4.3c – Les nouveaux matériaux à deux dimensions pour - Fun-Mooc

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MOOC:Comprendrelesnanosciences
4.3c – Les nouveaux matériaux à deux dimensions pour l’électronique.
Je vais vous parler de matériaux à deux dimensions, c'est-à-dire des matériaux dont l'épaisseur est limitée à un
ou quelques atomes seulement. Ces matériaux sont apparus très récemment et font l'objet de nombreuses
recherches.
Le premier de ces matériaux est le graphène. C'est l'archétype du matériau à deux dimensions puisqu'il est
simplement formé d'atomes de carbone sur un plan hexagonal. C'est un matériau qui a des propriétés
surprenantes. Il est par exemple deux fois plus dur que l'acier et beaucoup plus léger. La raison de cette dureté
est liée aux hybridations sp2 des atomes de carbone qui forment les liaisons covalentes entre les atomes. Et ces
liaisons sp2 sont très fortes, elles sont d'ailleurs à trois dimensions responsables de la cohésion des atomes de
carbone dans le diamant qui lui est le matériau le plus dur du monde. Le graphène a été isolé pour la première
fois en 2004 par Geim et Novoselov ce qui leur a fallu d'ailleurs en 2010 le Prix Nobel de Physique.
Alors comment trouve t'on du graphène ? Tout d'abord on le trouve dans du graphite qui est un matériau très
commun qui est en fait simplement formé de plans d'atomes de graphène qui sont liés entre eux par des forces
de van des Waals relativement faibles ce qui vous permet d'écrire avec un crayon de graphite sur une feuille de
papier. Novoselov et Geim ont utilisé une technique extrêmement simple pour isoler leurs premiers plans de
graphène. En fait ils ont pris un morceau de graphite sur lequel ils ont plaqué un ruban de scotch. En décollant le
ruban de scotch, sur ce ruban de scotch restent quelques plans, un certain nombre de plans de graphène.
Ensuite en répétant l'opération avec un autre morceau de scotch on atteint un moment où sur le morceau de
scotch ne reste plus que une ou deux ou trois couches de graphène. Ensuite il suffit de plaquer ce ruban de
scotch sur un substrat par exemple de SiO2, de silicium recouvert de SiO2 pour déposer une ou deux couches de
graphène sur le substrat. D'ailleurs il est remarquablement surprenant de voir qu'on peut très facilement repérer
ces couches de graphène par un microscope optique, on a effectivement, c'est représenté sur la figure ici, un très
bon contraste entre le plan unique de graphène qui est en bleu clair et juste à côté un endroit où il y a 2 plans de
graphène.
La deuxième façon d'obtenir du graphène est de partir de carbure de silicium. Le carbure de silicium c'est un
cristal qui est composé de plans atomiques de silicium alternés avec des plans de carbone. Lorsqu'on porte le
carbure de silicium à très haute température, on finit par désorber les atomes de silicium et on arrive à une
température où il reste en surface un plan de carbone hexagonal fortement lié au silicium dessous et au dessus
de ce plan un feuillet de graphène qui est relativement faiblement lié à ce plan de carbone. Alors cette façon
d'obtenir du graphène permet d'avoir de grandes surfaces de bonne qualité cristallographique mais qui restent
sur ce plan de carbure de silicium qui n'est pas toujours le bon substrat qu'on a envie d'utiliser. En plus, les
cristaux de carbure de silicium sont assez onéreux et ils ne sont pas encore sur de très grandes surfaces.
La dernière façon d'obtenir du graphène c'est ce qu'on appelle la croissance en phase vapeur sur un substrat
métallique, comme par exemple du cuivre ou du nickel. L'idée est de prendre ce substrat métallique, de le porter
à assez haute température sous atmosphère hydrogène de façon à le désexciter, et puis d'introduire à ces hautes
températures, de l'ordre de 1000 degrés, du méthane, c'est-à-dire du CH4. Ce méthane porté à haute
température va craquer, c'est-à-dire que les atomes d'hydrogène vont se détacher du carbone et le carbone va
pouvoir entrer dans le cuivre qui a une très faible solubilité au carbone. Ensuite lorsqu'on refroidit le système, les
atomes de carbone vont à nouveau migrer vers la surface pour former des plans de graphène. Suivant les
températures et les conditions, on a un, deux voire plusieurs plans de graphène. Alors cette technique permet
d'obtenir de très grandes surfaces puisqu'on peut prendre des plaques de cuivre de très grande surface.
