Mini-revue Le traitement adjuvant du cancer de l`estomac

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Mini-revue
Le traitement adjuvant
du cancer de l’estomac
Pierre Michel, Frédéric Di Fiore
Pierre Michel, Unité d’Oncologie digestive, service d’Hépato-Gastroentérologie,
hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen, 1 rue de Germont, 76031 Rouen cedex
<[email protected]>
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En France, le cancer de l’estomac est diagnostiqué le plus souvent
à un stade avancé (stade II ou III de l’UICC). L’exérèse chirurgicale
réalisée dans la majorité des cas (curage D0) donne un taux de
survie à 5 ans de 30 %, la chirurgie optimale permettant l’analyse
de plus de 15 ganglions (D1) donne un taux de survie à 5 ans de
50 %. La radiochimiothérapie postopératoire associant 5fluorouracile, acide folinique et une radiothérapie de 45 Gy augmente
significativement la durée de vie sans récidive et la durée de vie
globale dans une étude randomisée contre la chirurgie seule. Le
débat porte sur l’indication de la radiochimiothérapie postopératoire qui est consensuelle en cas de curage ganglionnaire insuffisant (D0) et discutée en cas de curage D1. Par ailleurs, il est
important de sélectionner les malades sur leur état nutritionnel et en
particulier leur apport calorique (>1 500 Kcal/j). La chimiothérapie périopératoire permet de diminuer le risque de récidive dans
une population de mauvais pronostic mais n’a pas montré de
bénéfice sur la survie globale. Aucun autre traitement n’a montré
de bénéfice dans le traitement adjuvant à la chirurgie du cancer de
l’estomac. En particulier, la chimiothérapie postopératoire n’a pas
montré d’efficacité malgré de nombreuses publications.
Mots clés : cancer de l’estomac, récidive, radiochimiothérapie postopératoire
E
n Occident, l’incidence du cancer de l’estomac a diminué de 35 %
en 20 ans [1]. Cependant, cette maladie reste fréquente avec
130 000 nouveaux cas par an en Europe [1]. En France, le
nombre de nouveaux cas est estimé à 7 000/an et celui des décès à
5 000/an [2]. Parmi les malades opérés, 50 à 65 % ont une maladie
avancée, stade III ou IV de la classification TNM (tableau 1) [3-5].
Pourquoi envisager un traitement adjuvant
au traitement chirurgical ?
Tirés à part : P. Michel
Les données du registre de la Côte-d’Or montrent que le taux de survie à
5 ans de la population des patients opérés à visée curative est de 60 %
pour les stades IB, 38,5 % pour les stades II, 19,5 % pour les stades IIIA
et 2,5 % pour les stades IIIB [6]. Ces chiffres de survie sont similaires à
ceux des données américaines [7]. Le traitement curatif du cancer de
l’estomac repose sur la résection chirurgicale complète de la tumeur
primitive et des territoires de drainage lymphatique emportant au moins le
Hépato-Gastro, vol. 12, n° 2, mars-avril 2005
135
Mini-revue
Tableau 1A. Classification des cancers de l’estomac
TNM 2002 [3].
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Tumeur primitive (T)
Tis Cancer in situ, intra-épithélial
T1 Muqueuse et sous-muqueuse (cancer superficiel)
T2 Musculeuse
T3 Séreuse
T4 Extension à un organe de voisinage
Envahissement ganglionnaire (N)
NX Non évaluable, ou moins de 15 ganglions examinés +++++
N0 Pas de métastase ganglionnaire
N1 1 à 6 ganglions métastatiques régionaux
N2 7 à 15 ganglions métastatiques régionaux
N3 >15 ganglions métastatiques régionaux
Métastases (M)
Tableau 1B. Classification des cancers de l’estomac
en stade UICC (Greene).
Stades UICC de la classification TNM
Stade IA T1 N0 M0
Stade IB T1 N1 M0 ; T2 N0 M0
Stade II T1 N2 M0 ; T2 N1 M0 ; T3 N0 M0
Stade IIIA T2 N2 M0 ; T3 N1 M0 ; T4 N0 M0
Stade IIIB T3 N2 M0
Stade IV T4 N1-3 M0 ; T1-3 N3 M0 ; tout T, tout N, M1
premier ganglionnaire (D1) [8, 9] (figure 1). Il semble
exister une différence de résultat en terme de survie
entre les études comportant un curage au moins D1
(>15 ganglions) et les autres. Cependant, les travaux
occidentaux précisant la qualité du curage ganglionnaire sont peu nombreux. Dans le travail du registre
français, qui reflète l’état des pratiques, le nombre
médian de ganglions examinés était de 8, le curage
comportait plus de 15 ganglions dans moins de 20 %
des cas [6]. Les études, italienne de Bajetta et française
de la FFCD (8801), reflètent les pratiques des centres
expérimentés et motivés [10, 11]. Dans ces deux
études, le nombre médian de ganglions examinés est
respectivement de 25 et 19 et la survie à 5 ans de 42
et 49 % pour des tumeurs de stades II et III. Cette
analyse suggère l’impact du curage ganglionnaire sur
la survie. La supériorité d’un curage extensif au second
relais ganglionnaire (D2) n’a pas été démontrée en
Europe [12, 13].
