VOCABULAIRE
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La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 2 - avril 1999
LA PROTÉINE P53 : CENSEUR DU STRESS CELLULAIRE
La dénomination P53 provient de la détection par D. Lane
d’une protéine d’un poids moléculaire de 53 kilodaltons qui
coprécipitait, avec une protéine virale, l’antigène T de SV40
dans les extraits protéiques de cellules infectées par le virus
simien SV40 (1).
La protéine P53 est le produit d’un gène suppresseur de
tumeur : le gène P53 (1). Le rôle d’un gène suppresseur de
tumeur est le contrôle de la prolifération et de l’apoptose (mort
cellulaire programmée) dans les cellules. Ces deux comparti-
ments doivent être finement régulés et équilibrés afin de main-
tenir l’homéostasie des tissus. On comprend donc le rôle cri-
tique des gènes suppresseurs de tumeur dans le maintien de
l’intégrité et de la fonctionnalité des tissus, et pourquoi ces
gènes sont la cible de mutations directes (ou d’inactivations
d’ordre épigénétique) dans la majorité des cancers. Ainsi, le
gène P53 est un gène suppresseur de tumeur par ses capacités
à induire l’arrêt en G1 ou l’apoptose de cellules ayant subi un
dommage de l’ADN. Plus généralement, P53 représente un
point de convergence critique de signaux de stress multiples :
dommage génotoxique (UV, radiation gamma), hypoxie, ions
oxydants, hyperthermie, déplétion en nucléotides, activations
oncogéniques aberrantes (2, 3, 4, 5). Toutes ces situations de
stress convergent vers le point de contrôle clé, qui est la pro-
téine P53, en modifiant son niveau d’expression protéique,
sans générer de modification de son niveau de transcription.
C’est la stabilisation de la protéine, dont nous envisagerons les
mécanismes, qui permet l’augmentation de sa concentration
nucléaire intracellulaire. Il s’agit donc d’une modification
post-transcriptionnelle. Cette stabilisation de la protéine lui
permet d’exercer sa capacité de facteur de transcription pour
des gènes cibles dont les produits protéiques sont dévolus à
l’arrêt du cycle cellulaire ou à l’apoptose (figure 1). Les fonc-
tions transcriptionnelles de P53 consistent à supprimer des cel-
lules génétiquement anormales par apoptose ou à induire leur
arrêt en G1 pour permettre la réparation de l’ADN. Cette fonc-
tion vitale explique que 50 % des cancers aient sélectionné une
anomalie dans le gène de P53 ou dans sa voie de signalisation.
En effet, l’activité d’un gène P53 sauvage conduirait à la sup-
pression par suicide d’une cellule tumorale qui présente des
anomalies génétiques et doit de surcroît survivre dans des
conditions d’hypoxie, et dont la croissance est dérégulée par
l’activation de multiples oncogènes. À cet égard, la protéine
P53 est un censeur des proliférations cellulaires anormales, un
véritable “gardien de l’intégrité du génome” (1) et le “chien de
garde” des proliférations malignes (2).
GÈNES RÉGULÉS PAR LE FACTEUR DE TRANSCRIPTION P53
En réponse à ces différentes situations de stress, la protéine
P53 s’accumule, se lie à l’ADN et active la transcription de
gènes cibles dont les produits protéiques permettent l’arrêt du
cycle cellulaire en G1 (ou G2) ou l’apoptose (figure 2). La
liste des gènes dont la transcription est activée ou inhibée pour
induire ces effets et concourir à la suppression des cellules
génétiquement anormales est sans cesse croissante. Tous
contiennent dans leur promoteur une séquence de réponse à la
protéine P53. P21-Waf1 est l’un des gènes activés par P53. Il
s’agit d’un inhibiteur de kinases qui intervient dans l’arrêt du
cycle cellulaire en G1 en maintenant la protéine Rb dans un
état déphosphorylé. Dans cet état, celle-ci agit en effet sur
l’arrêt en G1. Parmi les gènes cibles de P53 qui favorisent
l’apoptose, le gène Bax est régulé positivement et le gène Bcl2
est régulé négativement en réponse à P53. Le déséquilibre
Bax>>Bcl2 induit par une élévation du niveau de P53 rend
une cellule susceptible de mourir par apoptose. Le choix des
gènes induits par une protéine P53 stabilisée en réponse au
Le gène et la protéine P53
E. Brambilla*
* Service de pathologie cellulaire, hôpital Albert-Michallon, Grenoble.
