Information des patients sur les effets indésirables des médicaments

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Synthèse
J Pharm Clin 2015 ; 34 (1) : 15-21
Information des patients sur les effets
indésirables des médicaments∗
Patients’ information on adverse drug effects
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Josette Vallée 1 , Béatrice Trombert-Paviot 2
1 Service universitaire de médecine générale, Saint-Étienne, France
<[email protected]>
2 Service de Santé Publique et de l’Information, CHU de Saint-Étienne Hôpital Nord, Saint-Étienne, France
Résumé. Contexte : La diminution de l’incidence des effets indésirables des médicaments (EIM) est une préoccupation nationale. Peu d’études se sont intéressées à l’information des patients sur les EIM. Objectifs : Analyser
les sources d’information en général, les informations retenues au décours d’une consultation et la connaissance
de l’auto-déclaration des EIM. Méthode : Etude descriptive transversale par questionnaire, réalisée de mai à juillet
2013, auprès de patients consultant en médecine générale dans l’Hérault (France). Résultats : 400 questionnaires
ont été exploités. 60 % des patients s’estimaient suffisamment informés. La recherche d’information était associée à un âge non avancé (p < 0,01), au genre féminin (p = 0,01), au niveau d’étude élevé (p = 0,01) et à la
catégorie professionnelle élevée (p < 0,01). Les professionnels de santé étaient la première source d’informations
et la plus fiable avant la notice du médicament et Internet, source la moins fiable. Pour 85 % des prescriptions,
aucune information n’a été retenue surtout celles chroniques à visée cardiovasculaire (p < 0,01). 92 % des patients
ignoraient l’auto-déclaration des EIM mais 55 % y étaient prêts. Discussion/Conclusion : Si les patients se disent
majoritairement bien informés, notamment par les professionnels de santé, des facteurs d’inégalité persistent : le
faible niveau d’étude, la faible catégorie socio-professionnelle, l’âge élevé, le genre masculin et la chronicité du
traitement. Médiatiser l’information sur les EIM permettrait d’améliorer la santé des populations fragiles.
Mots clés : effets secondaires indésirables des médicaments, information en santé des consommateurs, médecine
générale
Abstract. Background: The decrease of adverse drug effects (ADE) rate is a national concern. Few studies have
explored how patients are informed about ADE. Aims. To understand how patients inform themselves on ADE,
stored-information after consultation and knowledge about self-reporting of ADE. Method: Transversal and descriptive study was conducted from May to July 2013, with outpatients consulting GP in Herault (France). Results:
400 surveys were operated. About 60% of patients estimated to be enough informed about ADE. Research of
information by patient was linked to their young age (p<0.01), studies level (p=0.01), professional level (p<0.01),
and female gender (p=0.01). Health professionals have been the main source of information and the most trusted
one, package leaflet as secondly. Internet was the least trusted source. There was no stored information for 85%
(684/807) of prescriptions. Especially on cardiovascular drugs and chronic treatments which were less informed
(p<0.01). 92% patients didn’t know about self-reporting of ADE but 55% were ready to read it. Conclusion: Even
if patients think they are enough informed about ADE, mainly by health professionals, disparities persist on low
level of studies, low socio-professional level, high age, men and chronic treatment. Promoting more securely the
information about ADE through Medias, could improve health of vulnerable populations.
Key words: consumer health information, drug-related side effects and adverse reactions, general practice
∗ Cet article a fait l’objet d’une première publication dans Médecine, vol. 11, no 1, janvier-février 2015. Nous remercions ses auteurs ainsi
que la rédaction de la revue Médecine d’avoir bien voulu nous permettre de le publier dans JPC.
Tirés à part : J. Vallée
Pour citer cet article : Vallée J, Trombert-Paviot B. Information des patients sur les effets indésirables des médicaments. J Pharm Clin 2015 ; 34(1) : 15-21
doi:10.1684/jpc.2015.0299
15
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J. Vallée, B. Trombert-Paviot
Dès 1972, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
a défini les effets indésirables des médicaments (EIM)
comme « des réactions nocives et non voulues, se
produisant aux posologies normalement utilisées chez
l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou la modification d’une fonction
physiologique » [1]. Cette définition inclut, en 2000, les
réactions résultant d’un mésusage d’un produit de santé
(usage abusif, erreurs médicamenteuses. . .), un syndrome
de sevrage lors de son arrêt, et toute réaction nuisible pouvant découler d’une mauvaise qualité du produit de santé
[1-3].