En pratique, la grande majorité des malades opérés en
France présentent un adénocarcinome gastrique de
stade supérieur ou égal à II [6]. Le risque de récidive est
actuellement de l’ordre de 70 à 80 %. L’amélioration
des pratiques chirurgicales avec l’adoption systématique du curage D1 peut permettre d’espérer un risque
de récidive de l’ordre de 50 %. Pour descendre sous le
seuil de 50 %, il est nécessaire d’envisager des adjuvants à la chirurgie.
136
Le choix des armes
En cancérologie, les traitements complémentaires à la
chirurgie sont soit des traitements à action locorégionale (radiothérapie), soit des traitements à action systémique (chimiothérapie). Les biothérapies n’ont pas
été évaluées dans cette situation. Le choix des armes est
influencé par la connaissance des sites de récidives
après chirurgie curative. Yoo et al. ont étudié 508
récidives après chirurgie R0 (et exérèse de plus de 15
ganglions/pièce opératoire). La récidive était locorégionale dans 32,5 %, péritonéale dans 45,9 % et
hématogène (à distance) dans 34,2 % des cas. Pour le
sous-groupe des tumeurs T3, la récidive était locorégionale dans 66 % des cas et pour les tumeurs N1-2, la
récidive était locorégionale dans plus de 30 % des cas.
En analyse multivariée, les deux facteurs de risque
principaux sont l’envahissement ganglionnaire et
l’atteinte de la séreuse [14, 15].
La fréquence des récidives locorégionales plaide pour
l’utilisation d’un traitement par radiothérapie associé à
une chimiothérapie.
La chimiothérapie en complément
de la chirurgie
La chimiothérapie systémique postopératoire a été étudiée dans de nombreux essais [5]. La méta-analyse la
plus récente porte sur 3 962 patients inclus dans 21
études randomisées. Cette méta-analyse montre un
bénéfice modeste induit par la chimiothérapie, OR
0,84 (95 % IC, 0,74-0,96) [16]. De plus, l’inclusion
des seuls essais occidentaux dans la méta-analyse ne
permet pas de mettre en évidence un effet bénéfique
significatif OR 0,96 (95 % IC, 0,83-1,12).
Plusieurs études randomisées occidentales de chimiothérapie postopératoire ont été publiées depuis la
réalisation de cette méta-analyse. Une seule étude est
en faveur du traitement adjuvant et sa méthodologie est
contestée [17]. L’effectif est faible (n = 148) et il existe
un déséquilibre entre les bras pour le facteur pronostic
principal qui est l’envahissement ganglionnaire avec
respectivement 20 % et 7 % de N0 dans les groupes
chimiothérapie et chirurgie seule. De plus, les critères
de qualité de la chirurgie ne sont pas précisés et le taux
de survie des patients du bras chirurgie seule est
particulièrement faible (31 % à 5 ans). Les trois études
méthodologiquement correctes sont synthétisées dans
le tableau 2. Elles ne montrent aucune différence de
survie significative, ni aucune tendance en faveur de la
chimiothérapie sur les courbes de survies présentées
pour les deux études publiées. Ces résultats récents
confirment les données de la méta-analyse. Actuellement, il n’y a pas d’indication à la réalisation d’une
Hépato-Gastro, vol. 12, n° 2, mars-avril 2005
Adénocarcinome gastrique
localisé
État général, antécédents
Endoscopie, Tomodensitométrie
Unité de Concertation
multidisciplinaire (UCM)
Chimiothérapie
palliative
ECF,5FU-P;DCF
Tumeur volumineuse
Doute sur résécabilité R0
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OU
Tumeur résécable
Chimio.
Péri-op.
