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Chapitre3
Stabilitédel’activitééconomique
Introduction
Cechapitreportesurl’utilisation de la politique monétaire pour la stabilisation de l’activité
économique. Cette question est examinée en retenant un découpage identique à celui du chapitre
précédent : avant, pendant et après la crise.
3.1. Questions sur l’efficacité de la politique monétaire avant la crise
3.1.1. Stabilisation de l’activité économique : quelle importance dans l’action des banques
centrales ?
Même si la politique monétaire ne détermine pas le cours des variables réelles à long terme, elle
influence leur évolution à court terme (sur deux ou trois ans). La stabilisation de l’activité
économique est une mission capitale des banques centrales. D’après les réponses au questionnaire,
pour une majorité sensible des universitaires (78%) et pour presque tous les banquiers centraux
(92%), leur indépendance est une condition nécessaire pour qu’elles puissent l’assurer tout en
maintenant la stabilité monétaire.
Extrait du questionnaire : question 2.3.
Pensez-vous que la capacité des BC à assurer la stabilité des prix tout en apportant leur soutien à la
croissance nécessite une forte indépendance ?
Deux conclusions ressortent des travaux théoriques et empiriques sur la politique monétaire
optimale : 1. L’horizon retenu par la banque centrale pour atteindre l’objectif de stabilité des prix
influence la variabilité de l’activité économique à court terme ; 2. La stabilité monétaire doit être
recherchée seulement à long terme, chercher à l’atteindre à court terme à tout prix conduirait à une
trop forte variabilité de la production. L’évolution de la volatilité du taux de croissance du PIB dans
chacune des économies du G3 est représentée sur le Graphique 3. 1 du début des années 1990
jusqu’au milieu de 2007. Sa diminution au cours des années 1990 est frappante. Aux États-Unis, en
2000- 2001, elle avait diminué de moitié par rapport à son niveau initial. Dans la zone euro, la
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baisse a été encore plus spectaculaire entre 1996 et 2006. Le Japon a connu le même phénomène
même s’il y a été moins marqué et plus irrégulier. Il est d’autant plus remarquable qu’il a coïncidé
avec une baisse de la volatilité de l’inflation.
Graphique 3. 1 : Variabilité de la croissance au sein du G3
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
mars-80
mars-81
mars-82
mars-83
mars-84
mars-85
mars-86
mars-87
mars-88
mars-89
mars-90
mars-91
mars-92
mars-93
mars-94
mars-95
mars-96
mars-97
mars-98
mars-99
mars-00
mars-01
mars-02
mars-03
mars-04
mars-05
mars-06
mars-07
-4
-2
0
2
4
6
8
10
Var Croissance US Var Croissance ZE Var Croissance Japon (échelle de droite)
Les chocs de demande poussent l’inflation et l’activité économique dans la même direction. Ils ne
créent donc pas de situation de conflit. Par exemple une envolée des cours boursiers - qui
s’accompagne d’un boom de la demande, stimule l’activité et crée des tensions inflationnistes -
appelle une hausse du taux directeur. Si la réponse de la banque centrale est bien conduite, elle peut
neutraliser les effets non désirés de ce choc. Il n’en est pas de même pour les chocs d’offre qui
exercent des effets de directions opposées sur l’activité économique et sur les prix. La banque
centrale doit alors faire un arbitrage entre les deux. La plus grande stabilité de l’activité économique
observée avant la crise notamment au cours des années 1990 pourrait donc s’expliquer par la
chance, plus précisément par une moindre importance des chocs d’offre, en particulier ceux qui
affectent les prix des matières premières. L’évolution de la hausse des prix des produits alimentaires
et de l’énergie (mesurée par la différence entre l’inflation totale et l’inflation structurelle) à
l’intérieur du G3 est représentée sur le Graphique 3. 2. Elle est positive quand ils augmentent plus
vite que les prix des autres biens et services. On voit qu’il n’y a pas eu de choc d’offre important au
cours des années 1990 ce qui a sans aucun doute contribué à la relative stabilité de l’activité
économique observée sur cette période. La situation a été moins favorable par la suite : les États-
Unis ont enregistré un premier choc d’offre au début de l’année 2000, puis un deuxième entre 2003
et 2006 ; la zone euro en a connu un fin 2001 et en 2002.
