La resynchronisation ventriculaire dans lPinsuffisance cardiaque

La resynchronisation
ventriculaire
dans linsuffisance
cardiaque : pourquoi ?
pour qui ?
Delphine Baudouy, Philippe Lanfranchi, Guillaume Théodore,
Jean-Pierre Camous
Service de cardiologie et Laboratoire de thérapeutique, CHU Pasteur, BP 1069,
06002 Nice Cedex
Chez certains insuffisants cardiaques à fonction ventriculaire gauche altérée, il existe une
désynchronisation de la contraction souvent due à des troubles conductifs intraventriculaires.
En stimulant simultanément le septum et la paroi latérale, il est possible de resynchroniser la
contraction et daugmenter nettement lefficacité du ventricule gauche. Actuellement, cette
technique est réservée aux sujets ayant une insuffisance cardiaque au stade fonctionnel III et
IV de la NYHA avec une fraction déjection ventriculaire gauche inférieure à 35 % et un
élargissement du QRS. Il est probable que les indications vont sélargir car toutes les études
effectuées sur la resynchronisation montrent une efficacité certaine. Cependant, il reste que
30 % des patients ne sont pas répondeurs. Du point de vue technique, la stimulation ven-
triculaire gauche est généralement obtenue par lintermédiaire dune sonde introduite dans
une branche du sinus coronaire.
Mots clés : insuffisance cardiaque, resynchronisation ventriculaire, thérapeutique non
médicamenteuse
Introduction
Dans les pays développés, la fré-
quence de linsuffisance cardiaque
(IC) est en constante progression en
raison, en particulier, de laugmenta-
tion de la durée de vie (10 à 20 % des
sujets dâge compris entre 70 et
80 ans) [1]. Des progrès considérables
ont été effectués dans le domaine de la
prévention et du traitement médical.
Malgré cela, lIC reste une pathologie
redoutable tant en termes de morbi-
dité que de mortalité [2]. Cette morta-
lité est préférentiellement due à la
progression de lIC pour les cas les
plus évolués et à la mort subite
(rapportée à un trouble du rythme
ventriculaire) pour les cas les moins
symptomatiques [3].
La transplantation cardiaque reste
la méthode la plus efficace de traite-
ment quand elle peut être mise en
œuvre. Cependant, la rareté des don-
neurs fait quelle reste une thérapeu-
tique de diffusion confidentielle.
La correction des valvulopathies,
la résection de certains anévrysmes
et la fermeture de certaines communi-
cations cardiaques sont aussi des
méthodes non médicamenteuses effi-
caces lorsque la cardiopathie nest pas
trop évoluée.
Plus récemment, il a été montré
que des résultats parfois spectaculai-
res ont pu être obtenus, dans certains
doi: 10.1684/met.2009.0219
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Tirés à part : J.-P. Camous
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cas, par stimulation biventriculaire dite de resynchronisa-
tion ventriculaire (RV) [2, 4-6].
La resychronisation ventriculaire
Pourquoi ?
Chez certains patients insuffisants cardiaques, il existe
une désynchronisation ventriculaire due en particulier à
des troubles conductifs intraventriculaires (présents chez
33 % des patients en IC [7]). Cela se traduit par une dépo-
larisation non synchrone de la masse ventriculaire et
secondairement de la contraction. Certaines zones vont
se contracter alors que dautres sont déjà en phase de
relaxation, ce qui entraîne une perte évidente defficacité.
Cet asynchronisme est dautant plus délétère que la fonc-
tion ventriculaire gauche est plus altérée.
Lexemple le plus démonstratif est celui des cardio-
myopathies dilatées avec bloc de branche gauche. Chez
ces patients, à la fraction déjection abaissée, la dépolari-
sation ventriculaire va débuter au niveau du cœur droit,
se propager vers le septum puis secondairement à la paroi
latérale. La contraction suivant la même séquence.
Un autre exemple, quasi expérimental, est celui de la
stimulation ventriculaire droite où la séquence est sensi-
blement la même avec en plus, selon la place de la sonde,
une dépolarisation qui va débuter à la pointe du ventri-
cule.
Usant les possibilités de la stimulation, en 1994,
Cazeau et al. [8] et Baker et al. [9] décrivent les premiers
cas de stimulation biventriculaire : stimulation simultanée
des ventricules droit et gauche. Si par voie endocavitaire
veineuse, il est relativement facile de mettre une ou deux
électrode(s) de stimulation dans les cavités droites, labord
du ventricule gauche est beaucoup moins aisé. La voie
artérielle rétrograde nest pas possible, en particulier du
fait des risques thromboemboliques et la voie épicardique
transthoracique nécessite une intervention relativement
lourde.