La pharmacovigilance constitue l’ensemble des techniques d’identification, d’évaluation et de prévention du
risque – potentiel ou avéré – d’effets indésirables lié
aux médicaments ou produits de santé. Elle s’attache
notamment à évaluer les facteurs évitables du risque
médicamenteux [2]. Les Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) contrôlés par l’Agence Nationale
de Sécurité du Médicament (ANSM), supervisée par
l’EMA (European Medecines Agency) visent à assurer
la sécurité du médicament dès son Autorisation de
Mise sur le Marché (AMM), Autorisation Temporaire
d’Utilisation (ATU) et tout au long de sa commercialisation
[2].
En 2007, l’étude nationale EMIR [4], a montré qu’en
France, les EIM étaient responsables de 3,6 % des
hospitalisations, évitables dans un cas sur deux. Les médicaments mis en cause étaient ceux du système nerveux
central (26 %), cardiovasculaires (21,6 %), antinéoplasiques et immunomodulateurs (16,8 %) [5]. Dans l’étude
régionale EVISA [6], les médicaments les plus incriminés étaient les anticoagulants (fluindione, principalement)
puis ceux à visée neurologique, essentiellement les neuroleptiques), et les antihypertenseurs (essentiellement les
diurétiques). 23 % des événements indésirables responsables d’hospitalisation étaient directement générés par
les patients ou leur entourage.
En 2009, l’étude EICLAT [7] a montré que les médecins
généralistes (MG) prescrivaient en moyenne 4 médicaments par ordonnance. Sur les 8 382 ordonnances
analysées, l’ordonnance moyenne contenait 194 risques
d’EIM dont 166 (85 %) étaient fréquents et/ou graves ;
l’activité habituelle de consultation semblait incompatible avec une information complète des patients sur les
EIM.
Depuis 2002, la loi Kouchner [8] a imposé d’informer
au préalable le patient ayant la capacité de consentir
des bienfaits et risques de toute intervention thérapeutique pour en obtenir le « consentement éclairé ». Les
articles 34-35 du Code de Déontologie Médicale prévoient
l’information du patient sur les EIM [9]. Pourtant, l’étude
de Kalpana [10], a montré que les patients restaient à la
recherche d’une information globale sur les effets géné-
16
raux des médicaments qui leur ont été prescrits, mais
également d’une information spécifique sur les EIM possibles.
Pour diminuer la proportion d’EIM évitables, et en raison de la sous déclaration des EIM, malgré son obligation
par les professionnels de santé aux CRPV, l’ANSM a mis
en place en 2011 la possibilité pour les patients et associations de patients de déclarer, directement au CRPV, un
évènement indésirable lié à un produit de santé.
Notre étude avait pour but d’explorer les moyens
d’information des patients sur les EIM, l’information retenue sur les EIM au décours d’une consultation chez un
médecin généraliste, encore peu analysés dans la littérature, et la connaissance qu’ont les patients sur le dispositif
d’auto-déclaration.
Méthode
L’enquête descriptive a été réalisée auprès des patients
au décours d’une consultation en cabinet de médecine
générale dans le département de l’Hérault (France) du
15/05/2013 au 07/07/2013 au moyen d’un questionnaire
administré par un unique enquêteur1 , médecin généraliste remplaçant. Tous les patients âgés de plus de 18 ans
ayant la capacité de répondre au questionnaire, ayant ou
non reçu une prescription médicamenteuse à la fin de
la consultation, étaient inclus. Ceux de moins de 18 ans,
ou plus âgés qui ne pouvaient pas répondre au questionnaire en raison de troubles cognitifs, d’illettrisme, ou ne
comprenant pas le français, étaient exclus.
