Troubles bipolaires et schizophrénie - Des symptômes

Il est acquis que les symp-
tômes psychotiques (idées
délirantes, hallucinations, trou-
bles graves du comportement) ne
sont pas spécifiques à la schizo-
phrénie et apparaissent dans bien
d’autres états psychiatriques. Pour-
tant, en pratique, les critères dia-
gnostiques de la schizophrénie
restent toujours largement basés
sur ces symptômes. Cette attitude
est susceptible de retarder le dia-
gnostic des patients atteints de
troubles bipolaires, voire d’entraî-
ner une évolution défavorable,
faute d’un traitement adapté. Il res-
sort des recherches de l’équipe du
Pr J.P. Olié (Paris) que l’on man-
que de critères discriminants lors
des premiers épisodes psycho-
tiques aigus, et l’idée d’un support
neurobiologique commun des
troubles bipolaires et de la schizo-
phrénie fait son chemin. Les bouf-
fées délirantes aiguës (syndrome
délirant hallucinatoire et interpréta-
tif) survenant chez les sujets sans
antécédents psychiatriques peu-
vent être provoquées par une
prise de toxique ; elles peuvent
rester des épisodes psychiatriques
sans lendemain (dont l’étiologie
est inconnue) ou constituer une
forme d’entrée possible dans la
schizophrénie ou dans un trouble
bipolaire de l’humeur.
Il faut aussi savoir que le trouble
bipolaire doit être évoqué devant
une réponse atypique à l’antidé-
presseur, laquelle est considérée
comme un élément de suspicion
de la nature bipolaire de la dépres-
sion. En effet, les patients atteints
de troubles bipolaires présentent
une amélioration anormalement
rapide des signes dépressifs, mais
peuvent basculer dans l’état mixte
ou dans un état d’excitation
maniaque. Pour éviter le virage de
l’humeur, la prudence est de mise
quant à la posologie de l’antidé-
presseur. Une surveillance accrue
de la réaction du malade est
nécessaire afin d’adjoindre rapide-
ment un thymorégulateur ou
d’ajuster sa posologie.
Les troubles distincts
Rapportons quelques données de
la recherche pouvant aider à distin-
guer les troubles bipolaires des
troubles schizophréniques. Tout
d’abord, on s’est aperçu que les
caractéristiques des troubles du
cours de la pensée sont
différentes : dans la manie (psycho-
tique ou non), il s’agit d’un discours
accéléré, extravagant, avec déraille-
ment, alors que, chez les schizo-
phrènes, la désorganisation de la
pensée (syndrome dissociatif) se
manifeste par des propos incohé-
rents et fragmentés, le raisonne-
ment perd de sa logique, le contact
apparaît froid et étrange. Par ailleurs,
les schizophrènes présentent des
symptômes positifs et négatifs sans
troubles de l’humeur manifestes ou
prédominants. En revanche, cer-
tains auteurs soulignent que l’im-
pulsivité associée aux troubles de
l’humeur a une place centrale dans
la manie et que moins de 50 %
des épisodes maniaques compren-
nent des manifestations psycho-
tiques. D’autres recherches ont mis
en lumière le fait que les symp-
tômes négatifs (anhédonie, émous-
sement affectif) sont intenses et
plus souvent présents chez les
patients schizophrènes que chez les
patients atteints de troubles bipo-
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005
laires. De plus, la corrélation entre
l’existence d’une évolution défavo-
rable et la présence des symp-
tômes négatifs n’était retrouvée que
dans la schizophrénie, ce qui ren-
voie à la dichotomie proposée par
E. Kraepelin pour introduire la dis-
tinction entre la psychose maniaco-
dépressive et la démence précoce.
Quant aux études du suivi prolongé,
elles ont montré que les patients
schizophrènes ont des rémissions
moins fréquentes (et avec un
niveau de fonctionnement social
plus altéré) que les patients bipo-
laires. Enfin, ces derniers ont sou-
vent une comorbidité avec les
troubles paniques (en particulier
ceux qui souffrent d’état mixte),
alors que cela est rarement observé
chez les patients schizophrènes.
