ANALYSE DE HILBERT ET DE FOURIER, VI 15. Interm`ede (suite

ANALYSE DE HILBERT ET DE FOURIER, VI
MARC CHAPERON
15. Interm`
ede (suite) : espaces de Sobolev sur le cercle
Appelons s´erie de Fourier toute famille (amem)mZde «monˆomes
trigonom´etriques », o`u les amsont des constantes complexes, et notons-
la Pamem.
Proposition. Pour tout s > 1/2, si la s´erie de Fourier Pamemerifie
(29) X
mZ
(1 + m2)s|am|2<
alors elle est normalement sommable dans C(T)et a donc une somme
f∈ C(T)telle que c
fm=ampour tout mZ.
D´emonstration. La famille u= (um)mZefinie par um:= (1+m2)s
2|am|
appartient `a `2(Z) ; il en va de mˆeme de la famille v= (vm)mZdonn´ee
par vm:= (1 + m2)s
2car X
mZ
|vm|2= 2 X
nN
(1 + n2)s<; comme
|am|=um¯vmpour tout m, on a donc
X
mZ
|am|=hu|vi2≤ |u|2|v|2<,
d’o`u l’uniforme sommabilit´e puisque |amem|=|am|.
L’identit´e c
fm=ams’obtient donc imm´ediatement en appliquant `a
la suite (anen+· · · +anen)nNle
Lemme. Si une suite (gn)converge uniform´ement vers fdans C(T),
alors c
fm= lim
n→∞ c
gn
mpour tout mZ.
Preuve. On a |c
fmc
gn
m| ≤ R1
0|f(t)gn(t)|dt =|fgn|1≤ |fgn|.1
Date: 15 et 22 mars 2013.
1On voit donc que l’on peut remplacer la convergence uniforme par la conver-
gence L1, ce qui am´eliore le lemme.
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ANALYSE DE HILBERT ET DE FOURIER, VI 43
Espaces de Sobolev. Pour tout r´eel s, l’ensemble des s´eries de Fourier
Pamemv´erifiant (29) est l’espace de Sobolev Hs(T).
L’application Pamem7→ (1 + m2)s
2ammZ´etant une bijection de
Hs(T) sur `2(Z), on voit que Hs(T)est un espace vectoriel si l’on pose
(comme de juste) Pamem+λPbmem=P(am+λbm)empour λC,
ce qui fait de la bijection pr´ec´edente un isomorphisme d’espaces vecto-
riels complexes ; l’image r´eciproque du produit scalaire `2par cet iso-
morphisme est un produit scalaire hermitien sur Hs(T) appel´e produit
scalaire Hset donn´e par
hf|giHs=X
mZ
(1 + |m|2)sambmpour f=Pamemet g=Pbmem;
l’isomorphisme pr´ec´edent ´etant par d´efinition une isom´etrie de l’espace
pr´ehilbertien Hs(T) sur l’espace de Hilbert `2(Z), on voit que Hs(T),
muni du produit scalaire Hs, est un espace de Hilbert2.
Pour s > 1/2, d’apr`es la proposition pr´ec´edente, Hs(T) s’identifie `a
un sous-espace de C(T), la notation «formelle »f=Pamempouvant
alors d´esigner la somme de la famille absolument sommable (amem)mZ
dans C(T) ; cela se g´en´eralise ainsi :
Th´eor`eme. Pour tout entier k0, soit Ck(T)l’espace vectoriel des
fonctions complexes d’une variable r´eelle p´eriodiques de p´eriode 1et de
classe Ck. Quel que soit s > 1/2, on a Hs+k(T)⊂ Ck(T)Hk(T), la
premi`ere inclusion au sens que nous venons de d´efinir, la seconde par
l’identification de chaque f∈ Ck(T)`a sa s´erie de Fourier3.
D´emonstration. L’inclusion Ck(T)Hk(T) va r´esulter de l’important
Scolie . Quelle que soit f∈ C1(T), la s´erie de Fourier de f0est
obtenue par d´erivation terme `a terme de celle de f, c’est-`a-dire que
c
f0
m= 2πimc
fmpour tout mZ.
