Mini-revue Sang Thrombose Vaisseaux 2006 ; 18, n° 8 : 433-9 Troubles cognitifs aigus révélateurs d’un accident vasculaire cérébral Marie Sarazin1, Pierre Amarenco2 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 1 Fédération des maladies du système nerveux, Centre de neuropsychologie-CMRR d’IDF, hôpital de la Salpêtrière, 75013 Paris <[email protected]> 2 Service de Neurologie et centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, hôpital Bichat, 75018 Paris Les manifestations les plus habituelles des troubles cognitifs d’apparition brutale se caractérisent principalement par des troubles de la mémoire et du langage. Un scanner cérébral doit être réalisé en urgence, parfois suivi d’une ponction lombaire. Les mécanismes étiologiques sont nombreux. Les causes les plus fréquentes de déficit cognitif sont représentées par les accidents vasculaires cérébraux. La méningoencéphalite herpétique impose la mise en route d’un traitement en urgence. Mots clés : accident vasculaire cérébral, mémoire, langage, méningoencéphalite herpétique L es causes les plus fréquentes de déficit cognitif d’apparition brutale sont représentées par les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Rechercher et analyser un trouble cognitif d’apparition aiguë permet : 1) d’évoquer le diagnostic d’AVC surtout lorsque le trouble cognitif est isolé sans signe moteur associé ; 2) d’apporter des arguments sur sa localisation ; 3) de caractériser le profil évolutif et déterminer des facteurs pronostiques ; 4) de proposer précocement une prise en charge de rééducation orthophonique. Aux urgences, le principal diagnostic différentiel à ne pas méconnaître est la méningo-encéphalite herpétique qui impose la mise en route d’un traitement antiviral sans attendre. Trouble du langage d’apparition aiguë doi: 10.1684/stv.2006.0003 L’aphasie est le plus fréquent des troubles cognitifs associés à un AVC. Les troubles du langage répondent à une sémiologie précise qui permet de caractériser le niveau du désordre neuropsychologique et ses bases neuronales anatomiques. Terminologie Tirés à part : M. Sarazin On distingue trois niveaux principaux de désordre du langage. 1) Les troubles acquis de la parole renvoient à un trouble de la réalisation motrice de l’articulation du langage par dysfonctionnement de l’appareil buccophonatoire, sans atteinte du code linguistique. STV, vol. 18, n° 8, octobre 2006 433 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 2) Les aphasies correspondent aux troubles linguistiques proprement dits. On distingue les aphasies non fluentes qui se caractérisent par une réduction du débit du langage (trouble de la production) des aphasies fluentes où le débit est normal voire exagéré (logorrhée). Le prototype de l’aphasie non fluente est l’aphasie antérieure de Broca, le prototype de l’aphasie fluente est l’aphasie postérieure de Wernicke. 3) Les troubles supralinguistiques du discours correspondent à une altération du fonctionnement du langage sans atteinte linguistique [1]. Le prototype est l’aphasie dynamique frontale dans laquelle le débit du discours est réduit mais correctement énoncé. L’analyse sémiologique s’appuie sur les définitions suivantes : – anomie : défaut de production de mots (ou manque de mots) ; – paraphasie (ou déformations linguistiques) = mots mal prononcés ou mal attribués : paraphasie phonétique : atteinte articulatoire (réalisation motrice finale) du langage aboutissant à la substitution de phonèmes par des phonèmes proches (« ba » par « pa ») ; paraphasie phonémique : transformation d’un mot par élision, adjonction, déplacement de ses phonèmes constitutifs (« lon » pour « lion » ; « trambour » pour « tambour » ; « hérélicotère » pour « hélicoptère ») ; paraphasie verbale : remplacement d’un mot par un autre mot sans rapport de sens avec le mot cible (« carte » pour « arbre ») ; paraphasie sémantique : remplacement d’un mot par un autre mot appartenant au même champ sémantique ou ayant un sens commun (« verre » ou « soucoupe » pour « tasse ») ; – néologisme : déviation linguistique