3
Premièrement, la modernisation écologique passe par l’accroissement du rôle de la science
et de la technologie dans l’action publique environnementale. Elles occupent une place
déterminante dans la compréhension des enjeux environnementaux et dans leur montée en
puissance en renforçant la crédibilité de la problématique environnementale. Dans une
veine critique, Marteen Hajer considère à cet égard que le discours sur la modernisation
écologique constitue un véritable « projet technocratique », dans la mesure où il est porté
par « une élite de policy-makers, d’experts et de scientifiques qui imposent leurs définition
des problèmes et des solutions » (Hajer, 1996 : 253). En ce sens, ce discours a souvent
contribué à légitimer l’expertise et les savoirs scientifiques sur la nature et l’environnement,
au détriment de l’expertise militante ou des savoirs d’usage. Plus généralement, la
modernisation écologique accorde un rôle déterminant aux technologies dans la résolution
de la crise environnementale, puisqu’elle considère que ces dernières, en participant à la
réorientation écologique des systèmes productifs, pourraient être à la base d’une
transformation profonde du capitalisme. En ce sens, elle se situe à l’opposé de la critique
écologiste, portée par les nouveaux mouvements sociaux dans les années 1970 (Touraine,
1978), qui dénonçait la raison scientifico-technique comme l’une des principales causes de
l’approfondissement de la crise écologique (Lascoumes, 1994).
Deuxièmement, la modernisation écologique accorde une importance nouvelle aux
régulations marchandes dans la gestion des problèmes environnementaux. Elle considère
que la résolution de la crise écologique ne peut s’opérer qu’à l’intérieur du système
capitaliste. Un double mouvement d’écologisation de l’économie et d’économicisation de
l’écologie doit prendre forme pour permettre de concilier croissance économique et
protection de l’environnement. Pour ces travaux, le changement environnemental est donc
impulsé ou, tout du moins, accompagné par les dynamiques marchandes (Rudolf, 2013). En
retour, il doit être bénéfique pour l’économie en concourant à l’ouverture de nouveaux
marchés (quotas d’émission de CO2) et en stimulant l’innovation dans certains domaines
(bâtiment, énergies, transports, etc.). Ainsi, les thuriféraires de la modernisation écologique
considèrent que la protection de l’environnement n’est pas là pour brider les activités et les
acteurs économiques et qu’elle doit, au contraire, être considérée comme un « jeu à somme
positive », favorisant la mise en place de mesures ou politiques présentées comme des
solutions « win-win » (Rumpala, 2003). La transformation de l’action internationale en
faveur de la biodiversité dans les années 2000 est un bon exemple de cette évolution. Au
travers de la Convention sur la diversité biologique (1992) et du Protocole de Carthagène sur
la biosécurité (2000), l’action de l’ONU a glissé d’un objectif de protection de la diversité des
espèces, et donc des écosystèmes, à un objectif de protection de la diversité génétique, sous
l’influence notamment de groupes d’intérêts pharmaceutiques (Patterson, 2008).
Troisièmement, la modernisation écologique préconise une transformation du rôle des
acteurs publics dans l’action publique environnementale. Ces promoteurs considèrent que
les modes d’action hiérarchiques et dirigistes mis en place par les États durant les Trente
glorieuses ont échoué et qu’ils doivent être remplacés par une action flexible
d’accompagnement du changement susceptible de prendre une double forme. D’un côté, il
s’agirait pour l’État de faire monter en puissance les acteurs privés (acteurs économiques,
tiers-secteur, citoyens, etc.) autour de la protection de l’environnement. De l’autre, les
théories de la modernisation écologique considèrent que les problèmes environnementaux