Modulateurs dŽpendants
des cellules et des tissus
Stress cellulaire
GŽnotoxique (radiations
carcinog•nes)
Choc thermique
Hypoxie
Hyperoxie (oxydants)
Cytokines
Facteur de croissance
Changements mŽtaboliques
Activations oncogŽniques
RŽponses adaptatives
Apoptose
Arr•t de croissance
Autres ?
P53
Figure 1. La voie P53 n’est pas une simple voie linéaire. Elle comporte
de nombreuses afférences et efférences. Le dommage de l’ADN n’est pas
le seul stimulus capable d’initier la voie d’activation de P53. Les proces-
sus d’activation engageant les réponses de P53, et le type de réponse,
sont modulés en fonction des cellules et des tissus.
stress pour déterminer l’arrêt du cycle cellulaire ou l’apoptose
est infiniment dépendant du type cellulaire et du tissu consi-
déré. En somme, l’accumulation de la protéine P53 sauvage
pourrait conduire à l’arrêt du cycle cellulaire dans certaines
cellules ou dans certains tissus, ou à la mort par apoptose dans
d’autres (figure 2).
RÉGULATION D’AMONT DE LA PROTÉINE P53
Jusqu’à ces derniers mois, les mécanismes par lesquels les
stress cellulaires induisent la stabilisation de P53 étaient restés
parfaitement mystérieux. De récentes études ont considérable-
ment éclairci les mécanismes d’amont de la signalisation du
stress permettant la stabilisation de P53 (5, 6). Ils sont de trois
ordres :
– le niveau intracellulaire de P53 est régulé par son interaction
avec le produit de l’oncogène Mdm2, qui induit sa protéolyse
par les ubiquitines (figure 3) ;
– P53 peut être modifiée dans sa structure et sa conformation
par des phosphorylations induites par le stress cellulaire en des
sites spécifiques, qui influencent son activité et son interaction
avec Mdm2 (figure 4) ;
– les activations oncogéniques anormales entraînent la stabili-
sation de P53 par une voie indépendante de celle des stress
génotoxiques : ceux-ci induisent la transcription du gène
P19ARF,dont le produit protéique, la protéine P19ARF, interdit la
liaison Mdm2-P53 et inhibe ainsi la dégradation de P53 via
Mdm2, conduisant donc à la stabilisation de la protéine P53
(figure 4).
Étrangement, P53 échappe à la règle générale des produits des
gènes suppresseurs, qui sont habituellement perdus (protéines
absentes), à l’inverse des protéines, produits des oncogènes,
qui sont hyperexprimées.
La signalisation du stress cellulaire vers P53 interrompt
le circuit Mdm2-P53
La capacité de P53 à arrêter le cycle cellulaire ou à tuer une
cellule est une fonction dangeureuse qui doit être étroitement
contrôlée dans les tissus normaux : Mdm2 est l’effecteur
essentiel de ce contrôle. Mdm2 est le produit protéique d’un
oncogène fréquemment amplifié chez la souris (mouse double
minute) et dans des sarcomes et autres tumeurs humaines. Son
rôle dans la transformation cellulaire maligne a longtemps été
mal compris. On sait actuellement que Mdm2 à forte concen-
tration inhibe les fonctions des deux gènes suppresseurs de
tumeur P53 et Rb (gène du rétinoblastome), tous deux actifs
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Stress
Apoptose Survie
cellulaire
Rb dŽphosphorylŽe
Arr•t en G1RŽtrocontr™le nŽgatif
Transcription
des g•nes cibles
P53
Mdm2
bax bcl2
P21-Waf1 gadd45
Ð
Ð
Figure 2. Cascade d’activation en aval de P53. Le stress cellulaire induit
l’accumulation et l’activation transcriptionnelle de P53. Celle-ci induit
elle-même un certain nombre de gènes cibles qui conduisent à l’arrêt du
cycle cellulaire en G1 (ou G2) ou à l’apoptose (mort cellulaire program-
mée). Les mutations de P53 induisent une inactivation de ces fonctions
transcriptionnelles et la perte de ces effets d’aval sur le contrôle de la
prolifération de cellules dont le génome est endommagé.