aboutissant à la production d’un « faux mot », utilisé comme un mot bien qu’il n’ait aucun sens (« tanpularte » pour « couverture ») ; – agrammatisme et dyssyntaxie : perturbations syntaxiques (absence ou réduction de l’emploi des termes grammaticaux) ; – jargon : production langagière incompréhensible en raison de la richesse des néologismes, des paraphasies et des troubles de la syntaxe ; – troubles de l’écriture : paragraphies graphiques, graphémiques, sémantiques, verbales. Examen des troubles du langage L’examen des troubles du langage peut se faire rapidement et efficacement au lit du patient. Il comporte plusieurs étapes. Il est important de noter précisément les réponses du patient, comme référence évolutive : a) étude du langage spontané et en réponse à quelques questions simples ; b) étude de la dénomination d’objets (par exemple l’oreiller, la montre, les lunettes, le téléphone, la poche de la 434 blouse, le stylo...) ou d’images (prendre un magazine à portée de main) et de la production du langage complexe par la construction de phrases à partir de 2 ou 3 mots imposés (train et gare ; pain et boulanger...) ; c) étude de la répétition de mots, puis de phrases phonétiquement difficiles (« le spectacle exceptionnel - j’habite 33, rue Ledru Rollin ») ou longue (« le train est arrivé à la gare de Nevers avec plus d’une heure de retard ») ; d) étude de la compréhension sur consignes orales simples (« montrez-moi la fenêtre ; levez la main gauche ») et sur consignes complexes (« fermez les yeux et tirez la langue ; mettez la main gauche sur votre épaule droite ») ; e) étude de la fluence verbale (« citez le maximum de mots d’animaux en 1 minute ») ; f) l’analyse du langage oral doit systématiquement être complétée par une étude du langage écrit (lecture et écriture sur le même modèle que pour le langage oral) ; g) recherche d’une apraxie bucco-linguo-faciale par la réalisation d’ordres simples tels que tirer la langue, gonfler les joues, siffler, ou d’ordres séquentiels (tirer puis claquer la langue puis gonfler les joues) ; h) on recherchera également des troubles de la coordination pneumo-articulatoire et une dysprosodie (trouble du timbre de la voix). Aphasie brutale Les AVC représentent la cause la plus fréquente des aphasies brutales chez les adultes de plus de 45 ans [2]. Le tableau le plus typique est celui de l’aphasie de Broca secondaire à un accident ischémique sylvien gauche (artère cérébrale moyenne). Les accidents hémorragiques sont responsables de tableaux cliniques souvent plus atypiques en raison de leur siège sous-cortical et d’un possible effet de masse initial. Aphasie de Broca par infarctus de l’artère cérébrale moyenne Elle se caractérise avant tout par une réduction de la production quantitative et qualitative du langage, s’accompagnant d’une apraxie bucco-linguo-faciale et d’un déficit moteur brachio-facial droit. Au stade initial aigu, le patient peut être mutique ou n’être capable de fournir que des stéréotypies verbales (« nan-nan »). Il est conscient de ses difficultés. Dans les formes moins sévères, un manque de mots et une anomie prédominent le tableau clinique dans le langage spontané et dans les épreuves de dénomination. On note également un agrammatisme avec un appauvrissement des éléments syntaxiques. Le langage reste cependant informatif. Les paraphasies phonémiques, verbales et sémantiques sont nombreuses. Une dissociation automaticovolontaire est classique, le patient étant capable de STV, vol. 18, n° 8, octobre 2006 s’exprimer dans un contexte automatique (réponses stéréotypés, contexte émotionnel) alors que, sur commande, sa production verbale devient impossible ou est très limitée. La compréhension, bien que nettement moins perturbée, n’est toutefois que rarement totalement intègre. On peut ainsi constater des troubles de compréhension pour les phrases complexes. Les troubles de la lecture et de l’écriture sont congruents à ceux du langage oral. