La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - février 1998 23
En cas de cancer médio-gastrique ou du 1/3 supérieur
(cardio-tubérositaire)
Il faut faire une gastrectomie totale. Concernant le rétablisse-
ment de la continuité digestive, de multiples montages plus ou
moins complexes ont été décrits.
Le plus utilisé avec de bons résultats fonctionnels est l’ascen-
sion d’une anse jéjunale en Υ avec anastomose œso-jéjunale,
termino-latérale, effectuée manuellement ou à la pince méca-
nique. Pour éviter les reflux, l’anastomose au pied de l’anse
doit être située à 80 cm de l’anastomose supérieure. Faut-il
faire un réservoir gastrique pour améliorer le confort des
p a t i e n t s ? Il y a actuellement plusieurs études randomisées, cer-
taines sont en faveur du réservoir mais d’autres n’y voient
aucun bénéfice.
La question primordiale est la suivante :
Faut-il faire une gastrectomie totale simple ou faut-il faire une
gastrectomie totale élargie à la rate et au pancréas permettant le
curage des groupes ganglionnaires du hile splénique (groupe
10) et de l’artère splénique (groupe 11) ?
La place de la splénectomie et de la pancréatectomie reste
débattue. Si l’on envisage un curage ganglionnaire de type D
2
pour un cancer médio-gastrique ou cardio-tubérositaire, il faut
réséquer les groupes ganglionnaires 2 (paracardiaques), 7
(coronaire stomachique), 8 (hépatique commune) et 9
(cœliaque) qui n’imposent pas de spléno-pancréatectomie,
mais il faut également réséquer les groupes 10 et 11 qui néces-
sitent l’exérèse de la rate et du pancréas. Avant d’envisager
une gastrectomie totale élargie, il faut toujours avoir à l’esprit
la mortalité et la morbidité engendrées par une telle interven-
tion. La mortalité opératoire est faible après gastrectomie tota-
le (0 à 1 % ) ; en revanche, après gastrectomie totale élarg i e ,
elle est de 15 % .
QUELLE EST LA PLACE DE LA SPLÉNECTOMIE ?
Le risque d’envahissement ganglionnaire au niveau du hile
splénique et de l’artère splénique est très variable selon les
auteurs, selon le siège de la tumeur (médio-gastrique ou car-
dio-tubérositaire ou la totalité de l’estomac) et l’extension de
la tumeur (séreuse + ou séreuse -). Pour Fortner (9), l ’ e n v a -
hissement des ganglions du hile splénique s’observerait dans
6 4 % des cancers cardio-tubérositaires lorsque la séreuse est
envahie, mais pour Noguchi (7), le risque de N+ splénique
n’est que de 14 %.
Seule, la splénectomie permet le curage des ganglions du hile
splénique. Mais cette splénectomie est responsable d’une
mortalité opératoire plus élevée, d’une morbidité et d’une
diminution des défenses immunitaires. Il y a peu d’études
randomisées concernant le rôle de la splénectomie dans la
c h i r u rgie du cancer de l’estomac. Les études sont rétrospec-
tives et, il y a toujours un biais de sélection, le groupe des
patients ayant eu une splénectomie étant toujours plus grave
et la tumeur étant toujours plus évoluée (T
4
ou N
2
). Le t a b l e a u
I V montre quelques études récentes comparant la survie des
groupes splénectomisés et non splénectomisés. Les groupes
sans splénectomie semblent avoir une meilleure survie. Seule
l’étude de Toge (Hiroshima) est randomisée et, après avoir
éliminé les cancers cardio-tubérositaires avec un envahisse-
ment de la séreuse et les patients qui avaient en peropératoire
un envahissement ganglionnaire évident du hile splénique,
cette étude montre qu’il y a un bénéfice sur la survie pour les
stades III et IV ( 1 2 % versus 51 %) dans le groupe splénecto-
misé (10).
En conclusion, il semble que la splénectomie ne soit indi-
quée qu’en cas de cancer cardio-tubérositaire, envahissant la
séreuse, et lorsqu’il y a un envahissement évident des gan-
glions du hile splénique. Elle est inutile et nuisible dans tous
les autres cas.
QUELLE EST LA PLACE DE LA PANCRÉATECTOMIE ?
Elle permet le curage du groupe 11 (artère splénique). Certains
auteurs ont proposé le curage de l’artère splénique sans pan-
créatectomie, mais le risque de complications semble aussi
important qu’après pancréatectomie distale. La pancréatectomie
ne doit être associée à la gastrectomie totale que de nécessité, en
cas d’envahissement direct du pancréas par une tumeur gas-
trique à développement postérieur.
En conclusion, on peut proposer l’attitude chirurgicale suivante :
•Cancer antro-pylorique : gastrectomie subtotale et curage de
type D
2
.
•Cancer médio-gastrique ou cardio-tubérositaire : gastrectomie
totale simple chez les sujets âgés ou en cas de tumeur n’enva-
hissant pas la séreuse, ou en cas de tumeur siégeant sur la peti-
te courbure.
•Gastrectomie totale + splénectomie lorsque la tumeur siège sur
la grande courbure et lorsqu’elle envahit la séreuse, ou lorsqu’il
y a un envahissement ganglionnaire du hile splénique (examen
extemporané).
Auteurs
Griffitz 207 71 %
34 % stades III
4 5 %
2 5 % stades III
Cushieri 200 50 % 30 %
Noguchi 113 65 % 40 %
Hiroshima (Toge) 64
51 %
stades III-IV
12 %
68 %
stades III-IV
51 %
Nombre
de patients
Pas de
splénectomie Splénectomie
Tableau IV.Rôle de la splénectomie : survie.