Le réseau veineux coronaire offre la possibilité de sti-
muler le ventricule gauche. Il est actuellement largement
utilisé. En effet, le drainage veineux du ventricule gauche
seffectue dans loreillette droite au niveau de lostium
coronaire. Une sonde utilisant initialement la même voie
que la stimulation classique est glissée dans le sinus coro-
naire puis poussée dans une veine latérale du cœur
gauche de manière à ce que lélectrode distale soit
positionnée sur la paroi latérale du ventricule gauche.
Cette intervention est naturellement plus difficile à
mettre en œuvre quune stimulation droite exclusive,
fut-elle auriculo-ventriculaire, pour plusieurs raisons.
Dabord, il faut introduire une sonde supplémentaire ce
que ne permet pas toujours le réseau veineux. Ensuite, il
faut cathétériser le sinus coronaire. Enfin, il faut position-
ner le bout distal de la sonde sur la paroi latérale du ven-
tricule gauche. Parfois, le réseau veineux coronaire ne
lautorise pas. Dautre fois, la sonde entraîne une stimula-
tion du nerf phrénique avec contraction diaphragmatique
insupportable. Enfin, la stabilité de la sonde nest pas
toujours excellente. Une recherche très active pour
développer des sondes ayant une meilleure stabilité est
actuellement effectuée.
Les risques propres au cathétérisme du sinus coronaire
sont relativement faibles (dissection ou perforation du sinus)
[10] et la plupart du temps sans conquences graves.
Malgré les difficultés, dans des mains entraînées,
lintervention est effectuée avec succès dans 90 à 95 %
des cas [10].
Resynchronisation : pour qui ?
Les recommandations actuelles de RV [11, 12] ont été
établies à partir de larges études [13-17] : des sujets en
classe 3 et 4 de la NYHA, malgré un traitement médical
optimal, en rythme sinusal, ayant une dysfonction ventri-
culaire gauche (fraction déjection ventriculaire,
FE < 35%) et un QRS élargi (QRS > 120 ms).
Avec ces critères, il a été montré que la RV améliorait
statistiquement la qualité de vie, diminuait la classe fonc-
tionnelle, augmentait la tolérance à leffort, améliorait les
paramètres de fonction ventriculaire gauche (FE, diamètre
télé diastolique, pressions pulmonaires), diminuait la fré-
quence des hospitalisations et surtout plus récemment la
mortalité globale [18-21].
Cependant, si 70 % des sujets chez qui une RV a été
mise en place sont améliorés (répondeurs), parfois de
manière spectaculaire, un nombre non négligeable
de patients ne tire pas bénéfice de la technique (non
répondeurs) [4].
Il a été recherché des critères supplémentaires pour
sélectionner les patients et en particulier des critères
mécaniques. En effet, ce ne sont pas les troubles électri-
ques que lon cherche à corriger mais les troubles de la
contractilité qui ne sont pas toujours anatomiquement
superposables. Les études effectuées sur la correction
dun asynchronisme de contraction (échocardiographie)
nont pas, à ce jour, permis de sélectionner les patients
très probablement répondeurs. Il est cependant souhai-
table, au cas où le QRS mesure entre 120 et 140 ms,
davoir, en plus du critère électrique de durée du QRS,
un critère mécanique de désynchronisation pour espérer
une amélioration clinique [22]. Une intense recherche
est, là encore, menée dans ce domaine.
La mise en place dune RV na pas de contre-
indication formelle sauf celle qui fait appel au bon sens
(patients en fin de vie)
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Il est probable que dans un avenir proche, les indica-
tions vont sélargir. En effet, létude REVERSE [23], récem-
ment présentée, a montré que des résultats encourageants
pouvaient être obtenus chez les sujets en stade 1 et 2 avec
FE < 40 %. La RV, chez des patients asymptomatiques ou
peu symptomatiques, recevant un traitement médical
optimal, améliore le pronostic de la maladie ainsi que la
fonction ventriculaire.
