Journal Identification = PNV Article Identification = 0534 Date: June 9, 2015 Time: 4:46 pm
Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2015 ; 13 (2) : 205-13
Les troubles anxieux de la personne âgée
Anxiety disorders in older adults
Mathieu Bruno1
Alexis Lepetit2
1Département de médecine générale,
Université Lyon Est, Lyon, France
2Liaison/consultation psychiatrique,
Équipe mobile maladie d’Alzheimer,
Hôpital des Charpennes, Hospices civils
de Lyon, Villeurbanne, France
Tir´
es `
a part :
M. Bruno
Résumé. Les troubles anxieux sont des pathologies psychiatriques fréquentes de la per-
sonne âgée dont la prévalence ponctuelle est estimée entre 3,2 % et 14,2 %. Par ordre
de fréquence, les troubles phobiques et l’anxiété généralisée se positionnent devant
les troubles paniques, les troubles obsessionnels compulsifs ou l’état de stress post-
traumatique. L’étude de l’histoire naturelle des troubles anxieux montre très souvent que
ceux-ci débutent à l’âge adulte et vont se chroniciser par la suite. Il est important de signaler
que chaque trouble anxieux a des particularités symptomatologiques qui se modifient avec
le vieillissement. Parmi les comorbidités psychiatriques, se distinguent surtout l’épisode
dépressif majeur et les addictions, principalement à l’alcool. Sur le plan thérapeutique, il
existe très peu d’études portant spécifiquement sur les troubles anxieux de la personne
âgée. Les traitements médicamenteux se basent essentiellement sur les antidépresseurs
(inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine et de la noradrénaline) avec peu de consensus sur la durée du traitement. Paral-
lèlement, les traitements non pharmacologiques rassemblent la psychothérapie de soutien
et les thérapies cognitivo-comportementales dont il existe des programmes spécifiques
aux troubles anxieux du sujet âgé.
Mots clés : troubles anxieux, trouble panique, trouble de stress post-traumatique, troubles
phobiques, personne âgée
Abstract. Prevalence of anxiety disorders is high in the elderly (between 3.2 and 14.2% of
the subjects) with, by order of frequency, phobic disorders and generalized anxiety disor-
der rank ahead of panic disorders, obsessive-compulsive disorder or post-traumatic stress
disorder. Anxiety disorders very often start in adulthood and become chronic thereafter. It
should be pointed out that each anxiety disorder has clinical characteristics that are modified
with aging. Among the psychiatric comorbidity, depressive disorders and addictions, mainly
to alcohol, especially stand out. Very few studies on anxiety disorders were specifically
performed in the elderly. Drug treatments are mainly based on antidepressants (selective
serotonin reuptake inhibitors or serotonin-norepinephrine reuptake inhibitors) and there is
little consensus over the duration of the treatment. On the other hand, non-pharmacological
treatments are proposed, such as supportive psychotherapy and cognitive-behavioural the-
rapies, with specific programs to improve anxiety disorders in the elderly.
Key words: anxiety disorders, panic disorder, traumatic stress disorders, phobic disorders,
elderly
Les troubles anxieux dans le DSM IV-TR [1] com-
portent les pathologies suivantes : le trouble
panique avec ou sans agoraphobie, l’agoraphobie
sans antécédent de trouble panique, la phobie spécifique,
la phobie sociale, le trouble obsessionnel-compulsif, l’état
de stress post-traumatique, l’état de stress aigu, l’anxiété
généralisée (trouble anxieux généralisé), le trouble anxieux
dû à une affection médicale générale, le trouble anxieux
induit par une substance et le trouble anxieux non spé-
cifié. Le DSM-5 [2] a récemment modifié l’organisation
des troubles anxieux en y incluant de nouvelles entités
(anxiété de séparation et mutisme sélectif) et en iso-
lant les troubles obsessionnels compulsifs et les troubles
liés à un traumatisme ou un stress. Du fait de l’absence
de recul et d’informations sur le vieillissement de la
plupart des nouveaux troubles anxieux introduits dans
cette dernière classification, notre article est donc consa-
cré aux troubles anxieux publiés selon la classification
du DSM-IV-TR. L’objectif de cet article est de présenter
les caractéristiques et les spécificités épidémiologiques,
sémiologiques et thérapeutiques des principaux troubles
anxieux chez la personne âgée. L’anxiété est également
un symptôme fréquent chez le patient âgé souffrant de
maladie démentielle, il s’agit cependant d’un cas de figure
différent et très vaste qui ne sera pas abordé dans cet
article.