La schizophrénie
On en sait un peu plus sur la schi-
zophrénie grâce à la recherche
fondamentale : par exemple, on a
découvert dans cette pathologie
des troubles de la reconnaissance
des expressions faciales des émo-
tions (en particulier un déficit pour
les expressions de peur par rap-
port aux sujets déprimés), et ces
anomalies sont mises en parallèle
avec les troubles des interactions
sociales. D’autres travaux utilisant
l’imagerie fonctionnelle en tomo-
graphie par émission de positons
ont montré que l’hypoactivation de
l’aire du réseau neuronal olfactif
pourrait expliquer les faibles per-
formances des patients schizo-
phrènes dans les tâches de recon-
naissance et d’identification des
odeurs.
La schizophrénie se caractérise par
une rupture de contact avec le
Infos ...
Les troubles
bipolaires
Environ 600 000 personnes
(1,5 % des français)
seraient atteints de
troubles bipolaires. Le
risque suicidaire, les
conduites à risque, les
addictions, la désinsertion
professionnelle et
familiale, les actes de
violences, les délits en
font toute la gravité. La
psychose maniaco-
dépressive typique reste
la forme la plus évidente
et connue des troubles
bipolaires. Pour le Pr J.F.
Allilaire - Chef du service
psychiatrie, CHU La Pitié-
Salpêtrière) : “Il ne s’agit
pas d'une psychose mais
d'un trouble de l’humeur
et les thymorégulateurs
comme les sels de lithium,
certains anticomitiaux ont
transformé le pronostic”.
DOSSIER
30
>> DOSSIER
Les psychiatres reconnaissent la difficulté de diagnostiquer les malades bipolaires
comme tels, et pas seulement lors des premières manifestations de leur maladie.
Souvent, c’est l’évolution clinique qui permet de valider le diagnostic, lequel est parti-
culièrement difficile lorsqu’il s’agit des état mixtes. Ceux-ci sont en effet caractérisés
par l’association simultanée de nombreux symptômes dépressifs et maniaques.
Troubles bipolaires et schizophrénie
Des symptômes communs
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005
monde ambiant, le retrait de la
réalité, une pensée autistique. On
y inclut un ensemble de syn-
dromes psychopathologiques
dont les principales caractéris-
tiques sont l’existence de symp-
tômes psychotiques (délires, hal-
lucinations, perturbations de la
pensée et de l’affectivité) sur une
période prolongée d’au minimum
6 mois.
Quand il y a schizophrénie, la
maladie évolue vers la chronicité
et le handicap psychologique.
Outre les idées délirantes et les
hallucinations auditives, le raison-
nement devient illogique, et le
malade vit dans une indifférence
affective et l’isolement social. Il y a
beaucoup de choses à apprendre
au sujet de cette pathologie. Bien
que les scientifiques ne puissent
pas encore apporter de réponse
définitive à toutes les questions
concernant cette maladie, on
pense que la schizophrénie n’est
pas un “dédoublement” de la
personnalité, ni une personnalité
“multiple”. La schizophrénie occa-
sionne souvent un certain
nombre de déficits intellectuels
qui perturbent notamment l’at-
tention, la mémoire, l’apprentis-
sage et le traitement de l’informa-
tion. Ces déficits cognitifs sont
souvent présents dès le début de
la maladie, dont la cause n’est
pas encore entièrement élucidée.
Plusieurs facteurs jouent un rôle
dans son apparition et son évolu-
tion. En général, on considère la
schizophrénie comme un trouble
résultant d’une interaction com-
plexe entre la vulnérabilité biolo-
gique et psychologique d’une
personne et le stress associé à
son environnement.
Les troubles bipolaires
La pathologie est mal connue.
