Traitement chirurgical du cancer de la vésicule biliaire

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Traitement chirurgical du cancer de la vésicule biliaire
Surgical management of gallbladder cholangiocarcinoma
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F. Paye*
▶ points forts
▶ Le risque d’essaimage ganglionnaire est nul pour les lésions
purement muqueuses mais existe dès l’envahissement de
la musculeuse.
▶ L’examen anatomopathologique d’une vésicule lithiasique
symptomatique après cholécystectomie cœlioscopique doit
faire envisager, si l’atteinte de la musculeuse vésiculaire est
affirmée ou non déterminable, une réintervention à visée
carcinologique.
▶ L’objectif du traitement chirurgical du cancer de la vésicule
biliaire est d’obtenir une résection complète R0, la seule à
être potentiellement bénéfique.
▶ Le traitement chirurgical réglé comporte systématiquement l’association d’une hépatectomie partielle emportant
le lit vésiculaire et ses veinules de drainage et d’un curage
ganglionnaire du pédicule hépatique emportant les premiers
relais ganglionnaires.
Mots-clés : Imagerie préopératoire – Traitement chirurgical.
Keywords: Preoperative imaging techniques – Surgical
management.
L
e cancer de la vésicule biliaire est le plus fréquent des
cancers des voies biliaires, mais il compte pour moins
de 5 % des cancers digestifs en Europe et en Amérique
du Nord. Ses facteurs favorisants sont la lithiase biliaire, les
anomalies de jonction biliopancréatique favorisant le reflux
endobiliaire, et les lésions muqueuses prénéoplasiques telles que
les polypes vésiculaires, la papillomatose des voies biliaires et les
calcifications de la paroi vésiculaire. L’extension de cet adénocar­
cinome naissant de l’épithélium vésiculaire se fait de la muqueuse
(T1a) vers la musculeuse (T1b) et la séreuse (T2) [la vésicule
est dépourvue de musculaire muqueuse et de sous­muqueuse]
ainsi que les viscères adjacents (lit vésiculaire et foie pour la face
hépatique de la vésicule, péritoine, côlon, duodénum et pédicule
hépatique pour la face libre). Le risque d’essaimage ganglion­
naire est nul pour les lésions purement muqueuses et existe dès
l’envahissement de la musculeuse, vers les ganglions du pédicule
* Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Saint-Antoine, Paris.
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hépatique, puis vers les ganglions rétroduodénaux périportaux,
cœliaques et interaortico­caves. L’extension intraluminale est
fréquente dans les formes papillaires. Une extension veineuse
est possible par le réseau veineux du fond vésiculaire vers les
veines hépatiques. La dissémination péritonéale, fréquente
en cas d’atteinte de la séreuse vésiculaire, est responsable des
lésions de carcinose et des greffes tumorales observées chez
10 à 15 % des patients sur les orifices de trocards après exérèse
cœlioscopique d’un cancer vésiculaire méconnu (1).
Les modes de découverte du cancer de la vésicule, qui condi­
tionnent les possibilités thérapeutiques, sont les suivants :
 l’apparition de symptômes tumoraux (altération de l’état
général, douleurs chroniques de l’hypocondre droit, ictère,
masse tumorale englobant la région vésiculaire, ascite), qui
traduisent le plus souvent une lésion déjà non résécable ne
justifiant qu’un traitement palliatif associant chimiothérapie
et endoprothèse biliaire ;
 la découverte fortuite d’une tumeur vésiculaire sur des examens
morphologiques demandés pour des symptômes causés par la
lithiase vésiculaire associée : cette tumeur est encore accessible
à une chirurgie étendue à visée curative en l’absence de diffu­
sion métastatique hépatique, pleuropulmonaire, ganglionnaire
distale ou péritonéale décelable sur les examens radiologiques,
éventuellement complétés d’une cœlioscopie exploratrice ;
 l’examen anatomopathologique d’une vésicule lithiasique
symptomatique après cholécystectomie cœlioscopique, qui
doit faire envisager, si l’atteinte de la musculeuse vésiculaire
est affirmée ou non déterminable, une réintervention carci­
nologique ;
 l’examen extemporané peropératoire des zones muqueuses
macroscopiquement suspectes à l’ouverture de la vésicule par
le chirurgien. Mais cet examen chirurgical macroscopique (qui
doit faire partie du geste chirurgical de cholécystectomie) est en
pratique soit trop souvent omis, soit non suivi, pour des raisons
logistiques, d’un examen extemporané…
L’objectif du traitement chirurgical du cancer de la vésicule
biliaire est d’obtenir une résection complète R0, seule à être
potentiellement bénéfique. La place de la chirurgie palliative reste
limitée aux très rares indications de dérivation biliodigestive sur
le canal biliaire du segment III, quand la tumeur atteignant la voie
biliaire principale est responsable d’un ictère et qu’une contre­
indication à l’exérèse prévue est découverte en peropératoire.
