NewsMTCardio5 5/12/06 12:53 Page 535 Intérêt du dosage du BNP pour exclure le diagnostic d’insuffisance cardiaque congestive Méthodes Une recherche Medline et EMBASE, Cochrane et MEDION pour les publications rapportées entre 1990 et 2004 a été effectuée. Les études comparant la performance du dosage du BNP chez des patients asymptomatiques ou chez des patients suspects d’ICC aiguë avec des données cliniques et morphologiques ont été retenues. Chaque fois que cela était possible, les données sources ont été réclamées auprès des auteurs des publications originales. Les études ne rapportant pas les taux de vrais positifs, de faux-positifs, de vrais-négatifs et de faux-négatifs ont été exclues, de même que les études ne s’intéressant qu’aux patients ayant une dysfonction diastolique ventriculaire gauche ou utilisant le BNP comme marqueur pronostique. Les auteurs ont calculé en utilisant les formules habituelles, la sensibilité, la spécificité, les rapports de vraisemblance ainsi que les erreurs standard. Les résultats individuels ainsi que les éventuelles hétérogénéités entre études ont été déterminés ; des courbes ROC (Receiver Operating Characteristisc) ont été construites. Le BNP étant un test utilisé principalement pour éliminer le diagnostic d’insuffisance cardiaque, les auteurs se sont particulièrement intéressés au rapport de vraisemblance pour un test négatif. Au plan méthodologique, une méta-régression a été effectuée pour évaluer le rapport de vraisemblance négatif, en prenant en considération les variables suivantes : type de tests, âge moyen, proportion d’hommes, présence des symptômes de l’insuffisance cardiaque, type d’environnement de prise en charge et année de publication. Les résultats ont été présentés en sensibilité, spécificité, rapport de vraisemblance négatif, courbes ROC avec les intervalles de confiance à 95 %. Résultats Les critères stricts de sélection utilisés dans cette méta-analyse ont permis de retenir 19 études, dont 10 avaient un dessin prospectif, 8 ont inclus des patients consécutifs, et 11 ont rapporté une interprétation “ aveugle ” des tests. Parmi les études retenues, 13 utilisaient la méthode de dosage RIA, 6 la méthode ELISA dont une étude avec dosage du NT-pro-BNP et non du BNP. Les études considérées utilisaient la fraction d’éjection ventriculaire gauche échographique (seuil 30 à 50 %) ou par angiographie isotopique (seuil 35 à 40 %) comme méthode de référence. Huit études ont inclus une combinaison de données cliniques et échographiques. L’analyse a Actualités Question évaluée par l’étude L’insuffisance cardiaque congestive (ICC) constitue un problème majeur de santé publique. Son incidence et sa prévalence augmentent de façon très significative avec le vieillissement de la population, et l’insuffisance cardiaque est la première cause d’hospitalisation chez les patients âgés de plus de 65 ans. Le pronostic global de cette affection s’est amélioré [1, 2]. Le diagnostic d’une dyspnée dans un contexte d’urgence n’est pas toujours simple, en particulier en cas de comorbidité, situation particulièrement fréquente chez les sujets âgés. Le dosage du peptide natriurétique de type B (BNP), neuro-hormone sécrétée par les myocytes ventriculaires en cas d’expansion volémique ou de surcharge de pression a été proposé depuis quelques années pour éliminer le diagnostic d’ICC en urgence, et la diffusion de la méthode a été rendue possible par l’utilisation des méthodes de dosage “ instantané ”. La méta-analyse a comparé les méthodes de dosage (ELISA versus RIA) pour déterminer la performance diagnostique du dosage du BNP dans le diagnostic d’insuffisance cardiaque. 1,0 0,8 Sensibilité Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Titre original et référence : Battaglia M, Pewsner D, Juni P, et al. Accuracy of B-type natriuretic peptide tests to exclude congestive heart failure. Arch Intern Med 2006 ; 166 : 1073-80. 0,6 0,4 0,2 SROC pour RIA SROC pour ELISA 0,0 0,0 0,2 0,4 0,6 1 - Spécificité mt cardio, vol. 2, n° 5, septembre-octobre 2006 0,8 1,0 Figure 1. Courbes ROC (Receiver Operating Characteristisc) et courbes ROC synthétiques (SROC) construites pour éliminer le diagnostic d’insuffisance cardiaque, en comparant les deux approches ELISA (enzymes-linked immunosorbent assay) et la technique radioimmunologique (RIA). 