Preuve. Simple int´egration par parties :
c
f0
m=Z1
0
e2πimtf0(t)dt =e2πimtf(t)t=1
t=0 Z1
0
2πim e2πimtf(t)dt
= 2πim Z1
0
e2πimtf(t)dt = 2πimc
fm
puisque e2πimtf(t)]t=1
t=0 =f(1) f(0) = 0.
2Si s= 0, il s’appelle L2(T) et la th´eorie de l’inegrale de Lebesgue montre qu’il
est form´e de classes de fonctions mesurables.
3Le probl`eme ne se pose que si k= 0, o`u l’inclusion r´esulte de l’identit´e de
Bessel-Parseval ; pour k1 et f∈ Ck(T), en effet, la s´erie de Fourier de fconverge
normalement vers fd’apr`es l’inclusion Ck(T)Hk(T) et la proposition pr´ec´edente.
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Pour fCk(T), on a donc d
f(k)
m= (2πim)kc
fm; comme f(k)est continue,
on a |f(k)|2
2= (4π2)kPm2k|c
fm|2<(Bessel-Parseval) d’o`u4
X
mZ
(1 + m2)k|c
fm|2=|b
f0|2+X
mZ
(1 + m2)k
m2km2k|c
fm|2
| b
f0|2+ 2kX
mZ
m2k|c
fm|2<,
c’est-`a-dire fHk(T), ce qui prouve l’inclusion Ck(T)Hk(T).
´
Etant donn´ee fHs+k(T) avec s > 1/2, le mˆeme calcul montre que,
pour tout jN, la s´erie de Fourier P(c
fmem)(j)obtenue en d´erivant j
fois terme `a terme la s´erie de Fourier de fappartient `a Hs+kj(T) ; pour
0jk, elle est donc normalement sommable dans C(T) d’apr`es la
proposition pr´ec´edente car on a s+kj > 1/2, ; en particulier, la suite
(Snf)(j)nNconverge uniform´ement pour 0 jk, donc la suite
(Snf)nNconverge au sens Ck(annexe F, p. 50) ; par cons´equent, sa
limite fappartient `a Ck(T), ce qui prouve l’inclusion Hs+k(T)⊂ Ck(T).
Corollaire. L’intersection de tous les Hs(T)avec s > 1/2est ´egale `a
C(T), qui est donc l’ensemble des Pamemtelles que
α > 0 lim
|m|→∞ |m|αam= 0 .
La d´emonstration est laiss´ee en exercice.
16. Application `
a l´
equation de la chaleur
Rappelons qu’il s’agit de r´esoudre le probl`eme de Cauchy
(30) (u
t =2u
x2
u(0, x) = u0(x),
c’est-`a-dire de trouver une fonction complexe udes variables tR+et
xR, de p´eriode 1 par rapport `a xet ´egale `a une fonction donn´ee u0
pour t= 0.
Th´eor`eme. Si u0Hs(T)avec s > 5
2, le probl`eme (30) a une solution,
donn´ee par
(31) u(t, x) = X
mZ
ˆum(0)e4π2m2t+2πimx,
o`u les nombres complexes ˆum(0) sont les coefficients de Fourier de la
donn´ee initiale u0. La solution uest Cdans R
+×Ret la fonction
4Puisque supmZ
(1+m2)k
m2k= supn1(1
n2+ 1)k= 2k.
ANALYSE DE HILBERT ET DE FOURIER, VI 45
ut:x7→ u(t, x)converge au sens Cvers la constante ˆu0(0) quand
t+. Plus pr´ecis´ement, u(t, x)converge uniform´ement vers ˆu0(0)
et ses d´eriv´ees partielles αuavec |α|1>0vers 0quand t+.
La d´emonstration est laiss´ee en exercice (lire l’annexe G). En fait, le
r´esultat vaut (au sens des distributions) pour toute distribution5u0et
(31) en d´efinit, nous le verrons, l’unique solution.
17. Existence de bases hilbertiennes
Th´eor`eme. Tout espace de Hilbert Ea des bases hilbertiennes.
D´emonstration. Soit Bl’ensemble des familles orthonormales BE,
ordonn´e par inclusion.
Lemme. Cet ordre est inductif :Best non vide et toute partie Ade
Btotalement ordonn´ee par inclusion poss`ede un majorant.
Preuve. L’ensemble Best non vide puiqu’il contient l’ensemble vide !
