Synthèse J Pharm Clin 2015 ; 34 (1) : 15-21 Information des patients sur les effets indésirables des médicaments∗ Patients’ information on adverse drug effects Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Josette Vallée 1 , Béatrice Trombert-Paviot 2 1 Service universitaire de médecine générale, Saint-Étienne, France <[email protected]> 2 Service de Santé Publique et de l’Information, CHU de Saint-Étienne Hôpital Nord, Saint-Étienne, France Résumé. Contexte : La diminution de l’incidence des effets indésirables des médicaments (EIM) est une préoccupation nationale. Peu d’études se sont intéressées à l’information des patients sur les EIM. Objectifs : Analyser les sources d’information en général, les informations retenues au décours d’une consultation et la connaissance de l’auto-déclaration des EIM. Méthode : Etude descriptive transversale par questionnaire, réalisée de mai à juillet 2013, auprès de patients consultant en médecine générale dans l’Hérault (France). Résultats : 400 questionnaires ont été exploités. 60 % des patients s’estimaient suffisamment informés. La recherche d’information était associée à un âge non avancé (p < 0,01), au genre féminin (p = 0,01), au niveau d’étude élevé (p = 0,01) et à la catégorie professionnelle élevée (p < 0,01). Les professionnels de santé étaient la première source d’informations et la plus fiable avant la notice du médicament et Internet, source la moins fiable. Pour 85 % des prescriptions, aucune information n’a été retenue surtout celles chroniques à visée cardiovasculaire (p < 0,01). 92 % des patients ignoraient l’auto-déclaration des EIM mais 55 % y étaient prêts. Discussion/Conclusion : Si les patients se disent majoritairement bien informés, notamment par les professionnels de santé, des facteurs d’inégalité persistent : le faible niveau d’étude, la faible catégorie socio-professionnelle, l’âge élevé, le genre masculin et la chronicité du traitement. Médiatiser l’information sur les EIM permettrait d’améliorer la santé des populations fragiles. Mots clés : effets secondaires indésirables des médicaments, information en santé des consommateurs, médecine générale Abstract. Background: The decrease of adverse drug effects (ADE) rate is a national concern. Few studies have explored how patients are informed about ADE. Aims. To understand how patients inform themselves on ADE, stored-information after consultation and knowledge about self-reporting of ADE. Method: Transversal and descriptive study was conducted from May to July 2013, with outpatients consulting GP in Herault (France). Results: 400 surveys were operated. About 60% of patients estimated to be enough informed about ADE. Research of information by patient was linked to their young age (p<0.01), studies level (p=0.01), professional level (p<0.01), and female gender (p=0.01). Health professionals have been the main source of information and the most trusted one, package leaflet as secondly. Internet was the least trusted source. There was no stored information for 85% (684/807) of prescriptions. Especially on cardiovascular drugs and chronic treatments which were less informed (p<0.01). 92% patients didn’t know about self-reporting of ADE but 55% were ready to read it. Conclusion: Even if patients think they are enough informed about ADE, mainly by health professionals, disparities persist on low level of studies, low socio-professional level, high age, men and chronic treatment. Promoting more securely the information about ADE through Medias, could improve health of vulnerable populations. Key words: consumer health information, drug-related side effects and adverse reactions, general practice ∗ Cet article a fait l’objet d’une première publication dans Médecine, vol. 11, no 1, janvier-février 2015. Nous remercions ses auteurs ainsi que la rédaction de la revue Médecine d’avoir bien voulu nous permettre de le publier dans JPC. Tirés à part : J. Vallée Pour citer cet article : Vallée J, Trombert-Paviot B. Information des patients sur les effets indésirables des médicaments. J Pharm Clin 2015 ; 34(1) : 15-21 doi:10.1684/jpc.2015.0299 15 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. J. Vallée, B. Trombert-Paviot Dès 1972, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a défini les effets indésirables