La maladie chronique du greffon contre l`hôte

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Revue
Hématologie 2010 ; 16 (6) : 420-9
La maladie chronique du greffon
contre l’hôte
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Chronic graft versus host disease
Anna Lisa Andréoli
Régis Peffault de Latour
Sylvain Thépot
Gérard Socié
Service d’hématologie-greffe,
Hôpital Saint-Louis, Paris
<[email protected]>
Résumé. La maladie chronique du greffon contre l’hôte (GvH chronique) est la
cause majeure de mortalité non liée à la rechute et de morbidité après allogreffe
de cellules souches hématopoïétiques (CSH). Récemment, une conférence de
consensus internationale sous l’égide du NIH au États-Unis a permis de faire le
point sur la maladie, sa présentation clinique et ses facteurs pronostiques. Le diagnostic repose maintenant sur des critères cliniques et non sur la date d’apparition
de la GvH chronique comme c’était le cas auparavant (avant ou après 3 mois).
Cette classification devrait permettre d’appréhender plus facilement le pronostic
des patients ayant une GvH chronique. Les corticoïdes et les inhibiteurs de
calcineurine (ciclosporine ou tacrolimus) restent le traitement de première ligne.
La majorité des patients répond à ce traitement avec une immunosuppression
souvent poursuivie plus d’un an. Les secondes lignes thérapeutiques seront aussi
abordées dans cet article.
Mots clés : allogreffe de moelle, maladie du greffon contre l’hôte, traitement
immunosuppresseur
Abstract. Chronic graft versus host disease (cGvH) is the leading cause of long term
non relapse mortality after hematopoietic stem cell transplant (SCT). The national
institutes of health (NIH) proposed recently new criteria for the diagnosis, classification and stratification of patients with cGVH after allo-SCT. The diagnosis is still
based on physical examination but with no limitations regarding the classical
timing suggested by the Seattle group (acute GvH before day 100 and cGvH
after day 100). This new classification is supposed to better describe the extension
as well as the severity and functional status of patients diagnosed with cGVHD.
Steroids and cyclosporine or tacrolimus remain the standard as initial therapy.
This combination is effective in the majority of affected patients, although immunosuppressive therapy is often required for more than 1 year. Second line treatments
are also described.
Key words: bone marrow transplantation, chronic graft versus host disease,
imunosuppressive treatment
Tirés à part :
G. Socié
420
conséquent, diminue le risque de rechute
de la maladie maligne après la greffe de
CSH [1].
La problématique clinique majeure dans
cette pathologie réside dans la compréhension du spectre de la maladie. Bien
que les atteintes cutanées, buccales,
lacrymales et hépatiques soient fréquentes, le nombre d’autres organes cibles et
Hématologie, vol. 16, n° 6, novembre-décembre 2010
doi: 10.1684/hma.2010.0507
L
a maladie chronique du
greffon contre l’hôte (GvH
chronique) est la cause
majeure de mortalité non
liée à la rechute et de morbidité après greffe de cellules souches
hématopoïétiques (CSH). Elle est aussi
associée à un puissant effet antitumoral
(effet GvL [graft-versus-leukemia]) et, par
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le type d’atteintes sont très polymorphes. La physiopathologie
sous-tendant ces divers syndromes peut même être différente
en fonction de l’organe atteint.
L’incidence de la GvH chronique tend à augmenter du fait de
changements de modalités dans les pratiques de greffe. Cette
augmentation est expliquée par :
– l’utilisation de plus en plus fréquente de donneurs non
apparentés ;
– l’utilisation de la greffe chez des patients de plus en plus
âgés ;
– l’utilisation croissante de cellules souches périphériques
mobilisées par des facteurs de croissance hématopoïétique
(G-CSF) à la place des greffons médullaires ;
– l’utilisation fréquente des réinjections de lymphocytes de
donneurs après conditionnement à intensité réduite.
Malheureusement, peu de progrès ont été réalisés ces
25 dernières années dans la compréhension de la physiopathologie de cette maladie. Récemment, une conférence
de consensus internationale sous l’impulsion du Pr Pavletic
a réuni des experts au National Institutes of Health (NIH)
aux États-Unis et a permis de faire le point sur la maladie,
sa présentation clinique et ses facteurs pronostiques [2].
Des critères diagnostiques précis, un nouveau score pronostique et des recommandations thérapeutiques ont ainsi été
proposés qui pourraient permettre d’améliorer le pronostic
quelquefois sombre de ces complications.
Nosologie
Classiquement, la définition de la GvH chronique reposait
jusqu’en 2005 sur la présence de signe(s) clinique(s) de réaction du greffon contre l’hôte survenant après le troisième mois
post-allogreffe.
On parlait ainsi de GvH chronique progressive lorsqu’un
patient présentait un continuum entre la GvH aiguë et la
GvH chronique. Une forme quiescente était définie lorsque
GvH aiguë et chronique étaient séparées par un intervalle
de temps sans maladie, et de GvH chronique de novo,
lorsque le patient développait des signes de GvH chronique
sans avoir eu préalablement de diagnostic de GvH aiguë.
Cette classification avait été proposée par le groupe de
Seattle [3] mais présentait des limites évidentes :
– la limite de J100 était une limite finalement arbitraire.
La forme progressive présentait un caractère pronostique
très défavorable puisqu’il s’agissait souvent de patients
traités par des stéroïdes à forte dose pour une GvH aiguë
(à J99) et qui étaient classifiés GvH chronique à J10 ;
– il n’est pas rare d’avoir des signes de GvH chronique
associés aux signes de GvH aiguë. Cette classification n’en
tenait pas compte ;
– de plus, l’évolution des allogreffes avec l’introduction de
conditionnements à intensité réduite et l’utilisation d’injection
de lymphocytes du donneur post-greffe ont rendu cette
classification ultérieurement inadaptée et obsolète puisque
pourvoyeuse de signes de réaction aiguë du greffon contre
l’hôte après le 3e mois.