(ECF)
Résection
R1 ou R2
Chirurgie
UCM
T1-2,N0
T3-4 et N0
>15 ganglions
examinés
Résection R0
T3-4 et/ou N+
>15 ganglions
examinés
Résection R0
T3-T4 ; NX
< 15 ganglions
examinés
Résection R0
UCM
OMS > 2 ou
app Cal<1500/24h
OMS < 2 et
app Cal>1500/24h
Radiochimiothérapie
ESSAI THÉRAPEUTIQUE
Ou MacDonald
Pas de
traitement
adjuvant
Figure 1. Cancer de l’estomac proposition de synthèse.
OMS, classification du score d’activité ; RO : résection dont les berges sont tumorales à l’examen anatomopathologique ; R1 : résidus microscopiques, R2 : résidus
macroscopiques ; ECF : Epirubicine-Cisplastine-fluorouracile ; 5FU-P : 5 fluorouracile-cisplastine ; DCF : docetaxel-cisplastine-5fluorouracile ; app. Cal : apport
calorique ;→ tendance.
chimiothérapie après résection R0 de l’adénocarcinome gastrique.
L’intérêt d’une chimiothérapie préopératoire a été étudié dans de nombreuses phases II [16]. Le concept de
l’intérêt de la chimiothérapie préopératoire est fondé
sur des données expérimentales montrant que la résection chirurgicale induit une stimulation des cellules
tumorales résiduelles, et que la dévascularisation
secondaire à l’intervention diminue la concentration de
la chimiothérapie dans les résidus tumoraux [19]. La
capacité de la chimiothérapie à diminuer le volume
tumoral (down-staging) a été démontrée avec le
5FU-CDDP et l’ECF [16]. Aucune étude randomisée
(phase III) de puissance suffisante n’a été publiée à ce
jour pour démontrer le bénéfice clinique de cette
approche. Des auteurs chinois ont étudié la chimiothérapie intra-artérielle préopératoire dans une étude
comparative rétrospective suggérant un effet bénéfique
sur la survie (analyse multiparamétrique) [20].
La chimiothérapie périopératoire a été évaluée dans
l’étude randomisée anglaise MAGIC (chimio-chirurgiechimio versus chirurgie seule) [21]. La chimiothérapie
utilisée était l’association épirubicine-cisplatine-5FU
(ECF) qui est un schéma de référence en situation
métastatique [22]. La population étudiée présentait des
tumeurs à un stade avancé puisque 31 % des patients
du groupe chirurgie seule n’ont pas bénéficié d’une
résection R0, 76 % des tumeurs étaient au moins T3. Le
risque de récidive était significativement diminué dans
le bras chimiothérapie, hazard ratio = 0,7 (IC95 %
Hépato-Gastro, vol. 12, n° 2, mars-avril 2005
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Mini-revue
Tableau 2. Études randomisées occidentales de chimiothérapie postopératoire
comportant un bras de référence par chirurgie seule, publiée depuis 2000.
Auteur (référence)
Bajetta
ITMO [10]
Nombre
de malades
Chirurgie 136
Stade
90 N+
50 % T3
38 % T2
Chimio. 135
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Chipponi
AURC [18]
Chirurgie 104
83 % N+
78% T3
Chimiothérapie
Traitement
complet (%)
48 %
Etoposide 120 mg/m2 J4,5,6
Adriamycine 20 mg/m2 J1 et 7
CDDP 40 mg/m2 J2 et J8
2 cures puis
5FU 375 mg/m2
Ac fol. 100 mg/m2 J1 à J5
J1-J1 28 j, 3 cures
87 %
NS
52 %
39 %
5FU 375 mg /m2
Ac Fol 200 mg/m2
CDDP 15 mg/m2
J1 à J5 ; J1-J1 28 j ; 9 cures
46 %
Chimio. 101
Ducreux
FFCD 8801 [11]
Chirurgie 133
Chimio. 127
T3
Ou
N+
NS
38,5 %
(4 ans)
47,3 %
5FU 800 mg/m2 J1-J5
Puis
5FU 1g/m2 J1 à J5
CDDP 100 mg/m2 J1
J1-J1 28j, 4 cures
0,56-0,88, p = 0,002). Le risque de décès était diminué dans le bras chimiothérapie sans atteindre le seuil
de significativité, hazard ratio = 0,8 (IC 95 % 0,631,01, p = 0,063). L’interprétation de l’étude MAGIC
est limitée par le manque d’information sur la qualité
de la chirurgie. En effet, la survie médiane très faible
de 19 mois dans le groupe chirurgie seule suggère
qu’un nombre élevé de patients avait une maladie
localement avancée et/ou que le curage ganglionnaire réalisé ne correspondait à ce qui était recommandé dans l’essai (D1). Cette étude réalisée sur plus
de 500 malades, montre un effet bénéfique de la
chimiothérapie périopératoire, cependant le peu
d’information sur la population étudiée et la qualité de
la chirurgie rendent les conclusions difficilement applicables.