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. La région infarcie se situe typiquement dans la région de Broca : opercule frontal, partie postérieure de F2 (seconde circonvolution frontale) et de F3 (troisième circonvolution frontale) [3]. Autres tableaux cliniques Les autres tableaux cliniques de troubles du langage d’apparition aiguë secondaires à un AVC sont décrits et résumés dans le tableau I. Héminégligence d’apparition aiguë, apraxie, agnosie Terminologie et examen clinique Héminégligence : L’héminégligence spatiale se voit après lésion hémisphérique droite, principalement après un infarctus de l’artère cérébrale moyenne droite. Le patient se comporte comme si la moitié gauche de l’espace n’existait pas. Il n’écrit que sur la moitié droite de la page, ne désigne que les personnes présentes dans sa chambre dans l’hémichamp droit par exemple. L’héminégligence est toujours accompagnée d’une anosognosie. Le syndrome d’AntonBabinski associe une héminégligence spatiale, une anosognosie, une hémiasomatognosie (le patient considère que la moitié gauche hémiplégique ne lui appartient pas, allant jusqu’à expliquer que son propre bras paralysé qui lui est présenté est celui du médecin), et une anosodiaphorie (indifférence à son état). L’héminégligence spatiale est recher- Tableau I. Principaux tableaux neurologiques avec troubles cognitifs associés à un AVC Sémiologie Territoire vasculaire Aphasie de Broca Aphasie non fluente Manque de mots Paraphasies (erreurs de prononciation et de sélection des mots) Agrammatisme (trouble de grammaire) Compréhension orale mieux préservée que la production ACM gauche (Région périsylvienne gauche) Aphasie de Wernicke Langage fluent Logorrhée avec jargon Langage peu informatif Compréhension très altérée Anosognosie ACM gauche (région temporale sup post et lobule pariétal inférieur) Aphasie globale Non fluente avec mutisme Compréhension très altérée ACM gauche complète Aphasie de conduction (suit fréquemment la récupération d’une aphasie de Broca) Fluente Paraphasies nombreuses, avec tentatives d’autocorrections Compréhension préservée ACM gauche (faisceau arqué) Apraxie idéomotrice Apraxie constructive Réalisation des gestes imités altérée Copie de dessins géométriques altérée Souvent associé à une aphasie ACM gauche Héminégligence gauche Négligence de l’espace gauche Hémiplégie gauche avec hémiasomatognosie Anosognosie HLH gauche ACM droite Cécité corticale Cécité + anosognosie Conservation du réflexe photomoteur ACP bilatérale Syndrome de Balint Ataxie optique (impossibilité de pointer ou d’attraper une cible sous contrôle visuel) + apraxie optique (trouble de l’orientation du regard) + simultagnosie (incapacité à analyser un tout alors que les détails sont identifiés) ACP bilatérale ou jonction ACM et ACP (régions pariéto-occipitales) ACM = artère cérébrale moyenne ; ACA = artère cérébrale antérieure ; ACP = artère cérébrale postérieure ; HLH = hémianopsie latérale homonyme. STV, vol. 18, n° 8, octobre 2006 435 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. chée facilement et rapidement par la réalisation de dessins (la partie gauche de la figure n’est pas dessinée), par le barrage de lignes (des lignes horizontales sont dessinées sur une feuille de longueur différente, on demande au patient de barrer le milieu de chaque trait) et le barrage de signes (des ronds et carrés de petites tailles sont réparties sur une feuille, on demande au patient de barrer les ronds) qui montreront un « oubli » de l’hémi-espace gauche de la feuille. On peut aussi demander au patient de se représenter mentalement une place connue de la ville et de la décrire en s’imaginant en face d’un monument précis (il ne décrit que l’hémi-espace droit). Enfin, l’inspection simple du patient montre un regard tourné vers la droite, une tendance spontanée à ne s’adresser que vers son côté droit. On peut d’emblée noter que pour favoriser une rééducation précoce, il vaut mieux se placer sur la gauche du patient et, dans les chambres à deux lits, placer le voisin de chambre sur la gauche du lit du patient. Apraxie : il s’agit d’un trouble de l’action et de la commande du geste, qui ne peut