Un échantillonnage stratifié de 467 patients issus de
8 cabinets de médecins généralistes (MG) différents a
été réalisé. Le premier niveau était un tirage au sort des
communes de l’Hérault selon le nombre d’habitants :
> 100 000 habitants (agglomération urbaine), 10 000 à
100 000 (9 communes urbaines), 3 000 à 10 000 (60
communes semi-rurales), < 3 000 (273 communes
rurales). Le deuxième était un tirage au sort de 2 cabinets
de MG dans chaque classe de communes en utilisant
l’annuaire « pages jaunes », un nouveau tirage au sort
étant effectué en cas de refus de participer. Le troisième
niveau était la sélection des 50 premiers patients répondant aux critères d’inclusion, le suivant étant sollicité en
cas de refus.
Les participants ont répondu sous couvert d’anonymat
à un questionnaire testé auprès de personnes de
l’entourage de l’enquêteur qui n’appartenaient pas au
milieu médical et ajusté pour faciliter sa compréhension.
Les données recueillies ont été saisies en temps réel sur
ordinateur par l’intermédiaire du logiciel ETHNOS. Les
logiciels SPHINX et SPSS ont été utilisés pour l’analyse
1
Etienne Paul, Faculté de médecine de Saint-Étienne.
J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015
Information des effets indésirables des médicaments
Tableau 1. La recherche d’information lors de l’usage de nouveau médicament.
Systématique
Souvent
Rarement
Pas du tout
78 (20)
123 (30,5)
128 (32)
71 (17,5)
– Hommes
32
40
59
37
– Femmes
46
83
69
34
Age moyen
49
46
43
59
– 18-30 ans
14
28
45
6
– 31-40 ans
13
32
25
4
– 41-50 ans
16
23
10
12
– 51-60 ans
12
11
22
13
– 61-70 ans
16
6
13
16
– 71-80 ans
5
18
9
2
– 81-90 ans
2
5
4
8
–a
2
5
10
1
–b
2
13
16
12
–c
20
20
16
3
–d
19
29
30
16
–e
24
29
29
34
–f
11
27
27
5
– Très bien
15
9
6
4
– Bien
38
69
59
34
Effectif (%)
p
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Genre
0,01
0,03
Tranche d’âge
< 0,01
Catégorie socio-professionnelle
< 0,01
Degré d’information auto-estimé
0,01
– Peu
19
38
50
19
– Pas du tout
6
7
13
14
Ont posé des questions au médecin en consultation
au sujet des EIM des médicaments prescrits
13
19
9
3
0,04
a : agriculteurs/ouvriers ; b : libéraux ; c : Professions intellectuelles supérieures, Cadres, Professions intermédiaires, Enseignants ; d : employés ; e :
retraités ; f : autres inactifs.
J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015
17
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J. Vallée, B. Trombert-Paviot
statistique. L’analyse des données a été réalisée par des
statistiques descriptives usuelles par pourcentage. Le test
Chi-2 a été utilisé pour comparer des variables. Le seuil
de significativité des tests statistiques a été fixé à 0,05 avec
un intervalle de confiance de 95 %. Pour pouvoir conclure
lors des tests comparatifs, un effectif minimum de 30
par modalité a été nécessaire ainsi qu’une puissance de
80 %.
L’étude a tenté de mettre en exergue un profil
d’information maximale et un profil d’information minimale des patients.
Une déclaration à la CNIL a été enregistrée.
Oui
Non p
Effectif (%)
44 (16) 4)
Le patient a déjà eu un EIM
– oui
35
– non
9
102
– oui
7
16
Résultats
– non
37
223
Population
1re source d’information du patient
– professionnel de santé
20
153
– notice du médicament
14
43
– internet
10
33
– entourage
0
4
– médias hors internet
0
6
Sur les 467 patients inclus, 400 ont accepté de participer :
100 d’un cabinet de grande agglomération, 100 de milieu
urbain, 100 de milieu semi-rural et 100 de milieu rural.
L’échantillon était composé de 168 hommes (42 %) et 232
femmes (58 %), de 18 à 90 ans (âge moyen 48 ans).