Les schémas de chimiothérapie à évaluer dans l’avenir
en situation adjuvante sont à rechercher parmi les
traitements testés en situation métastatique. Deux molécules sont particulièrement développées dans cette
pathologie, le docétaxel (Taxotère®) et l’irinotécan
(Campto®) [23-26].
La radiochimiothérapie
associée à la chirurgie
L’analyse des sites de récidives et en particulier le taux
élevé des récidives locorégionales en cas de tumeur T3
138
Survie à 5 ans (%)
NS
68 %
51,3 %
et/ou N+ plaide en faveur d’un traitement adjuvant
par radiochimiothérapie.
La radiochimiothérapie postopératoire (5FU-Ac Fol +
45 Gy) a récemment montré son efficacité dans une
étude randomisée ayant inclus 556 patients [27]. La
population étudiée était composée de lésions T3 dans
plus de 60 % des cas avec un envahissement ganglionnaire dans 85 % des cas. À 3 ans, en l’absence de
traitement adjuvant, le risque relatif de décès était
augmenté de 35 % et le risque de récidive était augmenté de 52 %. La survie sans récidive à 3 ans était de
31 % dans le bras chirurgie contre 48 % dans le bras
chirurgie + radiochimiothérapie. La survie globale à 3
ans était de 41 % dans le bras chirurgie seule et de
50 % dans le bras chirurgie + radiochimiothérapie. La
médiane de survie était significativement plus longue
dans le bras radiochimiothérapie (27 versus 36 mois
p < 0,05). L’analyse de la courbe de survie du bras
chirurgie montre que la survie globale à 5 ans est de
28 %. Le résultat de cette large étude est incontestablement en faveur de la radiochimiothérapie postopératoire. Cependant, les conclusions sont limitées à la
population étudiée. Cette population présentait la particularité d’avoir bénéficié d’une chirurgie incomplète,
avec dans plus de 50 % des cas un curage inférieur à
D1. Rétrospectivement, l’index de Maruyama a été
calculé. Cet index permet d’estimer, à partir de données cliniques et anatomopathologiques simples, la
probabilité d’envahissement des stations ganglionnai-
Hépato-Gastro, vol. 12, n° 2, mars-avril 2005
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res de la classification japonaise [28-31]. L’index
moyen très élevé retrouvé dans la population de l’étude
américaine signifie qu’une proportion importante, estimée à 70 % des patients, a eu une résection incomplète laissant en place du tissu ganglionnaire métastatique. Cette chirurgie incomplète a été réalisée alors
que le protocole demandait la réalisation systématique
d’une dissection D2. L’écart entre la chirurgie demandée et réalisée reflète la réalité de la pratique chirurgicale aux USA [32]. Cette pratique n’est pas différente
en France où moins de 20 % des patients ont un curage
D1 [6].
Dans l’étude de MacDonald, la chimiothérapie concomitante à la radiothérapie est un schéma connu dans
d’autres indications. Il utilise le 5FU et l’acide folinique
selon des modalités habituelles aux USA (5FU bolus
-AcFol faible dose sur 5 jours). Chez 36 % des patients,
la séquence thérapeutique n’a pas été réalisée en
totalité. La toxicité sévère a nécessité une interruption
du traitement dans 17 % des cas. Une toxicité digestive
grade 3-4 a été enregistrée chez 33 % des patients
traités par radiochimiothérapie. Dans d’autres localisations tumorales digestives comme le rectum ou l’œsophage, la supériorité de la perfusion continue de 5FU
par rapport au bolus est admise en radiochimiothérapie concomitante. Dans le cancer gastrique, une étude
sur 52 malades gastrectomisés montre une faisabilité
de 100 % du 5FU continu (200 à 300 mg/m2/j)
concomitant à la radiothérapie [33].
La radiothérapie présente des difficultés de standardisation. Dans l’étude de MacDonald un contrôle de
qualité centralisé a été nécessaire pour vérifier les
plans de traitement avant le début de la radiothérapie.
Une déviation mineure ou majeure a été identifiée et
corrigée dans 35 % des cas.
Enfin, le schéma étudié par MacDonald n’est pas
applicable à tous les malades. Dans l’étude les patients
n’étaient incluables que si l’apport calorique quotidien
était supérieur à 1 500 Kcal. Cette précaution doit être
maintenue pour éviter de réaliser ce type de traitement
à des patients dénutris et de les exposer à des complications sévères [34].