s’expliquer ni par une atteinte motrice, ni par une atteinte sensorielle, ni par un trouble de la compréhension. La lésion se situe habituellement dans la région pariétale [4]. L’apraxie idéomotrice est la plus fréquente. Elle se définit par une incapacité à imiter des postures sans signification (faire un anneau avec le pouce et l’index, poser le dos de la main sur la joue controlatérale). On peut observer des difficultés pour les gestes symboliques (salut militaire, signe de croix, au revoir, gronder...), lors du mime de l’utilisation d’objet (planter un clou avec un marteau, jouer du violon. Une dissociation automatico-volontaire est fréquente : le geste est bien réalisé de manière automatique dans son contexte naturel, alors que le patient ne peut le faire sur commande de l’examinateur. Les lésions siègent le plus souvent dans la région pariétale gauche. L’apraxie idéatoire se définit par une incapacité à utiliser réellement des objets familiers (comme allumer une allumette, mettre une lettre dans une enveloppe, utiliser des ciseaux). Elle est la conséquence de lésions pariétales gauches ou plus souvent, bilatérales. L’apraxie constructive correspond à un trouble de la réalisation de dessins en 2 ou 3 dimensions, le plus fréquemment secondaire à des lésions pariétales droites. L’apraxie de l’habillage correspond à un trouble spécifique de l’habillage. Les lésions responsables siègent habituellement dans l’hémisphère droit. Agnosie visuelle : l’agnosie visuelle correspond à un trouble de la reconnaissance d’une information visuelle par atteinte des aires visuelles associatives occipitales, pouvant aller jusqu’à la cécité corticale. Le patient ne peut pas dénommer un objet présenté visuellement ni en préciser la 436 fonction, alors que leur dénomination par une autre entrée sensorielle tactile, auditive ou olfactive est possible. La description de l’image présentée se fait par le détail sans analyse globale. C’est la simultagnosie (par ex., lors de la présentation d’images enchevêtrées). Lors d’un infarctus de la région vascularisée par les deux artères cérébrales postérieures, le tableau peut aller constituer une cécité corticale ou un syndrome de Balint (cf. tableau II). Certaines agnosies visuelles sont spécifiques : l’agnosie des couleurs se définit par l’incapacité à discriminer les couleurs ou à attribuer une couleur à un objet et s’observe après infarctus de l’artère cérébrale postérieure gauche. La prosopagnosie se définit par l’incapacité à reconnaître des visages alors que l’identification de la personne est possible par la voix ou la démarche par exemple. La prosopagnosie est secondaire à des lésions temporo-occipitales droites ou bilatérales. Sémiologie en fonction du site lésionnel vasculaire Les accidents vasculaires cérébraux sont responsables des déficits les plus nets et les plus purs [5]. Le tableau II en résume les principaux profils cliniques. Troubles de la mémoire d’installation aiguë ou subaiguë Terminologie et examen clinique Un AVC peut entraîner un trouble de la mémoire. Encore faut-il s’entendre sur le terme de trouble de la mémoire. En effet, il est maintenant bien reconnu qu’il n’y a pas une mémoire mais des systèmes de mémoire, correspondant à des unités fonctionnelles et neuroanatomiques déterminées [6]. La mémoire à court terme désigne le stockage des informations sur une durée brève et transitoire. La mémoire à long terme, au contraire, correspond au stockage des informations impliquant un processus de consolidation mnésique correspondant à la formation d’une trace mnésique. Une amnésie antérograde se définit par une altération de la mémorisation de nouveaux souvenirs, depuis l’installation de l’événement causal. Une amnésie rétrograde se définit par une incapacité à se souvenir d’éléments anciens, antérieurs à l’événement causal. On peut aussi distinguer la mémoire, en fonction de son contenu, en mémoire verbale qui est plutôt sous la dépendance de l’hémisphère gauche et mémoire non verbale (visuospatiale) qui est plutôt sous la dépendance de l’hémisphère droit ; ou