dans le contrôle de la croissance (au point G1). La protéine
Mdm2 se lie à la protéine P53 et induit sa protéolyse par des
enzymes protéolytiques, les ubiquitines. Cela explique le bas
niveau de P53 dans les cellules normales, et son absence de
détection par des anticorps P53 en immunohistochimie (demi-
vie : 20 minutes). De plus, Mdm2 réprime l’activité transcrip-
tionnelle de P53 à l’état basal ; cela explique que la protéine
P53 n’ait pas de rôle dans la régulation du cycle cellulaire des
cellules normales, non soumises au stress. Lorsque la protéine
P53 s’accumule en réponse au stress, elle induit la transcrip-
tion de Mdm2, qui fait partie de ses gènes cibles. Mdm2 exerce
alors un rétrocontrôle négatif sur la transcription et l’activité
transcriptionnelle de P53 et induit sa protéolyse par les ubiqui-
tines, permettant le retour au niveau basal dès l’arrêt du stress
(figure 3). Il est intéressant de noter que les souris privées des
deux allèles de Mdm2 (knock-out Mdm2 -/-) ne sont pas
viables (mort in utero) en raison de l’absence de contrôle du
niveau de la protéine P53 : celui-ci s’élève de façon à induire
l’apoptose des cellules embryonnaires. Le danger d’une pro-
téine P53 anormalement accumulée apparaît au moins égal à
celui de la perte de ses fonctions.
La protéine P19ARF médie la réponse de P53 aux activations
des oncogènes
Un nombre important de produits d’oncogène cellulaire (C-
Myc, Ras, E2F), lorsqu’ils sont surexprimés dans une cellule,
peuvent causer l’accumulation de la protéine P53. En somme,
une activation oncogénique aberrante dans une cellule normale
doit conduire à son élimination (par apoptose) si le gène P53 est
sauvage et la fonction P53 normale. La façon dont certaines pro-
téines virales (SV40 [antigène T] ou adénovirus E1A) et les
oncogènes cellulaires peuvent induire P53 a été une énigme
jusqu’à la découverte récente du gène P19ARF. Ce gène est le pro-
duit d’un transcrit alternatif du gène P16INK4, un autre gène sup-
presseur de tumeur. Celui-ci code pour un inhibiteur de kinases
qui, comme P21-Waf1, inhibe la phosphorylation de Rb. Le lien
établi entre les effets du gène P19ARF et P53 est issu de la consta-
tation que la protéine P19ARF peut se lier à Mdm2, déviant ainsi
Mdm2 d’une interaction avec P53 qui entraîne sa destruction.
Les stress oncogéniques précités, en induisant la transcription du
gène P19ARF, augmentent la concentration intracellulaire de la
protéine P19ARF, laquelle séquestre la protéine Mdm2 et permet
l’accumulation de la protéine P53 en la soustrayant à la destruc-
tion par Mdm2. Pourquoi ce circuit est-il requis dans les cellules
normales ? On peut postuler que nos cellules sont régulièrement
soumises à des anomalies génétiques ou épigénétiques (muta-
tions oncogéniques, facteur de croissance, etc.) qui les entraînent
vers des états hyperprolifératifs inappropriés, et que l’arrêt de
leur cycle cellulaire ou leur mort est une option raisonnable dont
l’exécutant le plus approprié est P53. En somme, le trio molécu-
laire P19/Mdm2/P53 se trouve situé à la croisée des chemins qui
permettent à une cellule anormale ou hyperproliférative d’être
éliminée. Le plus fascinant, dans ces observations, est que la
totalité des réponses au stress, qu’il s’agisse d’un stress géno-
toxique ou oncogénique, présente deux voies séparées, la voie
des phosphorylations de P53 d’une part, et la voie P19ARF d’autre
part, qui toutes deux convergent vers le circuit P53/Mdm2
(figure 4).
Cela nous mène à la conclusion que l’implication de P53 dans
la genèse des tumeurs est beaucoup plus étendue que ce à quoi
nous étions préparés par la connaissance de la réponse au dom-
mage de l’ADN, et par la fréquence de ses mutations. La perte
des voies d’activation de P53 par mutation directe, par perte de
la protéine P19ARF ou par amplification du produit du gène
Mdm2 donne un avantage de croissance considérable à un
clone tumoral en le libérant d’un frein critique sur les activa-
tions oncogéniques. On peut donc penser actuellement que le
gène et la protéine P53 ne sont pas seulement des censeurs des
dommages de l’ADN, et que la voie P19ARF/Mdm2/P53 repré-
sente, dans sa globalité, la cible préférentielle des nouvelles
thérapies du cancer.
L’inactivation du gène et de la protéine P53 dans le cancer
bronchique
D’une façon générale, 50 % des cancers humains présentent
une mutation du gène P53, qui génère le plus souvent une
protéine P53 mutante anormalement accumulée (7-11). Cet
événement mutationnel du gène P53 est l’événement géné-
tique le plus souvent sélectionné par les clones tumoraux en
raison du frein critique à toute prolifération de cellules géné-
tiquement anormales que représente un gène P53 sauvage et
fonctionnant normalement. À ce titre, il est vraisemblable
que de nombreux cancers bronchiques qui ne présentent pas
une mutation identifiable du gène P53 ont une anomalie dans
la voie d’amont qui permet la réponse P53 au stress cellulaire
et notamment oncogénique (figures 1 et 4) ou dans les voies
d’aval dans les différents gènes cibles effecteurs des effets
promus par P53 (figure 2) (perte de la protéine Rb, hyperex-
pression de la protéine Bcl2, etc.).
La moitié des cancers bronchiques présentent une altération
génétique au niveau du gène P53 qui inactive la quasi-totalité
de ses fonctions. Le spectre des mutations rencontrées dans les
cancers bronchiques est vaste. Certains points de mutation très
fréquents sont dits “hot spot” : il s’agit des codons de bases
cibles des carcinogènes du tabac (8). En effet, 80 % des can-
cers bronchiques sont directement liés à des mutations par les
carcinogènes du tabac, celui-ci représentant le principal facteur
de risque pour le développement d’un cancer bronchique. P53
est donc la cible d’une mutagenèse directe dans ces cancers.
Dans 50 % des cancers non à petites cellules (cancers malpi-
ghiens et adénocarcinomes) et dans 70 % des cancers à petites
cellules, on observe une mutation dans la séquence du gène
P53 qui induit une protéine mutante ; celle-ci s’accumule anor-
malement dans le noyau cellulaire et peut être détectée par
immunohistochimie. Cependant, la mutation stabilisante de
P53 ne résume pas toutes les mutations possibles au niveau du
gène. Environ 15 % des mutations concernent des délétions
dans la séquence génique créant des messagers anormaux et
l’absence d’expression protéique. Ces mutations à phénotype
“P53 nul” ne sont pas détectées par immunohistochimie, car la
protéine P53 y est aussi indétectable que celle des tissus nor-
maux. Enfin, il est vraisemblable que la mutation du gène de
P53 ne résume pas toutes les anomalies génétiques qui concou-
rent à son inactivation (amplification de l’oncogène Mdm2 ?
perte des fonctions P19 ?) ou à la perte des cibles efférentes de
P53, comme la protéine Rb pour l’arrêt en G1.
VOCABULAIRE
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La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 2 - avril 1999