Journal Identification = MET Article Identification = 0405 Date: June 12, 2013 Time: 12:27 pm
Revue
Épidémiologie
Le syndrome des AA est une affection rare mais
non exceptionnelle. En 2007, l’enregistrement national
(SNFMI-CNIL 99-149) réunissait 30 patients et la revue de
la littérature recensait 19 autres cas [2]. Depuis, l’effectif
de cette cohorte a pratiquement doublé et une dizaine
de cas cliniques isolés ont été publiés [4-12]. Il s’agit
d’une pathologie émergente dont l’incidence est en hausse
mais les AA sont probablement plus facilement et rapide-
ment diagnostiqués actuellement car mieux connus. Le
syndrome des AA a initialement été rapporté en France
puis, une observation néerlandaise [2] et plusieurs autres
cas européens [4, 13] ont été signalés. Comme on pou-
vait le suspecter devant l’association avec les MICI et
la répartition mondiale de ces dernières, des cas d’AA
sont maintenant déclarés à l’échelle mondiale notam-
ment sur le continent américain ou au Japon [14]. Les
AA surviennent principalement au cours de la troisième
décade, surtout s’ils sont associés à une MICI, ou de la
quatrième décade mais les âges extrêmes de survenue se
sont étendus au fil du temps de trois à 80 ans. Le sex-ratio
homme/femme est légèrement supérieur à 1.
Nosologie et physiopathologie
Les AA surviennent de fac¸on isolée dans un quart des
cas [2, 4, 5]. Ils peuvent également accompagner ou révé-
ler une autre maladie inflammatoire ou dysimmunitaire
sous-jacente. Dans ce cas, les AA sont notamment associés
une fois sur deux aux MICI et peuvent précéder la survenue
des signes digestifs de plusieurs années [1]. D’autres affec-
tions sont encore rencontrées lors du syndrome des AA
comme la polychondrite atrophiante, la spondylarthrite
ankylosante, la polyarthrite rhumatoïde, les dermatoses
neutrophiliques ou les gammapathies monoclonales de
signification indéterminée. Les AA ont souvent une évo-
lution indépendante de la maladie qu’ils accompagnent
notamment de la MICI qui est très souvent une maladie
de Crohn. Les AA sont au cœur d’un spectre de maladies
multifactorielles ou de transmission mendélienne. Ils sont
par exemple proches de la maladie de Behc¸et à laquelle
ils sont reliés par le chevauchement qui existe parfois
entre celle-ci et la polychondrite atrophiante (mouth and
genital ulcers with inflamed cartilage [MAGIC] syndrome).
Il peut parfois être difficile de classer précisément un
patient notamment au Japon où une forme de dermatose
neutrophilique, le syndrome de Sweet, présente des cri-
tères communs avec la maladie de Behc¸et qui elle-même
peut ressembler à une MICI. Il s’agit donc bien d’une
entité syndromique et le caractère parfois idiopathique
des AA de même que ses aspects histologiques et évolu-
tifs justifient pleinement son individualisation. Certaines
observations, anciennes pour la plupart, ont été mal-
encontreusement rapportées comme des granulomatoses
atypiques, des sarcoïdoses nécrosantes ou bien encore des
pyoderma gangrenosum profonds alors que pour ce der-
nier, l’appellation se réfère à une entité purement cutanée.
Comme le soulignent Ito et al., lorsqu’une autre affection
coexiste avec les AA, son évolution peut être non seule-
ment dissociée de celle des AA mais encore au second
plan par rapport à eux [14]. En revanche, il est probable
que toutes ces affections partagent certains mécanismes
physiopathologiques communs. Ainsi, certains variants du
gène NOD2/CARD 15 associés à la maladie de Crohn
ont été retrouvés chez des patients atteints d’AA qu’ils
aient ou non une maladie de Crohn avérée [15]. Le
polymorphisme R459R de NOD2/CARD 15 est aussi asso-
cié à une plus grande sévérité du syndrome des AA.
Les polymorphismes longs du promoteur du gène PST-
PIP1 sont significativement plus fréquents chez les patients
qui ont des AA que dans la population témoin [16].
Cet élément pourrait permettre de rapprocher les AA
des maladies auto-inflammatoires puisque PSTPIP1 est
le gène impliqué dans une forme héréditaire de pyo-
derma gangrenosum, le syndrome autosomique dominant
pyogenic arthritis pyoderma gangrenosum acne (PAPA
syndrome). Le déterminisme commun des maladies auto-
inflammatoires est un excès de production d’IL-1via
l’inflammasome. Le blocage de l’IL-1par les biothérapies
s’est avéré temporairement efficace chez un patient avec
des AA [17]. De plus, il existe une surexpression d’IL-1
dans les lésions d’AA [18]. En revanche, les patients ayant
des AA n’ont pas ou peu de stigmates d’auto-immunité.
D’autres mécanismes physiopathologiques peuvent éga-
lement être envisagés sans qu’ils soient scientifiquement
étayés, comme des phénomènes précoces de vascularite
par analogie avec les dermatoses neutrophiliques. Des
stimuli bactériens ou environnementaux sont aussi vrai-
semblables : une observation relate ainsi une infection
àYersinia accompagnée d’AA et suivie d’une maladie
de Crohn [19]. Un homing aberrant de lymphocytes T
mémoires muqueux dans la rate et d’autres organes est
aussi une hypothèse physiopathologique possible à l’instar
des manifestations extra-intestinales des MICI [20].
Présentation clinique,
biologique et radiologique
Le tableau clinique est généralement bruyant. Il existe
fréquemment une phase prodromique avec des signes
généraux marqués par une fièvre volontiers hectique,
une altération de l’état général, des douleurs, et pendant
laquelle l’imagerie classique peut être prise en défaut.
À la phase d’état, les patients ont une fièvre de haut
grade qui conduit à prescrire des examens d’imagerie.
122 mt, vol. 19, n◦2, avril-mai-juin 2013
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