Industrie Mix marketing
Fabre. Les poids lourds du secteur élè-
vent aujourd’hui la réorientation de leur
dépense de marketing au rang de prio-
rité stratégique. « L’instauration à comp-
ter du 1er janvier 2009 des Agences ré-
gionales de santé (ARS), implique pour
nous la mise en œuvre de nouvelles stra-
tégies », commente Jacques Cessot, vice-
président de Sanofi-Aventis. A ses yeux,
trois bouleversements majeurs sont à
l’oeuvre en France. Le premier renvoie à
la fin de la médecine libérale. Les piliers
de cette institution sont déjà en train de
s’effondrer : « La liberté de choix du mé-
decin par le patient, c’est fini !
Plus de flexibilité
La liberté de prescription, c’est qua-
siment fini ! La liberté du lieu d’ins-
tallation pour le médecin, elle n’existe
plus ! Enfin, la brèche est ouverte pour
démonter le dernier bastion de la
médecine libérale en France qu’est le
paiement à l’acte », affirme ce dernier.
Le second bouleversement concerne le
monopole des officines de pharmacie
sur la distribution du médicament, qui
sera balayé tôt ou tard, sous la pression
de l’Europe. Le troisième changement
affectera l’hôpital, soumis à une poli-
tique plus stricte de maîtrise des coûts et
qui sera contraint à une utilisation plus
rationnelle des ressources allouées. « On
aura des Ondam qui se déclineront en
Ordam2», prédit Jacques Cessot. Pour le
vice-président « ces transformations liées
à la mise en place des ARS, loin d’être
négatives, représentent une opportunité
exceptionnelle pour se doter d’un avan-
tage compétitif décisif ». Les grandes
entreprises du secteur s’apprêtent à réor-
ganiser profondément leurs structures
commerciales : « Nous allons repenser
les systèmes d’information de nos clients
et les déconcentrer », ajoute-t-il encore :
« Les armées de visiteurs médicaux avec
leur organisation pyramidale doivent
disparaître », dit celui qui dirige 3 000
visiteurs médicaux. « Nous devons éla-
borer une organisation commerciale par
territoire, plus flexible, fonctionnant en
synergie entre les différents acteurs du
système ». Même analyse pour Domi-
nique Amaury, pdg d’Eli Lilly France :
« La visite médicale traditionnelle reste
le plus puissant vecteur promotion pour
nos produits. Cependant, elle apparaît
de moins en moins rentable et nous
assistons à une réduction des forces de
ventes dans tous les pays du monde ».
Une chose est sûre, l’instauration des
ARS, incitera les laboratoires à mieux
distribuer leur force de frappe, en fonc-
tion des concentrations de populations,
de leur répartition géographique. Le
contenu des messages promotionnels
doit lui aussi évoluer, « pour s’adapter à
l’épidémiologie spécifique des régions »,
indique Jacques Cessot : « les taux d’em-
bolie pulmonaires ne sont pas les mêmes
à Lille ou à Nice. Au final, cette révolu-
tion n’engendrera pas moins de baisses
de prix ni moins de régulation, mais
un degré de liberté supérieur pour les
grands laboratoires ».
Nouvelles approches
Dominique Amaury constate que le
morcellement du système de santé
conduit à une clientèle de plus en
plus diversifiée : « Certains médecins
privilégient la relation avec le visiteur
médical, d’autres, plus scientifiques,
préfèrent s’informer lors de congrès.
Quant au plus jeunes, ils utilisent es-
sentiellement l’outil Internet ». Face
à cette situation, le patron d’Eli Lilly
formule trois pistes de travail. La pre-
mière consiste étendre le champ d’ac-
tion commercial de l’entreprise à des
domaines jusqu’ici réservés aux méde-
cins : « A ce jour, nous nous sommes
contentés de vendre du médicament.
Il nous faudra désormais nous pen-
cher sur la dimension du diagnostic,
du régime alimentaire et de la psy-
chologie du patient. Et cette nouvelle
approche n’est pas facile à mettre en
oeuvre en France, parce qu’elle suscite
beaucoup de méfiance ». Deuxième
préconisation : mettre l’accent sur la
qualité de l’information. Le pdg d’Eli
Lilly estime « plus efficace de commu-
niquer de médecin à médecin » plutôt
que d’avoir recours au délégué médi-
cal. Troisième axe, prendre sa place sur
Internet, créer des hot Line 24h/24
« pour délivrer une information de
qualité aux médecins, réaliser de bons
sites. Le Web c’est un investissement
de longue haleine qui sera payant en
termes de résultat et d’image ». Mais
en la matière, il y a encore loin de la
coupe aux lèvres. n
Gilles Naudy
(1) Selon la Cegedim.
(2) Objectif national de dépenses d’as-
surance-maladie, décliné en objectif «
régional » (Ordam).
Le mix et l’informatique : la ruée sur l’Internet
« Le monde de l’industrie pharmaceutique a tendance à être réfractai-
re aux changements » juge Vincent Varlet, directeur de la communica-
tion du laboratoire américain Wyeth. « Or, le marché a changé. Le web
médecin existe ! », proclame-t-il, chiffres à l’appui : « le haut débit est
fortement représenté chez les professionnels de santé, en moyenne équi-
pés d’1,7 ordinateur par personne ; 40 % des médecins recommandent
des sites Internet à leurs patients ; 98 % des médecins sont équipés de
mobiles et 72 % d’entre eux suivent une FMC on-line ». Vincent Varlet
cite en exemple le site internet de son groupe, intitulé DocteurW.com,
fort de 25 000 abonnés. Un groupe qui mise résolument sur la toile.
LES CANAUX
DE COMMUNICATION
SE TRANSFORMENT.
64
PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2008