Pour toutes ces raisons, on estime qu’environ 20 %
des patients qui présentent une GvH chronique en utilisant
les critères de Seattle ont, en fait, une GvH aiguë [4].
Pour pallier ces faiblesses, un comité d’experts s’est réuni
en 2005 [2] pour réfléchir à ces questions et a proposé une
classification qui définit la GvH chronique non pas sur la date
de survenue mais sur la présence ou l’absence de signes
cliniques et biologiques évocateurs de GvH chronique.
Il existe dans cette classification une nouvelle catégorie, le
syndrome de superposition (syndrome de chevauchement)
qui associe chez le même malade des signes de GvH aiguë et
de GvH chronique. Cette nouvelle classification est détaillée
dans le tableau 1.
Diagnostic
Le diagnostic de GvH chronique est donc avant tout clinique.
La conférence de consensus du NIH a permis de définir des
signes caractéristiques de GvH chronique et des signes associés mais non spécifiques (tableau 2). Il existe une dernière
catégorie de manifestations cliniques non spécifiques puisque
communes à la GvH aiguë et chronique [2]. On retient ainsi
le diagnostic positif de GvH chronique devant la présence
d’un signe caractéristique de GvH chronique ou d’une
Tableau 1
Caractère aigu ou chronique de la maladie du greffon contre l’hôte selon la conférence de consensus du NIH
Caractère aigu ou chronique
GvH aiguë
GvH aiguë classique
GvH aiguë persistante
GvH aiguë récurrente
GvH aiguë de survenue tardive
GvH chronique
GvH chronique classique
Syndrome de superposition
Survenue des symptômes
Présence de signe
de GvH aiguë
Présence de signe
de GvH chronique
≤ 100 jours
≥ 100 jours
Oui
Oui
Non
Non
Oui
Sans limite
Sans limite
Non
Oui
Oui
Oui
421
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Tableau 2
Critères diagnostiques cutanéo-muqueux de la GvH chronique
Manifestations cutanéo-muqueuses diagnostiques
(une seule suffit pour porter le diagnostic)
Lésions de type lichen plan
Lésions de type lichen scléreux
Lésions de type morphée (sclérodermie superficielle)
Lésions scléreuses incluant les lésions profondes à type fasciite
à éosinophiles
Rétraction et contractures articulaires secondaires à la sclérose
Poïkilodermie
Plaques hyperkératosiques de la muqueuse buccale
Lésions à type de lichen de la muqueuse buccale
Diminution de l’ouverture buccale liée à la sclérose
Atteinte lichénienne génitale, sténose vaginale
Manifestations cutanéo-muqueuses associées
(suffisent au diagnostic si histologie, biologie
ou radiologie contributives)
Dépigmentation
Apparition d’une alopécie cicatricielle ou non ou aspect
érythémato-papuleux ou squameux du cuir chevelu
Dystrophies unguéales : stries longitudinales, onycholyse,
ptérygium, fragilité et dédoublement unguéal, destruction unguéale
Xérostomie, mucocèle, atrophie de la muqueuse buccale,
ulcérations buccales et pseudo membranes
Érosions, fissures, ulcérations génitales
manifestation possiblement associée à la GvH chronique mais
à la condition d’avoir une preuve histologique, biologique ou
radiologique du même organe ou d’un autre.
Les signes histopathologiques typiques de GvH chronique
peuvent être absents au début de la maladie et surtout
chez des patients déjà traités par stéroïdes. L’infiltrat peut
être seulement périvasculaire et l’image de corps apoptotiques absente.
Quelle que soit la localisation de la GvH chronique, les causes
toxiques/médicamenteuses et virales doivent être évoquées
comme diagnostic différentiel. Les causes virales sont d’autant
plus difficiles à écarter que les virus (surtout du groupe herpès)
peuvent initier ou amplifier des réactions de GvH chronique.
Le diagnostic différentiel avec une atteinte toxique est aussi
parfois difficile, notamment au niveau hépatique [2].
La GvH chronique présente de nombreuses similitudes
cliniques et biologiques avec les maladies auto-immunes, en
particulier le lupus systémique, la sclérodermie, le syndrome
de Sjogren’s, les connectivites mixtes ou le lichen. La GvH
chronique peut affecter pratiquement tous les organes mais
les manifestations les plus fréquentes sont cutanées, muqueuses, lacrymales et hépatiques. Les principales manifestations
sont résumées dans le tableau 3.
Manifestations cutanées
et atteintes des phanères [5]
422
Les manifestations cutanées sont très polymorphes érythème
maculaire ou papulo-squameux et fibrose superficielle sont
fréquents au début. La manifestation la plus typique est un
rash papulaire ressemblant au lichen. Un aspect en loup au
niveau du visage proche du lupus est aussi très évocateur.
Si les lésions progressent (sans ou malgré le traitement), la
peau prend alors un aspect couramment poïkilodermique
associant des lésions d’âge différent avec des lésions érythémateuses, des télangiectasies et des zones atrophiques.
La sclérose dermique est rarement un signe de début mais est
fréquente aux stades évolués ; elle peut être superficielle associée à un épaississement cutané proche de la sclérodermie
systémique. À un stade évolué, elle devient profonde avec
notamment le développement de rétractions ou de sclérose
articulaire. Les grands tableaux classiques d’atteintes cutanées
disséminées avec fibrose diffuse et troubles trophiques sont,
heureusement, devenus rares grâce aux traitements actuels !