encore en mémoire épisodique (mémoire d’événements factuels) et mémoire sémantique (mémoire des faits généraux). Enfin, on peut distinguer la mémoire en fonction du traitement de l’infor- STV, vol. 18, n° 8, octobre 2006 Tableau II. Batterie rapide d’évaluation frontale (BREF, d'après B. Dubois et al., 1997) 1. Similitudes (élaboration conceptuelle) « En quoi se ressemblent : • Une banane et une orange (aider le patient en cas d’échec total : « elles ne se ressemblent pas » ou partiel : « elles ont toutes les deux une peau », en disant : « une orange et une banane sont toutes les deux des ... » ; ne pas aider le patient pour les deux items suivants), • Une table et une chaise, • Une tulipe, une rose et une marguerite ? » Cotation : seules les réponses catégorielles (fruits, meubles, fleurs) sont considérées comme correctes. 3 réponses correctes = 3 ; 2 réponses correctes = 2 ; 1 réponse correcte = 1 ; aucune réponse correcte = 0 /3 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 2. Evocation lexicale (flexibilité mentale) « Nommez le plus possible de mots différents, par exemple des animaux, des plantes, des objets, mais ni prénoms, ni noms propres, commençant par la lettre « S ». » Si le patient ne donne aucune réponse pendant les 5 premières secondes, lui dire : « par exemple serpent ». Si le patient fait des pauses de plus de 10 secondes, le stimuler après chaque pause en lui disant « n’importe quel mot commençant par la lettre S ». Cotation : le temps de passation est de 60 secondes ; les répétitions de mots, les variations sur un même mot (sifflet, sifflement), les noms et prénoms ne sont pas comptés comme des réponses correctes. Plus de 10 mots = 3 ; de 6 à 10 mots = 2 ; de 3 à 5 mots = 1 ; moins de 3 mots = 0 /3 3. Comportement de préhension (autonomie environnementale) L’examinateur est assis en face du patient dont les mains reposent sur les genoux, paumes ouvertes vers le haut. L’examinateur approche doucement les mains et touche celles du patient, pour voir s’il va les saisir spontanément si le patient les prend, lui demander : « maintenant, ne prenez plus mes mains ». Cotation : le patient ne prend pas les mains de l’examinateur = 3 ; le patient hésite ou demande ce qu’il doit faire = 2 ; le patient prend les mains de l’examinateur, après que celui-ci lui ait demandé de ne pas le faire = 0 /3 4. Séquences motrices (programmation) « Regardez attentivement ce que je fais ». L’examinateur assis en face du patient exécute seul trois fois avec sa main gauche la séquence de Luria « tranche-poing-paume ». « Maintenant, vous allez exécuter avec votre main droite cette séquence, d’abord en même temps que moi, puis seul ». L’examinateur effectue alors trois fois la séquence avec sa main gauche en même temps que le patient, puis lui dit : « continuez ». Cotation : le patient exécute seul 6 séquences consécutives correctes = 3 ; le patient exécute seul au moins 3 séquences consécutives correctes = 2 ; le patient échoue seul, mais exécute 3 séquences consécutives correctes en même temps que l’examinateur = 1 ; le patient ne peut exécuter 3 séquences consécutives correctes, même avec l’examinateur = 0 /3 5. Consignes conflictuelles (sensibilité à l’interférence) « Lorsque je tape une fois, vous devez taper deux fois ». Pour s’assurer que le patient a bien compris la consigne, l’examinateur lui fait réaliser une séquence de trois essais : 1-1-1. « Lorsque je tape deux fois, vous devez taper une fois ». Pour s’assurer que le patient a bien compris la consigne, l’examinateur lui fait réaliser Une séquence de trois essais : 2-2-2. La séquence proposée est la suivante : 1-1-2-1-2-2-2-1-1-2 Cotation : aucune erreur = 3 ; 1 ou 2 erreurs = 2 ; plus de deux erreurs = 1 ; le patient tape le même nombre de coups que l’examinateur au moins 4 fois consécutives = 0 /3 6. Go-No Go (contrôle inhibiteur) “Lorsque je tape une fois, vous devez taper une fois”. Pour s’assurer que le patient a bien compris la consigne, l’examinateur lui fait réaliser une séquence de trois essais : 1-1-1 « Lorsque je tape deux