Les traitements médicaux de la maladie de Dupuytren

RAPPEL
La maladie décrite en 1831 par le Baron Guillaume Dupuytren,
chirurgien de l’Hôtel-Dieu de Paris,est nétique et d’origine Viking.
Elle se caractérise par une rétraction fibreuse de l’aponévrose pal-
maire moyenne entraînant une rétraction progressive et irréductible
des doigts. Cette affection fréquente dans la race blanche et chez
les Japonais touche plusieurs millions de personnes en Europe et
en Amérique. L’efficacité de l’aponévrotomie à l’aiguille et la dif-
fusion française puis européenne et nord-américaine de cette tech-
nique ont permis ces dernières années un réel progrès dans la prise
en charge de la maladie de Dupuytren. Mais il reste à découvrir le
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Laponévrotomie à laiguille est le traitement de
première intention dans la maladie de Dupuytren. Il s’agit
d’un geste simple, bien toléré.
Il doit être proposé dès que le test “de la table” est positif.
Les résultats sont excellents, surtout dans les stades précoces.
Il existe environ 50 % de récidives à 5 ans qui peuvent être
retraitées.
Les corticoïdes locaux sous forme d’infiltration ou de
dermocorticdes peuvent être proposés dans les formes
douloureuses nodulaires.
La colchicine en traitement au long cours pourrait être inté-
ressante dans les formes récidivantes et/ou d’évolution rapide.
Mots-clés :
Maladie de Dupuytren - Aponévrotomie à l’ai-
guille - Fasciotomie - Colchicine - Vérapamil.
Keywords:
Dupuytren’s disease - Needle’s aponeurotomy -
Needle’s fasciotomy - Colchicine - Verapamil.
P o i n t s f o r t s
* Unité rhumatologique des affections de la main (URAM), centre Viggo-
Petersen, hôpital Lariboisière, Paris.
ou les gènes responsables pour espérer obtenir un traitement pré-
ventif de cette affection.
Il faut rappeler que la maladie de Dupuytren évolue en deux
phases : une phase nodulaire isolée sans rétraction des doigts qui
peut être stable ou me gressive pendant des anes, ce qui
rend difficile l’appréciation des traitements à ce stade ; une phase
de rétraction par cordes aponévrotiques avec transformation des
fibroblastes en myofibroblastes. Cette dernière phase ne peut être
traitée que par une destruction enzymatique, par des corticoïdes
ou par l’aponévrotomie à l’aiguille.
Rappelons enfin ici la cotation de Tubiana :
stade N : nodule sans flexion
stade 1 : 0 à 45°de flexion globale du doigt
stade 2 : 45 à 90°
stade 3 : 90 à 135°
stade 4 : supérieur à 135°
cotation globale = somme de la cotation de chaque doigt pour
une main.
TRAITEMENTS MÉDICAUX ABANDONNÉS
Il s’agit de traitements soit dangereux ou faiblement efficaces comme
les cytolytiques ou la radiothérapie, soit de traitements inefficaces
comme l’allopurinol ou les injections locales d’interféron.
TRAITEMENTS MÉDICAUX
UTILISÉS SANS PREUVE
Traitements physiques
De nombreuses techniques de médecine physique ont été propo-
sées. Certaines descriptions sont très détaillées et parfois même
dithyrambiques quant à l’intérêt de ces traitements. Cependant,
nous n’avons retrouvé aucune étude précise de leur efficacité. Les
ultrasons et les ionisations ont été essayés, notamment dans les
formes douloureuses, qui sont rares. Une technique d’ionophorèse
(1) reposant sur l’utilisation de trypsine, d’alphachymotrypsine, de
hyaluronidase et de lidocaïne, suivie de tractions énergiques et du
port d’une attèle, a été décrite par des chiropracteurs du Missouri.
Cette méthode est décrite comme douloureuse par ses promoteurs
et aucune étude statistique ne fait suite à cette description. C’est
aussi le cas des propositions des séances d’acupuncture, de méso-
thérapie, d’ostéopathie ou encore de magnétothérapie.