Le délai de la réintervention doit tenir compte des difficultés
techniques d’une réintervention précoce (adhérences des deux
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 10 - décembre 2007
premiers mois postopératoires) et du risque d’évolution d’une
maladie tumorale résiduelle en place. En pratique, la réinter­
vention est souvent proposée après transfert dans un centre
spécialisé en chirurgie hépatobiliaire dès le diagnostic.
Le traitement chirurgical réglé comporte systématiquement
l’association d’une hépatectomie partielle emportant le lit vésicu­
laire et ses veinules de drainage et d’un curage ganglionnaire du
pédicule hépatique emportant les premiers relais ganglionnaires.
Si le cancer a été découvert sur pièce de cholécystectomie cœlios­
copique, il faut y associer l’exérèse transpariétale de cylindres de
paroi abdominale (de la peau au péritoine) emportant chaque
site des trocards cœlioscopiques précédemment utilisés, pour
traiter d’éventuelles greffes tumorales pariétales. Si la seule
exérèse du lit vésiculaire emportant 2 à 3 cm de profondeur
du parenchyme hépatique adjacent est parfois réalisée en cas
d’atteinte limitée à la musculeuse (T2) sur la pièce de cholé­
cystectomie, la majorité des équipes recommande une exérèse
hépatique réglée emportant les segments IVb et V et parfois
plus étendue en cas de tumeur intrahépatique envahissant les
segments adjacents. L’extension du curage ganglionnaire aux
seconds relais rétroduodénaux pancréatiques et cœliaques et
para­aortiques est discutée. La résection du moignon cystique
avec examen extemporané est souhaitable et peut justifier en
cas d’atteinte tumorale une résection associée de la voie biliaire
principale, suivie d’une anastomose biliodigestive sur anse en Y
montée sur la convergence biliaire, parfois également nécessaire
si la voie biliaire principale est envahie ou dévascularisée par
l’étendue du curage du pédicule hépatique.
Les Japonais rapportent des chirurgies régionales plus exten­
sives associant une duodénopancréatectomie et l’exérèse des
organes adjacents envahis (2). Mais ces résections majeures
sont responsables d’une morbidité postopératoire qui dépasse
40 % et restent exceptionnellement réalisées en Occident, où
leur utilité est discutée. La transplantation hépatique n’a pas
ici d’indication.
Après résection R0, la survie à 5 ans est de 30 à 40 % (3). Supé­
rieure à 95 % pour les stades T1 (après seule cholécystectomie),
elle est de 50 % à 70 % pour les stades T2 et inférieure à 15 %
pour les stades T3 et T4 malgré une chirurgie extensive (4). La
présence d’un envahissement ganglionnaire est associée à une
survie à 5 ans qui varie de 0 à 30 % (4). Le caractère incomplet
d’une chirurgie initiale ayant méconnu le cancer et le délai écoulé
avant la reprise chirurgicale réglée ne semblent pas influencer
de façon majeure la survie obtenue par une chirurgie réglée,
qui améliore significativement le pronostic (3). Les traitements
adjuvants n’ont jusqu’ici pas fait la preuve de leur utilité. ■
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références bibliographiques
1. Susuki K, Kimura T, Ogawa H. Is laparoscopic cholecystectomy hazardous for
gallbladder cancer? Surgery 1998;123:311-4.
2. Nimura Y. Extended surgery in bilio-pancreatic cancer: the Japanese experience. Semin Oncol 2002;29:17-22.
3. Fong Y, Jarnagin V, Blumgart LH. Gallbladder cancer: comparison of patients
presenting initially for definitive operation with those presenting after prior
noncurative intervention. Ann Surg 2000;232:557-69.
4. Toyonaga T, Chijiiwa K, Nakano K et al. Completion radical surgery after
cholecystectomy for accidentally undiagnosed gallbladder carcinoma. World
J Surg 2003;27:266-71.
Largeur 176 mm (La Lettre, Le Courrier)
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