La GvH chronique peut aussi entraîner des troubles de la
pigmentation à type d’hyper- ou d’hypopigmentation mimant
alors un vitiligo. Une atteinte des glandes sudorales et des
bulbes pilaires est à l’origine de troubles de la sudation et
d’alopécie en clairière, respectivement. Enfin, des troubles
des ongles avec onychodystrophie peuvent survenir.
Manifestations oculaires
La GvH chronique est à l’origine d’une atteinte inflammatoire
et d’une fibrose des glandes lacrymales à l’origine d’un
syndrome sec. Les patients se plaignent volontiers de sensation d’œil sec et de photophobie. Les kérato-conjonctivites
sont alors fréquentes. Le problème du diagnostic différentiel
d’une atteinte spécifique de GvH avec celui d’un syndrome
sec postradique est fréquent et peut être difficile si les atteintes
extra-oculaires sont pauci-symptomatiques. Le test de
Schirmer (< à 5-10 mm) permet d’authentifier le syndrome
sec ; en cas de diagnostic difficile la biopsie de glandes
salivaires accessoires au niveau labial est très utile. Enfin,
les surinfections virales et/ou bactériennes sont fréquentes
nécessitant des prélèvements au moindre doute.
Atteintes de la muqueuse buccale
L’atteinte des glandes salivaires est là aussi fréquente, entraînant un syndrome sec, une majoration du risque de caries
dentaires du collet. L’atteinte de l’épithélium buccal est
responsable de lésions proches de celles observées dans le
lichen érosif des muqueuses. Une atteinte virale ou candidosique doit être éliminée au moindre doute, elle peut être le
facteur déclenchant d’une poussée de GvH chronique.
Les troubles du goût sont fréquents.
Atteinte hépatique
L’atteinte des canalicules biliaires est une des pierres angulaires
du diagnostic de GvH. Elle est responsable d’une hépatopathie
cholestatique identique à celle observée à la phase aiguë.
La biopsie hépatique est discutée en cas de diagnostic différentiel difficile avec une étiologie toxique/médicamenteuse ou
infectieuse. Récemment, des formes pseudo hépatitiques de
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Tableau 3
Manifestations cliniques et tests diagnostiques de la GvH chronique
Organe
Signes, symptômes et tests biologiques
Peau
Rash papulaire (lichénoïde) érythémateux ou violacé potentiellement
Biopsie cutanée
squameux ou prurigineux.
Hyperpigmentation, hypopigmentation, poïkilodermie
Épaississement, perte d’élasticité, fragilité, fixité cutanée (sclérodermiforme)
Cheveux et ongles
Cheveux fins ou cassants, grisonnement précoce, alopécie
Ongles striés ou fragiles
Bouche
Érythème, stries ou plaques blanchâtres (lichénoïdes)
Ulcérations, fausses membranes, mucocèles
Biopsie muqueuse ou labiale
Yeux
Diminution de la production lacrymale (augmentation possible à la phase
précoce)
Sécheresse oculaire, brûlure, sensation de corps étranger, photophobie
Conjonctivite, ulcérations cornéennes
Test de Schirmer pour production
lacrymale
Foie
Augmentation de la bilirubine, des phosphatases alcalines, des GGT,
des ASAT et ALAT
Biopsie hépatique si absence d’autre site
atteint
Appareil digestif
Dysphagie, épigastralgies, douleurs rétrosternales
Transit œso-gastro-duodénal,
endoscopie haute et basse
Tests de malabsorption, recherche d’une
insuffisance pancréatique
Perte de poids, perte d’appétit, nausées, vomissements, diarrhée, douleurs
abdominales
Poumons
Toux, wheezing, dyspnée
Appareil locomoteur Arthralgies, arthrites, myalgies, faiblesse musculaire, contractures
Épanchement pleural ou péricardique, ascite
Tests diagnostiques
Explorations fonctionnelles respiratoires
incluant spirométrie, DLCO, volumes
pulmonaires
Scanner thoracique haute résolution
avec coupes inspiratoires et expiratoires
CK, aldolase
EMG
ENG
Biopsie musculaire
Analyse de l’épanchement
Vulve/vagin
Érythème, stries ou plaques blanchâtres (lichénoïdes)
Sécheresse, irritation
Dyspareunies
Examen gynécologique : biopsie
Cœur
Bradycardie
Douleurs thoraciques
ECG
Holter
CK, LDH, troponine
Rein
Protéinurie, œdèmes
Protéinurie des 24 heures
Biopsie rénale
Système nerveux
Neuropathie sensitive ou motrice
ENG
Sang
Purpura thrombocytopénique immunologique, anémie hémolytique autoimmune, hyperéosinophilie
Test de Coombs
Formule sanguine
Système immunitaire Infections à germes encapsulés
Infections pulmonaires et sinusites chroniques
Pneumocystose pulmonaire
Infections tardives à cytomégalovirus ou à herpès virus
Absence de réponse vaccinale
423
Hématologie, vol. 16, n° 6, novembre-décembre 2010
GvH chronique où la cytolyse domine le tableau ont été
décrites. L’évolution vers une cirrhose est aussi classique que
rare même si histologiquement la fibrose est fréquente.
sations, les formes érosives sont relativement fréquentes
(car diagnostiquées quelquefois tardivement). Il faut savoir
rechercher systématiquement ces lésions souvent non
rapportées spontanément par le patient.