535 NewsMTCardio5 5/12/06 12:53 Page 536 Actualités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Actualités 536 porté sur 9 093 patients, dont 20 % présentaient une insuffisance cardiaque confirmée ; à noter que 5 des études incluses dans cette méta-analyse étaient sponsorisées par l’industrie. Caractéristiques des populations. Une certaine hétérogénéité des études est apparente. Ainsi, la proportion de patients avec insuffisance cardiaque variait selon les études de 2 à 72 %, le nombre de sujets inclus variait de 66 à 3177 et la proportion de sexe masculin entre 35 et 95 %. De même, une certaine hétérogénéité était notée pour les valeurs seuils de BNP utilisées, les valeurs extrêmes étant de 170 et 300, 5 études n’ont pas précisé la valeur seuil utilisée. Performance diagnostique du dosage de BNP. La sensibilité médiane était de 87 % (68-98 %). La spécificité médiane était de 72 % (19-98 %). Le rapport de vraisemblance négatif était de 0,18, (IC 95 % 0,13-0,23) ; il était plus faible lorsque l’étude utilisait un test ELISA (0,12, IC 95 % 0,09-0,16) que lorsqu’il s’agissait d’un test radio-immunologique RIA (0,23, IC 95 % 0,16-0,32). La différence observée n’était probablement pas un effet de chance (test d’interaction p = 0,009). La construction des courbes ROC confirmait la différence de performance entre les types de tests. Les autres variables utilisées dans l’analyse par méta-régression n’étaient pas associées de façon notable avec le rapport de vraisemblance négatif, à l’exception des symptômes et du type de test. Ainsi, la présence de symptômes était associée avec un rapport de vraisemblance moindre (p = 0,07) ; cependant, l’association était franchement atténuée, et devenait non significative (p = 0,62) lorsque le type de test était inclus dans le modèle. Pour une probabilité pré-test de 20 %, représentative de patients ayant une suspicion d’insuffisance cardiaque en ambulatoire, un test négatif utilisant la méthode ELISA aboutirait à une pro- babilité post-test de 2,9 % ; un test radio-immunologique (RIA) négatif aboutirait à une probabilité post-test de 5,4 %. Les limites de l’étude tiennent à la méthodologie statistique complexe et l’impossibilité de comparer directement les deux tests, qui n’ont jamais été utilisés dans la même étude, au sein d’une même population. Résultat essentiel. L’utilisation d’un dosage du BNP pour éliminer le diagnostic d’ICC en ambulatoire est faisable, avec une supériorité pour le test ELISA, au prix cependant d’un surcoût par rapport au dosage radio-immunologique. Commentaires Cette méta-analyse confirme donc que le dosage de BNP chez les patients ambulatoires présentant une dyspnée permet d’éliminer avec une bonne précision diagnostique l’insuffisance cardiaque congestive. Cette revue générale et méta-analyse peut être comparée à celle publiée il y a 2 ans par Doust [3]. Certes, la présente métaanalyse diffère de celle de Doust par l’exclusion de 6 études, incluses dans la méta-analyse de Doust. De plus, la méta-analyse plus récente de Battaglia lui a permis d’ajouter 5 études, dont certaines données non publiées. Doust avait proposé comme valeurs seuils de BNP 15 pmoL/L permettant d’obtenir une bonne sensibilité pour exclure le diagnostic d’insuffisance cardiaque. De plus, dans le travail de Doust [3], la performance diagnostique du BNP était supérieure lorsqu’elle était comparée aux données cliniques et non à la fraction d’éjection ventriculaire gauche, cet auteur suggérait que le BNP pouvait être utilisé pour détecter les insuffisances cardiaques à fraction d’éjection ventriculaire gauche conservée. Aucune de ces deux méta-analyses ne peut trancher entre approches biologique et morpholo- mt cardio, vol. 2, n° 5, septembre-octobre 2006 gique devant une dyspnée, faisant suspecter une insuffisance cardiaque. Certes, un dosage négatif dans une population suspecte de diagnostic d’insuffisance cardiaque peut éviter la réalisation d’une échocardiographie Doppler. Cependant, cet examen apporte un nombre important d’informations complémentaires, concernant l’étiologie, la tolérance et le retentissement d’une éventuelle cardiopathie sous-jacente qui font de cette approche une méthode incontournable de diagnostic et du suivi de l’insuffisance cardiaque. Ces deux auteurs suggèrent qu’une échocardiographie pourrait être inutile lorsque le taux de BNP est faible, mais on sait que celui-ci peut être influencé par de nombreux paramètres (en particulier le poids) et que son taux est réduit par de nombreuses classes de médicaments (en particulier les bêtabloquants). Conclusion Cette méta-analyse confirme que le dosage de BNP, quelle que soit la méthode utilisée a une excellente valeur prédictive négative : un taux normal permet d’éliminer avec une bonne sécurité ce diagnostic, à condition que le patient ne présente pas de cardiopathie sous jacente ou de traitement cardiovasculaire au long cours. Catherine Meuleman Références 1. Bhatia RS, Tu JV, Lee DS, et al. Outcome of heart failure with preserved ejection fraction in a population-based study. N Engl J Med 2006 ; 355 : 260-9. 2. Owan TE, Hodge DO, Herges RM, Jacobsen SJ, Roger VL, Redfield MM. Trends in prevalence and outcome of heart failure with preserved ejection fraction. N Engl J Med 2006 ; 355 : 251-9. 3. Doust JA, Glasziou PP, Pietrzak E, Dobson AJ. A systematic review of the diagnostic accuracy of natriuretic peptides for heart failure. Arch Intern Med 2004 ; 164 : 1978-84.