Si A ⊂ B est totalement ordonn´ee par inclusion, la r´eunion BAde tous
les B A est une famille orthonormale : en effet, tout vBAest
´evidemment de norme 1 puisqu’il appartient `a un B A ; tout vecteur
wBAr{v}est aussi de norme 1 car il appartient `a un B0 A ;
en outre, l’ensemble A´etant totalement ordonn´e par inclusion, on a
BB0ou B0B; les vecteurs v, w appartiennent donc `a un mˆeme
´el´ement de A, ce qui implique qu’ils sont orthogonaux et prouve que
BAest une famille orthonormale ; c’est le majorant cherch´e puisqu’elle
contient par d´efinition tous les B∈ A.
Il r´esulte donc du lemme de Zorn que Bposs`ede un ´el´ement Bmax
maximal pour l’inclusion. Si le sous-espace EBmax engendr´e par Bmax
n’´etait pas dense dans E, son adh´erence EBmax serait un sous-espace
strict de E, donc son orthogonal serait non trivial ; ledit orthogonal
contiendrait donc un vecteur ude norme 1, orthogonal `a EBmax et en
particulier `a tous les ´el´ements de Bmax ; par cons´equent, Bmax ∪ {u}
serait une famille orthonormale et Bmax ne serait pas maximale. Il en
r´esulte bien que Bmax est une base hilbertienne.
Remarque. Cet argument de «r´ecurrence transfinie »donne lorsque
Eest de dimension finie nune preuve l´eg`erement diff´erente du th´eor`eme
5Annexe H, hors programme mais instructive.
46 MARC CHAPERON
p. 6 : on consid`ere une famille B={u1,...,up}orthonormale—c’est-
`a-dire v´erifiant (5)—dont le nombre d’´el´ements pest maximal6, et l’ar-
gument qui termine la preuve ci-dessus montre que le sous-espace EB
engendr´e par Best forc´ement Etout entier.
Le lemme de Zorn repose sur une version assez forte de l’axiome du
choix que certains math´ematiciens, ayant peur que le ciel leur tombe
sur la tˆete, r´epugnent `a utiliser. Nous y reviendrons dans le cas de loin
le plus courant, celui des espaces s´eparables.
Annexe E. Int´
egrale des fonctions continues7
On se donne un intervalle compact I= [a, b] avec a<b, un espace de
Banach E, et l’on note S=S(I, E) le sous-espace vectoriel (exercice8)
de `(I, E) form´e des fonctions en escalier, d´efinies comme suit : on
afSsi et seulement s’il existe kN,a0,· · · , ak+1 Iavec a=
a0≤ · · · ≤ ak+1 =bet v0,· · · , vkEtels que f(t) = vjpour tout
t]aj, aj+1[ et tout j∈ {0,· · · , k}.
Etant donn´e un tel f, son int´egrale de a`a b
Zb
a
f(t)dt =
k
X
j=0
(aj+1 aj)vjE
ne d´epend que de f, et non du choix d’une «subdivision »(a0,· · · , ak+1)
de I: le r´esultat sera le mˆeme pour toute autre subdivision (a0
0,· · · , a0
k0+1)
telle que fsoit constante sur chaque ]a0
j, a0
j+1[ (exercice).
L’application J:SEdonn´ee par J(f) = Rb
af(t)dt est lineaire
(autre exercice) ; en outre, elle v´erifie
(32) Zb
a
f(t)dtZb
a
|f(t)|dt (ba)|f|
et est donc continue de Smuni de la norme Ldans E.
Les fonctions en escalier pr´esentent un int´erˆet limit´e, mais nous allons
exploiter le fait que Sn’est pas ferm´e pour la norme L:
6Ce qui a un sens car Best un syst`eme libre, d’o`u pn.
7On fait ici `a la fois beaucoup moins que dans la th´eorie de l’int´egrale de Lebesgue
et un peu plus, les fonctions consid´er´ees ´etant `a valeurs dans un espace de Banach.
8L’id´ee-cl´e de presque toutes les d´emonstrations concernant les fonctions en es-
calier est la suivante : si fS(resp. gS) est constante sur les intervalles ouverts
entre deux points successifs d’une subdivision (a0,· · · , ak+1) (resp. (b0,· · · , bm+1))
de I, alors fet gsont constantes sur les intervalles ouverts entre deux points
successifs de la subdivision dont les points sont les aiet les bj.
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