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Atteinte gastro-intestinale
Elle peut être haute ou basse. L’atteinte œsophagienne autrefois classique est devenue exceptionnelle (troubles de la motilité, dysphagie et anneau fibreux). En revanche, les troubles
dyspeptiques et les douleurs abdominales sont fréquemment
responsables d’un amaigrissement d’origine multifactorielle
(atteintes buccales, intestinales, pancréatiques, toxicité médicamenteuse, etc.). Histologiquement, il est impossible de différencier la GvH aiguë de la GvH chronique ; seule la mise en
évidence (rarissime) d’une atteinte segmentaire avec fibrose
sous-muqueuse signe le caractère « chronique » des lésions.
En cas de doute, un syndrome de malabsorption d’origine
pancréatique externe doit être recherché.
Atteintes pulmonaires
La GvH chronique est associée à des tableaux divers sur le
plan pulmonaire. L’atteinte la plus classique est celle d’une
bronchiolite oblitérante non différenciable en anatomopathologie d’un rejet de greffe pulmonaire. La biopsie pulmonaire
est rarement réalisée et le diagnostic repose sur le scanner
thoracique et les épreuves fonctionnelles respiratoires.
Cependant, à côté de la classique bronchiolite oblitérante
une constellation de tableaux cliniques liés à la GvH
chronique ont été décrits associant des signes cliniques non
spécifiques (toux sèche et/ou dyspnée) sans étiologies infectieuses reconnues (valeur du LBA) ni signes scanographiques
typiques de bronchiolite et très souvent associés à un syndrome obstructif (ou mixte) aux explorations fonctionnelles
respiratoires. Ces différents tableaux peuvent d’ailleurs être
déclenchés par une infection bronchique ou pulmonaire
notamment virale. La recherche d’autres sites de GvH chronique est particulièrement importante dans ces atteintes pulmonaires ; l’association avec une atteinte muqueuse buccale
ou génitale est particulièrement fréquente. Enfin, parmi le
spectre des atteintes pulmonaires, il est important de reconnaître les bronchiolites avec pneumonie organisée (BOOP) ;
cette entité parfois virale est fréquemment liée ou aggravée
par la GvH mais elle est aussi très sensible au traitement par
corticoïdes.
Atteintes musculaires et articulaires
Polymyosite, myasthénie, atteintes séreuses disséminées,
arthrites et fasciites font partie des manifestations rares
mais classiques de GvH chronique. Elles posent toutes des
problèmes de diagnostic différentiel parfois difficile.
Atteintes génitales
424
Les atteintes vulvo-vaginales ou du gland (et du prépuce)
miment elles aussi les atteintes de lichen. Dans ces locali-
Autres atteintes
Des atteintes cardiaques, rénales, et du système nerveux (central et périphérique) ont été décrites ; leur lien avec la GvH
chronique est quelquefois ténu (à l’exception de rares atteintes
glomérulaires rénales) et le nombre de cas publiés est faible.
Atteintes hématologiques
La GVH chronique peut être associée à des cytopénies
auto-immunes, une hyperéosinophilie ou une insuffisance
médullaire. L’existence d’une thrombopénie inférieure à
100 000 non auto-immune est un facteur de pronostic péjoratif.
De manière plus récente, l’hyperéosinophilie sanguine ou
tissulaire est à considérer comme un marqueur précoce de
développement de maladie chronique du greffon contre l’hôte.
Atteintes du système immunitaire
La GvH chronique est associée à un déficit immunitaire complexe, comprenant des stigmates d’auto-immunité, un déficit
prédominant sur les lymphocytes T et les lymphocytes B. Cette
combinaison paradoxale d’auto-immunité et de déficit immunitaire est reliée, pour certains au moins, à un mécanisme de
type Th2. Les patients atteints de GVH chronique sont à haut
risque d’infection. Le déficit immunitaire et les complications
infectieuses sont exacerbés par l’utilisation de molécules
immunosuppressives en particulier des corticoïdes. Enfin, la
GvH chronique est associée avec une asplénie fonctionnelle
engendrant une susceptibilité accrue aux bactéries encapsulées de type pneumocoque ou méningocoque.
Physiopathologie [6-8]
À la différence de la maladie aiguë du greffon contre l’hôte,
la physiopathologie de la GVH chronique reste, à bien des
égards, méconnue ou mal connue, notamment parce qu’il
existe peu de modèles expérimentaux permettant de mimer
la maladie humaine.
Les modèles animaux
Le modèle classique est celui du modèle parent dans F1 qui
reproduit mal la maladie humaine. En effet, elle est avant tout
à l’origine d’une maladie médiée par les lymphocytes T,
CD4, stimulés par les cellules présentatrices de l’antigène du
receveur. Ces CD4 stimulent à leur tour les lymphocytes B du
receveur qui produisent alors des auto-anticorps. Du fait de
cette production d’auto-anticorps, il existe avant tout, sur le
plan physiopathologique, une atteinte rénale et glomérulaire
qui ressemble donc plus à une glomérulonéphrite lupique
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qu’à la maladie chronique du greffon contre l’hôte chez
l’homme. C’est pourquoi, plusieurs groupes se sont attachés
à décrire les modèles animaux plus proches de la pathologie
humaine [9] :
– le modèle sclérodermique (B10.D2 dans la souris BALB/c).
Il s’agit d’un modèle médié par les antigènes mineurs
d’histocompatibilité. Suite aux lésions entraînées par le
conditionnement, les souris développent une réaction inflammatoire avec surexpression des molécules d’adhésion sur les
monocytes et sur les lymphocytes T du donneur. Les cellules
T CD4 sont alors recrutées au niveau des tissus cibles et entraînent l’activation des macrophages qui produisent alors, du
TGFβ par le biais d’une stimulation par l’interleukine (IL) 13.