doi:10.1684/pnv.2015.0534
Pour citer cet article : Bruno M, Lepetit A. Les troubles anxieux de la personne âgée. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2015 ; 13(2) : 205-13
doi:10.1684/pnv.2015.0534 205
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Journal Identification = PNV Article Identification = 0534 Date: June 9, 2015 Time: 4:46 pm
M. Bruno, A. Lepetit
Généralités sur les troubles
anxieux de la personne âgée
Épidémiologie
La prévalence ponctuelle des troubles anxieux chez la
personne âgée varie de 3,2 [3] à 14,2 % [4] avec une préva-
lence sur un mois de 5,5 % après 65 ans contre 7,3 % chez
les 18-64 ans [5]. L’étude des prévalences par tranche d’âge
après 65 ans montre que les troubles anxieux deviennent
de moins en moins fréquents avec les années : la préva-
lence à 6 mois chez les 65-74 ans est de 13,9 %, alors
que celle chez les 75-85 ans est de 10,4 %. Les troubles
anxieux sont ainsi d’une manière générale, plus fréquents
chez l’adulte jeune que chez la personne âgée : la prévalence
vie entière des 18-29 ans est de 30,2 %, celle des 30-44 ans
de 35,1 %, et celle des sujets de plus de 60 ans, de 15,3 %
[5]. Les troubles anxieux les plus fréquents chez la personne
âgée sont les troubles phobiques (3,1 % de prévalence
sur 6 mois [6] et 21,6 % en prévalence vie entière [7]) et
l’anxiété généralisée (7,3 % de prévalence sur 6 mois [6] et
10,8 % en prévalence vie entière [7]). La durée moyenne
du trouble anxieux est de 19,1 ans [8] avec un sex-ratio de
2à4femmes pour un homme souffrant d’un tel trouble
[6, 9].
Il existe un paradoxe dans l’étude épidémiologique des
troubles anxieux chez la personne âgée : en effet, si la pré-
valence globale est plus faible par rapport au sujet jeune, il
existe plus de symptômes anxieux chez la personne âgée.
Parmi les explications possibles, il faut noter que les symp-
tômes anxieux sont plus sévères chez les adultes jeunes,
alors que l’anxiété subsyndromique est, quant à elle, plus
fréquente chez les personnes âgées (15 à 20 %) [10]. Par
ailleurs il faut signaler le très probable sous-diagnostic des
troubles anxieux chez la personne âgée du fait d’une banali-
sation de l’anxiété dans les âges avancés par les cliniciens,
d’autant plus que la somatisation des syndromes anxieux
est importante. Enfin il existe une sous-déclaration impor-
tante du trouble anxieux : seules 17 % des personnes âgées
souffrant d’un tel trouble consultent un spécialiste de santé
mentale [10].
L’étude de l’histoire naturelle des troubles anxieux
montre que ceux-ci débutent à l’âge adulte : 75 % débutent
avant 21 ans, 90 % avant 41 ans [5]. Ceci serait tout de
même moins marqué pour l’état de stress post-traumatique
et l’agoraphobie. Parmi les facteurs de risque principaux
de développer un trouble anxieux chez la personne âgée,
on retrouve le sexe féminin [6, 11], le célibat ou le divorce
[6, 12, 13] et le faible niveau d’éducation [6, 12]. Les polypa-
thologies chroniques [12], les événements de vie stressants
[14, 15] et notamment la notion d’une enfance difficile [16],
le haut niveau de névrosisme [15, 16], les handicaps et limi-
tations physiques [17] augmentent également le risque de
développer un trouble anxieux chez la personne âgée.