Schématiquement, on distingue
les troubles bipolaires de type I,
caractérisés par une alternance
d’épisodes dépressifs et mania-
ques, et les troubles bipolaires de
type II, avec des épisodes dépres-
sifs entrecoupés de périodes d’hy-
pomanie (manie modérée). Dans
environ un tiers des cas, il per-
siste, en dehors des épisodes
aiguës, des symptômes plus atté-
nués en permanence. De nom-
breux patients maniaco-dépressifs
sont diagnostiqués dans un pre-
mier temps comme dépressifs.
Devant une répétition d’épisodes
dépressifs, il est donc primordial
de rechercher l’alternance de l’hu-
meur. Rappelons qu’il existe des
éléments évocateurs d’un trouble
bipolaire, à savoir : une tristesse
modérée contrastant avec des
troubles psychomoteurs marqués
(ralentissement psychique et phy-
sique), l’importance du retrait
social, la prédominance matinale
des troubles mélancoliques, les
antécé
dents familiaux de troubles
de l’humeur, les caractéristiques
atypiques
(notamment chez les
adolescents) telles que l’hyper-
somnie, la fatigue extrême, l’irrita-
bilité, l’hyperphagie ou l’anorexie,
ainsi que les symptômes psycho-
tiques (délire et hallucinations).
Les manifestations des épisodes
maniaques sont un état d’excita-
tion, d’euphorie ou d’irritabilité
(avec agressivité en cas de contra-
riété), un sentiment de pouvoir
ou de puissance, une hyperacti-
vité, une durée de sommeil
réduite, une distraction, un débit
très rapide des paroles, des idées
délirantes et des hallucinations.
Le traitement des troubles bipo-
laires n’est pas facile, puisqu’il
doit être adapté en fonction de la
phase de la maladie et éviter une
bascule dans un état d’humeur
inverse. D’où l’importance d’un
traitement préventif permanent
par les thymorégulateurs (lithium
ou anticonvulsivants) en dehors
des épisodes aigus. Le traitement
de l’épisode maniaque aigue
peut nécessiter l’administration
ponctuelle d’un neuroleptique
atypique. Il a été observé que la
prescription
prolongée d’antidé-
presseurs risque
d’induire des
formes à cycles rapides (plus de
quatre épisodes aigus, ma-
niaques ou dépressifs, par an) et
de favoriser les états mixtes.
LC
>> DOSSIER
PSYCHIATRIE 31
Les urgences
psychiatriques
(Recommandations de l’Anaes)
Les principes de l’organisation
des urgences psychiatriques
préconisés par la circulaire
DHOS/O1 n° 2003-195 du 16 avril
2003, relative à la prise en
charge des urgences, sont :
en ambulatoire, les centres
médicopsychologiques et les
visites à domicile (lorsqu’elles
existent) assurent les soins non
programmés, dans des délais
rapides ;
dans les services d’urgence,
l’accueil et l’orientation des
patients ayant des troubles men-
taux ont lieu dans des locaux
adaptés, garantissant la confi-
dentialité et la sécurité. L’accueil
est assuré par un infirmier ayant
acquis une expérience profes-
sionnelle en psychiatrie. Le psy-
chiatre doit être présent lorsque
la nature et la fréquence habi-
tuelle des urgences comportant
des aspects psychiatriques le
nécessitent, ou être joignable
rapidement. Une prise en charge
de très courte durée est privilé-
giée afin d’éviter, chaque fois
que cela est possible, l’hospitali-
sation en psychiatrie. Celle-ci est
assurée :
– soit dans des lits individualisés
au sein ou à proximité immé-
diate du service d’urgence (pour
les suicidants par exemple) ;
– soit dans des centres d’accueil
et de crise intersectoriels et
dans les établissements dotés
d’un service d’accueil des
urgences et ayant un volume
d’activité important en psychia-
trie.
La continuité des soins est assu-
rée grâce à la coordination du
médecin des urgences avec les
acteurs de la prise en charge
ultérieure :
— psychiatres publics et libé-
raux, médecins généralistes et
partenaires des services médi-
cosociaux, sociaux, éducatifs,
juridiques, etc.
— dans le cadre d’un travail en
réseau.
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