C’est alors que le TGFβ joue un rôle majeur et se lie sur son
récepteur au niveau des fibroblastes, augmentant la synthèse
de collagène qui entraîne une fibrose. Ce dernier aspect du
rôle du TGFβ dans la fibrose est actuellement la base physiopathologique de l’utilisation de l’imatinib mésylate dans les
formes sclérodermiques de la GVH humaine ;
– le dernier modèle décrit en 2005 est aussi un modèle
B10.D2 dans BALB/c. Cependant, le receveur est ici un
receveur immuno-déficient (RAG 2 KO). Il fait jouer un rôle
prédominant aux lésions du thymus. Il s’agit d’une maladie
CD4 médiée nécessitant la présence de molécules de costimulation au niveau de cellules présentatrices de l’antigène
du donneur. Il s’agit du seul modèle permettant de reproduire les aspects lichénoïdes de GVH chronique au niveau
cutané.
Hypothèses classiques de la GvH chronique
chez l’homme
Des arguments avant tout dérivés des essais cliniques randomisés, tendent à prouver que la GVH chronique est une
maladie T médiée au regard d’une incidence moins importante lorsque l’on utilise une déplétion des lymphocytes T
du greffon. Ce dernier point est surtout clair quand la
T-déplétion implique l’utilisation du sérum antilymphocytaire.
Il a été décrit, chez les patients présentant des formes sévères
de GVH chronique, des taux sanguins élevés d’IL1, d’IL6,
d’interféron (IFN) gamma et de TNFα. Comme chez la souris,
on retrouve aussi un taux élevé de TGFβ dans le sérum de
patients atteints de GVH chronique ainsi qu’un bas niveau
d’IL10.
Depuis des années, il est admis que non seulement les lymphocytes T mais aussi les lymphocytes B interviennent dans la
physiopathologie de la GVH chronique chez l’homme. Ceci
est confirmé par le fait qu’il existe chez de nombreux patients
(mais pas chez tous), des auto-anticorps circulants de type
anticorps antinucléaires ou antinucléolaires. Le groupe de
Boston a démontré l’existence d’anticorps dirigés contre les
peptides spécifiques de gènes du chromosome Y. Enfin,
l’atteinte thymique décrite chez la souris, se retrouve chez
l’homme avec une corrélation très forte entre la réduction de
Hématologie, vol. 16, n° 6, novembre-décembre 2010
cellules récemment produites par le thymus (technique des
TREC) chez les patients atteints de GVH chronique.
Éléments récents de la physiopathologie
de la maladie chronique du greffon
contre l’hôte
En 2006, un groupe italien a permis de démontrer que chez
les patients atteints de maladies auto-immunes de type sclérodermie systémique, il existait des auto-anticorps spécifiques
dirigés contre le récepteur du PDGF. Ces anticorps sont des
anticorps stimulants. Ils agissent en particulier, au niveau des
fibroblastes, permettant par la voie Ras-ERK, la synthèse du
collagène, l’induction de protéines inflammatoires et de
gènes antiapoptotiques. Le même type d’auto-anticorps a
ensuite été démontré chez des patients atteints de GVH
chronique par la même équipe.
C’est surtout dans l’implication des lymphocytes B que les
progrès concernant la physiopathologie de la maladie chronique du greffon contre l’hôte ont été décrits récemment en
particulier vis-à-vis de l’augmentation d’un facteur spécifique de l’activation du lymphocyte B (BAFF). En particulier,
le groupe de Boston a permis de montrer chez les patients
atteints de GVH chronique, une augmentation du rapport
BAFF sur cellules B. Cette augmentation du taux sérique
de BAFF est à corréler avec la présence de cellules B précentre germinatif ou post-centre germinatif de type plasmacytoïde. Ils ont montré un délai de la reconstitution des cellules B naïves. Enfin, dans un autre travail, le groupe du
NIH a réalisé une étude sur des biopsies pratiquées chez
des patients présentant une GVH chronique buccale montrant l’accumulation de cellules T exprimant le facteur de
transcription tbet et l’augmentation du nombre de cellules
dendritiques de type plasmacytoïde. Ils retrouvent de plus,
une augmentation des cellules T exprimant le récepteur
CXCR3 et l’IL15.
Au total, l’ensemble des données expérimentales et des données recueillies chez les patients tend à prouver que la physiopathologie de la maladie chronique du greffon contre l’hôte
est bien plus complexe que celle de la maladie aiguë. Elle fait
intervenir à la fois, des lymphocytes T, le thymus et surtout,
une dysrégulation de la coopération entre les lymphocytes T
et les lymphocytes B. Cependant, ces problèmes d’interaction
entre le lymphocyte T et le lymphocyte B restent à bien des
égards, méconnus.
Pronostic
La décision de traiter une maladie chronique du greffon
contre l’hôte est évidemment liée à sa gravité et n’est pas toujours facile à appréhender. De manière classique, il a été
décrit depuis de nombreuses années par le groupe de Seattle,
une subdivision en GVH chronique limitée ou GVH extensive.
Les patients avec une maladie limitée ont une atteinte localisée au niveau cutané et/ou au niveau du foie, en l’absence
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de dissémination systématique de la maladie. La maladie
extensive concerne en fait, les malades qui présentent
soit une atteinte cutanée disséminée soit une atteinte cutanée
limitée mais associée à un autre organe comme la muqueuse
buccale, une atteinte oculaire, etc.