des médicaments (EIM) comme « des réactions nocives et non voulues, se produisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou la modification d’une fonction physiologique » [1]. Cette définition inclut, en 2000, les réactions résultant d’un mésusage d’un produit de santé (usage abusif, erreurs médicamenteuses. . .), un syndrome de sevrage lors de son arrêt, et toute réaction nuisible pouvant découler d’une mauvaise qualité du produit de santé [1-3]. La pharmacovigilance constitue l’ensemble des techniques d’identification, d’évaluation et de prévention du risque – potentiel ou avéré – d’effets indésirables lié aux médicaments ou produits de santé. Elle s’attache notamment à évaluer les facteurs évitables du risque médicamenteux [2]. Les Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) contrôlés par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), supervisée par l’EMA (European Medecines Agency) visent à assurer la sécurité du médicament dès son Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) et tout au long de sa commercialisation [2]. En 2007, l’étude nationale EMIR [4], a montré qu’en France, les EIM étaient responsables de 3,6 % des hospitalisations, évitables dans un cas sur deux. Les médicaments mis en cause étaient ceux du système nerveux central (26 %), cardiovasculaires (21,6 %), antinéoplasiques et immunomodulateurs (16,8 %) [5]. Dans l’étude régionale EVISA [6], les médicaments les plus incriminés étaient les anticoagulants (fluindione, principalement) puis ceux à visée neurologique, essentiellement les neuroleptiques), et les antihypertenseurs (essentiellement les diurétiques). 23 % des événements indésirables responsables d’hospitalisation étaient directement générés par les patients ou leur entourage. En 2009, l’étude EICLAT [7] a montré que les médecins généralistes (MG) prescrivaient en moyenne 4 médicaments par ordonnance. Sur les 8 382 ordonnances analysées, l’ordonnance moyenne contenait 194 risques d’EIM dont 166 (85 %) étaient fréquents et/ou graves ; l’activité habituelle de consultation semblait incompatible avec une information complète des patients sur les EIM. Depuis 2002, la loi Kouchner [8] a imposé d’informer au préalable le patient ayant la capacité de consentir des bienfaits et risques de toute intervention thérapeutique pour en obtenir le « consentement éclairé ». Les articles 34-35 du Code de Déontologie Médicale prévoient l’information du patient sur les EIM [9]. Pourtant, l’étude de Kalpana [10], a montré que les patients restaient à la recherche d’une information globale sur les effets géné- 16 raux des médicaments qui leur ont été prescrits, mais également d’une information spécifique sur les EIM possibles. Pour diminuer la proportion d’EIM évitables, et en raison de la sous déclaration des EIM, malgré son obligation par les professionnels de santé aux CRPV, l’ANSM a mis en place en 2011 la possibilité pour les patients et associations de patients de déclarer, directement au CRPV, un évènement indésirable lié à un produit de santé. Notre étude avait pour but d’explorer les moyens d’information des patients sur les EIM, l’information retenue sur les EIM au décours d’une consultation chez un médecin généraliste, encore peu analysés dans la littérature, et la connaissance qu’ont les patients sur le dispositif d’auto-déclaration. Méthode L’enquête descriptive a été réalisée auprès des patients au décours d’une consultation en cabinet de médecine générale dans le département de l’Hérault (France) du 15/05/2013 au 07/07/2013 au moyen d’un questionnaire administré par un unique enquêteur1 , médecin généraliste remplaçant. Tous les patients âgés de plus de 18 ans ayant la capacité de répondre au questionnaire, ayant ou non reçu une prescription médicamenteuse à la fin de la consultation, étaient inclus. Ceux de moins de 18 ans, ou plus âgés qui ne pouvaient pas répondre au questionnaire en raison de troubles cognitifs, d’illettrisme, ou ne comprenant pas le français, étaient exclus. Un échantillonnage stratifié de 467 patients issus de 8 cabinets de médecins généralistes (MG) différents a été réalisé. Le premier niveau était un tirage au sort des communes de l’Hérault selon le nombre d’habitants : > 100 000 habitants (agglomération urbaine), 10 000 à 100 000 (9 