La majorité des participants se sont dit « bien » ou
« très bien informés », environ un sur 10 « pas du
tout informé » (tableau 1). Ceux qui se considéraient
« très bien informés » - le plus souvent des femmes, de
moyenne d’âge plus élevée (en dehors des plus de 60 ans
et des retraités), de niveau scolaire et catégorie professionnelle élevés – cherchaient plus « systématiquement »
et posaient plus souvent des questions au MG lors de
la consultation (tableau 2). Ils avaient déjà constaté un
EIM antérieurement, étaient professionnels de santé, et
utilisaient internet comme première source d’information,
ou considéraient l’information des médias et d’internet en
deuxième position de fiabilité.
Sources d’information et fiabilité
Les professionnels de santé ont paru être la première
source d’information, la plus fiable, puis la notice du
médicament, suivie par internet et l’entourage, et enfin
les médias hors internet (tableau 3). Il n’a pas été possible d’établir un lien entre les sources d’informations et
la situation du cabinet, ni avec l’âge, le genre, et la catégorie socio-professionnelle des patients, en raison d’un
manque de puissance des tests comparatifs.
Information délivrée par le MG
et chronicité de la prescription
283 patients/400 avaient une ordonnance de 2,85 médicaments moyenne (807 médicaments prescrits).
Pour 85 % des prescriptions aucune information sur les
EIM n’a été retenue par les patients. 57 % des prescriptions
concernaient un traitement chronique. Dans ce cas, moins
d’informations sur les EIM ont été retenues (p < 0,01).
18
Tableau 2. La demande d’informations au médecin sur les EIM des prescriptions de consultation.
137
< 0,01
Patient professionnel de santé
0,04
< 0,01
Parmi les classes de médicaments prescrits, les
patients ont retenu le risque d’EIM avec les antithrombotiques (classe B01 de la classification anatomique/thérapeutique/chimique de l’OMS ATC [5]) (p
= 0,03), mais pas ceux de la classe C (cardiovasculaire) (p < 0,01). Les prescriptions des médicaments
de la classe « autre » (ni cardiovasculaire, ni neuropsychiatrique, ni antinéoplasique-immunomodulatrice, ni
antithrombotique) concernaient plus souvent une pathologie aiguë (p < 0,01) et n’avaient pas fait l’objet de
mémorisation d’EIM plus que les autres prescriptions.
Aucun lien significatif n’a pu être mis en évidence
pour les médicaments à visée neuropsychiatrique et
antinéoplasique-immunomodulatrice.
Auto-notification des EIM
Un antécédent d’EIM a été déclaré par 235 patients (près
de 60 %), au médecin (199), ou à l’entourage (49), au
pharmacien (33), à un(e) infirmier(e) ou autre professionnel médical ou paramédical (3) ; 11 ne l’ont jamais déclaré.
L’auto-déclaration des EIM à l’organisme qui s’en occupe,
n’était pas connue par 370 (92 %) patients, le contraire
pour 30 (8 %). Parmi ces derniers, 4 (13 %) ont pu citer
le CRPV. Pourtant 219 patients (55 %) se sont dits prêts
J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015
Information des effets indésirables des médicaments
Tableau 3. Sources d’information des patients.
Professionnel
de santé
Notice du
médicament
Entourage
Médias hors
internet
Internet
p
Utilisation
Effectif (%)
354 (89)
366 (92)
188 (47)
128 (32)
191 (48)
– 1er choix
212
138
11
8
31
– 2e choix
98
165
46
14
34
– 3e choix
29
40
71
41
77
– 4e choix
12
19
45
42
31
– 5e choix
3
4
15
23
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Classement
< 0,01
Confiance
Classement
– 1er choix
315
70
9
0
6
– 2e choix
76
252
41
18
13
– 3e choix
4
50
149
113
84
– 4e choix
3
22
119
196
60
– 5e choix
2
6
82
73
237
à auto-déclarer un EIM s’ils avaient à le faire. Ceux qui
n’étaient pas enclins à auto-déclarer étaient en moyenne
plus âgés. Ils avaient plus de 60 ans, étaient retraités, de
bas niveau d’étude, et se considéraient en moyenne moins
informés sur les EIM. Il n’existe pas de relation significative entre la propension à auto-déclarer les EIM et la
localisation du cabinet ni avec le genre des patients.
