Hématome sous-duraux chroniques : de la clinique au traitement

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Hématomes sous-duraux chroniques :
de la clinique au traitement
Chronic Subdural Hematoma : from bedside to treatment
● M. Guénot*
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■ On retrouve la notion d’un traumatisme crânien, souvent
minime, dans 70 % des cas.
■ Le mécanisme expliquant le passage à la chronicité est
encore mal élucidé.
■ Le diagnostic est à évoquer devant toute altération neurologique du sujet âgé ou éthylique. Certaines formes cliniques
sont parfois trompeuses et peuvent revêtir un masque psychiatrique ou vasculaire.
■ Le scanner cérébral sans injection donne le diagnostic
dans plus de 90 % des cas.
■ Le traitement est avant tout chirurgical, la corticothérapie
isolée ayant peu de chances d’aboutir à une guérison.
■ L’indication opératoire doit être posée sans restriction
aucune liée à l’âge.
■ La récidive est toujours à craindre, l’empyème est la complication la plus redoutable.
■ Les facteurs de mauvais pronostic sont surtout représentés
par l’éthylisme et l’hypotension intracrânienne.
On compte dans la population générale 13,1 hématomes sousduraux chroniques pour 100 000 habitants et par an. Cette proportion augmente après 65 ans, passant de 3,4/100 000 chez les
patients âgés de moins de 65 ans à 58,1/100 000 après 65 ans. Il
existe une nette prédominance masculine (rapport de 5/1).
ÉTIOLOGIE, PHYSIOPATHOLOGIE
On retrouve la notion d’un traumatisme crânien déclenchant dans
70 % des cas.
Les facteurs favorisant identifiés sont l’éthylisme chronique
(20 à 30 % des cas) et un éventuel traitement par antivitamine K
(3 à 14 % des cas).
Dans 25 % des cas, aucune étiologie n’est clairement retrouvée.
C’est la minime suffusion hémorragique résultant du traumatisme
crânien éventuel qui serait à l’origine de la constitution de membranes fibrineuses, elles-mêmes à l’origine d’une pérénisation de
l’hémorragie (1, 2).
Lorsqu’aucune notion traumatique n’est retrouvée, l’initiation du
cercle vicieux menant à la constitution de l’hématome reste obscure,
la rupture d’une amarre veineuse cortico-durale est l’hypothèse
la plus probable.
LES SIGNES CLINIQUES
a réputation de l’hématome sous-dural chronique est
celle d’une pathologie simple et relativement bénigne,
très fréquemment rencontrée dans les services de neurochirurgie.
Néanmoins, si le geste chirurgical lui-même (évacuation et drainage) ne pose que peu de problèmes dans son indication et sa
technique, les suites postopératoires peuvent être marquées de
certains écueils en termes de complications et de récidives, écueils
d’autant plus fréquents que l’âge des patients opérés tend à devenir
de plus en plus élevé.
L
* Service de neurochirurgie (Pr Sindou), hôpital neurologique Pierre-Wertheimer,
Lyon.
La Lettre du Neurologue - n° 3 - vol. VII - mars 2003
La forme clinique typique débute après un intervalle libre
variable ; on retrouve classiquement (3) :
– un déficit moteur hémicorporel (60 %), souvent révélé par une
tendance à la chute ;
– des signes modérés d’hypertension intracrânienne (50 %) ;
– un syndrome confusionnel et des troubles comportementaux
(25 %) ;
– des troubles de conscience (20 %) ;
– une comitialité (7 %).
La sémiologie est d’autant plus bruyante et prompte à apparaître
que le patient est jeune, ce qui s’explique par l’atrophie cérébrale
liée à l’âge, qui aboutit chez le sujet âgé à la constitution d’hématomes volumineux ou bilatéraux longtemps bien tolérés.
La présentation clinique, lorsqu’elle est typique, mène sans
difficultés à effectuer un scanner cérébral qui donnera le diagnostic.
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Malheureusement, le diagnostic peut errer, en raison des nombreuses formes cliniques que l’on peut rencontrer :
– formes à manifestation psychiatrique, très difficiles à révéler
chez le sujet âgé ;
– formes simulant des accidents ischémiques transitoires ;
– formes à symptomatologie extrapyramidale.
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– la collection peut être isodense, rendant le diagnostic un petit
peu plus difficile. C’est le cas dans les deux premières semaines
d’évolution de l’hématome ;
– à compter de deux à trois semaines, la collection apparaît
hypodense.
Il est banal d’observer la présence d’un niveau de sédimentation
au sein de la cavité, sous forme d’une hyperdensité dans la partie
déclive de la cavité sous-durale, témoignant d’un resaignement
récent (figure 2). Cela peut aboutir à la constitution de cloisonnements au sein de l’hématome.