communes urbaines), 3 000 à 10 000 (60 communes semi-rurales), < 3 000 (273 communes rurales). Le deuxième était un tirage au sort de 2 cabinets de MG dans chaque classe de communes en utilisant l’annuaire « pages jaunes », un nouveau tirage au sort étant effectué en cas de refus de participer. Le troisième niveau était la sélection des 50 premiers patients répondant aux critères d’inclusion, le suivant étant sollicité en cas de refus. Les participants ont répondu sous couvert d’anonymat à un questionnaire testé auprès de personnes de l’entourage de l’enquêteur qui n’appartenaient pas au milieu médical et ajusté pour faciliter sa compréhension. Les données recueillies ont été saisies en temps réel sur ordinateur par l’intermédiaire du logiciel ETHNOS. Les logiciels SPHINX et SPSS ont été utilisés pour l’analyse 1 Etienne Paul, Faculté de médecine de Saint-Étienne. J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015 Information des effets indésirables des médicaments Tableau 1. La recherche d’information lors de l’usage de nouveau médicament. Systématique Souvent Rarement Pas du tout 78 (20) 123 (30,5) 128 (32) 71 (17,5) – Hommes 32 40 59 37 – Femmes 46 83 69 34 Age moyen 49 46 43 59 – 18-30 ans 14 28 45 6 – 31-40 ans 13 32 25 4 – 41-50 ans 16 23 10 12 – 51-60 ans 12 11 22 13 – 61-70 ans 16 6 13 16 – 71-80 ans 5 18 9 2 – 81-90 ans 2 5 4 8 –a 2 5 10 1 –b 2 13 16 12 –c 20 20 16 3 –d 19 29 30 16 –e 24 29 29 34 –f 11 27 27 5 – Très bien 15 9 6 4 – Bien 38 69 59 34 Effectif (%) p Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Genre 0,01 0,03 Tranche d’âge < 0,01 Catégorie socio-professionnelle < 0,01 Degré d’information auto-estimé 0,01 – Peu 19 38 50 19 – Pas du tout 6 7 13 14 Ont posé des questions au médecin en consultation au sujet des EIM des médicaments prescrits 13 19 9 3 0,04 a : agriculteurs/ouvriers ; b : libéraux ; c : Professions intellectuelles supérieures, Cadres, Professions intermédiaires, Enseignants ; d : employés ; e : retraités ; f : autres inactifs. J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015 17 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. J. Vallée, B. Trombert-Paviot statistique. L’analyse des données a été réalisée par des statistiques descriptives usuelles par pourcentage. Le test Chi-2 a été utilisé pour comparer des variables. Le seuil de significativité des tests statistiques a été fixé à 0,05 avec un intervalle de confiance de 95 %. Pour pouvoir conclure lors des tests comparatifs, un effectif minimum de 30 par modalité a été nécessaire ainsi qu’une puissance de 80 %. L’étude a tenté de mettre en exergue un profil d’information maximale et un profil d’information minimale des patients. Une déclaration à la CNIL a été enregistrée. Oui Non p Effectif (%) 44 (16) 4) Le patient a déjà eu un EIM – oui 35 – non 9 102 – oui 7 16 Résultats – non 37 223 Population 1re source d’information du patient – professionnel de santé 20 153 – notice du médicament 14 43 – internet 10 33 – entourage 0 4 – médias hors internet 0 6 Sur les 467 patients inclus, 400 ont accepté de participer : 100 d’un cabinet de grande agglomération, 100 de milieu urbain, 100 de milieu semi-rural et 100 de milieu rural. L’échantillon était composé de 168 hommes (42 %) et 232 femmes (58 %), de 18 à 90 ans (âge moyen 48 ans). La majorité des participants se sont dit « bien » ou « très bien informés », environ un sur 10 « pas du tout informé » (tableau 1). Ceux qui se considéraient « très bien informés » - le plus souvent des femmes, de moyenne d’âge plus élevée (en dehors des plus de 60 ans et des retraités), de niveau scolaire et catégorie professionnelle élevés – cherchaient plus « systématiquement » et posaient plus souvent des questions au MG lors de la consultation (tableau 2). Ils avaient déjà constaté un EIM antérieurement, étaient professionnels de santé, et utilisaient internet comme première source d’information, ou considéraient l’information des médias et d’internet en deuxième position de fiabilité. Sources d’information et fiabilité Les professionnels de santé ont paru être la première source d’information, la plus fiable, puis la notice du médicament, suivie par internet et l’entourage, et enfin les médias hors internet (tableau 3). Il n’a pas été possible d’établir un lien entre les sources d’informations et la situation du cabinet, ni avec l’âge, le genre, et la catégorie socio-professionnelle des patients, en raison d’un manque de puissance des tests comparatifs. Information délivrée par le MG et chronicité de la prescription 283 patients/400 avaient une ordonnance de 2,85 médicaments moyenne (807 médicaments prescrits). Pour 85 % des prescriptions aucune information sur les EIM n’a été retenue par les patients. 