Stress
Mdm2
P53
DŽgradation
de P53
Blocage de la
transcription
par P53
ProtŽine
Mdm2 Arr•t
du cycle
Apoptose
ARNm
Mdm2
Accumulation
P53 active
Niveau basal
de P53
Figure 3. À l’état normal, le niveau basal de P53 maintient un niveau
basal de l’expression des gènes cibles, dont Mdm2. Mdm2 se lie à P53
en bloquant l’accès à la machinerie transcriptionnelle de P53 et en accé-
lérant sa dégradation par les ubiquitines. Les stress cellulaires pertur-
bent la boucle de rétrocontrôle négatif en inhibant la liaison P53/Mdm2
et en activant la protéine P53, de sa forme latente à sa forme active : cela
conduit à la régulation de la transcription des gènes cibles (activés ou
réprimés) avec pour effet l’arrêt du cycle cellulaire et/ou l’apoptose.
Activations
oncogŽniques
myc
ras
.
.
.
Kinases
Mdm2
B19 Ð Mdm2 P53 Ð Mdm2
P53 P+
P53+++
active
P19ARF LŽsion ADN
Hypoxie
Oxydation
Irradiation
Carcinog•nes
Arr•t du cycle Apoptose
+
+
+
Figure 4. Voies de signalisation en amont de P53. Par trois voies diffé-
rentes, les activations oncogéniques anormales et les lésions de l’ADN
induisent l’activation de P53. La voie des lésions de l’ADN est double :
phosphorylation de P53 à certains sites induisant son activation d’une
forme latente à une forme phosphorylée (P+) active, et inhibition de la
liaison P53/Mdm2 générant une stabilisation de P53. La voie d’activa-
tion oncogénique passant par P19ARF induit la transcription de ce gène et
élève son niveau protéique, inhibant de nouveau la liaison de Mdm2 à
P53 par séquestration de la protéine Mdm2 dans un complexe P19ARF-
Mdm2. Ces deux voies aboutissent au même résultat : l’accumulation de
la protéine P53 et l’activation de ses fonctions transcriptionnelles sur ses
gènes cibles.
dans le contrôle de la croissance (au point G1). La protéine
Mdm2 se lie à la protéine P53 et induit sa protéolyse par des
enzymes protéolytiques, les ubiquitines. Cela explique le bas
niveau de P53 dans les cellules normales, et son absence de
détection par des anticorps P53 en immunohistochimie (demi-
vie : 20 minutes). De plus, Mdm2 réprime l’activité transcrip-
tionnelle de P53 à l’état basal ; cela explique que la protéine
P53 n’ait pas de rôle dans la régulation du cycle cellulaire des
cellules normales, non soumises au stress. Lorsque la protéine
P53 s’accumule en réponse au stress, elle induit la transcrip-
tion de Mdm2, qui fait partie de ses gènes cibles. Mdm2 exerce
alors un rétrocontrôle négatif sur la transcription et l’activité
transcriptionnelle de P53 et induit sa protéolyse par les ubiqui-
tines, permettant le retour au niveau basal dès l’arrêt du stress
(figure 3). Il est intéressant de noter que les souris privées des
deux allèles de Mdm2 (knock-out Mdm2 -/-) ne sont pas
viables (mort in utero) en raison de l’absence de contrôle du
niveau de la protéine P53 : celui-ci s’élève de façon à induire
l’apoptose des cellules embryonnaires. Le danger d’une pro-
téine P53 anormalement accumulée apparaît au moins égal à
celui de la perte de ses fonctions.
La protéine P19ARF médie la réponse de P53 aux activations
des oncogènes
Un nombre important de produits d’oncogène cellulaire (C-
Myc, Ras, E2F), lorsqu’ils sont surexprimés dans une cellule,
peuvent causer l’accumulation de la protéine P53. En somme,
une activation oncogénique aberrante dans une cellule normale
doit conduire à son élimination (par apoptose) si le gène P53 est
sauvage et la fonction P53 normale. La façon dont certaines pro-
téines virales (SV40 [antigène T] ou adénovirus E1A) et les
oncogènes cellulaires peuvent induire P53 a été une énigme
jusqu’à la découverte récente du gène P19ARF. Ce gène est le pro-
duit d’un transcrit alternatif du gène P16INK4, un autre gène sup-
presseur de tumeur. Celui-ci code pour un inhibiteur de kinases
qui, comme P21-Waf1, inhibe la phosphorylation de Rb. Le lien
établi entre les effets du gène P19ARF et P53 est issu de la consta-
tation que la protéine P19ARF peut se lier à Mdm2, déviant ainsi
Mdm2 d’une interaction avec P53 qui entraîne sa destruction.
