Lycée Romain Rolland Mathématiques
Terminale S (2016/2017) S. Cartier
Raisonner en mathématiques
Introduction à la logique et à la théorie des ensembles
Pour construire une théorie mathématique, on considère avoir à disposition certains « termes de base »
et certains « faits » que l’on déclare vrais (sans démonstrations), appelés axiomes.
Dans une théorie mathématique, une assertion est un énoncé – en général une phrase mathématique –
susceptible de prendre l’une des deux (seules) valeurs logiques, le vrai (Ven abrégé) ou le faux (Fen
abrégé) ; on parle de valeur logique (ou de valeur de vérité).
Remarque 1.
En mathématiques, il n’y a pas « d’à moitié » : un énoncé est soit totalement vrai, soit
faux. En particulier, lorsqu’une assertion est applicable dans plusieurs cas, l’assertion est vraie si elle
l’est dans chacun des cas. En revanche, il suffit d’un seul cas dans lequel l’assertion est fausse pour
qu’elle soit « globalement » fausse. On parle alors de contre-exemple.
La véracité d’une assertion qui n’est pas un axiome doit résulter d’une démonstration, autrement
dit d’un raisonnement construit pour justifier l’assertion. Les assertions démontrées sont appelées
propositions et un théorème est une proposition importante. Un lemme est un résultat préalable
– souvent technique – utile à une démonstration plus conséquente et un corollaire est une assertion vraie
qui découle rapidement d’une proposition précédente. Certaines propositions sont appelées propriétés.
Exemples 2.
1.
Le cinquième axiome d’Euclide : « Par un point donné ne passe qu’une parallèle à une droite
donnée ».
2.
Le théorème de Pythagore : « Dans un triangle rectangle, le carré de la longueur de l’hypoténuse
est égal à la somme des carrés des longueurs des côtés adjacents à l’angle droit ».
Une théorie mathématique est une suite d’énoncés telle que toute définition ne dépend que des termes
de base et des définitions précédentes et toute proposition peut être démontrée en utilisant les axiomes
et les propositions précédentes.
Les définitions, propositions et leurs démonstrations sont formulées dans une langue (ici le français)
en donnant leur acception mathématique aux termes définis dans les théories mathématiques et en
laissant leur acception courante aux autres termes.
1 Logique mathématique
La logique mathématique est la discipline mathématique qui étudie les mathématiques en tant que
langage. Elle s’intéresse donc aux liens que des assertions peuvent avoir entre elles, sans présumer de
leur interprétation ou de leur valeur logique. Il existe cinq opérations de base que les assertions que
l’on appelle les connecteurs logiques.
1.1 La négation (non)
Soit
P
est une assertion. La gation de
P
, notée
non
(
P
)ou
¬P
, est l’assertion qui est vraie lorsque
P
est fausse et qui est fausse lorsque
P
est vraie. On peut présenter ces informations sous la forme d’un
tableau dit table de vérité :
P¬P
V F
F V
1
Exemples 3.
1. Soit Pl’assertion P=«1>0». Alors Pest vraie et sa négation non(P) = «160» est fausse.
2. Également, si P=«2=3», alors Pest fausse et non(P) = «26= 3 » est vraie.
Remarque 4. La négation est une involution :¬(¬P) = P.
1.2 La conjonction (et)
Soient
P, Q
des assertions. La conjonction de
P
et
Q
, notée (
Pet Q
)ou
PQ
, est l’assertion vraie
lorsque Pet Qsont simultanément vraies et fausse sinon. Sa table de vérité est la suivante :
P Q P Q
V V V
V F F
F V F
F F F
Exemple 5.
Si
A, B, C, D
sont des points du plan, on considère
P
=
«ABCD est un rectangle »
et
Q
=
«AB
=
BC »
. Alors la conjonction
PQ
est «
ABCD
est un rectangle et
AB
=
BC
», ce que
l’on peut reformuler en PQ=«ABCD est un carré ».
