Journal Identification = PNV Article Identification = 0534 Date: June 9, 2015 Time: 4:46 pm
M. Bruno, A. Lepetit
Généralités sur les troubles
anxieux de la personne âgée
Épidémiologie
La prévalence ponctuelle des troubles anxieux chez la
personne âgée varie de 3,2 [3] à 14,2 % [4] avec une préva-
lence sur un mois de 5,5 % après 65 ans contre 7,3 % chez
les 18-64 ans [5]. L’étude des prévalences par tranche d’âge
après 65 ans montre que les troubles anxieux deviennent
de moins en moins fréquents avec les années : la préva-
lence à 6 mois chez les 65-74 ans est de 13,9 %, alors
que celle chez les 75-85 ans est de 10,4 %. Les troubles
anxieux sont ainsi d’une manière générale, plus fréquents
chez l’adulte jeune que chez la personne âgée : la prévalence
vie entière des 18-29 ans est de 30,2 %, celle des 30-44 ans
de 35,1 %, et celle des sujets de plus de 60 ans, de 15,3 %
[5]. Les troubles anxieux les plus fréquents chez la personne
âgée sont les troubles phobiques (3,1 % de prévalence
sur 6 mois [6] et 21,6 % en prévalence vie entière [7]) et
l’anxiété généralisée (7,3 % de prévalence sur 6 mois [6] et
10,8 % en prévalence vie entière [7]). La durée moyenne
du trouble anxieux est de 19,1 ans [8] avec un sex-ratio de
2à4femmes pour un homme souffrant d’un tel trouble
[6, 9].
Il existe un paradoxe dans l’étude épidémiologique des
troubles anxieux chez la personne âgée : en effet, si la pré-
valence globale est plus faible par rapport au sujet jeune, il
existe plus de symptômes anxieux chez la personne âgée.
Parmi les explications possibles, il faut noter que les symp-
tômes anxieux sont plus sévères chez les adultes jeunes,
alors que l’anxiété subsyndromique est, quant à elle, plus
fréquente chez les personnes âgées (15 à 20 %) [10]. Par
ailleurs il faut signaler le très probable sous-diagnostic des
troubles anxieux chez la personne âgée du fait d’une banali-
sation de l’anxiété dans les âges avancés par les cliniciens,
d’autant plus que la somatisation des syndromes anxieux
est importante. Enfin il existe une sous-déclaration impor-
tante du trouble anxieux : seules 17 % des personnes âgées
souffrant d’un tel trouble consultent un spécialiste de santé
mentale [10].
L’étude de l’histoire naturelle des troubles anxieux
montre que ceux-ci débutent à l’âge adulte : 75 % débutent
avant 21 ans, 90 % avant 41 ans [5]. Ceci serait tout de
même moins marqué pour l’état de stress post-traumatique
et l’agoraphobie. Parmi les facteurs de risque principaux
de développer un trouble anxieux chez la personne âgée,
on retrouve le sexe féminin [6, 11], le célibat ou le divorce
[6, 12, 13] et le faible niveau d’éducation [6, 12]. Les polypa-
thologies chroniques [12], les événements de vie stressants
[14, 15] et notamment la notion d’une enfance difficile [16],
le haut niveau de névrosisme [15, 16], les handicaps et limi-
tations physiques [17] augmentent également le risque de
développer un trouble anxieux chez la personne âgée.
Comorbidités et complications
Parmi les comorbidités psychiatriques, se distinguent
surtout l’épisode dépressif majeur (EDM) et les addictions,
principalement à l’alcool, dont la temporalité de causalité
est encore débattue. Certains évoquent en effet une co-
occurrence, d’autres parlent d’une complication dépressive
ou addictive d’un trouble anxieux chronicisé : en effet, entre
13 et 23 % des personnes âgées de plus de 55 ans souf-
frant de troubles anxieux présentent les critères d’EDM
[5, 18, 19] ; et inversement, 23 % des personnes âgées
de plus de 60 ans souffrant d’EDM présentent les cri-
tères de troubles anxieux (par ordre de fréquence : trouble
panique, phobie spécifique, phobie sociale) [5]. Il apparaît
donc essentiel de rechercher systématiquement un EDM
chez une personne anxieuse [9]. L’addiction alcoolique est
également une comorbidité psychiatrique notable [5]. Par
exemple, 35,2 % des personnes de plus de 55 ans souffrant
de phobie sociale présentent les critères de dépendance ou
d’abus à l’alcool [20]. Également, 18,5 % des personnes de
plus de 55 ans souffrant de phobie spécifique présentent
les critères de dépendance ou d’abus à l’alcool [14]. Les
troubles anxieux chez la personne âgée présentent des
complications essentiellement cardio-vasculaires [5, 21].
L’impact fonctionnel d’un trouble anxieux au cours du troi-
sième âge est majeur avec une qualité de vie diminuée.
Le niveau de handicap fonctionnel est plus important chez
la personne âgée souffrant de trouble anxieux que chez
l’adulte jeune souffrant du même trouble [5].
Approche thérapeutique
D’une manière générale, l’accès aux soins spécialisés
reste très faible. Par exemple, aux Pays-Bas, seules 2,6 %
des personnes âgées entre 55 et 85 ans consultent un
psychiatre pour un trouble anxieux ; 25,3 % avaient une
prescription de benzodiazépine et 3,8 % d’antidépresseur
[5, 22]. Il existe par ailleurs très peu d’études thérapeu-
tiques [10] sur les troubles anxieux de la personne âgée,
notamment pour le trouble anxieux généralisé et le trouble
panique. De même, il y a peu de consensus concernant
les durées de traitement chez la personne âgée. Selon
une méta-analyse réalisée par Pinquart et al. [8], les anti-
dépresseurs inhibiteurs spécifiques de la recapture de la
sérotonine (ISRS) seraient supérieurs en termes d’efficacité
chez la personne âgée par rapport à la thérapie cognitivo-
comportementale (TTC). Il n’y aurait pas de différence en
206 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦2, juin 2015
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