MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - n° 5 - vol. VII - mai 2003
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observé en consultation mais rapporté lors de l’interrogatoire,
hors les situations remarquables des myoclonies matinales de
l’épilepsie myoclonique juvénile et des myoclonies liées au som-
meil), lorsque ces myoclonies n’interfèrent pas avec le mouve-
ment et qu’elles ont un caractère prolongé qui les rend peu
distinguables d’un mouvement intentionnel (5). Ce caractère
prolongé peut être confirmé lors de l’analyse EMG de surface,
qui peut également relever le pattern de l’activation musculaire,
synchrone sur l’ensemble de la musculature entreprise (contrai-
rement aux myoclonies corticales et sous-corticales dont l’acti-
vation suit une distribution spécifique). Au final, le terme de
myoclonie est impropre, la durée de l’activation musculaire, qui
paraît soudaine et brutale lors de l’approche clinique initiale,
s’avérant incompatible avec ce diagnostic clinique. Peut-être
vaut-il mieux utiliser le terme de “spasmes psychogènes” pour
rendre compte de cet aspect prolongé des mouvements.
Dystonie psychogène
La dystonie est définie par la survenue d’une contraction muscu-
laire involontaire prolongée, à l’origine d’une prise de posture ou
de mouvements anormaux de torsion. La dystonie a longtemps été
considéré à tort comme d’origine psychogène, particulièrement
dans ses formes focales (“torticolis mental”). Contrairement à
une idée répandue, les formes psychogènes de dystonie sont
rares. Il s’agit alors le plus souvent de dystonies fixées, avec une
composante douloureuse marquée, de survenue brutale, avec une
lenteur du mouvement volontaire, comprenant des incohérences
cliniques. Plus encore que pour les autres mouvements anormaux,
l’avis d’un spécialiste paraît requis, tant les formes cliniques de
la dystonie peuvent être déroutantes.
Dyskinésies paroxystiques psychogènes
Les dyskinésies paroxystiques sont représentées par la survenue
épisodique et transitoire de mouvements anormaux, généralement
choréodystoniques, sans modification du contact ni traduction
EEG. En matière psychogène, il peut être difficile de distinguer
ce tableau des crises pseudo-épileptiques (qui sont souvent hyper-
motrices). On peut admettre que l’existence d’une rupture de
contact avec l’environnement au cours de l’épisode puisse per-
mettre de distinguer les crises pseudo-épileptiques (au cours des-
quelles la réceptivité aux interventions de l’environnement est
abolie) des dyskinésies paroxystiques psychogènes (où elle est
préservée). Il est utile de relever que parmi les trois sous-types de
dyskinésies paroxystiques (kinésigéniques, induites par l’exercice,
et non kinésigéniques), seul le dernier type est fréquemment
rapporté comme étant d’origine psychogène (6). Si elle venait à
être confirmée, cette observation signifierait que les dyskinésies
paroxystiques déclenchées par le mouvement (qui sont fréquentes
et de durée brève) et les dyskinésies paroxystiques induites par
l’exercice (qui sont de durée intermédiaire, de survenue moins
fréquente) peuvent être difficilement suspectées d’anorganicité,
tandis que les manifestations de durée plus longue (plusieurs
minutes à plusieurs heures), rares, doivent être documentées afin
de déterminer précisément leur mécanisme.
Principes de la procédure diagnostique
Il est admis que le diagnostic de mouvements anormaux psycho-
gènes ne doit pas être porté par un psychiatre, mais par un neu-
rologue familier des troubles du mouvement. En effet, de nom-
breux mouvements anormaux “organiques” peuvent survenir au
cours des pathologies psychiatriques, et, de plus, la connaissance
“a priori” du trouble psychiatrique ne peut en rien préjuger de
l’étiologie d’un mouvement anormal. Cela précisé, l’importance
de la prise en charge psychiatrique du mouvement anormal psy-
chogène doit être rappelée, ce qui n’a rien de paradoxal. Il est
habituel d’avancer qu’une étiologie psychogène ne peut être
retenue qu’après élimination des autres catégories diagnostiques.
Cette attitude, fondée sur la crainte de manquer le diagnostic
organique, est toutefois exagérée : certains caractères cliniques
permettent de poser un diagnostic positif de psychogénicité, ils
ont été rappelés précédemment. Dans ce contexte, il faut bien
reconnaître que l’expérience du clinicien est irremplaçable, et il
est logique de ne retenir ce diagnostic qu’après s’être assuré
auprès d’un clinicien expérimenté dans le domaine de la patho-
logie du mouvement de la validité du diagnostic, notamment face
aux mouvements anormaux idiopathiques nombreux et protéi-
formes. De plus, certains examens peuvent contribuer à asseoir
le diagnostic de façon formelle. Les moyens électrophysiolo-
giques (7) peuvent, pour un expert, apporter des arguments sup-
plémentaires, notamment à travers deux types de contribution:
– En permettant une caractérisation du mouvement plus fine que
la clinique, grâce à l’enregistrement polymyographique de surface
ou à l’accélérométrie. Une grande dispersion du rythme d’un
tremblement, le début synchrone d’une myoclonie sur des
muscles très distants peuvent être mis en évidence par la seule
analyse neurophysiologique.
– Une deuxième contribution de l’électrophysiologie est la mise
en évidence de potentiels de préparation motrice avant des mou-
vements prétendument involontaires. L’analyse couplée de l’EEG
et de l’EMG traités par rétromoyennage, à partir de l’événement
musculaire, permet de démontrer l’existence d’un contrôle volon-
taire du mouvement, traduisant par exemple l’origine psychogène
d’une myoclonie (8). Il convient de relativiser l’apport de l’électro-
physiologie, celle-ci ne contribuant au diagnostic qu’avec un neuro-
logue clinicien déjà familier de la pathologie du mouvement.
Étiologies et pronostic des mouvements anormaux psychogènes
Les mouvements anormaux psychogènes relèvent de mécanismes
psychiques hétérogènes dont la liste est relativement limitée : la
simulation, le trouble factice (dont le syndrome de Münchhausen
est une étiologie), la conversion, les manifestations hypermotrices
(tremblement, tétanie) survenant au cours d’une attaque de panique
ou lors d’une dépression. L’importante prévalence de la dépression
chez les sujets présentant des mouvements anormaux psycho-
gènes a été soulignée par de nombreux auteurs et nécessite une
prise en charge spécifique. Le pronostic des mouvements anormaux
psychogènes est mal connu. Le tremblement observé au cours et au
décours des attaques de panique est le plus rapidement accessible
à un traitement pharmacologique efficace. Les autres mouvements
anormaux psychogènes sont plus délicats à apprécier de ce point
de vue. Du fait des difficultés posées par la prise en charge dès