57 % des prescriptions concernaient un traitement chronique. Dans ce cas, moins d’informations sur les EIM ont été retenues (p < 0,01). 18 Tableau 2. La demande d’informations au médecin sur les EIM des prescriptions de consultation. 137 < 0,01 Patient professionnel de santé 0,04 < 0,01 Parmi les classes de médicaments prescrits, les patients ont retenu le risque d’EIM avec les antithrombotiques (classe B01 de la classification anatomique/thérapeutique/chimique de l’OMS ATC [5]) (p = 0,03), mais pas ceux de la classe C (cardiovasculaire) (p < 0,01). Les prescriptions des médicaments de la classe « autre » (ni cardiovasculaire, ni neuropsychiatrique, ni antinéoplasique-immunomodulatrice, ni antithrombotique) concernaient plus souvent une pathologie aiguë (p < 0,01) et n’avaient pas fait l’objet de mémorisation d’EIM plus que les autres prescriptions. Aucun lien significatif n’a pu être mis en évidence pour les médicaments à visée neuropsychiatrique et antinéoplasique-immunomodulatrice. Auto-notification des EIM Un antécédent d’EIM a été déclaré par 235 patients (près de 60 %), au médecin (199), ou à l’entourage (49), au pharmacien (33), à un(e) infirmier(e) ou autre professionnel médical ou paramédical (3) ; 11 ne l’ont jamais déclaré. L’auto-déclaration des EIM à l’organisme qui s’en occupe, n’était pas connue par 370 (92 %) patients, le contraire pour 30 (8 %). Parmi ces derniers, 4 (13 %) ont pu citer le CRPV. Pourtant 219 patients (55 %) se sont dits prêts J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015 Information des effets indésirables des médicaments Tableau 3. Sources d’information des patients. Professionnel de santé Notice du médicament Entourage Médias hors internet Internet p Utilisation Effectif (%) 354 (89) 366 (92) 188 (47) 128 (32) 191 (48) – 1er choix 212 138 11 8 31 – 2e choix 98 165 46 14 34 – 3e choix 29 40 71 41 77 – 4e choix 12 19 45 42 31 – 5e choix 3 4 15 23 18 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Classement < 0,01 Confiance Classement – 1er choix 315 70 9 0 6 – 2e choix 76 252 41 18 13 – 3e choix 4 50 149 113 84 – 4e choix 3 22 119 196 60 – 5e choix 2 6 82 73 237 à auto-déclarer un EIM s’ils avaient à le faire. Ceux qui n’étaient pas enclins à auto-déclarer étaient en moyenne plus âgés. Ils avaient plus de 60 ans, étaient retraités, de bas niveau d’étude, et se considéraient en moyenne moins informés sur les EIM. Il n’existe pas de relation significative entre la propension à auto-déclarer les EIM et la localisation du cabinet ni avec le genre des patients. Discussion Cette étude montre que les patients s’estiment majoritairement suffisamment bien informés sur les EIM et que la source première d’information qu’ils estiment fiable est un professionnel de santé. La recherche d’informations sur les EIM par les patients paraît liée à un âge non avancé, à un niveau d’études et socio-économique plus élevés, au genre féminin mais aussi à l’existence d’antécédent d’EIM, et au métier de professionnel de santé. Par ailleurs, au décours de la consultation étudiée, l’information sur les EIM de la majorité des médicaJ Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015 < 0,01 ments prescrits, parfois responsables d’EIM fréquents ou graves, ne semble pas avoir été retenue par les patients, principalement pour les traitements chroniques à visée cardiovasculaire en dehors des antithrombotiques. Les patients connaissent encore mal l’auto-déclaration des EIM, qui semble liée à l’âge (plus jeune), au niveau élevé d’études et au degré d’information sur les EIM. Certaines limites sont à souligner, notamment l’absence d’inclusion de patients adultes présentant des troubles cognitifs et d’enfants susceptibles de ressentir un EIM. D’autre part, le lieu et le moment de l’enquête, effectuée à la sortie du cabinet médical aux horaires de bureau, ont pu majorer la proportion