fois, vous ne devez pas taper ». Pour s’assurer que le patient a bien compris la consigne, l’examinateur lui fait réaliser une séquence de trois essais : 2-2-2. La séquence proposée est la suivante : 1-1-2-1-2-2-2-1-1-2. Cotation : aucune erreur = 3 ; 1 ou 2 erreurs = 2 ; plus de deux erreurs = 1 ; le patient tape le même nombre de coups que l’examinateur au moins 4 fois consécutives = 0 /3 SCORE TOTAL = /18 STV, vol. 18, n° 8, octobre 2006 437 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. mation en mémoire explicite (mémorisation consciente et volontaire) qui est sous-tendue par le circuit hippocampomamillo-thalamo-cortical (circuit de Papez), et mémoire implicite (mémoire automatique du « savoir faire ») [7]. Apprécier le niveau du dysfonctionnement mnésique permet de préciser le site lésionnel et le mécanisme causal. L’objectif de l’examen clinique sera donc de déterminer quel aspect de la mémoire est atteint afin d’en déterminer le site lésionnel. En pratique, l’essentiel dans un premier temps est d’analyser la mémoire épisodique et de rechercher un éventuel gradient temporel amnésique en proposant des questions portant sur les faits récents (le menu du dernier repas), plus anciens (les faits d’actualité récente, l’agenda du dernier dimanche) et très anciens (années). Un tel entretien permet de situer l’importance du retentissement des difficultés mais pas de préjuger du site lésionnel. Pour cela, le test d’apprentissage des 5 mots est fort utile. On montre une liste de 5 mots [limonade - passoire camion - musée – sauterelle] en demandant au sujet de lire les mots à voix haute et d’essayer de les retenir. Puis on favorise l’apprentissage par un indiçage sémantique : « pouvez-vous me dire tout en regardant la liste, quel est le nom de la boisson, l’ustensile de cuisine, le véhicule, le bâtiment, l’insecte ? ». Immédiatement après, on retourne la liste et on demande : « pouvez-vous me redonner les mots que vous venez de dire ? ». Pour les mots non rappelés, et seulement pour ceux-ci, demander : « quel était le nom de .......... ? » (en fournissant l’indice correspondant). Le nombre total de réponses correctes fournit le score d’apprentissage (maximum = 5). Si le score est < 5, on recommence la phase d’apprentissage avec indiçage en remontrant la liste de mots au patient. Après un délai d’environ 5 à 10 minutes, on propose une étape de rappel différé libre : « pouvez-vous me redonner les 5 mots ? », puis de rappel différé indicé pour les mots non rappelés : « quel était le nom de ... ? » (en fournissant l’indice correspondant). Le nombre de bonnes réponses fournit le score de mémoire (maximum = 5). La somme du score d’apprentissage et du score de mémoire (score global) est normalement égale à 10. L’efficacité de la présentation d’un indice catégoriel permet de vérifier si l’oubli est lié à un authentique déficit de consolidation de la trace mnésique (absence d’aide par l’indice sémantique) ou à un trouble de la récupération de l’information (amélioration par l’indiçage) [8]. Une atteinte du circuit hippocampo-amygdalothalamo-cingulaire (circuit de Papez) entraîne une amnésie sans possibilité de bénéficier des stratégies de rappel. Au contraire, une amnésie par atteinte frontale ou sous-corticofrontale (noyaux gris de la base) se normalise lors de la présentation des indices catégoriels sémantiques. Le test d’apprentissage des 5 mots est donc un outil qui permet de 438 distinguer les atteintes du lobe temporal interne des lésions sous-cortico-frontales (lésions frontales, des noyaux gris de la base, des fibres blanches cortico-corticales). L’analyse de la mémoire à court terme est beaucoup moins pertinente en termes de corrélation anatomo-clinique. On peut l’analyser par les capacités de répétition immédiate d’une série de chiffres (empan endroit). La mémoire à court terme fait intervenir des processus attentionnels qui peuvent être perturbés dans de nombreuses situations. Accident vasculaire cérébral et troubles mnésiques Un syndrome amnésique peut être le reflet d’un infarctus dans le territoire