426
Une fois réalisé, le diagnostic de maladie chronique du greffon contre l’hôte et s’être assuré qu’il s’agit bien d’une forme
extensive nécessitant un traitement systémique, le point principal dans le traitement de la maladie chronique du greffon
contre l’hôte consiste en l’instauration rapide du traitement
qui devra obligatoirement être prolongé (plusieurs mois). Un
bon index de sévérité, comme signalé ci-dessus, est le taux
des plaquettes avant de démarrer la thérapeutique. En effet,
comme décrit par le groupe de Seattle, il y a de nombreuses
années, un taux de plaquettes inférieur à 100 000 est associé
à un pronostic défavorable.
Depuis ces descriptions pronostiques du chiffre de plaquettes
et de l’atteinte extensive, un certain nombre de travaux a
essayé de décrire de nouveaux facteurs pronostiques. Un travail de l’IBMTR s’est efforcé de construire un index basé sur
l’index de performance, la diarrhée, la perte de poids,
l’extension de l’atteinte cutanée. De manière plus récente, le
groupe de Baltimore a construit un index fondé sur l’étendue
de l’état cutané, le chiffre de plaquettes et l’existence d’une
GVH chronique dite progressive (sans intervalle libre avec la
GVH aiguë). En fait, aucun de ces nouveaux index n’a pu être
confirmé de manière convaincante par d’autres études.
La conférence de consensus du NIH a aussi permis d’élaborer
un nouveau score de gravité de la GvH chronique [2]. La gravité des atteintes viscérales est appréciée organe par organe
(score de 0 à 3 pour chaque organe en fonction de la sévérité
mais aussi de l’atteinte fonctionnelle) et l’ensemble de ces
paramètres introduits dans un nouveau score pronostique.
La cGvH « minime » atteint 1 ou 2 organes (sauf poumon),
sans atteintes fonctionnelles (score maximal de 1 pour chaque
organe atteint). La cGvH « modérée » reprend la définition
précédente mais avec 3 ou plus organes atteints (sans atteinte
fonctionnelle) ou 1 organe ou plus avec atteinte fonctionnelle
(score maximal à 2). Un score pulmonaire à 1 même isolé est
aussi un stigmate de cGvH modérée. La cGvH sévère indique
un retentissement fonctionnel important (score à 3). Un score
pulmonaire à 2 même isolé est aussi stigmate de cGvH
sévère. Sur le plan thérapeutique, seules les formes de score
1 ne nécessitent pas de traitement systémique.
Cette classification est en cours de validation. Toutefois, sur
les trois études récemment publiées, il n’apparaît pas que
cette nouvelle classification de cGvH (minime/modérée/
sévère) permet de mieux discriminer la sévérité de la maladie
que la classification classique du groupe de Seattle opposant
cGvH limitée à cGvH extensive. En effet, les groupes minime
et modéré nécessitent d’être regroupés pour permettre une
différence significative avec la cGvH sévère, ce qui remet en
cause cette séparation [3, 10].
Traitement [6, 11, 12]
Fondé sur ces éléments de gravité, le traitement est donc
proposé ; il repose en pratique en première intention sur l’association de deux médicaments, les corticoïdes et la ciclosporine.
Cependant, cette association n’est pas toujours efficace et
impose parfois d’ajouter un troisième immunosuppresseur ou
de recourir à un traitement de deuxième ligne [13].
Les traitements de première ligne
[6, 7, 14, 15]
La prednisone
Elle demeure le traitement standard de la maladie chronique
du greffon contre l’hôte. Elle est habituellement initiée à la
dose de 1 à 2 mg/kg/jour pour une durée d’environ deux
semaines et chez les patients répondeurs, un essai de décroissance rapide est ensuite entrepris de manière à essayer
d’éviter les effets secondaires bien connus des corticoïdes.
Utilisée seule dans une étude maintenant ancienne, le taux
de réponses complètes obtenues par les corticoïdes est d’environ 15 % et environ 30 % pour une réponse partielle. Mais ces
taux de réponses sont à moduler en fonction des facteurs pronostiques et les patients qui ont moins de 100 000 plaquettes
ont un taux de réponse très inférieur (de l’ordre de 30 %).
La ciclosporine
Elle constitue le deuxième médicament pivot du traitement de
la GVH chronique. Cependant, beaucoup de patients sont
déjà en cours de traitement prophylactique par ciclosporine
quand la GVH chronique se développe. Des essais randomisés de Seattle comparant prednisone versus association
prednisone-ciclosporine, n’ont pas montré de meilleurs résultats avec la bithérapie pour les patients à bas risque (plaquettes supérieures à 100 000) mais cette association semble plus
efficace pour les patients à haut risque (plaquettes inférieures
à 100 000). Point important : il semble bien que la ciclosporine permette de diminuer les doses de corticoïdes avec
comme conséquence, une diminution du taux de complications cortico-induites notamment des nécroses osseuses
aseptiques.
Le MMF
Il n’existe pas d’essai randomisé d’utilisation de première
ligne du MMF dans la GVH chronique, utilisant le MMF
seul ou en association avec un inhibiteur de la calcineurine.