La Lettre du Rhumatologue - n° 319 - février 2006
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Les traitements médicaux
de la maladie de Dupuytren
Medical treatments of Dupuytrens disease
J.L. Lermusiaux*
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Vitamine E
Per os, elle n’a jamais prouvé son intérêt dans la prévention ou le
traitement de la maladie de Dupuytren.
Les traitements locaux actuellement très à la mode sur internet,
à base de germe de blé (teneur élevée en vitamine E) n’ont pas fait
l’objet d’une évaluation.
Quoi qu’il en soit, aucune de ces techniques n’a pu redresser un
doigt déjà fléchi.
TRAITEMENTS CORTICOÏDES LOCAUX
Corticoïdes injectables
Les injections répétées (et douloureuses) d’hydrocortisone intra-
cordales, suivies de traction manuelle,avaient permis à N. Debeyre
d’obtenir des résultats intéressants dès les années 1950 (par action
atrophiante puis rupture mécanique). Les injections d’acétate de
prednisolone (Hydrocortancyl®) restent indiquées dans le traitement
des rares formes douloureuses nodulaires ou dans le traitement des
coussinets dorsaux des phalanges (1 ml intranodulaire) (2).
Clobétasol (Dermoval®)
Ce dermocorticoïde puissant de classe IV est aussi indiqué dans
le traitement des nodules douloureux isolés de la paume. On l’utilise
à raison de deux applications par jour, sans dépasser cinq jours,
car ce produit atrophiant peut en utilisation prolongée provoquer
une dermite suintante.
COLLAGÉNASE
Le collagène est le constituant principal de l’aponévrose palmaire.
La seule enzyme capable de dégrader les fibrilles hélicoïdales du
collagène est la collagénase.
Les laboratoires BioSpecific ont produit une collagénase clostri-
diale purifiée et exempte d’autres protéases sous le nom de Cor-
dase™ qui dégrade les régions hélicoïdales du collagène.
L’injection de 10 000 unités se fait dans la corde aponévrotique
et peut être répétée après une semaine. Le patient est invité à faire
des tractions pluriquotidiennes sur ses doigts et une rupture est en
général obtenue après quelques jours. En 1999, une étude (3) en
double aveugle contre placebo portant sur quarante-neuf patients
a montré dix-huit améliorations sur les vingt-cinq patients ayant
reçu l’injection de produit actif. Les effets indésirables ont é
minimes (douleurs, œdème, hématome) et se sont estompés entre
cinq à quatorze jours après l’injection. Les mêmes auteurs ont mon-
tré en 2002 (80 patients avec flexum moyen de 49°) une récupé-
ration complète dans 81 % des formes palmaires et dans 5 cas sur
La Lettre du Rhumatologue - n° 319 - février 2006
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Stade 1 Stade 2
Stade 3 Stade 4
Aponévrotomie à l’aiguille.
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7 des formes digitales traitées avec des injections de 10 000 unités
contre 0 % du groupe placebo. Malheureusement, l’usage de cette
technique brevetée est interdit aux autres équipes. D’après les résul-
tats des études et les témoignages des patients traités par la colla-
nase,il semble que ce traitement corresponde à une simple fascio-
tomie enzymatique par aponévrolyse. Or, en 1992, McCarthy (4)
avait montré l’importance des récidives dans les fasciotomies
enzymatiques : 78 % des patients traités et initialement satisfaits
avaient récidivé en trois ans.
APONÉVROTOMIE À L’AIGUILLE
Laponévrotomie à l’aiguille (5), rendue possible par les progrès
technologiques des aiguilles à usage unique,est utilisée depuis plus
de 30 ans.
C’est un traitement ambulatoire, dont le principe consiste à réa-
liser une ou plusieurs sections percutanées des cordes aponévro-
tiques, à l’aide du biseau de l’aiguille utilisée pour l’injection de
l’anesthésique local. On injecte sous pression 1 à 3 cc de Xylocaine®
à 2 % dans et à côté de la corde après désinfection soigneuse de
la peau à l’alcool iodé à 1 %. La section est obtenue par des mou-
vements de va-et-vient en étoile de l’aiguille transversalement à la
paume. La rupture est complétée par une extension énergique du
doigt traité. Un pansement sec tenu par une bande d’Elastoplaste®
doit être gardé 48 heures. Les séances comportent une à quatre
aponévrotomies et peuvent être répétées à sept jours d’intervalle.