Comorbidités et complications
Parmi les comorbidités psychiatriques, se distinguent
surtout l’épisode dépressif majeur (EDM) et les addictions,
principalement à l’alcool, dont la temporalité de causalité
est encore débattue. Certains évoquent en effet une co-
occurrence, d’autres parlent d’une complication dépressive
ou addictive d’un trouble anxieux chronicisé : en effet, entre
13 et 23 % des personnes âgées de plus de 55 ans souf-
frant de troubles anxieux présentent les critères d’EDM
[5, 18, 19] ; et inversement, 23 % des personnes âgées
de plus de 60 ans souffrant d’EDM présentent les cri-
tères de troubles anxieux (par ordre de fréquence : trouble
panique, phobie spécifique, phobie sociale) [5]. Il apparaît
donc essentiel de rechercher systématiquement un EDM
chez une personne anxieuse [9]. L’addiction alcoolique est
également une comorbidité psychiatrique notable [5]. Par
exemple, 35,2 % des personnes de plus de 55 ans souffrant
de phobie sociale présentent les critères de dépendance ou
d’abus à l’alcool [20]. Également, 18,5 % des personnes de
plus de 55 ans souffrant de phobie spécifique présentent
les critères de dépendance ou d’abus à l’alcool [14]. Les
troubles anxieux chez la personne âgée présentent des
complications essentiellement cardio-vasculaires [5, 21].
L’impact fonctionnel d’un trouble anxieux au cours du troi-
sième âge est majeur avec une qualité de vie diminuée.
Le niveau de handicap fonctionnel est plus important chez
la personne âgée souffrant de trouble anxieux que chez
l’adulte jeune souffrant du même trouble [5].
Approche thérapeutique
D’une manière générale, l’accès aux soins spécialisés
reste très faible. Par exemple, aux Pays-Bas, seules 2,6 %
des personnes âgées entre 55 et 85 ans consultent un
psychiatre pour un trouble anxieux ; 25,3 % avaient une
prescription de benzodiazépine et 3,8 % d’antidépresseur
[5, 22]. Il existe par ailleurs très peu d’études thérapeu-
tiques [10] sur les troubles anxieux de la personne âgée,
notamment pour le trouble anxieux généralisé et le trouble
panique. De même, il y a peu de consensus concernant
les durées de traitement chez la personne âgée. Selon
une méta-analyse réalisée par Pinquart et al. [8], les anti-
dépresseurs inhibiteurs spécifiques de la recapture de la
sérotonine (ISRS) seraient supérieurs en termes d’efficacité
chez la personne âgée par rapport à la thérapie cognitivo-
comportementale (TTC). Il n’y aurait pas de différence en
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Les troubles anxieux de la personne âgée
termes d’efficacité entre les différents types de traite-
ments médicamenteux. Enfin les effets des thérapeutiques
psychopharmacologiques seraient plus importants chez la
personne âgée par rapport à l’adulte jeune. Wetherell et
al. [23] évoquent, quant à eux, l’intérêt de l’association
d’un traitement médicamenteux et d’une TCC. Cette asso-
ciation augmenterait l’efficacité de traitement par rapport
à chaque approche thérapeutique envisagée séparément
dans le trouble anxieux généralisé de la personne âgée. Les
traitements médicamenteux utilisent principalement les
antidépresseurs. Les ISRS et les inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA) ont mon-
tré leur efficacité sur les troubles anxieux de la personne
âgée [3] en traitement prolongé (citalopram [24], sertraline
[25], venlafaxine [26]). Il faut souligner que les tricycliques
ou les inhibiteurs de la monoamine oxydase sont à éviter du
fait des effets indésirables possibles (hypotension orthosta-
tique, effet anticholinergique, trouble du rythme) [27, 28].
Parallèlement, les traitements non-pharmacologiques ras-
semblent la psychothérapie de soutien et les TCC. La TTC
présente un intérêt dans les troubles anxieux de la personne
âgée, mais semble être souvent moins efficace que chez
l’adulte jeune [10, 29]. De plus, elle ne présenterait pas sys-
tématiquement une supériorité de résultat par rapport aux
autres approches psychothérapeutiques [8, 10].