Autres problèmes
et resynchronisation
Troubles du rythme ventriculaire
La mort subite est fréquente chez linsuffisant car-
diaque. Elle est due, la plupart du temps, à un trouble
du rythme ventriculaire et peut être souvent prévenue
par un défibrillateur automatique implantable (DAI). Or,
les indications actuellement retenues de mise en place
des stimulateurs de resynchronisation recoupent celles
des DAI [24] (prévention de la mort subite chez les sujets
ayant une FE < 35 %). Sachant que tout DAI incorpore un
stimulateur cardiaque, la plupart du temps un DAI triple
chambre de resynchronisation est mis en place chaque
fois quil y a une indication de resynchronisation, sauf
chez les patients dont lespérance de vie est estimée à
moins dun an (non-indication de DAI). Dans ces cas-là,
un appareil ayant la seule possibilité de stimuler sera
implanté [25].
Certains sujets en IC font moins de troubles du rythme
ventriculaire après RV et amélioration de IC. Il a donc été
recherché si un DAI devait dès lors être systématiquement
implanté. Lin et al. [26] ont montré que la RV ne faisait
pas diminuer statistiquement les troubles du rythme ven-
triculaire. La RV ne permet donc pas de se passer du DAI
[26].
Fibrillation auriculaire
La fibrillation auriculaire est fréquente au cours de
linsuffisance cardiaque. Dans les publications initiales,
les sous-groupes de patients en fibrillation auriculaire ne
semblaient pas tirer bénéfice de la RV si la conduction
auriculo-ventriculaire nétait pas détruite par radio-
fréquence. Des études plus récentes ont montré quil suf-
fisait que la stimulation ventriculaire soit suffisamment
présente (> 80 % des cycles) pour que la RV ait une effi-
cacité comparable à celle rencontrée chez les sujets en
rythme sinusal [27].
Bien quen nombre non statistiquement significatif
[28], certains patients en fibrillation auriculaire perma-
nente retournent en rythme sinusal après RV [29]. Cela
pose le problème de la mise en place systématique
dune sonde auriculaire et tout particulièrement chez les
sujets qui vont être équipés dun DAI, car si un choc était
délivré pour un trouble du rythme ventriculaire, il pourrait
aussi réduire le trouble du rythme auriculaire.
De plus, les appareils de resynchronisation, stimula-
teurs cardiaques et DAI, ont tous un canal auriculaire
qui peut être simplement occulté. Ces arguments plai-
dent, pour certains, en faveur de la mise en place systé-
matique dune sonde auriculaire si la fibrillation auricu-
laire nest pas trop ancienne.
Stimulation VD et insuffisance cardiaque
La stimulation ventriculaire droite crée une désyn-
chronisation expérimentale du ventricule gauche surtout
si lélectrode de stimulation est située à lapex. La majorité
des patients supporte bien ce type de stimulation. Un cer-
tain nombre dentre eux va, cependant, évoluer vers
linsuffisance cardiaque avec apparition des critères
dindication de resynchronisation. Dans ces cas-là, lajout
dune sonde de stimulation ventriculaire gauche avec
changement dappareil permet dobtenir des résultats
comparables à ceux de la resynchronisation effectuée en
première intention [30].
Actuellement, avant la mise en place dune stimula-
tion ventriculaire droite, une étude de la fonction ventri-
culaire gauche par échocardiographie est systématique. Si
la fonction ventriculaire est altérée, une RV est préconisée
demblée même si le sujet est pauci symptomatique.
Syndrome dapnée du sommeil
Au cours de linsuffisance cardiaque peut apparaître
un syndrome dapnée du sommeil dorigine centrale par
hypoperfusion des centres respiratoires. La RV, en amélio-
rant lhémodynamique cardiaque, peut faire régresser
voire disparaître ces syndromes [31].
Insuffisance mitrale fonctionnelle
En cas de dilatation ventriculaire gauche, lanneau
mitral augmente de diamètre et entraîne une insuffisance
mitrale fonctionnelle qui contribue à laggravation de lIC.
Lamélioration de la fonction ventriculaire gauche, la
diminution des diamètres ventriculaires contribuent à
diminuer limportance de cette insuffisance mitrale et à
lamélioration de IC en particulier à leffort [32].
Conclusion
Une resynchronisation ventriculaire doit être proposée
chez les patients insuffisants cardiaques à fonction ventri-
culaire gauche très altérée (FE < 35 %) qui restent en
classe 3 et 4 malgré un traitement médical optimal et
dont lECG montre un élargissement du QRS. Cette théra-
peutique est efficace chez 70 % des patients (répondeurs).
Elle diminue les symptômes fonctionnels, augmente la
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résistance à leffort, réduit le nombre des hospitalisations
ainsi que la mortalité.
Il est probable que prochainement les indications vont
sélargir vers des patients peu ou pas symptomatiques
(classes 1 et 2) afin de prévenir laugmentation de linsuf-
fisance cardiaque.
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