Introduction au livre blanc sur la réforme du financement de l’économie par Pierre
Bérégovoy, Ministre des Finances - 1986
UN SYMBOLE DE PROGRèS
Le financement de l'économie doit-il faire appel à l'impôt ou à l'épargne? Faut-il préférer la
subvention, payée par le contribuable, ou le marché financier, alimenté par les épargnants ?
Lorsque les taux d'intérêt permettent d'offrir des crédits à bon compte, faut-il que l'État les
bonifie ? Ces questions ne sont pas nouvelles. Elles sont même de celles qui dominent les
débats économiques depuis vingt ans, faute d'avoir trouvé jusqu'ici une réponse satisfaisante.
Dans le passé le discours libéral est allé de pair avec une pratique dirigiste : le système
financier français était cartellisé, soumis à une hyper-réglementation pointilleuse, qui avait vu
se multiplier les situations de monopole, les privilèges de réseaux et les procédures
dérogatoires.
Ce système était le produit d'une longue tradition étatique. En France, l'État a, depuis
toujours, joué un rôle plus important qu'ailleurs suppléant à l'absence d'un vaste marché des
capitaux en même temps, qu'en drainant les ressources pour son compte, il rendait impossible
sa constitution. Les financements aidés pour l'industrie, le logement, les exportations... se sont
ainsi multipliés et les concours de l'État, de rôle d'appoint, devenaient la clé de toute
opération.
L'idée qui a commandé la modernisation du financement de l'économie est à l'opposé de cet
héritage : il faut que l'argent soit mobile pour apporter aux prêteurs et aux emprunteurs une
liberté de choix et d’arbitrage essentielle à une économie moderne. Si l'argent est plus mobile,
son coût devient aussi plus faible, du fait de l'élimination des rentes dont le poids est supporté
par les entreprises, les particuliers et l'État. Dès lors, il devient possible de clarifier le rôle de
l'État en recentrant ses concours sur les vraies priorités, en premier lieu la recherche et le
développement des PME, et en limitant ses interventions réglementaires à l'organisation
générale et à la surveillance du marché des capitaux.
Cette modernisation du financement de l’économie était le complément nécessaire de la
politique de redressement économique menée par le gouvernement. La concurrence introduite
dans le système financier, en réduisant les rentes de situation et les causes structurelles
d'inflation, a contribué à accélérer la désinflation et à assurer un financement sain de la reprise
de l'investissement. A l'inverse, la baisse des taux d'intérêt a permis de mener à bien la
débonification d'un volume de prêts important dans des délais très courts, sans qu'aucun
emprunteur n'y perde. D'importantes économies budgétaires ont ainsi été réalisées qui
atteindront 30 milliards en 1990 et contribueront à la réduction progressive du déficit
budgétaire.
L'économie française est désormais soumise à la vérité des taux d'intérêt. Les investisseurs
vont devoir y adapter leurs comportements, et faire preuve dans leurs choix d'une grande
rigueur. L'État, lui-même, se doit de montrer l'exemple dans la conduite de la politique
économique afin que l'évolution des prix et les déficits publics ne créent pas de tensions sur
les taux d'intérêt. Le nouveau système financier sera alors un atout pour ceux qui sauront
maintenir le cap de la désinflation et de la modernisation économique et sociale.