Anxiété généralisée – Trouble
anxieux généralisé
Épidémiologie
Le trouble anxieux généralisé (TAG) est caractérisé par
une anxiété et des soucis excessifs survenant la plupart
du temps et concernant plusieurs événements ou activi-
tés de la vie du patient, ce dernier éprouvant des difficultés
à contrôler ses préoccupations. L’étude épidémiologique
des TAG de la personne âgée montre une prévalence
sur douze mois variant de 1,2 à 7,3 % [5, 30]. La pré-
valence vie entière chez la personne âgée est de 3,6 %
[5, 31]. Cette dernière serait décroissante avec l’âge [5]. La
durée moyenne de l’anxiété généralisée chez la personne
âgée est de 16,7 ans [5] avec un âge de début respec-
tant une distribution bimodale : précoce (avant 50 ans :
dans l’enfance ou l’adolescence avec un pic entre 10 et
20 ans) et tardive (après 50 ans) [5, 9, 19]. Selon l’âge
d’apparition, les caractéristiques cliniques et l’évolution du
trouble seront différentes. En effet, dans le TAG à début
précoce, les traitements psychotropes sont fréquemment
plus lourds, les comorbidités psychiatriques (le trouble
dysthymique notamment) plus fréquentes et le niveau
d’inquiétude plus important [5]. Les TAG à début tardif sont
caractérisés, quant à eux, par une limitation des activités
de la vie quotidienne plus importante [32]. Parmi les fac-
teurs de risque de développer une anxiété généralisée, on
retrouve le sexe féminin, le célibat, le bas niveau socio-
économique [31, 33, 34]. Les abus physiques dans l’enfance
favoriseraient quant à eux l’apparition d’un TAG précoce
[32].
Caractéristiques cliniques
avec le vieillissement
Chez la personne âgée se retrouvent des particulari-
tés cliniques notables : une symptomatologie physique
d’angoisse prédominante et des symptômes psychiques
d’anxiété modifiés avec, notamment, des inquiétudes plus
diversifiées, particulièrement sur le sujet de la santé [5]. Le
niveau d’irritabilité accru, la colère et la frustration seraient
des symptômes plus fréquents chez la personne âgée [35].
Le souci et la préoccupation sont des symptômes peu
spécifiques du TAG et le deviennent encore moins chez
la personne âgée [35]. Ainsi seuls 13,3 % des patients,
tout âge confondu, souffrant de TAG présentent l’anxiété
comme leur principal symptôme [36].
Comorbidités et complications
Il convient de noter que, chez la personne âgée, le
TAG associé à un autre trouble psychiatrique est trois
fois plus fréquent que le TAG isolé [36]. Il existe, par
ailleurs, une forte comorbidité dépressive chez la personne
âgée (28,9-60 %) avec une augmentation de la prévalence
des idéations suicidaires [36, 37]. Il paraît donc essentiel
de rechercher systématiquement un syndrome dépressif
chez la personne âgée souffrant d’un TAG [9], notamment
lorsqu’il est de survenue tardive. En effet pour certains
auteurs, un TAG se déclarant tardivement est une dépres-
sion jusqu’à preuve du contraire [36]. Le TAG de survenue
précoce ne se compliquerait quant à lui que secondairement
d’un épisode dépressif majeur [38]. L’association anxiété-
dépression serait d’autant plus marquée chez les femmes.
La cooccurrence est un facteur de risque de chronicisation
des deux troubles [39].
Approche thérapeutique
L’efficacité du traitement pharmacologique serait supé-
rieure à celles des approches psychothérapeutiques [8, 30].
Tout d’abord, le retard de prise en charge médicamenteuse
du TAG chez la personne âgée serait de 2 ans en moyenne
[30]. Cette prise en charge médicamenteuse se base sur
les antidépresseurs ISRS et IRSNA [36] (citalopram, ser-
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M. Bruno, A. Lepetit
traline, venlafaxine) ou sur les agonistes partiels 5HT-A1
(buspirone, dont le délai d’efficacité est de 6 semaines
[33]). La durée minimale de traitement serait d’une année
après rémission des symptômes [36]. Il convient de noter
que la durée du traitement des TAG à début précoce
serait plus longue par rapport aux TAG à début tardif [36].
Parmi les psychothérapies utilisées, la thérapie cognitivo-
comportementale (TCC) montrerait sa supériorité [33] sur
les autres techniques. Globalement, l’efficacité est pos-
siblement inférieure chez la personne âgée par rapport
à l’adulte jeune, sauf dans le cas de programmes de
TCC adaptés spécifiquement à la personne âgée avec de
fréquents rappels [35]. Ces programmes spécifiques com-
portent les caractéristiques suivantes : psychoéducation sur
la maladie, relaxation musculaire progressive, exercice de
la respiration, restructuration cognitive centrée sur le souci
excessif [36].
Trouble phobique
Phobie sociale
Épidémiologie
La phobie sociale est une peur marquée et persistante
des situations sociales ou de performance dans lesquelles
un sentiment de gêne peut survenir. Chez la personne âgée,
on observe une prévalence sur douze mois de 0,6 % [40]
à 2,3 % [12]. Celle-ci est plus faible qu’à l’âge adulte (entre
1,5 et 3 % [41]). La prévalence est la plus forte entre 55
et 65 ans, puis diminuerait après 75 ans [41]. Dans 50 %
des cas, le début des symptômes a lieu dans les quatorze
premières années de vie. Ainsi il n’y a que 10 % des patients
souffrant de phobie sociale dont les symptômes auraient
débuté après 54 ans.