de l’artère cérébrale postérieure uni ou bilatérale (lésions temporales internes et/ou thalamiques) ou de l’artère choroïdienne antérieure, soit d’un infarctus dans le territoire des artères cérébrales antérieures (lésions bicingulaires), soit d’un hématome postérieur (occipital). Dans ce contexte, l’amnésie n’est pas isolée et peut s’accompagner, selon le territoire atteint, d’une hémianopsie, d’un déficit sensitif controlatéral, d’une agnosie visuelle et/ou d’une cécité corticale. Le syndrome amnésique peut être dissocié : atteinte verbale prédominante en cas de lésion gauche et atteinte visuospatiale prédominante en cas de lésion droite. Les troubles amnésiques par lésion unilatérale ont en général de bien meilleurs pronostics de récupération que ceux par lésions bilatérales. Parmi les autres causes vasculaires d’amnésie transitoire, on note les thromboses veineuses cérébrales qui représentent une cause cependant rare, les amnésies survenues au décours d’un arrêt cardiaque avec nécrose laminaire corticale et les hémorragies sous-arachnoïdiennes. Fonctions frontales, troubles du comportement et troubles émotionnels Terminologie et examen clinique Nous n’aborderons ici que les principaux tableaux cliniques neurologiques se manifestant par un trouble du comportement et de la personnalité d’installation aiguë ou subaiguë. Ils peuvent être le reflet d’une lésion directe des lobes frontaux, d’un dysfonctionnement des circuits frontosous-corticaux (circuits striato-thalamo-corticaux) par atteinte des noyaux gris centraux, d’un processus lésionnel affectant le système limbique (plus précisément le système limbique basolatéral axé sur les noyaux amygdaliens, qui implique également les structures hippocampiques, le cortex préfrontal orbito-frontal, le gyrus cingulaire antérieur, les noyaux thalamiques antérieurs), d’une lésion de l’hypothalamus et des connexions hypothalamo-amygdaliennes STV, vol. 18, n° 8, octobre 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. [9]. Enfin, il semble que l’hémisphère droit joue un rôle plus marqué que le gauche dans la compréhension et l’expression des émotions. L’examen clinique reposera sur l’observation du patient en recherchant une apathie, une inertie, une désinhibition, des réactions sociales inappropriées, un émoussement affectif avec indifférence ou une hyperémotivité et impulsivité ; il s’appuiera aussi sur l’examen des fonctions exécutives avec le test de la BREF, rapide et simple d’utilisation (tableau II). Les causes vasculaires sont le plus souvent liées à un infarctus de l’artère cérébrale antérieure, parfois secondaires à un vasospasme après une hémorragie méningée par rupture d’anévrisme de l’artère communicante antérieure. ■ Abstract Cerebrovascular accident presenting with acute cognitive disorder Acute cognitive and behavior disorders are characterized by language and memory deficit. However, other clinical manifestations are possible such as apraxia, agnosia, alexia... Cranial computed tomography must be performed immediately, and, sometimes, a lumbar puncture is needed. Etiologies are various. Stroke is the most commun cause. If herpes encephalitis is suspected, treatment must be given rapidly. Key words: stroke, memory, herpes encephalitis 4. Le Gall D, Aubin G. L’apraxie. In : Le Gall D, Aubin G, eds. Apraxie. Marseille : Solal, 1994. 5. Cambier J, Masson C. Aspects neuropsychologiques des accidents ischémiques. In : Bogousslavsky J, Bousser MG, Mas JL, eds. Accidents vasculaires cérébraux. Paris : Doin, 1993 : 138-46. Références 6. Baddeley A. La mémoire humaine : théorie et pratique. In : Presses Universitaires de Grenoble, 1993 : 547. 1. Roch-Lecours A, Lhermitte F. L’aphasie. In : Flammarion, ed. Aphasie. Paris : Flammarion, 1979 : 657. 7. Tulving E. Multiple memory systems and consciousness. Hum Neurobiol 1987 ; 6 : 67-80. 2. Petersen P, Jorgensen H, Nakayama H, Raaschou H, Olfen T. Aphasia in acute stroke : incidence, determinants, and recovery. Ann Neurol 1995 ; 38 : 267-70. 8. 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