Discussion
Cette étude montre que les patients s’estiment majoritairement suffisamment bien informés sur les EIM et que la
source première d’information qu’ils estiment fiable est
un professionnel de santé. La recherche d’informations
sur les EIM par les patients paraît liée à un âge
non avancé, à un niveau d’études et socio-économique
plus élevés, au genre féminin mais aussi à l’existence
d’antécédent d’EIM, et au métier de professionnel de
santé. Par ailleurs, au décours de la consultation étudiée,
l’information sur les EIM de la majorité des médicaJ Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015
< 0,01
ments prescrits, parfois responsables d’EIM fréquents
ou graves, ne semble pas avoir été retenue par les
patients, principalement pour les traitements chroniques
à visée cardiovasculaire en dehors des antithrombotiques.
Les patients connaissent encore mal l’auto-déclaration
des EIM, qui semble liée à l’âge (plus jeune), au
niveau élevé d’études et au degré d’information sur les
EIM.
Certaines limites sont à souligner, notamment
l’absence d’inclusion de patients adultes présentant des
troubles cognitifs et d’enfants susceptibles de ressentir
un EIM. D’autre part, le lieu et le moment de l’enquête,
effectuée à la sortie du cabinet médical aux horaires de
bureau, ont pu majorer la proportion de patients âgés et
malades chroniques. L’enquête effectuée au sortir d’un
cabinet de MG a pu valoriser ce dernier. Le statut de
médecin de l’unique enquêteur a pu pousser les patients
à survaloriser l’item « professionnel de santé » parmi les
sources d’informations et entraîner une certaine interprétation des réponses. Enfin, les réponses plus favorables à
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J. Vallée, B. Trombert-Paviot
l’item « Internet » en tant que source d’information sur
les EIM des patients professionnels de santé peut laisser à
penser qu’ils évoquaient des sources connues professionnellement comme fiables.
Alors que la majorité des patients interrogés pour cette
étude ont déclaré bien connaitre les EIM, l’étude EVISA
a montré qu’environ un quart des hospitalisations liées
à un EIM étaient directement et exclusivement le fait du
patient ou de son entourage [6]. Des études ultérieures
pourrait permettre de comprendre cet apparent paradoxe
sachant que Asseray et al. ont relevé que 84 % des patients
admis dans un service d’urgence ont déclaré s’être automédiqués dans les deux semaines précédentes dont 1 %
a présenté un EIM [11].
Considérer que la connaissance des EIM par les
patients pourrait permettre d’éviter des événements
indésirables potentiellement graves fait entrer cette
connaissance dans le champ de la prévention. Or, le
faible niveau socio-économique des patients semble être
un facteur péjoratif en terme de prévention tout comme
les inégalités socio-économiques soulignées dans le plan
cancer 2 [12].
L’âge plus avancé des patients paraît pourvoyeur d’une
moindre recherche d’information. L’ANSM a en effet mis
l’accent depuis 2006 sur la nécessité d’une réévaluation
régulière de l’ordonnance chronique des personnes âgées
par les médecins, afin de diminuer les EIM de médicaments devenus inutiles voire délétères (Programme Pilote
Prescription Médicamenteuse chez le Sujet Agé) [13]. La
« dé-prescription », en tant qu’acte de prévention, a été
proposée par différents auteurs [14].
Hormis les anti-thrombotiques, il semble que les
patients n’aient pas retenu le risque d’EIM éventuel lié
à leurs traitements médicamenteux chroniques. Soit ils
n’ont pas accordé d’importance à ce message au cours
de la consultation, soit ces prescriptions chroniques ont
fait l’objet de moins d’information de la part du MG. Ceci
mériterait d’être exploré ultérieurement, d’autant que ce
sont les patients les plus âgés qui sont plus fréquemment
concernés et qu’il semble que l’information s’estompe au
fil de la prescription chronique.
Dans l’étude EMIR [7], les médicaments les plus
responsables d’EIM graves étaient ceux de la classe neuropsychologique (26 %) et ceux de la classe cardiovasculaire
(21,6 %). Lacroix a par ailleurs montré que les EIM de
la classe cardiovasculaire étaient parmi les plus notifiés
par les MG au CRPV de Saint Etienne dans un contexte
de sous notification [15]. Dans cette étude, ces classes
représentent respectivement environ 22 et 20 % des médicaments prescrits. La fréquence de leur utilisation en
ambulatoire semble se confirmer et conséquemment les
EIM potentiels. Ceci devrait inciter à informer les patients
par d’autres moyens que les seuls professionnels de santé
20
Ce qui était connu
– La responsabilité des EIM dans des hospitalisations évitables une fois sur 2.