Caractéristiques cliniques avec le vieillissement
Avec le vieillissement, l’intensité des phobies sociales
s’amoindrirait considérablement [5] avec, cependant,
d’après Gretarsdottir et al. [42], un possible rebond
d’intensité après 80 ans. Chez la personne âgée, on
relève plus de situations socialement gênantes, du fait
notamment de la perte d’autonomie (aide partielle voire
complète à la toilette, handicaps physiques et notam-
ment moteurs ou sensoriels) par rapport à celles que
connaît l’adulte jeune. Ce dernier serait quant à lui plus
anxieux, mais est concerné par un nombre plus limité
de situations. Enfin, il convient de noter la faiblesse de
l’insight de la phobie sociale chez la personne âgée [5].
Pour certains auteurs, la personne âgée serait exposée
à un plus grand nombre de situations sociales au cours
desquelles la phobie sociale pourrait se développer et/ou
se chroniciser [43]. Il existe, chez la personne âgée, une
forte comorbidité de la phobie sociale avec les EDM
[19, 41].
Approche thérapeutique
Les données sur la prise en charge thérapeutique des
phobies sociales de la personne âgée apparaissent très limi-
tées : comme chez l’adulte jeune, elle repose sur la prise en
charge médicamenteuse d’une part (sertraline) et/ou psy-
chothérapeutique d’autre part (TCC) [5].
Phobies spécifiques
Épidémiologie
La phobie spécifique est une peur marquée et persis-
tante d’objets ou de situations objectivement visibles et
circonscrites, et reconnue comme excessive ou irraison-
nable par le patient. Chez la personne âgée, la prévalence
des phobies spécifiques est de 5,9 à 13,1 % [14], avec une
prévalence vie entière de 7,5 %. Il s’agit d’un trouble tou-
chant préférentiellement les personnes âgées jeunes. Les
facteurs de risque de phobies spécifiques chez la personne
âgée seraient donc : le sexe féminin, le célibat ou le divorce,
un bas niveau socio-éducatif, le décès d’un parent dans
l’enfance, le divorce parental, la survenue d’événements
de vie stressants récents.
Caractéristiques cliniques avec le vieillissement
Elles dépendent avant tout du type de phobie spéci-
fique. On note une plus grande prévalence des phobies
dites naturelles (éclairs, vertige) [5] que chez l’adulte
jeune : 33,3 % de phobies associées aux araignées et
insectes, 27,7 % de phobies associées aux chats et chiens,
5,6 % de phobies associées au sang, 5,6 % de phobies
associées au vertige [44]. La phobie liée à la chute est
une entité actuellement discutée [31]. La peur de chu-
ter est en effet très fréquente chez la personne âgée,
retrouvée chez 29 à 54 % d’entre elles, mais elle ne
revêt pas tous les critères de phobie, notamment ceux
concernant l’insight du trouble. Parmi les comorbidités
les plus fréquentes, se distinguent l’hypertension arté-
rielle, la tachycardie, la phobie sociale, l’obésité, l’arthrite,
l’EDM.
Approche thérapeutique
La prise en charge thérapeutique repose essen-
tiellement sur la psychothérapie [44] : les TCC sont
efficaces sur les conduites d’évitement, sur la sévérité
de la phobie et sur les affects dépressifs associés. Peu
d’adaptations de la TCC semblent nécessaires dans la prise
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Les troubles anxieux de la personne âgée
en charge en comparaison avec l’adulte jeune [44]. Une
certaine précaution lors des phases d’exposition semble
recommandée mais sans contre-indication pour autant
[44].
Trouble panique
Épidémiologie
Le trouble panique (TP) est caractérisé par la récurrence
d’attaques de panique (AP) suivies de la crainte persis-
tante de récidives de ces attaques de panique (i.e. anxiété
anticipatoire). La prévalence sur douze mois du TP chez la
personne âgée est de 0,1à1%[5]. Celle-ci est moins éle-
vée que chez l’adulte jeune (2,7 %). Chez le patient dément,
il n’y aurait pas d’augmentation de l’incidence du TP [45].
