
À quoi sert la
logique
?
existe un argument d'une forme similaire à (B) et dont les prémisses sont vraies et la conclusion
fausse devrait attenter à la force de (B) lui-même. La validité ou la non-validité de l'argument, je
l'accorde, serait une question d'importance si notre intérêt s'étendait au-delà de la vérité de la
conclusion, et portait sur la question de la validité de l'argument. (La logique est importante du
point de vue logique). Mais je tiens que si, dans notre investigation du monde, nous nous
intéressons à la validité d'un argument particulier, c'est à cause de l'aide qu'il peut nous apporter
dans la recherche de la vérité, non pour son propre compte.
Il me semble que l'épistémologie peut être caractérisée correctement comme cette partie de
la théorie de la connaissance qui tente de procéder à des distinctions entre les propositions, non
eu égard à leur valeur de vérité, mais eu égard à la manière dont elles sont affectées par les
procédures d'investigation auxquelles nous les soumettons. Elle a pour objets des concepts
comme la vérification et la confirmation, le soutien ou la falsification. La méthodologie, en
revanche, s'intéresse aux procédures qui nous permettent de classer les propositions selon leurs
valeurs de vérité. Ses objets sont le vrai et le faux. Or, ce que je soutiens, c'est qu'au niveau
épistémologique, il n'y a rien à dire en faveur des arguments valides et à l'encontre des
arguments non valides. Un argument valide, tel que (A), ne confère pas plus de qualité à sa
conclusion que ne le fait (B). Peut-être y
a-t-il
de nos jours un peu moins de philosophes à
attendre des arguments non seulement qu'ils nous aident à déterminer la valeur de vérité de nos
conclusions, mais aussi qu'ils leur donnent quelque stimulant épistémologique, qu'ils leur
accordent leur soutien, les étayent. David Stove semble être l'un de ceux-là
:
il paraît penser que
(A) constitue un meilleur argument que (B) pour sa conclusion, et ce parce qu'il nous donne de
meilleures raisons, peut-être même la raison, de croire à la conclusion en question. J'ai soutenu
ailleurs (1987/1989, section 4) que, même s'il existait quelque chose comme des bonnes raisons
en faveur de nos propositions, nous ne gagnerions rien dans notre investigation de la valeur de
vérité d'une proposition par la possession de telles « bonnes raisons » (« bonnes », mais non
décisives) ; et que même s'il existait des raisons décisives, concluantes, peu de choses au fond
pourraient être dites en leur faveur. Etant donné que (A) et (B) ont tous deux des prémisses dont
on peut douter, il s'ensuit qu'en tant qu'instrument d'investigation de la valeur de vérité de la
conclusion «Socrate est mortel», (B) n'est pas un plus mauvais argument que (A). Le fait de
disposer d'un argument valide en faveur d'une conclusion ne confère aucune espèce d'avantage
épistémologique.
Des considérations tout à fait parallèles conduisent à soutenir que si c'est à la
conclusion que nous nous intéressons, nous pourrions aussi bien ne mentionner aucune pré-
misse. Si nous cherchons à déterminer la valeur de vérité d'une proposition, nous ne gagnerons
rien en fournissant un argument en sa faveur. Nous pouvons tout aussi bien l'affirmer, sans
prétendre qu'elle est soutenue par un argument. Est-ce là la méthode du « à prendre ou à
laisser » ? C'est peut-être, je l'avoue volontiers, celle du « à prendre ». Mais non nécessairement
celle du « à laisser », comme je vais tenter de le montrer.
Les arguments déductifs peuvent bien entendu permettre d'arriver à une conclusion, tout
comme les conjectures, les rêves, ou quelques doses de bon
Scotch.
(Mais je doute qu'ils le
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