Dans le contexte de fortes mu-
tations auxquelles est soumis
le secteur de la pharma, les
dépenses promotionnelles et
de marketing des grandes entreprises
mondiales ne baissent pas la garde, ou
peu. Elles atteignent au plan mondial
88 milliards de dollars en 20071,
dont 64,4 % sont consa-
crées à la visite médicale.
Le reste se partage en-
tre les échantillons
(11,1 %), les RP ou
meeting (10,3 %), le
Direct to consumers
(ou DTC, 9,2 %),
la publicité (1,5 %)
ou encore la recher-
che clinique (1,3 %).
Le leader mondial, Pfizer,
est aussi le leader en la matière,
avec 5,7 milliards de dollars consacrés
à sa promotion, suivi de GSK (5,4),
Novartis (4,5 %) et MSD (4,1), loin
devant Sanofi-Aventis (3,4 milliards
de dollars).
Au-delà des sommes colossales en
jeu, ce sont les objectifs des politiques
de marketing et les stratégies élaborées
pour les atteindre qui sont désormais
remises à plat en France. Pour les uns,
il s’agit d’anticiper la réforme du systè-
me santé et ses conséquences (la régio-
nalisation). Pour d’autres de s’adapter
au nouvel environnement économi-
que et technologique. « Les canaux
de communication traditionnels
avec les médecins généralis-
tes se transforment sous
la double pression de
l’informatisation ra-
pide de la profession
et de l’explosion des
médicaments géné-
riques », témoigne
le mois dernier, au
Medec, le Dr. Gé-
rard Kouchner, son
président : « Un nombre
croissant de produits issus des
biotechnologies s’adresse aux spécia-
listes. Les généralistes sont de moins
en moins prescripteurs. Nous assistons
au déclin de la visite médicale comme
vecteur de promotion ». Une tendance
lourde, que confirme Vanessa Mon-
daud, directrice du marketing chez
Cegedim : « Si les investissements
promotionnels des big pharma dans
le monde ne cessent d’augmenter, le
poids relatif de la visite médicale, lui,
ne cesse de se réduire. En 2007, elle ne
représente plus que 64 % des dépenses
mondiales, contre 70 % en 2004 ».
Réorientation des dépenses
Les entreprises du secteur tendent
désormais à privilégier les dépenses
de relations publiques. Les dépenses
d’échantillonnage, de communication
(meetings) et DTC (direct consumer)
enregistrent également une forte haus-
se, particulièrement aux Etats-Unis et
au Japon (+ 15 à + 20 % en 2007).
Cette évolution s’observe aussi en
France. Le détail des investissements
promotionnels, hors « detailing » (vi-
site médicale), laisse entrevoir les poli-
tiques futures des grands laboratoires :
Sanofi consacre 28 % de ses dépenses
promotionnelles aux meetings, mais
37,8 % à la publicité. Chez Pfizer
57 % des dépenses vont au DTC
(sevrage tabacologique surtout). Le
groupe Sanofi-Aventis affiche le plus
gros budget de promotion-marketing
en France, suivi de Pfizer et de Pierre
La prochaine réforme du système de santé et la révolution
numérique contraignent les laboratoires de la pharma à
adopter de nouvelles stratégies de marketing. Explications.
62
PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2008
Marketing
Quand le mix
bouscule
la promotion
La VM
décline dans
la promotion
Industrie Mix marketing
Industrie Mix marketing
Fabre. Les poids lourds du secteur élè-
vent aujourd’hui la réorientation de leur
dépense de marketing au rang de prio-
rité stratégique. « L’instauration à comp-
ter du 1er janvier 2009 des Agences -
gionales de santé (ARS), implique pour
nous la mise en œuvre de nouvelles stra-
tégies », commente Jacques Cessot, vice-
président de Sanofi-Aventis. A ses yeux,
trois bouleversements majeurs sont à
l’oeuvre en France. Le premier renvoie à
la fin de la médecine lirale. Les piliers
de cette institution sont en train de
s’effondrer : « La liberté de choix du -
decin par le patient, c’estni !
Plus de flexibilité
La liberté de prescription, c’est qua-
siment fini ! La liberdu lieu d’ins-
tallation pour le médecin, elle n’existe
plus ! Enfin, la brèche est ouverte pour
démonter le dernier bastion de la
médecine libérale en France qu’est le
paiement à l’acte », affirme ce dernier.
