22 | La Lettre du Cardiologue • n° 421 - janvier 2009
Résumé
La radiothérapie thoracique expose à la survenue de complications qui peuvent intéresser toutes les tuniques du cœur. Ces
toxicités cardiaques comprennent les péricardites aiguës et chroniques, les myocardites, les valvulopathies, les atteintes
coronariennes et les troubles de la conduction. Leurs mécanismes physiopathologiques relèvent très vraisemblablement
tous des mêmes phénomènes successifs, faisant intervenir une atteinte de la microvascularisation responsable d’une
ischémie tissulaire secondaire, celle-ci conduisant à son tour à une fibrose cicatricielle tardive. Cependant, la plupart des
complications cardiaques des rayonnements ionisants sont asymptomatiques. La péricardite chronique affecte environ 5 %
des patients, et le taux de mortalité qui lui est imputable est inférieur à 1 %. Les myocardites sont beaucoup plus rares. Très
longtemps ignorées, les atteintes des artères coronaires sont probablement responsables de la survenue tardive d’infarctus,
de valvulopathies ou de troubles de la conduction. Ces atteintes sont d’autant plus fréquentes que les patients sont porteurs
d’autres facteurs de risque cardiovasculaire ou ont été irradiés jeunes (avant 21 ans). Les facteurs de risque reconnus de ces
toxicités sont la dose totale (plus de 30 Gy), le volume de cœur irradié et la dose par fraction. Ces complications pouvant
survenir très longtemps après l’irradiation, une surveillance prolongée et stricte est nécessaire.
Mots-clés
Radiothérapie
Cœur
Toxicité
Summary
Thoracic irradiation could be
complicated by adverse effects
to every structure of the heart.
Potential injury of irradiation
can include acute and late
pericarditis, cardiomyopathy,
valvular disease and conduction
abnormalities. The pathophy-
siology of these various
syndromes is probably similar,
starting by prior microvascular
injury that leads to subsequent
myocardium ischemia, all of
which cause late fibrous scars.
However, most complications
are often asymptomatic. Late
pericarditis affects approxi-
mately 5% of the patients and
the mortality rate is under 1%.
Cardiomyopathy is rare. A long
time unrecognized, coronary
artery disease, diagnosed in 5
to 10% of the patients, begets
multifarious sequelae like
myocardial infarction, valvular
abnormalities and cardiac
rhythm changes. This coronary
artery disease is more likely to
occur if the patient was young
at the time of the irradiation
(< 21 years old) and/or if other
cardiovascular risk factors are
associated. Radiation-induced
heart complications seem to be
related to total dose (> 30 Gy),
irradiated tissue volume and
fraction size. Since cardiac
complications appear months to
years following incidental irra-
diation, appropriate screening
and long-term cardiac follow-
up are essential.
Keywords
Radiotherapy
Heart
Toxicities
très probablement un cofacteur essentiel à l’origine
de la plupart des complications décrites.
Les complications cardiaques des chimiothérapies
ne rentrent pas dans le cadre de cette revue. Cepen-
dant, nombreuses sont les molécules antimitotiques
potentiellement cardiotoxiques, et l’association de la
radiothérapie à ces molécules aggrave bien entendu
encore le risque de complications (5, 14).
Symptomatologie clinique
Le suivi des patients traités pour une maladie de
Hodgkin fournit depuis de nombreuses années des
informations des plus complètes sur la toxicité
cardiaque des RI (2, 4, 8, 9, 15). Les complications
cardiaques sont responsables de 25 % des décès qui
surviennent chez les patients guéris, et de 2 à 5 %
de l’ensemble des décès (3). En revanche, dans le
cadre du cancer du sein ou du cancer de l’œsophage,
le volume de cœur irradié étant moins important, la
tolérance est meilleure et la fréquence des compli-
cations plus faible (16, 17).
L’élément essentiel à retenir, s’agissant des compli-
cations cardiaques des RI, est la longueur du délai
de latence entre l’irradiation et l’apparition des
symptômes (quand ils apparaissent, car, si l’atteinte
cardiaque est très fréquente, elle reste souvent
asymptomatique) [2-4, 16].
La péricardite
Pendant l’irradiation, les symptômes sont surtout
marqués par l’atteinte péricardique. Cette maladie
inflammatoire bénigne est rare et ne nécessite qu’ex-
ceptionnellement l’arrêt du traitement. Les symptômes
sont semblables à ceux des péricardites aiguës classiques.
Habituellement, ils disparaissent en quelques semaines
et ne constituent pas un facteur de risque pour le
développement futur d’une péricardite chronique.
Seuls 20 % des patients qui développent une péricar-
dite aiguë présenteront secondairement, 5 à 10 ans
plus tard, une péricardite chronique constrictive (8, 9).
Cependant, une véritable péricardite aiguë peut appa-
raître dans les mois qui suivent le traitement, voire
jusqu’à 2 ans après l’irradiation (1, 8).
Une péricardite chronique peut survenir très tardi-
vement, plusieurs mois à plusieurs années après
l’irradiation. Sa fréquence est d’environ 1 à 5 %
après radiothérapie des cancers bronchiques et
mammaires, et de 5 à 10 % après radiothérapie des
lymphomes (8, 9). Le diagnostic de péricardite chro-
nique dépend surtout de l’initiative du praticien qui
demande sa recherche et des moyens d’investigation
utilisés. Dans la littérature, le taux de mortalité par
atteinte péricardique est estimé à 0,7 % chez les
patients traités pour une maladie de Hodgkin (8, 9).
Comme pour la péricardite aiguë, les symptômes de
la péricardite chronique ne sont pas spécifiques. La
majorité de ces péricardites guérissent spontané-
ment et sans séquelle. Cependant, quelques-unes
évoluent jusqu’au stade de péricardite constrictive
tardive et, dans de rares cas, vers une tamponnade
nécessitant une péricardectomie ou un drainage du
péricarde. En dehors de cette présentation inha-
bituelle, le traitement est avant tout médical, la
chirurgie étant à réserver aux cas menaçants ou
extrêmement exsudatifs (8, 15).
La myocardite
La myocardite survient en général chez des patients
qui présentent déjà une péricardite constrictive avec
des signes sévères d’insuffisance cardiaque diasto-
lique. Elle devient évidente quand les signes cardia-
ques persistent malgré le traitement de la péricardite
(5, 9). Son incidence est difficile à déterminer. Très
faible avec les nouvelles techniques de radiothérapie,
le risque augmente en cas d’association avec une
chimiothérapie, et en particulier avec les anthracy-
clines (14). Dans une série nécropsique de patients
irradiés dans leur jeune âge, une fibrose myocardique
a été retrouvée dans environ 50 % des cas (15). Dans
les nombreuses publications parues sur le suivi de
patients irradiés pour une maladie de Hodgkin, on
retrouve une diminution de la fraction d’éjection
du ventricule gauche dans 30 à 50 % des cas (2, 4).
Mais l’interprétation de ces résultats reste subjective
compte tenu des techniques d’irradiation très diffé-
rentes, des incertitudes relatives au calcul des doses
et du recul d’observation très variable. Il faut noter
que les patients traités avec les techniques les plus