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Graphique 3. 2 : Taux de variation des prix des produits alimentaires et de l’énergie
à l’intérieur du G3 (1991 :T1 / 2007 :T2)
-1,5
-1
-0,5
0
0,5
1
1,5
mars-91
sept-91
mars-92
sept-92
mars-93
sept-93
mars-94
sept-94
mars-95
sept-95
mars-96
sept-96
mars-97
sept-97
mars-98
sept-98
mars-99
sept-99
mars-00
sept-00
mars-01
sept-01
mars-02
sept-02
mars-03
sept-03
mars-04
sept-04
mars-05
sept-05
mars-06
sept-06
mars-07
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
Etats-Unis Japon ZE
Source : Données OCDE
Note : Le taux de variation des prix des produits alimentaires et de l’énergie est obtenu en faisant la différence entre
l’inflation totale et l’inflation structurelle calculées en glissement annuel.
Les changements intervenus dans la politique monétaire au cours des années 1990 ont contribué
aussi à la moins grande volatilité des économies. Une réponse plus rapide et plus vigoureuse aux
pressions inflationnistes dès qu’elles se manifestent permet s’assurer une meilleure stabilisation. Par
exemple, il apparaît que la formule suivante rend bien compte du comportement de la Fed depuis
une vingtaine d’années : Taux des fonds fédéraux = 8,5 + 1,4 * (Inflation structurelle - Chômage)1.
Sa réaction à un choc inflationniste est donc « agressive » : elle augmente alors les taux d’intérêt
réels. La Fed répond aussi à l’évolution du chômage. Cela est conforme non seulement au caractère
dual de son mandat, mais aussi aux enseignements de l’analyse économique (le chômage est un
indicateur avancé de l’inflation future). Les valeurs du taux des fonds fédéraux correspondant à la
formule ci-dessus ainsi que leurs valeurs observées sur la période 1990 – 2007 sont représentées sur
le Graphique 3. 3. Jusqu’à l’automne 2000, les deux séries restent très proches l’une de l’autre et
leurs points de retournement coïncident à peu près ; au total la formule explique 85 % des variations
constatées du taux directeur. Par la suite, la réaction de la Fed à l’éclatement de la bulle Internet et
sur les nouvelles technologies a été conforme dans ses grandes lignes à son comportement passé,
mais elle a été plus marquée et plus durable qu’on ne pouvait s’y attendre au vu de celui-ci (cf.
section 1 du Chapitre 4).
1 Mankiw, 2001 ; dans la formule, la hausse des prix est mesurée en glissement annuel et le taux de chômage est
corrigé des variations saisonnières
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Graphique 3 : Évolutions observée et hypothétique du taux des fonds fédéraux
aux Etats-Unis (1990 : 01 / 2007 : 07)
0,00
1,00
2,00
3,00
4,00
5,00
6,00
7,00
8,00
9,00
janv-90
juil-90
janv-91
juil-91
janv-92
juil-92
janv-93
juil-93
janv-94
juil-94
janv-95
juil-95
janv-96
juil-96
janv-97
juil-97
janv-98
juil-98
janv-99
juil-99
janv-00
juil-00
janv-01
juil-01
janv-02
juil-02
janv-03
juil-03
janv-04
juil-04
janv-05
juil-05
janv-06
juil-06
janv-07
juil-07
FEDFUNDS TXMANKIW1
Il est habituel de dire que la BCE accorde moins d’importance à la stabilisation de l’activité
économique que ne le fait la Fed. Un manque d’activisme en la matière lui est même souvent
reproché. Mais, les différences observée entre la politique de taux de la BCE et celle de la Fed
s’expliquent essentiellement par des différences de nature, de taille et de persistance des chocs qui
frappent les deux économies2. Ils ne peuvent être imputés à des gouvernances ou des préférences
différentes, en particulier à une moindre importance accordée par la BCE à la stabilisation
conjoncturelle. Il ressort d’une expérience « contrefactuelle » que, placée dans l’environnement
européen, la Fed aurait adopté une politique de taux analogue à celle qu’a suivie la BCE
(Graphique 3. 4).