Le second bouleversement concerne le
monopole des officines de pharmacie
sur la distribution du médicament, qui
sera balayé tôt ou tard, sous la pression
de l’Europe. Le troisième changement
affectera l’hôpital, soumis à une poli-
tique plus stricte de maîtrise des coûts et
qui sera contraint à une utilisation plus
rationnelle des ressources allouées. « On
aura des Ondam qui se déclineront en
Ordam2», prédit Jacques Cessot. Pour le
vice-psident « ces transformations liées
à la mise en place des ARS, loin d’être
gatives, représentent une opportuni
exceptionnelle pour se doter d’un avan-
tage compétitif décisif ». Les grandes
entreprises du secteur s’apprêtent à réor-
ganiser profonment leurs structures
commerciales : « Nous allons repenser
les systèmes d’information de nos clients
et les déconcentrer », ajoute-t-il encore :
« Les ares de visiteurs médicaux avec
leur organisation pyramidale doivent
dispartre », dit celui qui dirige 3 000
visiteurs médicaux. « Nous devons éla-
borer une organisation commerciale par
territoire, plus exible, fonctionnant en
synergie entre les différents acteurs du
système ». Même analyse pour Domi-
nique Amaury, pdg d’Eli Lilly France :
« La visite médicale traditionnelle reste
le plus puissant vecteur promotion pour
nos produits. Cependant, elle apparaît
de moins en moins rentable et nous
assistons à une duction des forces de
ventes dans tous les pays du monde ».
Une chose est sûre, l’instauration des
ARS, incitera les laboratoires à mieux
distribuer leur force de frappe, en fonc-
tion des concentrations de populations,
de leur partition géographique. Le
contenu des messages promotionnels
doit lui aussi évoluer, « pour s’adapter à
l’épidémiologie spécifique des régions »,
indique Jacques Cessot : « les taux d’em-
bolie pulmonaires ne sont pas les mêmes
à Lille ou à Nice. Au final, cette révolu-
tion n’engendrera pas moins de baisses
de prix ni moins de gulation, mais
un degré de liberté supérieur pour les
grands laboratoires ».
Nouvelles approches
Dominique Amaury constate que le
morcellement du système de santé
conduit à une clientèle de plus en
plus diversifiée : « Certains médecins
privilégient la relation avec le visiteur
médical, d’autres, plus scientifiques,
préfèrent s’informer lors de congrès.
Quant au plus jeunes, ils utilisent es-
sentiellement l’outil Internet ». Face
à cette situation, le patron d’Eli Lilly
formule trois pistes de travail. La pre-
mière consiste étendre le champ d’ac-
tion commercial de l’entreprise à des
domaines jusqu’ici réservés aux méde-
cins : « A ce jour, nous nous sommes
contentés de vendre du médicament.
Il nous faudra désormais nous pen-
cher sur la dimension du diagnostic,
du régime alimentaire et de la psy-
chologie du patient. Et cette nouvelle
approche n’est pas facile à mettre en
oeuvre en France, parce qu’elle suscite
beaucoup de méfiance ». Deuxième
préconisation : mettre l’accent sur la
qualité de l’information. Le pdg d’Eli
Lilly estime « plus efficace de commu-
niquer de médecin à médecin » plutôt
que d’avoir recours au délégué médi-
cal. Troisième axe, prendre sa place sur
Internet, créer des hot Line 24h/24
« pour délivrer une information de
qualité aux médecins, réaliser de bons
sites. Le Web c’est un investissement
de longue haleine qui sera payant en
termes de résultat et d’image ». Mais
en la matière, il y a encore loin de la
coupe aux lèvres. n
Gilles Naudy
(1) Selon la Cegedim.
(2) Objectif national de dépenses d’as-
surance-maladie, décliné en objectif «
régional » (Ordam).
Le mix et l’informatique : la ruée sur l’Internet
« Le monde de l’industrie pharmaceutique a tendance à être réfractai-
re aux changements » juge Vincent Varlet, directeur de la communica-
tion du laboratoire américain Wyeth. « Or, le marché a changé. Le web
médecin existe ! », proclame-t-il, chiffres à l’appui : « le haut débit est
fortement représenté chez les professionnels de santé, en moyenne équi-
pés d’1,7 ordinateur par personne ; 40 % des médecins recommandent
des sites Internet à leurs patients ; 98 % des médecins sont équipés de
mobiles et 72 % d’entre eux suivent une FMC on-line ». Vincent Varlet
cite en exemple le site internet de son groupe, intitulé DocteurW.com,
fort de 25 000 abonnés. Un groupe qui mise résolument sur la toile.
LES CANAUX
DE COMMUNICATION
SE TRANSFORMENT.
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