L’ordre topographique est toujours le me, de palmaire proximal
à distal et au doigt en regard de P1, voire de P2. Une à deux séances
sont suffisantes pour traiter les stades 1 et 2. Le port d’une orthèse
thermoplastique de contention passive nocturne est parfois néces-
saire dans les formes avec rétraction capsulaire des IPP.
Il n’y a pas d’arrêt de travail, sauf pour les travailleurs manuels
(2 jours).
Les accidents du traitement sont heureusement rares : rupture ten-
dineuse (1 pour 1 000) ; section du nerf collatéral (1 pour 1 000) ;
phlegmon des gaines (exceptionnel). Les incidents sont moins rares,
mais inférieurs à 1 % : fissures et ruptures cutanées, hypoesthésie
transitoire, infections superficielles et hématomes. Il faut rappe-
ler la fréquence des accidents chirurgicaux : algodystrophie 2 %,
nécrose, infections, cicatrices vicieuses, sections nerveuses.
Les résultats immédiats et à 5 ans sont comparables aux résultats
chirurgicaux (6). Les résultats imdiats sont excellents pour
les stades 1 et 2 (92 % et 89 %), bons pour les stades 3 (83 %) et
moyens pour les stades 4 (48 %), et il n’y a aucun échec ni aggra-
vation, contrairement aux séries chirurgicales. À 5 ans, les résul-
tats sont encore bons pour les stades 1, 2 et 3 (92 %, 74 % et 57 %)
et ils sont de 38 % dans les stades 4. Les récidives sont de 50 % à
5 ans dans toutes les séries mais la bénignité, le caractère ambula-
toire et le faible coût de cettethode permettent de retraiter
les patients en cas de récidive. Seuls les stades 4 ont des résultats
insuffisants, ce qui doit inciter à faire traiter les patients à un stade
précoce. L’aponévrotomie à l’aiguille doit être proposée d’emblée
pour les stades 1, 2 et 3. Les améliorations techniques permettent
également de traiter les formes digitales (7). Les récidives post-
chirurgicales (8) sont également traitables par l’aponévrotomie,
à l’exception des cicatrices vicieuses ou des rétractions capsulaires
des IPP. Cette méthode médicale est cependant d’apprentissage
délicat et ne doit être pratiquée que par des praticiens entraînés.
“Le test de la table” consiste à demander au patient de poser sa
main à plat sur le plan de la table. Dès que l’extension au-dessus
de ce plan n’est plus possible, ce test est positif et le traitement
par l’aponévrotomie à l’aiguille est alors indiqué.
La Lettre du Rhumatologue - n° 319 - février 2006
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Stade 3. Palmodigital avant et après une séance d’aponévrotomie.
Forme digitale du 5
e
rayon avant et après apo-
névrotomie.
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TRAITEMENTS ANTIFIBROSANTS
Vérapamil
Le vérapamil (Isoptine®) est un inhibiteur calcique cardiosélectif.
Son utilisation dans le traitement de la maladie de Dupuytren et
dans la maladie de La Peyronie se fonde sur la capacité des inhibi-
teurs calciques à inhiber in vitro et in vivo la synthèse de la matrice
extracellulaire. Celle-ci comprend le collagène mais aussi les
glycoamynoglycanes et la fibronectine. Rayan et al. ont démontré
in vitro que le vérapamil avait une action inhibitrice sur la rétraction
fibromateuse. Une pommade au rapamil est disponible aux États-
Unis et doit être appliquée deux fois par jour pendant plusieurs
mois dès le stade nodulaire. À ce jour, aucune étude sérieuse n’a
mont une efficacité dans la maladie de Dupuytren. En revanche,
la forme injectable a prouvé son efficacité dans la maladie de La
Peyronie (9).