de patients âgés et malades chroniques. L’enquête effectuée au sortir d’un cabinet de MG a pu valoriser ce dernier. Le statut de médecin de l’unique enquêteur a pu pousser les patients à survaloriser l’item « professionnel de santé » parmi les sources d’informations et entraîner une certaine interprétation des réponses. Enfin, les réponses plus favorables à 19 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. J. Vallée, B. Trombert-Paviot l’item « Internet » en tant que source d’information sur les EIM des patients professionnels de santé peut laisser à penser qu’ils évoquaient des sources connues professionnellement comme fiables. Alors que la majorité des patients interrogés pour cette étude ont déclaré bien connaitre les EIM, l’étude EVISA a montré qu’environ un quart des hospitalisations liées à un EIM étaient directement et exclusivement le fait du patient ou de son entourage [6]. Des études ultérieures pourrait permettre de comprendre cet apparent paradoxe sachant que Asseray et al. ont relevé que 84 % des patients admis dans un service d’urgence ont déclaré s’être automédiqués dans les deux semaines précédentes dont 1 % a présenté un EIM [11]. Considérer que la connaissance des EIM par les patients pourrait permettre d’éviter des événements indésirables potentiellement graves fait entrer cette connaissance dans le champ de la prévention. Or, le faible niveau socio-économique des patients semble être un facteur péjoratif en terme de prévention tout comme les inégalités socio-économiques soulignées dans le plan cancer 2 [12]. L’âge plus avancé des patients paraît pourvoyeur d’une moindre recherche d’information. L’ANSM a en effet mis l’accent depuis 2006 sur la nécessité d’une réévaluation régulière de l’ordonnance chronique des personnes âgées par les médecins, afin de diminuer les EIM de médicaments devenus inutiles voire délétères (Programme Pilote Prescription Médicamenteuse chez le Sujet Agé) [13]. La « dé-prescription », en tant qu’acte de prévention, a été proposée par différents auteurs [14]. Hormis les anti-thrombotiques, il semble que les patients n’aient pas retenu le risque d’EIM éventuel lié à leurs traitements médicamenteux chroniques. Soit ils n’ont pas accordé d’importance à ce message au cours de la consultation, soit ces prescriptions chroniques ont fait l’objet de moins d’information de la part du MG. Ceci mériterait d’être exploré ultérieurement, d’autant que ce sont les patients les plus âgés qui sont plus fréquemment concernés et qu’il semble que l’information s’estompe au fil de la prescription chronique. Dans l’étude EMIR [7], les médicaments les plus responsables d’EIM graves étaient ceux de la classe neuropsychologique (26 %) et ceux de la classe cardiovasculaire (21,6 %). Lacroix a par ailleurs montré que les EIM de la classe cardiovasculaire étaient parmi les plus notifiés par les MG au CRPV de Saint Etienne dans un contexte de sous notification [15]. Dans cette étude, ces classes représentent respectivement environ 22 et 20 % des médicaments prescrits. La fréquence de leur utilisation en ambulatoire semble se confirmer et conséquemment les EIM potentiels. Ceci devrait inciter à informer les patients par d’autres moyens que les seuls professionnels de santé 20 Ce qui était connu – La responsabilité des EIM dans des hospitalisations évitables une fois sur 2. – La possibilité d’autodéclaration des EIM auprès des CRPV depuis 2011. Ce que cette étude apporte – Les patients de l’étude connaissent presque exclusivement le risque d’EIM des antithrombotiques. – La source première d’information qu’ils estiment fiable est un professionnel de santé. – Le faible niveau socio-économique des patients, leur âge plus avancé paraît pourvoyeur d’une moindre recherche d’information, d’où l’importance de la réévaluation régulière de l’ordonnance chronique des personnes âgées et de la « dé-prescription », en tant qu’acte de prévention. Les zones d’incertitudes – Il reste à faire mieux connaître la possibilité d’autodéclaration des EIM. – Mais surtout développer l’information concernant ces EIM par tous moyens possibles. qui n’ont pas toujours la possibilité de les aborder dans le temps imparti de la consultation, comme l’a souligné l’étude EICLAT [7] et comme le montrent les éléments retenus par les