Méthodologie.
Pour déterminer si une assertion « complexe » peut s’écrire comme la conjonction
d’assertions « simples », il suffit de reformuler l’assertion complexe en utilisant « à la fois . . . et . . . ».
1.3 La disjonction (ou)
Soient
P, Q
des assertions. La disjonction de
P
et
Q
, notée (
Pou Q
)ou
PQ
, est l’assertion vraie
lorsqu’au moins une des assertions
P
ou
Q
est vraie et fausse sinon. Sa table de vérité est la suivante :
P Q P Q
V V V
V F V
F V V
F F F
Exemple 6.
Si
n
est un entier, on considère les assertions
P
=
«nest un multiple de
3
inférieur à
7
»
et Q=«nest pair et inférieur à 7». Alors la disjonction PQest « nvaut 2,3,4ou 6».
Remarques 7.
1.
On appelle parfois la disjonction le « ou » inclusif par opposition au « ou » exclusif, noté
xor
, qui
est tel que l’assertion (
Pxor Q
)est vraie lorsque seulement une des assertions
P
ou
Q
est vraie et
fausse sinon.
2. On peut exprimer la disjonction en fonction de la conjonction et de la négation :
¬(¬P)(¬Q).
Méthodologie.
Pour déterminer si une assertion « complexe » peut s’écrire comme la disjonction
d’assertions « simples », il suffit de reformuler l’assertion complexe en utilisant « au moins . . . ou . . . ».
1.4 L’implication (si . . . alors)
Soient
P, Q
des assertions. L’assertion (
si Palors Q
), notée (
PQ
), est fausse lorsque simultanément
l’assertion Pest vraie et Qest fausse et vraie sinon. Sa table de vérité est la suivante :
P Q P Q
V V V
V F F
F V V
F F V
2
Exemples 8.
1. On considère P=«x=1» et Q=«x2= 1 ». On a bien PQ.
2.
Soient
A, B, C, D
des points du plan. On considère les assertions
P
=
«ABCD est un carré »
et
Q=«ABCD est un rectangle ». On a bien PQ.
Remarques 9.
1.
L’implication
PQ
peut s’exprimer en français comme « Si
P
alors
Q
»,«
P
implique
Q
»,«
P
entraîne Q»,«Pdonc Q», etc.
2.
Une implication est une déduction et donc signifie une perte d’information. En effet, dans l’implication
PQ
savoir que
P
est vraie entraîne que
Q
l’est également, donc la connaissance de
P
contient
plus d’information que la connaissance de Q.
3. On peut exprimer l’implication PQen fonction de la disjonction et de la négation :
Q(¬P).
On introduit certains termes en rapport avec l’implication PQ:
Pest la cause et Qla conséquence.
Si l’on cherche à démonter l’implication, on dit que Pest l’hypothèse et Qla conclusion.
P
est une condition suffisante à
Q
car
Q
est vraie dès que
P
l’est, même si
Q
peut être vraie
sans que Ple soit.
Qest une condition nécessaire àPcar si Qest fausse, alors Pl’est également.
Plusieurs notions sont liées à l’implication PQ:
la négation :
Q
et
non
(
P
), qui est donc vraie lorsque l’implication est fausse et fausse lorsque
l’implication est vraie ;
la contraposée :non(Q)non(P), qui admet la même valeur logique que l’implication ;
la réciproque :QP, qui n’est pas logiquement liée à l’implication.
Des exemples de ces notions peuvent être trouvés dans les théorèmes de Pythagore ou Thalès.
Méthodologie. Voici deux façons de démontrer l’implication PQ:
On suppose l’assertion vraie – d’où son nom d’« hypothèse » – et l’on construit un raisonnement
montrant que Qest vraie également – d’où son nom de « conclusion ».
On démontre la contraposée non(Q)non(P)à l’aide de la méthode précédente.