Malheureusement, le graphène qu'on obtient est poly-cristallin donc de faible qualité électrique.
Les propriétés physiques du graphène sont intimement liées à son réseau hexagonal. En fait c'est une des
grandes réussites de la physique du solide de pouvoir expliquer et comprendre les propriétés physiques des
matériaux en considérant leur réseau cristallin. Et notamment ce qu'on calcule, c'est ce qu'on appelle la structure
de bande ou la dispersion énergétique. En fait c'est simplement des courbes qui décrivent comment pour une
énergie donnée, comment varie l'énergie des électrons en fonction de leur quantité de mouvement ou plus
exactement de leur vecteur d'onde, car avec la dualité onde-corpuscule on peut considérer que les électrons sont
des ondes qui se propagent dans les matériaux. Je vous montre ici les exemples de la structure de bande du
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silicium qui est un matériau qui est extrêmement important. Donc vous voyez des courbes et ce que vous pouvez
remarquer c'est qu'il y a sur cette courbe des énergies pour lesquelles il n'y a aucun vecteur d'onde possible c'est
ce qu'on appelle la bande interdite ou le gap. Lorsque l'énergie des électrons est dans cette bande d'énergie, il
n'y a pas de propagation possible, c'est un isolant.
La courbe de dispersion du graphène est représentée sur cette figure. Vous voyez qu'elle est extrêmement
différente de celle du silicium. On peut remarquer plusieurs choses. On remarque tout d'abord la présence de ces
cônes qui se touchent et qui montrent qu'il n'y a pas de gap dans le graphène. Donc cette absence de gap va
poser des problèmes pour faire de la commutation avec du graphène. Une autre chose qui est assez
surprenante, c'est que la variation de l'énergie près de ces cônes est linéaire en k. Et cela est très surprenant
parce que dans la plupart des matériaux, l'énergie varie de façon quadratique avec k dans ces points de zone.
Alors cette variation linéaire en k est extrêmement surprenante et n'apparait en physique que dans des cas très
particuliers et c'est le cas notamment des particules relativistes de masse nulle. C'est pour cela qu'on a donné le
nom de cônes de Dirac à ces cônes car c'est Dirac qui au début du 20ème siècle a écrit le premier l'équation de
particule relativiste de masse nulle et a montré que l'énergie variait proportionnellement avec k. Alors tout se
passe dans le graphène comme si les électrons avaient une masse nulle. Alors ils ne se déplacent pas avec la
vitesse la lumière comme les particules relativistes ou proches de celle de la lumière mais à une vitesse qui est
de l'ordre de 300 fois plus faible que celle de la lumière.
Alors que se passe t'il si on applique un champ électrique au graphène ? On peut construire ce dispositif qui est
montré sur cette diapositive qui ressemble un peu à ce qu'on ferait pour un MOSFET Silicium. On a posé une
feuille de graphène sur un substrat de silicium dopé recouvert d'une couche isolante de SiO2 et on contacté le
graphène de part et d'autre. On peut donc appliquer une tension dite de grille sur le silicium dopé qui va produire
un champ électrique sur le graphène. Lorsque la tension est fortement négative, on repousse, les électrons.
Ceux-ci sont repoussés dans le cône de Dirac inférieur. Il y a un assez grand nombre d'électrons qui peuvent
participer au transport, ce nombre d'électrons est lié à la surface du cône qui a été coupé. Et la résistance est
relativement faible. Maintenant si on augmente la tension, on va diminuer cette surface, on va diminuer le nombre
d'électrons qui peuvent participer au transport électrique et donc la résistance augmente. Elle augmente de plus
en plus jusqu'à atteindre un maximum lorsqu'on aura situé l'énergie exactement au milieu des deux cônes.