patients sur les EIM dans notre étude. Dans le but de pallier en partie les déficits des déclarations des professionnels de santé, un dispositif d’auto-déclaration par les patients des EIM ressentis a été mis en place en juin 2011. Il n’est pas encore bien connu du public, ni le rôle du CRPV comme organisme destinataire des déclarations d’EIM. Certains CRPV ont développé la déclaration d’EIM par internet pour simplifier le processus. Une information des patients à l’échelle nationale ou des centres départementaux de sécurité sociale (site ameli.fr) ou sur support courrier pourrait être proposée. Il pourra être intéressant d’évaluer l’efficacité de ces mesures dans l’avenir, afin de les adapter et les compléter. Conclusion Si les patients, au sortir d’une consultation auprès d’un MG, se disent majoritairement bien informés, notamment par les professionnels de santé auxquels ils se réfèrent dans ce domaine, différents facteurs négatifs interviennent dans cette information : faible niveau socio-économique, âge, genre masculin et chronicité du traitement. Ils ne connaissent pas encore suffisamment la possibilité d’auto-déclarer les EIM auprès du CRPV, mais ils y sont pour la plupart prêts. Il reste à développer l’information concernant les EIM en direction des patients, via les professionnels de santé, mais aussi une information plus médiatisée, en raison du manque de temps des professionnels de santé et du coût élevé des EIM sur le plan humain et financier. J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015 Information des effets indésirables des médicaments Remerciements : Les auteurs remercient les patients et les médecins généralistes qui ont accepté de participer à l’étude. 7. Raineri F, Arnould P, Hebbrecht G. Etude EICLAT, « Étude sur l’information claire, loyale et appropriée sur les thérapeutiques. Sur : http://www.sfmg.org/data/generateur/generateur_fiche/657/fichier_ eiclat_-_rapport_final_pdgabcb4.pdf. Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article. 8. Loi n◦ 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. 2002-303. Sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=2B47168F0 4265D12EAE26512D3C58636.tpdjo16v_1?cidTexte=LEGITEXT000005 632379&dateTexte=20131211. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Références 1. OMS. Surveillance de la sécurité d’emploi des médicaments. Guide pour la création et le fonctionnement d’un centre de pharmacovigilance, 2000, Sur : http://apps.who.int/medicinedocs/ documents/h2934f/h2934f.pdf. 2. ANSM. Pharmacovigilance - Champ d’application. Sur : http:// ansm.sante.fr/Activites/Pharmacovigilance/Champ-d-application/% 28offset%29/2#paragraph_9528. 3. Code de la santé publique - Article R5121-153. Code Santé Publique. Sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do? cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI00000691490 5&dateTexte=&categorieLien=cid. 4. Castot A, Haramburu F, Kreft-Jaïs C. Etude Emir-Hospitalisations dues aux effets indésirables des médicaments : résultats d’une étude nationale Point sur la nouvelle campagne d’information sur les traitements anticoagulants antivitamines, 2008, Sur : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/EMIR.pdf. 5. OMS. Classification ATC, Principes et Structure. http://www.whocc.no/atc/structure_and_principles/. Sur : 6. DREES/CCECQA. Les événements indésirables liés aux soins extra-hospitaliers (EVISA). 2009 p. 81. Sur : http://www.sante. gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_EVISAfinal_17aout09.pdf. J Pharm Clin, vol. 34 n◦ 1, mars 2015 9. Conseil national de l’Ordre des Médecins. Code de déontologie médicale. 2012. Sur : http://www.conseil-national.medecin.fr/ system/files/codedeont.pdf. 10. Nair K, Dolovich L, Cassels A, McCormack J, Levine M, Gray J, et al. What patients want to know about their medications. Focus group study of patient and clinician perspectives. Can Fam Physician 2002 ; 48 : 104-10 11. Asseray N, Ballereau F, Trombert-Paviot B, et al. Frequency and severity of adverse drug reactions due to self-medication: a crosssectional multicentre survey in emergency departments. Drug Saf 2013 ; 36 : 1159-68. 12. Grunfeld JP. Recommandations pour le plan cancer 20092013 [Internet]. 2009 p. 77-9. 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