C’est bien entendu le scanner cérébral, à faire au moindre doute,
qui apporte la clé diagnostique. Sa sensibilité est de plus de 90 %.
Il n’y a pas lieu de pratiquer d’injection de produit de contraste
en première intention (4).
On décrit très classiquement l’hématome sous-dural chronique
comme revêtant la forme d’une collection péricérébrale convexe
en dehors, concave en dedans (en croissant de lune), écrasant plus
ou moins les circonvolutions en regard et exerçant un effet de
masse plus ou moins important (figure 1). L’aspect morphologique décrit ci-dessus offre peu de variantes, mais plusieurs
éventualités peuvent être rencontrées en termes de densité de la
collection :
– la collection peut être hyperdense, et seul le contexte de survenue
clinique permet de distinguer entre hématome sous-dural chronique à son tout début et hématome sous-dural aigu ;
Figure 2. Hématome sous-dural chronique hémisphérique gauche au
stade hyperdense (moins de deux semaines d’ancienneté). Ébauche de
cloisonnements au sein de l’hématome.
Figure 1. Hématome sous-dural chronique hémisphérique gauche. Passage progressif de l’isodensité vers l’hypodensité, présence d’un petit
niveau sanguin déclive.
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Certaines situations autres que celles décrites précédemment peuvent se révéler plus difficiles en termes diagnostiques :
– la difficulté la plus classique est constituée par l’hématome
sous-dural chronique isodense bilatéral. Il s’agit d’un piège
encore parfois difficile à déjouer, à moins de pratiquer une IRM ;
– distinguer entre hématome sous-dural chronique hypodense et
hydrome compressif est également une chose parfois délicate.
L’hydrome a normalement une densité encore moindre que celle
de l’hématome sous-dural, et il prédomine habituellement dans
les régions frontales ;
– enfin, l’empyème sous-dural sera suspecté sur les données cliniques, alors que l’injection de produit de contraste iodé permet
parfois de conforter le diagnostic en cas de rehaussement intense
des membranes (figure 3) et de réaction arachnoïdienne.
La Lettre du Neurologue - n° 3 - vol. VII - mars 2003
Figure 3. Après injection d’iode. Volumineuse collection sous-durale
droite postopératoire tardive, associée à un intense réhaussement de
la membranne interne et de l’arachnoïde, évocatrice du diagnostic
d’empyème.
À noter l’existence, parfois, de localisations inhabituelles de
l’hématome sous-dural chronique (base du crâne, fosse cérébrale
postérieure) échappant parfois au scanner, mais pratiquement
jamais à l’IRM.
Au total, le scanner reste de nos jours un outil diagnostique
des plus performants pour l’hématome sous-dural chronique,
permettant dans l’immense majorité des cas d’assurer à lui seul
le diagnostic, d’évaluer l’ancienneté de l’hématome et d’élaborer
la stratégie thérapeutique ainsi que le suivi.
L’IRM n’a qu’un intérêt iconographique dans l’hématome sousdural chronique, excepté dans quelques cas bien particuliers tels
qu’une localisation très inhabituelle de l’hématome, ou encore la
suspicion d’une pathologie vasculaire ou tumorale sous-jacente.
TRAITEMENT
Le traitement de l’hématome sous-dural chronique est par
essence un traitement chirurgical, les tentatives de traitement
médical par corticoïdes n’ayant que peu de chances d’être efficaces isolément (5).
L’indication sera posée dès lors que l’hématome est symptomatique, et ce quels que soient l’âge du patient et la taille de
l’hématome. Le degré d’urgence est variable, le plus souvent
modéré vu la chronicité de l’affection, et il sera parfois nécessaire de rétablir des paramètres de coagulation satisfaisants avant
d’intervenir.
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Figure 4. Aspect habituel d’un scanner postopératoire immédiat. Présence
du drain dans l’espace sous-dural, présence d’air en région frontale, et
persistance de liquide en région déclive.
La chirurgie consiste en l’évacuation-drainage de l’hématome,
les techniques sont diverses (trou de trépan ou ponction percutanée) (6, 7) (figure 4), mais la question essentielle est celle du
principe et de la durée du drainage sous-dural.
Parallèlement au geste chirurgical, certaines mesures médicales
ont leur importance :
– maintenir le patient sur un versant plutôt hyperhydraté, afin de
favoriser la réexpansion cérébrale ;
– décubitus strict pendant au moins 24 heures, pour la même
raison ;
– le remplissage ventriculaire direct par injection intrathécale de
sérum physiologique, fait dans le même but, n’est plus tellement
pratiqué ;
– une prophylaxie anticomitiale doit être discutée ;
– l’antibioprophylaxie systématique n’est pas justifiée ;
– enfin, une corticothérapie peut être d’une certaine utilité lorsque
la clinique tarde à s’améliorer après évacuation et qu’un début de
récidive est à craindre.
