’appareil loco-
moteur, 16 % pour les psychotropes.
La consommation médicamenteuse s’avère être assez concen-
trée, ainsi 16 % de la population consomment 39 % des
médicaments prescrits chaque année [9].
Une enquête « budget et ménage » (Insee, 1995) montrait que
le budget « santé » des plus de 60 ans est 1,6 fois supérieur au
budget « santé » des ménages français. Ces données sont
corrélées par des enquêtes plus récentes de l’Irdes [10],
montrant que le budget passe de 771 €/an pour les 65-74 ans
à 971 €/an pour les plus de 75 ans. Plus l’âge augmente, plus
le budget santé devient important. En situation économique
difficile, cette charge financière peut être un frein à la persis-
tance des traitements. L’inscription de la maladie d’Alzheimer
sur la liste des pathologies ouvrant droit à une prise en charge
à 100 % par la caisse primaire d’assurance-maladie (ALD 30)
est là pour limiter ce phénomène.
La population des plus de 65 ans est aujourd’hui un groupe
hétérogène avec des spécificités physiques, économiques et
sociales. En raison de cette hétérogénéité, des états polypatho-
logiques, d’une prévalence de la fragilité plus importante et
d’une susceptibilité accrue à la iatrogénie, les personnes
âgées sont ainsi bien souvent sous-représentées dans les essais
thérapeutiques [11]. Lorsqu’elles y sont présentes, elles consti-
tuent un groupe de petite taille. Une méta-analyse récente
soulignait les limites méthodologiques de ces études réalisées
sur des populations de petite taille [12]. Cette sous-
représentation conduit le médecin à extrapoler un bénéfice
attendu vis-à-vis d’une pathologie à une population sur
laquelle le traitement n’a pas toujours été testé. Au regard
des spécificités physiologiques des sujets âgés (absorption,
fixations protéiques, modification du volume de distribution,
altérations rénale et/ou hépatique), le risque iatrogène et
donc le risque d’inobservance sont plus importants.
Observance
L’observance repose donc sur le principe de suivi de la règle,
édictée par d’autres, la compréhension n’étant pas nécessaire.
À cette notion stricte, même chez les patients atteints de mala-
die d’Alzheimer, nous préférerons le terme « d’adhésion au
traitement ». De nombreux travaux sur le concept d’obser-
vance permettent de proposer un récapitulatif général concer-
nant l’observance chez la personne âgée. Le tableau 1 résume
assez bien les variables d’intérêts dans cette thématique, il
propose un ensemble de variables réévalué selon la littérature.
La prévalence générale de l’observance chez le sujet âgé varie
selon les définitions retenues pour l’observance et la métho-
dologie de l’étude. Les taux d’observance constatés varient
de 26 à 59 %, tous médicaments confondus [15]. L’inobser-
vance se décompose pour la plus grande partie en une sous-
utilisation du traitement prescrit. Ainsi, 90 % des patients non
adhérents le sont par une réduction des doses, horaires, voire
l’arrêt de certains traitements [16]. Les 10 % restants de
patients inobservants le sont sur un mode de surconsommation
[16]. Cette observance et ses facteurs restent complexes à
expliquer. Si l’information du patient et sa formalisation jouent
un rôle certain dans l’observance [17-19], les rapports sont
complexes et de nombreuses inconnues persistent dans
l’explication de l’observance chez la personne âgée [15, 19].
Très peu d’études se sont spécifiquement attachées à explorer
l’observance chez les patients touchés par la maladie d’Alzhei-
mer. À partir des données générales sur l’inobservance, on
peut tirer un certain nombre d’éléments concernant de façon
plus spécifique le patient souffrant de troubles cognitifs. Ainsi,
au regard des déterminants de l’observance établis par Bar-
beau et al. (figure 1), le sujet souffrant de maladie d’Alzheimer
est plus à risque d’inobservance, en raison de la diminution de
ses capacités d’apprentissage et de mémorisation des instruc-
tions qui lui ont été données. Col et al. [20], dans une autre
étude, expliquaient que les facteurs statistiquement associés au
risque de non-adhésion aux traitements chez les sujets âgés
hospitalisés étaient : le sexe féminin, le fait de ne pas se
rappeler son traitement, sa posologie, ou la nécessité de la
prise, l’intervention de nombreux médecins, et la multiplicité
des traitements.
Cependant, cet état pathologique n’est que l’un des éléments
contributifs à un défaut d’adhésion thérapeutique. La connais-
sance de la gravité de la maladie et de l’efficacité du traite-
ment est un des déterminants favorisant l’observance du
patient. Cette donnée s’intègre dans la nécessité d’une
annonce diagnostique de qualité. Il semble difficile
22 •Annales de Gérontologie •vol 3, n° spécial 1, février 2011 •
JEAN-LUC NOVELLA,STÉPHANE SANCHEZ,MAX PRUDENT
Ann Gerontol 2011 ; 3 (n° spécial 1) : 21-7
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