La plupart des travaux menés ont été jusqu’à récemment, des
essais de phase II incluant un faible nombre de patients. C’est
pourquoi, l’essai mené récemment par le groupe de Seattle a
apporté des éclaircissements sur le rôle de cet immunosuppresseur comme traitement de première ligne de la GVH
chronique [16]. Cet essai a permis de randomiser le MMF
versus un placebo, chez des patients recevant un inhibiteur
de la calcineurine ou la rapamycine en association avec de
la prednisone à la dose de 1 mg/kg par jour. L’utilisation
en première ligne du MMF n’a pas permis d’augmenter la
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Tableau 4
Essais thérapeutiques randomisés du groupe de Seattle ayant permis de définir l’association de référence prednisone/ciclosporine
Traitement
Nombre
de patients
évaluables
par groupe
Taux de réponse (RC/RC
+RP)
Commentaires
Prednisone vs prednisone
+ azathioprine
63/63
33/62 vs 37/64
Prednisone vs prednisone
+ ciclosporine
145/142
Prednisone + ciclosporine vs
prednisone + ciclosporine
+ thalidomide
24/27
Pas de taux de réponse donné
Nécessité d’un deuxième
traitement : 17 vs 11 %
(non significatif)
55/73 vs 50/85
Tous patients avec plaquettes > 100 000/μL
et presque tous avec donneur apparenté HLA
identique, aucune différence en termes
de réponse, survie inférieure avec azathioprine
due à l’augmentation des infections
Tous patients avec plaquettes > 100 000/μL
et presque tous avec donneur apparenté HLA
identique, pas de différence en termes de besoin
d’un deuxième traitement ou sur la survie à 5 ans
proportion de patients ayant une réponse complète. De plus,
le MMF est associé à une augmentation du risque de thrombopénies et à une augmentation du risque d’infections voire
de rechute de la maladie initiale maligne. Il n’existe donc pas
d’argument solide pour permettre d’envisager d’associer le
MMF au traitement standard.
Au total, le traitement de première ligne de la GVH chronique est fondé sur l’utilisation des corticoïdes à une dose
d’environ 1 mg/kg et par jour de prednisone. Le rôle des inhibiteurs de la calcineurine demeure controversé en particulier
chez les patients présentant un faible risque de mortalité
(chiffre de plaquettes normal) alors que chez les patients présentant des plaquettes inférieures à 100 000 au diagnostic
et/ou considérés comme à haut risque de toxicité des
corticoïdes, l’addition de la Ciclosporine aux corticoïdes est
généralement admise (tableau 4). L’utilisation d’autres agents
immunosuppresseurs systémiques comme la thalidomide, ou
l’azathioprine a démontré leur inutilité dans l’efficacité du
traitement primaire de la GVH chronique et l’utilisation de
ces traitements est associée à un plus grand risque de complications en particulier, infectieuses. Malgré des avancées
récentes dans le diagnostic de la maladie chronique du greffon contre l’hôte et surtout dans l’amélioration des traitements
de support, la moitié des patients n’arrive pas à obtenir de
réponse satisfaisante et de longue durée avec les traitements
de première ligne. Les complications infectieuses restent
au premier plan des préoccupations. C’est pourquoi, de
nouvelles approches d’immuno-modulations avec des risques
infectieux faibles, restent indispensables et sont à explorer.
Il est possible dans ce sens que la photo-chimiothérapie extracorporelle puisse apporter un bénéfice mais ceci demande à
être prouvé par des essais cliniques. Enfin, les traitements
locaux associés à l’immunosuppression systémique, peuvent
apporter une amélioration aux réponses et peuvent parfois
être considérés comme les seuls traitements dans les formes
strictement localisées.
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Méthylprednisolone 15 mg/kg chaque semaine
(x 8) également administré ; pas de différence
de réponse ; interruption précoce devant
des taux de réponse plus importants que prévu
Traitement de deuxième ligne
La thalidomide
Elle était considérée comme un médicament efficace dans
les GVH chroniques résistant aux corticoïdes il y a quelques
années. Toutefois, la thalidomide n’a actuellement pratiquement plus de place dans le traitement de la GVH chronique.
En effet, elle est associée à un certain nombre de toxicités bien
connues par ailleurs (somnolence, constipation, neuropathie,
toxicité hématologique). Surtout, un essai de phase III randomisant l’adjonction de la thalidomide à un traitement par
ciclosporine-prednisone, mené par le groupe de Seattle, a
été arrêté du fait de la toxicité rédhibitoire de la thalidomide
et de son manque apparent d’efficacité. Il n’existe pas de données actuelles concernant les nouveaux dérivés de la thalidomide (lénalidomide). Toutefois, des études de phase II sont
actuellement en cours avec le pomalidomide aux États-Unis.
Hydroxychloroquine
Elle est largement utilisée dans le traitement du lupus érythémateux. Quelques essais de phase II ont été menés avec cette
drogue, montrant un certain degré d’efficacité. Un essai de
phase III vient d’être clôturé aux États-Unis pour lequel les
résultats ne sont pas encore disponibles.
Le MMF
Il a montré un intérêt dans le traitement de rattrapage de GvH
chronique réfractaire [7, 17]. Aucune étude prospective
randomisée n’a évalué l’efficacité du MMF dans la GvH
chronique réfractaire. Il serait plus efficace dans les
formes modérées de GvH chronique, permettant l’arrêt de la
corticothérapie [18].
427
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Inhibiteurs de mTOR
Les inhibiteurs de mTOR (mammalian target of rapamycin) –
sirolimus et évérolimus – ont des propriétés immunosuppressives et des effets antiprolifératifs sur les fibroblastes et les cellules musculaires lisses. Le sirolimus peut favoriser la génération de lymphocytes T régulateurs. Ainsi, les inhibiteurs de
mTOR auraient l’avantage d’avoir une activité antifibrotique
et la propriété d’induire des cellules tolérogènes. Ce macrolide naturel qui inhibe l’activation des lymphocytes T induite
par les cytokines, constitue actuellement une des voies de
recherches thérapeutiques dans la GVH chronique. Deux
essais de phase II ont été publiés récemment, semblant montrer une efficacité certaine pour des formes cortico-résistantes.
Aucun essai de phase III n’est disponible.