L’âge de début des symptômes se situe entre 15 et 40 ans
[5]. Les attaques de panique de survenue tardive chez la
personne âgée seraient plutôt indicatrices d’un EDM que
d’un TP [45]. Le sexe féminin est le facteur de risque le
plus communément retrouvé.
Caractéristiques cliniques avec le vieillissement
La sévérité du TP semble diminuer avec l’avancée en
âge. On note ainsi une baisse du nombre de symptômes
et de leur intensité lors des AP, ainsi qu’une diminution
des comportements d’évitement [45]. Le fonctionnement
global apparaît meilleur. Cependant il n’y a pas ou peu
de diminution de la fréquence des AP. Enfin, du fait de la
polymédication, l’AP iatrogène est plus fréquente chez la
personne âgée (en particulier avec le salbutamol, la théo-
phylline, la l-thyroxine...) [45].
Comorbidités et complications
Les comorbidités les plus fréquentes du TP de la
personne âgée sont le TAG (76 %), les troubles pho-
biques (47 % avec notamment l’agoraphobie), l’EDM
(36,7-50 %) et les addictions notamment à l’alcool
[45].
Approche thérapeutique
La prise en charge médicamenteuse s’appuie sur
les antidépresseurs ISRS et IRSNA (citalopram, sertra-
line, venlafaxine LP [45]). Certains auteurs recommandent
un délai de4à6semaines avant toute augmentation
posologique [45]. La TCC du TP de la personne âgée
nécessiterait les adaptations suivantes : une augmentation
du nombre d’explications et d’instructions, une utilisation
accrue du support écrit et une implication familiale. En cas
d’agoraphobie associée, il faut s’interroger sur les modali-
tés d’intervention des aides à domicile qui peuvent, dans
certains cas, favoriser les conduites d’évitement et de
repli [45]. Les auxiliaires de vie peuvent néanmoins être
impliquées dans le cadre d’une exposition graduée et per-
mettre ainsi au patient de sortir progressivement de son
domicile.
Trouble obsessionnel-compulsif
Épidémiologie
Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) est marqué par
la présence d’obsessions ou de compulsions récurrentes,
reconnues comme excessives ou déraisonnables par le
patient et qui sont suffisamment sévères pour entraîner
une perte de temps ou un sentiment marqué de souf-
france. La prévalence du TOC chez la personne âgée est
de 0,1 (prévalence sur 1 mois) à 0,8 % (prévalence sur
12 mois). Celle-ci est décroissante avec l’âge (surtout entre
65 et 74 ans) [46, 47], et même au sein du troisième âge.
L’âge moyen d’apparition des troubles est de 28,5 ans
[47]. Il s’agit du trouble anxieux dont l’apparition tardive
est la plus rare : moins de 1 % des TOC débuteraient
après 65 ans [47]. Cependant, seules 10 % des per-
sonnes âgées souffrant de TOC consulteraient [47]. Parmi
les facteurs de risque de développer un tel trouble, nous
retrouvons le sexe féminin [47, 48], un bas niveau socio-
éducatif [47], le célibat [47], les antécédents de diphtérie ou
d’affections neurologiques comme la chorée de Sydenham,
les encéphalites ou les crises convulsives du nourrisson
[49].
Caractéristiques cliniques
avec le vieillissement
Concernant la sévérité objective des obsessions et des
compulsions, il n’y a pas de différence majeure entre la
personne âgée et l’adulte jeune. Comparativement, les
obsessions de la personne âgée souffrant de TOC présen-
teraient une thématique phobique portant sur le péché plus
fréquente [46, 47] ; la composante idéative de symétrie
aurait une prévalence moindre [5]. Parmi les compulsions
chez la personne âgée, la syllogomanie apparaît plus fré-
quemment ; les compulsions portant sur le lavage (des
mains), le rangement et la vérification sont également plus
fréquentes [46]. Inversement, l’arithmomanie serait moins
présente [46]. Globalement, le degré d’impulsivité dans
la réalisation des compulsions tendrait à augmenter avec
l’âge [46]. Avec le vieillissement, l’insight du trouble semble
diminuer et les patients âgés souffrant de TOC se senti-
raient en meilleure santé [47]. Ainsi une personne âgée
avec TOC développerait plus de contacts ou de supports
sociaux qu’une personne âgée sans TOC [47] du fait notam-
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