Les stress oncogéniques précités, en induisant la transcription du
gène P19ARF, augmentent la concentration intracellulaire de la
protéine P19ARF, laquelle séquestre la protéine Mdm2 et permet
l’accumulation de la protéine P53 en la soustrayant à la destruc-
tion par Mdm2. Pourquoi ce circuit est-il requis dans les cellules
normales ? On peut postuler que nos cellules sont régulièrement
soumises à des anomalies génétiques ou épigénétiques (muta-
tions oncogéniques, facteur de croissance, etc.) qui les entraînent
vers des états hyperprolifératifs inappropriés, et que l’arrêt de
leur cycle cellulaire ou leur mort est une option raisonnable dont
l’exécutant le plus approprié est P53. En somme, le trio molécu-
laire P19/Mdm2/P53 se trouve situé à la croisée des chemins qui
permettent à une cellule anormale ou hyperproliférative d’être
éliminée. Le plus fascinant, dans ces observations, est que la
totalité des réponses au stress, qu’il s’agisse d’un stress géno-
toxique ou oncogénique, présente deux voies séparées, la voie
des phosphorylations de P53 d’une part, et la voie P19ARF d’autre
part, qui toutes deux convergent vers le circuit P53/Mdm2
(figure 4).
Cela nous mène à la conclusion que l’implication de P53 dans
la genèse des tumeurs est beaucoup plus étendue que ce à quoi
nous étions préparés par la connaissance de la réponse au dom-
mage de l’ADN, et par la fréquence de ses mutations. La perte
des voies d’activation de P53 par mutation directe, par perte de
la protéine P19ARF ou par amplification du produit du gène
Mdm2 donne un avantage de croissance considérable à un
clone tumoral en le libérant d’un frein critique sur les activa-
tions oncogéniques. On peut donc penser actuellement que le
gène et la protéine P53 ne sont pas seulement des censeurs des
dommages de l’ADN, et que la voie P19ARF/Mdm2/P53 repré-
sente, dans sa globalité, la cible préférentielle des nouvelles
thérapies du cancer.
L’inactivation du gène et de la protéine P53 dans le cancer
bronchique
D’une façon générale, 50 % des cancers humains présentent
une mutation du gène P53, qui génère le plus souvent une
protéine P53 mutante anormalement accumulée (7-11). Cet
événement mutationnel du gène P53 est l’événement géné-
tique le plus souvent sélectionné par les clones tumoraux en
raison du frein critique à toute prolifération de cellules géné-
tiquement anormales que représente un gène P53 sauvage et
fonctionnant normalement. À ce titre, il est vraisemblable
que de nombreux cancers bronchiques qui ne présentent pas
une mutation identifiable du gène P53 ont une anomalie dans
la voie d’amont qui permet la réponse P53 au stress cellulaire
et notamment oncogénique (figures 1 et 4) ou dans les voies
d’aval dans les différents gènes cibles effecteurs des effets
promus par P53 (figure 2) (perte de la protéine Rb, hyperex-
pression de la protéine Bcl2, etc.).
La moitié des cancers bronchiques présentent une altération
génétique au niveau du gène P53 qui inactive la quasi-totalité
de ses fonctions. Le spectre des mutations rencontrées dans les
cancers bronchiques est vaste. Certains points de mutation très
fréquents sont dits “hot spot” : il s’agit des codons de bases
cibles des carcinogènes du tabac (8). En effet, 80 % des can-
cers bronchiques sont directement liés à des mutations par les
carcinogènes du tabac, celui-ci représentant le principal facteur
de risque pour le développement d’un cancer bronchique. P53
est donc la cible d’une mutagenèse directe dans ces cancers.
Dans 50 % des cancers non à petites cellules (cancers malpi-
ghiens et adénocarcinomes) et dans 70 % des cancers à petites
cellules, on observe une mutation dans la séquence du gène
P53 qui induit une protéine mutante ; celle-ci s’accumule anor-
malement dans le noyau cellulaire et peut être détectée par
immunohistochimie. Cependant, la mutation stabilisante de
P53 ne résume pas toutes les mutations possibles au niveau du
gène. Environ 15 % des mutations concernent des délétions
dans la séquence génique créant des messagers anormaux et
l’absence d’expression protéique. Ces mutations à phénotype
“P53 nul” ne sont pas détectées par immunohistochimie, car la
protéine P53 y est aussi indétectable que celle des tissus nor-
maux. Enfin, il est vraisemblable que la mutation du gène de
P53 ne résume pas toutes les anomalies génétiques qui concou-
rent à son inactivation (amplification de l’oncogène Mdm2 ?
perte des fonctions P19 ?) ou à la perte des cibles efférentes de
P53, comme la protéine Rb pour l’arrêt en G1.