1.5 L’équivalence (si et seulement si)
Soient
P, Q
des assertions. L’assertion (
Psi et seulement si Q
), notée (
PQ
), est vraie lorsque les
assertions
P
et
Q
ont même valeur logique (simultanément vraies ou simultanément fausses) et fausse
sinon. Sa table de vérité est la suivante :
P Q P Q
V V V
V F F
F V F
F F V
Exemples 10.
1. On considère P=«2x= 4 » et Q=«x= 2 ». On a bien PQ.
2.
Soient
A, B, C
des points non alignés du plan deux à deux distincts. On considère les assertions
P
=
«ABC est un triangle isocèle »
et
Q
=
« deux côtés de ABC ont même longueur »
. On a bien
PQ.
Remarques 11.
1. L’expression « si et seulement si » s’abrège en ssi.
2.
L’équivalence
PQ
peut s’exprimer en français comme
Pi.e. Q
avec « i.e. » signifiant id est –,
Psignifie exactement Q, etc.
3
3. L’équivalence est symétrique car PQest vraie si et seulement si QPest vraie.
4. On peut exprimer l’équivalence PQen fonction de l’implication et de la conjonction :
(PQ)(QP).
Lorsque l’équivalence PQest vraie, on dit que Pest une condition nécessaire et suffisante àQet
réciproquement.
Méthodologie.
Pour démontrer l’équivalence
PQ
, il suffit de montrer
PQ
et
QP
, peu
importe dans quel ordre.
2 Théorie naïve des ensembles
Les notions d’ensemble et d’élément sont des « termes de base », issus de la notion usuelle de collection.
La définition d’un ensemble est axiomatique et nous ne l’aborderons pas. Il suffit de garder à l’esprit
que cette notion colle à l’intuition que l’on en a mais que, du point-de-vue de la théorie, considérer
toute collection comme un ensemble aboutit à des contradictions.
On désigne généralement un ensemble par une lettre majuscule et l’on peut caractériser un ensemble
de deux façons :
par extension, en listant entre accolades ses éléments, séparés par des virgules ou des points-
virgules ;
par compréhension, en donnant entre accolades une propriété vérifiée par, et uniquement par,
tous les éléments de l’ensemble.
Exemples 12.
1. De manière extensive : E={2; 3; 4; 5}, lire « Eest l’ensemble 2,3,4,5».
2.
De manière compréhensive :
E
=
{nN|26n < 6}
, lire «
E
est l’ensemble des entiers naturels
supérieurs (ou égaux) à 2et strictement inférieurs à 6».
Des ensembles
E, F
sont égaux, et l’on note
E
=
F
, lorsqu’ils ont exactement les mêmes éléments.
Sinon, ils sont distincts et l’on note
E6
=
F
. Par exemple, si l’on considère
E
=
{2; 4; 6}
et
F
l’ensemble
des entiers pairs entre 1et 7, on a E=F. En revanche, si G={1; 2; 3}, on a E6=G.
Définition 13. Lorsque xest un élément d’un ensemble E, on dit que xappartient à Eet l’on note
xE
. On dit également que
x
est un point de
E
. Si un élément
x
n’appartient pas à
E
, on note
x6∈ E
.
Définition 14.
Une partie
A
d’un ensemble
E
est un ensemble constitué d’éléments de
E
. On dit que
A
est incluse dans
E
et l’on note
AE
. Si une partie
A
n’est pas incluse dans
E
, cela signifie qu’au
moins un élément de An’appartient pas à Eet l’on note A6⊂ E.
Remarques 15.
1. Une partie est parfois appelée sous-ensemble car elle est elle-même un ensemble.
2.
L’ensemble vide, noté
, est l’unique ensemble ne possédant aucun élément. En particulier, c’est une
partie de n’importe quel ensemble E. Il est à noter que {∅} 6=.