– La possibilité d’autodéclaration des EIM auprès des CRPV depuis 2011.
Ce que cette étude apporte
– Les patients de l’étude connaissent presque exclusivement le risque d’EIM des
antithrombotiques.
– La source première d’information qu’ils estiment fiable est un professionnel de
santé.
– Le faible niveau socio-économique des patients, leur âge plus avancé paraît
pourvoyeur d’une moindre recherche d’information, d’où l’importance de la
réévaluation régulière de l’ordonnance chronique des personnes âgées et de la
« dé-prescription », en tant qu’acte de prévention.
Les zones d’incertitudes
– Il reste à faire mieux connaître la possibilité d’autodéclaration des EIM.
– Mais surtout développer l’information concernant ces EIM par tous moyens
possibles.
qui n’ont pas toujours la possibilité de les aborder dans
le temps imparti de la consultation, comme l’a souligné
l’étude EICLAT [7] et comme le montrent les éléments
retenus par les patients sur les EIM dans notre étude.
Dans le but de pallier en partie les déficits des
déclarations des professionnels de santé, un dispositif
d’auto-déclaration par les patients des EIM ressentis a
été mis en place en juin 2011. Il n’est pas encore bien
connu du public, ni le rôle du CRPV comme organisme
destinataire des déclarations d’EIM. Certains CRPV ont
développé la déclaration d’EIM par internet pour simplifier le processus. Une information des patients à l’échelle
nationale ou des centres départementaux de sécurité
sociale (site ameli.fr) ou sur support courrier pourrait être
proposée. Il pourra être intéressant d’évaluer l’efficacité
de ces mesures dans l’avenir, afin de les adapter et les
compléter.
Conclusion
Si les patients, au sortir d’une consultation auprès d’un
MG, se disent majoritairement bien informés, notamment
par les professionnels de santé auxquels ils se réfèrent
dans ce domaine, différents facteurs négatifs interviennent
dans cette information : faible niveau socio-économique,
âge, genre masculin et chronicité du traitement. Ils
ne connaissent pas encore suffisamment la possibilité
d’auto-déclarer les EIM auprès du CRPV, mais ils y sont
pour la plupart prêts. Il reste à développer l’information
concernant les EIM en direction des patients, via les professionnels de santé, mais aussi une information plus
médiatisée, en raison du manque de temps des professionnels de santé et du coût élevé des EIM sur le plan
humain et financier.
J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015
Information des effets indésirables des médicaments
Remerciements : Les auteurs remercient les patients et les
médecins généralistes qui ont accepté de participer à
l’étude.
7. Raineri F, Arnould P, Hebbrecht G. Etude EICLAT, « Étude sur
l’information claire, loyale et appropriée sur les thérapeutiques. Sur :
http://www.sfmg.org/data/generateur/generateur_fiche/657/fichier_
eiclat_-_rapport_final_pdgabcb4.pdf.
Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien
d’intérêt en rapport avec l’article.
8. Loi n◦ 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé. 2002-303. Sur :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=2B47168F0
4265D12EAE26512D3C58636.tpdjo16v_1?cidTexte=LEGITEXT000005
632379&dateTexte=20131211.
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Références
1. OMS. Surveillance de la sécurité d’emploi des médicaments.
Guide pour la création et le fonctionnement d’un centre de
pharmacovigilance, 2000, Sur : http://apps.who.int/medicinedocs/
documents/h2934f/h2934f.pdf.
2. ANSM. Pharmacovigilance - Champ d’application. Sur : http://
ansm.sante.fr/Activites/Pharmacovigilance/Champ-d-application/%
28offset%29/2#paragraph_9528.
3. Code de la santé publique - Article R5121-153. Code Santé
Publique. Sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?
cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI00000691490
5&dateTexte=&categorieLien=cid.
4. Castot A, Haramburu F, Kreft-Jaïs C. Etude Emir-Hospitalisations
dues aux effets indésirables des médicaments : résultats d’une
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