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Les tumeurs neuro-endocrines pulmonaires se composent de
4 formes histologiques d’agressivité clinique croissante, depuis
le carcinoïde typique (tumeur de bas grade de malignité) et le
carcinoïde atypique (de grade intermédiaire) jusqu’aux carci-
nomes neuro-endocrines de haut grade, comportant les carci-
nomes neuro-endocrines à grandes cellules et les carcinomes à
petites cellules. On observe l’absence de mutations de P53 ou
d’anomalies de ses fonctions d’aval dans les carcinoïdes
typiques (bas grade), tandis que la fréquence de ces anomalies
est de 20 % dans les carcinoïdes atypiques (grade intermé-
diaire) et de 70 % dans les carcinomes à petites cellules et les
carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules (haut grade),
témoignant du rôle majeur de l’inactivation de P53 dans
l’agressivité des tumeurs (12).
La mutation de P53, qui n’a pas de rôle pronostique majeur
dans les cancers bronchiques, peut survenir très précocement
dans la genèse de ces cancers. En effet, il est notoire que le
tiers des états précancéreux (état prénéoplasique bronchique)
est le siège d’une mutation du gène P53 et d’une accumulation
de la protéine détectable par immunohistochimie. Cette muta-
tion stabilisante de P53 n’est jamais remarquée dans des
lésions prénéoplasiques qui n’évoluent pas vers le cancer (13).
Leur fréquence augmente progressivement selon le degré de
gravité des dysplasies (légères, modérées, sévères, carcinomes
in situ).
La question importante qui peut être posée est la suivante : la
détection d’une stabilisation avec accumulation de la protéine
P53, permettant sa détection immunohistochimique, permet-
elle de conclure que la protéine P53 est mutée ? Il existe
quelques exceptions à cette règle qui rendent délicate l’inter-
prétation d’une accumulation anormale de P53 dans des cel-
lules desquamées dans les fluides, notamment expectoration,
rinçage bronchique ou lavage bronchiolo-alvéolaire. En effet,
les conditions de stress (oxydatif, génotoxique ou hypoxique)
peuvent conduire à l’accumulation transitoire d’une protéine
P53 sauvage qui traduit un processus de réponse plutôt qu’un
processus néoplasique. Il a ainsi été démontré que, dans les
dommages alvéolaires diffus, qui sont des maladies pulmo-
naires aiguës se traduisant cliniquement par un syndrome de
détresse respiratoire aiguë, on observe une induction massive
de la protéine P53 sauvage et son accumulation dans les pneu-
mocytes de type II qui précèdent leur apoptose P53-dépen-
dante (14). De telles cellules rencontrées dans les expectora-
tions pourraient faire conclure à tort à un diagnostic de cancer.
En somme, seule la mutation de P53 permet véritablement le
diagnostic de processus néoplasique.
CONCLUSION
Le produit protéique du gène P53 représente un carrefour cri-
tique de la réponse adaptative au stress génotoxique et aux
multiples incitations oncogéniques, qui sont vraisemblable-
ment beaucoup plus fréquentes spontanément dans les cellules
humaines que ne le sont les dommages de l’ADN. Plus qu’un
censeur des lésions de l’ADN, P53 se présente actuellement
comme le véritable gardien des anomalies oncogéniques,
qu’elle est capable de sanctionner par un arrêt du cycle cellu-
laire ou la mort par apoptose. L’état sauvage du gène P53 n’est
pas le seul garant des fonctions de P53, car la protéine P53 est
le partenaire d’un trio moléculaire P53/Mdm2/P19 qui module
son activation et régule l’essentiel des stress oncogéniques ou
génotoxiques. Toute altération de l’équilibre protéique dans ce
complexe trimoléculaire est de nature à initier ou encourager le
développement clonal et le processus tumoral. Une ou plu-
sieurs altérations de ses voies effectrices d’aval peuvent inhi-
ber ses fonctions.
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Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
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