Ensuite lorsqu'on continue à augmenter la tension cette fois-ci positive, on va peupler le cône supérieur d'une
petite surface, puis d'une plus grande, etc., jusqu'à obtenir enfin une résistance à peu près similaire à celle qu'on
avait avec la même tension négative. Donc on voit qu'on arrive à moduler la résistance d'un feuillet de graphène,
malheureusement on ne peut pas avoir de véritable effet ON/OFF c'est à dire que la différence de résistance
entre la résistance la plus faible et la résistance la plus forte n'est pas suffisante pour faire de la commutation
comme on le fait avec un MOSFET. Par contre cette modulation peut-être utilisée pour faire des transistors à très
haute fréquence, effectivement la très forte mobilité du graphène permet de monter très fortement en fréquence
et n a réussi à fabriquer des transistors radio fréquence haute fréquences de très bonne qualité avec du
graphène.
Le graphène est un matériau à deux dimensions c'est à dire qu'il est très sensible à tout son environnement.
Donc pour avoir vraiment du graphène intrinsèque, vraiment lié à lui et pas à son environnement, on a envie de
l'isoler. Un des matériaux de chois pour l'isoler est le BN. Le BN est un matériau qui ressemble beaucoup au
graphène c'est à nouveau des plans hexagonaux de bore et d'azote et cette fois ce matériau est isolant. C'est
même un très bon isolant. Donc on peut réaliser des sandwichs avec des plans de BN et un plan de graphène et
par dessus des plans de BN, donc un espèce de sandwich BN-graphène-BN ce qui permet de bien isoler le
graphène du monde extérieur, et grâce à ces systèmes on a obtenu des mobilités record sur le graphène qui
étaient plusieurs centaines de fois supérieure à celle du silicium. Cet engouement pour les 2D évidemment ne
s'est pas arrêté au graphène, les physiciens ont eu envie de chercher tous les matériaux lamellaires qui
existaient. Un qui est très bien connu des mécaniciens est le bisulfure de Molybden. Ce sont des plans de
Molybden entourés de soufre donc là encore dans un réseau hexagonal mais cette fois-ci il n'y a pas un atome
mais trois atomes d'épaisseur. Il est bien connu des mécaniciens parce que ses plans glissent facilement entre
eux et donc font un excellent lubrifiant. Pour les physiciens, son avantage est que cette fois-ci il présente un gap.
Alors il n a pas de cônes de Dirac donc il n'aura pas des mobilités très fortes comme celles du graphène mais
l'idée est de combiner la mobilité excellente du graphène avec cette propriété d'avoir un gap. Parce que si vous
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avez un gap, vous pouvez utiliser des photons pour exciter des électrons dans le disulfure de Molybdène. Ces
électrons excités vous pouvez les récupérer dans un plan de graphène donc sur l'échantillon qui est montré ici
vous avez des morceaux de bisulfure de Molybdène sur un plan de graphène. Lorsqu'on met un flux de photons
sur ce système là, le MOS2 va capter des photons, créer des paires électrons-trous qui vont pouvoir se propager
dans le graphène qui va lui les évacuer très rapidement vers les contacts grâce à ses très grandes mobilités. On
peut donc obtenir ainsi des détecteurs de photons extrêmement rapides. De nouveaux matériaux 2D sont
apparus récemment, le silicène, le phosphore blanc, etc.. Et tous ces matériaux ont des propriétés qui sont
différentes les unes des autres et donc on a très envie de faire des empilements de ces matériaux les uns sur les
autres de façon à pouvoir profiter des propriétés complémentaires de ces matériaux et fabriquer des dispositifs ou
des composant qui présentent des propriétés multiples. Et ces propriétés multiples qu'on peut utiliser pour des
capteurs, des transducteurs, sont extrêmement importants pour l'internet des objets. Alors évidemment, il y a un
verrou principal qu'il faut lever qui est de pouvoir être capable de fabriquer ces matériaux en grandes quantités
sur de grandes surfaces et de très bonne qualité avant de pouvoir faire concurrence au silicium.
Dominique Mailly
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