Colchicine
La colchicine est le dicament traditionnel de la goutte. Son excel-
lente tolérance et son innocuité sur le long cours, à faible dose, sont
bien connues. Ce médicament est aussi utilisé classiquement dans
certaines maladies systémiques inflammatoires et fibrosantes telles
que la sclérodermie, la fibrose pulmonaire idiopathique et la muco-
viscidose. Elle réduit la production des fibres de collagène par les
myofibroblastes et inhibe in vitro la multiplication des fibroblastes.
Des travaux récents (10) montrent une efficacité certaine dans la
maladie de La Peyronie avec réduction des plaques fibreuses dans
50 % des cas à la dose de 1 mg par jour pendant trois à cinq mois.
Dans notre expérience, nous avons observé un arrêt de l’évolution
de formes récidivantes de Dupuytren dans 50 % des cas. Une étude
en double insu contre placebo sur deux ans est en cours de réali-
sation à l’hôpital Lariboisière.
ARBRE DÉCISIONNEL
Il faut traiter par l’aponévrotomie à l’aiguille dès que le test de la
table est positif.
Il paraît licite de proposer de la colchicine (hors AMM) pour les
formes d’évolution rapide (diabète, sujets jeunes, etc.). Dans les
(rares) cas de résultat insuffisant ou dans les cas multirécidivants,
le patient pourra bénéficier d’un traitement chirurgical (aponévrec-
tomie, greffes de peau, Mac Cash, etc.).
CONCLUSION
L’aponévrotomie à l’aiguille reste le traitement dical le plus
efficace et permet une prise en charge ambulatoire avec des risques
minimes de la plupart des maladies de Dupuytren. Les nouvelles
recherches sur les médicaments antifibrosants semblent promet-
teuses pour résoudre le problème des formes récidivantes.
Bibliographie
1. Davis RV. Therapeutic modalities for the clinical health sciences. 1st ed. copyright
Library of Congress, TXU, 1983;389-661.
2. Lermusiaux JL, Badois F, Lellouche H. Le traitement des maladies associées à
la maladie de Dupuytren. In : La main rhumatologique. Med-Line éditions 2002;
157-65.
3. Badalamente MA, Hurst LC. Enzyme injection as non-surgical treatment of
Dupuytren’s disease. Hand Surg 2000;25:629-32.
4. McCarthy DM. The long-term results of enzymic fasciotomy. J Hand Surg
1992;17:356 p.
5. Lermusiaux JL, Lellouche H, Badois F, Kuntz D. Le traitement de la maladie
de Dupuytren en 1997. Rev Rhum 1997;64:889-91.
6. Badois F, Lermusiaux J L, Masse C, Kuntz D. Traitement non chirurgical de la
maladie de Dupuytren par aponévrotomie à l’aiguille. Rev Rhum 1993;60:808-13.
7. Lermusiaux JL, Badois F, Lellouche H. Traitement des formes digitales pures
de la maladie de Dupuytren par l’aponévrotomie à l’aiguille. In La main rhumato-
logique. Med-Line éditions 2002;63-7.
8. Lellouche H, Badois F, Teyssedou JP, Lermusiaux JL. Le traitement médical de
la maladie de Dupuytren. Quoi de neuf en 2002 ? In : La main rhumatologique.
Med-Line éditions 2002;419-33.
9. Kadioglu A, Tefekli A, Koksal T et al. Treatment of Peyronie’s disease with oral
colchicine: long term results and predictive parameters of successful outcome. Int
J Impot Res 2000;12:169-75.
10. Rehman J, Benet A, Melman A. Use of intralesional verapamil to dissolve
Peyronie’s disease plaque: a long term single blind study. Urology 1998;51:620-69.
La Lettre du Rhumatologue - n° 319 - février 2006
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Le test “de la table”. Arbre décisionnel.
Test de la table
Aponévrotomie
Récidives
Surveillance
Dermoval®
Échec
Aponévrectomie
Greffe de peau
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