2.1 Opérations sur les ensembles
Définition 16. Soient A, B des parties d’un ensemble E. On définit :
le complémentaire de
A
comme l’ensemble des éléments de
E
qui nappartiennent pas à
A
. On le
note Aet le symbole ·se lit « barre » :
xAx6∈ A.
la réunion de
A
et
B
comme l’ensemble des éléments de
E
qui appartiennent au moins à
A
ou
B. On la note ABet le symbole se lit « union » :
xAB(xAou xB).
4
l’intersection de
A
et
B
comme l’ensemble des éléments de
E
qui appartiennent à la fois à
A
et
B. On la note ABet le symbole se lit « inter » :
xAB(xAet xB).
Proposition 17. Soient A, B des parties d’un ensemble E. Alors on a :
(AB)A(AB)et (AB)B(AB).
On peut également vouloir considérer, dans un ensemble
E
, tous les éléments sauf certains. On dit que
l’on prive Ede ces éléments et l’on note :
Er{x}l’ensemble constitué de tous les éléments de Esauf x;
Er{x1, x2, . . . , xn}l’ensemble constitué de tous les éléments de Esauf x1, x2, . . . , xn;
ErAl’ensemble constitué de tous les éléments de Esauf ceux de la partie A.
2.2 Les ensembles de nombres
L’ensemble
{0,1,2,3,4, . . . }
des (nombres) entiers naturels est noté
N
(avec une double-barre !) et
l’ensemble
{. . . , 2,1,0,1,2, . . . }
des (nombres) entiers relatifs est noté
Z
. On parle parfois d’entiers
(tout court) et le contexte permet de déterminer s’il s’agit d’entiers naturels ou relatifs.
Un nombre est dit rationnel s’il peut s’écrire comme un quotient d’entiers (naturels ou relatifs). On
note
Q
l’ensemble des (nombres) rationnels. Parmi les rationnels, on peut mettre en exergue l’ensemble
Ddes (nombres) cimaux où un nombre décimal est un nombre qui peut s’écrire comme le quotient
d’un entier par une puissance de 10.
L’ensemble
R
des (nombres) réels est l’ensemble de tous les nombres connus en classe de seconde. Il
contient donc les entiers naturels et relatifs, les décimaux et rationnels, mais également des nombres
dits irrationnels tels que 2ou π.
Remarque 18.
La racine carrée de tout entier naturel qui n’est pas un carré parfait est un irrationnel.
Proposition 19. On a NZ⊂ D QRet ces inclusions sont strictes.
Remarque 20
(Écriture décimale)
.
Il y a une différence entre les nombres décimaux et l’écriture
cimale d’un nombre. En effet, l’écriture décimale est une façon d’écrire un nombre « avec une vigule »
et tous les nombres réels admettent une écriture décimale. Et les nombres décimaux sont exactement
ceux qui admettent une écriture décimale avec un nombre fini de chiffres après la virgule.
De façon générale, l’écriture décimale est à utiliser avec parcimonie car elle ne donne souvent qu’une
valeur approchée du nombre ; on ne peut écrire une infinité de décimales. Or en mathématiques, on
privilégie les valeurs exactes. On préfère donc autant que faire se peut, les notations
2
et
π
plutôt
que 1,41 et 3,14 respectivement.
En particulier, pour les rationnels, on utilise l’écriture fractionnaire avec les règles de calcul idoines.
3 Quantificateurs
Avec les connecteurs logiques et le langage de la théorie des ensembles, les quantificateurs permettent
de construire des assertions complexes. Il en existe deux.
3.1 Le quantificateur universel
Définition 21.
Le quantificateur universel permet de spécifier le domaine de validité d’une assertion.
Il se note et se lit « quelque soit » ou « pour tout ».
Exemple 22. L’assertion (xR, x2>0) signifie « pour tout réel x, on a x2est positif (ou nul) ».
Méthodologie.
Pour démontrer une assertion quantifiée universellement, on commence par considérer
la quantité quantifiée. Par exemple, pour démontrer (
xR, x2>
0), on commence par écrire « Soit
xR» et l’on démontre la suite.
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