Malgré ces limites, la radiochimiothérapie postopératoire selon le schéma dit de MacDonald (5FU-Ac Folinique) augmente la durée de vie et diminue le risque de
récidive de 50 % des malades opérés d’un adénocarcinome gastrique. Cette efficacité dans le groupe des
malades opérés avec un curage D1 ou D2 reste à
démontrer. En pratique, l’indication de ce traitement
doit être discutée en réunion multidisciplinaire de cancérologie sur des critères carcinologiques, d’état général et nutritionnel.
La radiochimiothérapie préopératoire est en cours
d’évaluation. Le concept est de réaliser un traitement
préopératoire en espérant augmenter le nombre de
résection curative et diminuer le risque de récidive.
Cette technique utilisée pour le cancer de l’œsophage
puis pour le cancer du cardia est actuellement testée
dans le cancer de l’estomac. Une série de 33 malades
a été traitée avec une chimiothérapie par 5FU en
perfusion continue sur 21 jours associée à du CDDP sur
5 jours puis une radiothérapie de 45 Gy (25 fractions)
associée à une perfusion de 5FU 300 mg/m2 5j/7
pendant la radiothérapie. Le bilan préthérapeutique
associait l’imagerie classique avec l’échoendoscopie
et la laparoscopie. Vingt-huit malades ont été opérés et
10 avaient une réponse histologique complète (stérilisation de la pièce opératoire). La médiane de survie a
été de 33,7 mois. Cette piste de recherche nécessite
d’être évaluée dans une étude comparative au traitement de référence [35].
En résumé
• La grande majorité des malades opérés en France ont un
adénocarcinome gastrique de stade supérieur ou égal à II avec
un risque de récidive de l’ordre de 70 à 80 %. La survie des
patients ayant un cancer gastrique de stades II et III peut être
améliorée par le curage ganglionnaire qui doit emporter le
premier relais ganglionnaire (résection d’au moins 15 ganglions). Ce curage ne semble être réalisé que dans moins de
20 % des cas en France.
• L’amélioration des pratiques chirurgicales peut permettre de
diminuer le risque de récidive à 50 %. Pour descendre plus bas,
il est nécessaire d’envisager des adjuvants à la chirurgie.
• Actuellement, il n’y a pas d’indication à la réalisation d’une
chimiothérapie après résection R0 de l’adénocarcinome gastrique.
• Aucune étude randomisée de puissance suffisante n’a encore
démontré le bénéfice clinique d’une chimiothérapie préopératoire malgré la capacité de la chimiothérapie à diminuer le
volume tumoral (association 5FU-CDDP et l’ECF).
• Une étude réalisée sur plus de 500 malades a montré un effet
bénéfique de l’encadrement de la chirurgie par la chimiothérapie. Cependant, les biais de cette étude rendent les conclusions
difficilement applicables.
• Les schémas de chimiothérapie à évaluer dans l’avenir en
situation adjuvante devraient comprendre les molécules testées
en situation métastatique (docétaxel et l’irinotécan).
• L’analyse des sites de récidives et en particulier le taux élevé des
récidives locorégionales en cas de tumeur T3 et/ou N+ plaide en
faveur d’un traitement adjuvant par radiochimiothérapie.
• La radiochimiothérapie postopératoire selon le schéma dit de
MacDonald (5FU-Ac Folinique) augmente la durée de vie et
diminue le risque de récidive de 50 % des malades opérés d’un
adénocarcinome gastrique.
• Cette efficacité dans le groupe des malades opérés avec un
curage D1 ou D2 reste à démontrer. En pratique, l’indication de
ce traitement doit être discutée en réunion multidisciplinaire de
cancérologie sur des critères carcinologiques, d’état général et
nutritionnel.
Hépato-Gastro, vol. 12, n° 2, mars-avril 2005
139
Mini-revue
Conclusion
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L’amélioration du pronostic des patients traités pour un
cancer de l’estomac stade II ou III passe par la réalisation d’une chirurgie optimale qui n’est réalisée en
France que dans moins de 20 % des cas. Le seul
traitement qui a démontré sa capacité à augmenter la
survie est la radiochimiothérapie postopératoire
(figure 1). La chimiothérapie postopératoire seule n’a
pas d’indication. Les pistes d’avenir sont la chimiothérapie périopératoire (pré et post), la radiochimiothérapie préopératoire et les traitements ciblés (antiprolifératif, anti-angiogenèse).
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