Graph. 3.4. Evolution hypothétique du taux directeur de la BCE avec la fonction de réaction de la Fed
Source : Sahuc et Smets (2008)
2 Sahuc et Smets, 2008
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3.1.2. La globalisation : quelles incidences ?
À partir du milieu des années 1990, tandis que la volatilité de la croissance baissait, la transmission
des chocs entre les pays s’est amplifiée et accérée ce qui constitue une menace pour la stabilité de
l’activité économique. Ces effets de débordement appelle deux types de réponses de la part des
autorités : au niveau international, un renforcement des mécanismes de coordination ex post en cas
de chocs importants et, à l’échelon national, une stratégie de surveillance ex ante3.
Au cours des années 1990, il y a eu aux Etats-Unis deux épisodes de resserrement de la politique
monétaire au cours desquels la hausse des taux long a accompagné celle des taux courts : 1. entre
décembre 1994 et avril 1995, le taux des fonds fédéraux a augmenté de 300 points de base ; le taux
à dix ans a alors enregistré une hausse de 263 points de base (Graphique 3.5) ; 2. entre octobre 1998
et janvier 2000, le taux court est passé de 4,53 à 6,66 % ; le taux à dix ans est alors monté de 4,63 %
à 6,54 %. Aussi, au printemps 2004, quand les marchés ont commencé à se préparer à un
resserrement de la politique de la Fed, s’attendait-on à ce qu’il en soit de même. Entre juin 2004 et
juillet 2006, le Comité fédéral de l’open market a augmenté son taux directeur à 17 reprises et l’a
porté de 1% à 5,25 % ; mais le taux à 10 ans est seulement passé de 3,83 % à 5,11 % et il a même
baissé à la fin de 2006. Alan Greenspan a parlé d’une véritable anomalie (conundrum). Comme on a
assisté au cours de toutes ces années à une forte progression de la part de la dette publique
américaine détenue par des investisseurs étrangers – elle a été multipliée environ par 3 entre 1986 et
2006 (Graphique 3.6) -, l’anomalie lui a souvent été attribuée. De nombreux travaux
économétriques se sont intéressés à cette question. Les conclusions suivantes en ressortent.
L’évolution des taux longs observée en 2004 – 2005 constitue bien une anomalie : les modèles qui
donnent jusque là de bons résultats ont du mal à expliquer l’évolution de la courbe des rendements.
Les origines du conundrum pourraient être les suivantes : 1. une baisse des taux d’intérêt réels due à
la modification des anticipations concernant l’évolution à long terme de la situation budgétaire
jugée plus favorable à l’époque ; 2. une révision à la baisse des anticipations inflationnistes à long
terme ; 3. une diminution des primes de risque liée à la « grande modération » et à la meilleure
prévisibilité de la politique monétaire ; 4. des facteurs conjoncturels pourraient aussi avoir joué.
Mais il ressort surtout de ces travaux que la relation entre la politique monétaire et la courbe des
rendements est extrêmement complexe - elle est sans doute non linéaire – et qu’elle change au
cours du temps – ce qui ne serait pas autre chose qu’une illustration supplémentaire de la « loi de
Goodhart ». Il ne faudrait pas en conclure que le levier habituel de la politique monétaire – le canal
des taux d’intérêt – n’opère plus. Mais la force qu’il permet de déployer se modifie au cours du
temps et doit être sans cesse réévaluée par les banquiers centraux. Elle est sans doute affectée par
l’intégration financière internationale. Mais, l’exemple du « Greenspan conunudrum » ne permet
pas d’affirmer que la politique monétaire est devenue inefficace dans une « grande » économie
comme celle des États-Unis. En tout cas, ce n’est pas la conclusion qui se dégage des études portant
sur cette question : certes, elles montrent que l’intégration financière internationale affecte bien la
relation taux court – taux long, mais elles montrent aussi que cette relation ne s’évanouit pas.
3 Carare et Mody, 2010
1 / 19 100%
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