Rituximab
Fondé avant tout sur des réflexions physiopathologiques
issues des modèles expérimentaux, un certain nombre de
groupes ont tout d’abord traité un nombre limité de patients
par le rituximab semblant effectivement montrer un taux de
réponses intéressant. L’essai de phase II le plus important a
été publié par le groupe de Boston, montrant effectivement
des taux de réponses excédant 50 à 60 % en fonction des
organes atteints chez les patients. Cette molécule mériterait
certainement d’être testée en phase III [19].
Photo-chimiothérapie extracorporelle
La photo-chimiothérapie extracorporelle a montré récemment
des résultats très prometteurs dans les études de phase II.
Cette procédure implique une leucophérèse extracorporelle.
Les leucocytes sont ensuite mis en contact avec une drogue qui
sensibilise les cellules notamment lymphocytaires à l’action
des ultraviolets. Plusieurs études maintenant, convergent
pour démontrer des taux de réponses très intéressants notamment au niveau cutané mais également au niveau pulmonaire
et muqueux. Un essai de phase III est en développement.
Inhibiteur de la tyrosine kinase
428
L’activité antifibrotique de l’imatinib par inhibition des voies
de signalisation PDGFR et TGBβ a été mise à profit dans le
traitement de la GvH chronique réfractaire, notamment sclérodermiforme [20, 21]. Deux études ont observé jusqu’à
50 % de réponses objectives chez des patients réfractaires
et lourdement prétraités. Les doses variaient entre 100 et
400 mg/j, avec une tolérance acceptable. On note tout de
même 25 % des malades qui arrêtent le traitement du fait
des effets secondaires (crampes musculaires, troubles digestifs, œdèmes). L’indication serait donc la GvH chronique sclérodermiforme.
Autres traitements
D’autres drogues incluant la pentostatine, des anticorps
monoclonaux ou de fortes doses de corticoïdes en bolus ont
été utilisées dans des essais de phase II avec un nombre de
patients inclus dans chaque essai régulièrement inférieur à
20 pour lequel il est excessivement difficile de porter des
conclusions définitives.
Recommandations thérapeutiques
L’utilisation d’un traitement systématique est bien souvent
nécessaire pour prendre en charge la maladie chronique
du greffon contre l’hôte. Dans l’immense majorité des cas,
le patient développe une maladie extensive avec ou sans
thrombopénie associée. Le traitement de première ligne
demeure l’association ciclosporine-prednisone, malheureusement efficace seulement pour environ la moitié des patients ce
qui rend nécessaire le passage à une deuxième ligne thérapeutique. Actuellement, dans bien des cas, un 3e immunosuppresseur est ajouté. En l’absence de réponse à une trithérapie,
les choix thérapeutiques demeurent réduits. Les approches les
plus prometteuses actuellement, étant le rituximab, la photochimiothérapie extracorporelle et éventuellement le sirolimus.
Les traitements symptomatiques associés : ceux-ci sont fondamentaux pour la prise en charge du patient. Ils associent
l’utilisation de larmes artificielles et de collyre pour traiter
les syndromes secs et/ou les surinfections éventuelles. L’utilisation de fluor prévient les caries dentaires associées aux
GVH chroniques buccales. L’utilisation de crème solaire
écran total est fondamentale pour éviter que des érythèmes
solaires induisent une poussée de GVH chronique. Une
prise en charge nutritionnelle est nécessaire de manière à
apporter un apport métabolique suffisant chez ces patients
qui peuvent présenter des syndromes de malabsorption
intestinale a minima.
Enfin, c’est certainement la prophylaxie anti-infectieuse qui
joue le rôle le plus important dans ces traitements dits de support. En effet, la prophylaxie antibactérienne contre les germes encapsulés notamment de type pneumocoque est indispensable soit par amoxicilline soit par pénicilline orale.
Les patients qui ont une maladie du greffon contre l’hôte
sont également à risque de pneumopathie à Pneumocystis
carinii et doivent recevoir une prophylaxie appropriée au
moins pendant toute la durée du traitement immunosuppresseur et très probablement pour une durée de quelques mois,
suivant l’arrêt de ce traitement immunosuppresseur. La prophylaxie vis-à-vis des infections virales est plus difficile à déterminer avec certitude. La prévention contre les réactivations à
herpès ou à zona par de l’aciclovir est prônée par beaucoup
par contre, la surveillance systématique des infections à cytomégalovirus tardives reste largement débattue.
Hématologie, vol. 16, n° 6, novembre-décembre 2010
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Conclusion
6. Gilman AL, Serody J. Diagnosis and treatment of chronic graftversus-host disease. Semin Hematol 2006 ; 43 : 70-80.
La GVH chronique demeure une complication fréquente de la
greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques. Si
la survenue de réaction chronique du greffon contre l’hôte
possède un effet antileucémique, elle est malheureusement
associée à un risque important de mortalité lié à la transplantation ainsi qu’à une morbidité notable impactant de manière
importante la qualité de vie des patients. C’est dire l’importance du développement actuel des essais cliniques de
phase III visant à augmenter le taux de rémissions complètes
obtenues en première ligne et dont le but est également
d’essayer de diminuer les doses totales de corticoïdes reçues
par ces patients qui sont responsables de complications infectieuses et non infectieuses, très importantes retentissant fortement sur la qualité de vie. La conférence de consensus du NIH
a permis d’élaborer de nouveaux critères diagnostiques et un
nouveau score de gravité de la GvH chronique dont l’évaluation permettra prochainement d’appréhender son apport
dans la prise en charge d’une maladie très hétérogène. ■
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Conflit d’intérêts : aucun.
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