RÉSULTATS, COMPLICATIONS,
FACTEURS PRONOSTIQUES
Le taux de bon résultat du traitement de l’hématome sous-dural
chronique reste satisfaisant, puisqu’il est d’environ 85 %.
Cependant, ce résultat s’obtient au prix d’une certaine proportion
de récidives, qui guériront, mais qu’il faudra réopérer. En outre,
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certaines complications, parfois graves ou mortelles, peuvent survenir. Ces complications sont les suivantes (8, 9) :
– décès : environ 2 %, le plus souvent liés à l’état général du
patient ;
– récidives : environ 8 % des cas. La récidive s’entend par récidive
clinique, dans la mesure où il est tout à fait habituel d’observer
la persistance d’un décollement cranio-encéphalique pendant
deux mois après la chirurgie ;
– empyème sous-dural postopératoire : 2 % des cas. Il s’agit
d’une complication redoutée en raison des risques d’évolution
gravissime qu’elle comporte. Le seul élément significatif
retrouvé dans la littérature est un drainage supérieur à 3 jours ;
– épilepsie postopératoire : environ 3 % des cas ;
– hématomes intracérébraux : rares, ils peuvent être dus à une
lésion vasculaire secondaire et à une réexpansion cérébrale trop
rapide ;
– œdème cérébral postopératoire : 6 % des cas. En principe transitoire.
Au total, le devenir à long terme des patients est réparti comme
suit :
– 85 % de récupération complète ;
– 12 % de troubles psychiatriques ou neurologiques définitifs ;
– 3 % d’épilepsie.
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I. Parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont
exactes :
a. La théorie osmotique explique l’auto-entretien du saignement sous-dural.
b. Les signes cliniques les plus fréquents sont : déficit hémicorporel et tendance à la chute.
c. Le scanner cérébral a une sensibilité de plus de 90 % pour
cette pathologie.
d. Une corticothérapie peut être tentée dans la majorité des
cas avec succès.
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1. Kawakami Y, Chikama M, Tamiya T, Shimamura Y. Coagulation and fibrinolysis
in chronic subdural hematoma. Neurosurgery 1989 ; 25 (1) : 25-9.
2. Cuny E. Hématome sous-dural chronique : physiopathologie. Neurochirurgie
2001 ; 47 (5) : 473-8.
3. Markwalder TM. Chronic subdural hematomas. A review. J Neurosurg 1981 ;
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5. Sambasivan M. An overview of chronic subdural hematoma : experience with
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craniostomy with continuous catheter drainage. J Neurosurg 1986 ; 65 : 183-7.
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closed-system drainage without irrigation. Surg Neurol 1998 ; 21 : 225-7.
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Prognostic factors of surgery. A propos of 100 cases. Neurochirurgie 1987 ; 33 : 17-22.
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Surgical treatment and outcome in 104 patients. Surg Neurol 1997 ; 48 : 220-5.
L’hématome sous-dural chronique, en dépit de son apparente
simplicité pathogénique et thérapeutique, reste une affection dont
le pronostic peut finalement être incertain, en particulier chez le
sujet âgé ou éthylique.
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Le diagnostic est assuré dans la quasi-totalité des cas par la réalisation d’un scanner, le tout est de l’évoquer devant des signes
cliniques parfois trompeurs, pouvant, par exemple, en imposer
pour un AVC ou une démence.
En dépit de controverses non encore résolues, certains points sont
susceptibles de recueillir le consensus de la plupart. Ainsi, par
exemple, est-il admis que l’hématome sous-dural chronique, dès
lors qu’il est cliniquement parlant, représente une indication neurochirurgicale qui peut être posée sans hésitation chez les patients
les plus âgés, avec un rapport bénéfice sur risques qui reste en
leur faveur.
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CONCLUSION
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II. Parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont
exactes :
a. L’incidence de l’hématome sous-dural chronique augmente
à partir de 65 ans.
b. L’âge avancé constitue une contre-indication à l’évacuation
de l’hématome.
c. La fréquence de l’empyème postopératoire augmente avec
la durée du drainage sous-dural.
d. L’hématome sous-dural chronique devient de plus en plus
hyperdense au fil du temps.
e. La guérison scannographique de l’hématome est normalement obtenue dès la période postopératoire immédiate.
Résultats : 1 : b, c. II : a, c.
Imprimé en France - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne - Dépôt légal : à parution. © février 1997 - ALJAC S.A. Locataire gérant de Edimark SA.
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