La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au n° 6 - vol. VII - juin 2003 9
4.
4. Que sait-on des autres gènes de la migraine hémiplé-
gique familiale ?
Le gène CACNA1A sur le chromosome 19 est un canal calcique.
Le gène ATP1A2 situé sur le chromosome 1 est une pompe
NA+/K+. Les deux gènes identifiés pour l’instant dans la migraine
hémiplégique codent donc pour des canaux ioniques. L’argument
le plus fort en faveur de l’implication de canaux ioniques dans
les migraines hémiplégiques familiales non liées au chromo-
some 19 ou au chromosome 1 est clinique : ce sont des affections
paroxystiques et la plupart des autres maladies neurologiques
paroxystiques héréditaires sont des canalopathies comme les
ataxies épisodiques, les paralysies périodiques hyper- ou hypo-
kaliémiques et certaines épilepsies. Dans ces maladies, une
mutation d’un canal ionique entraîne une hypo- ou une hyper-
excitabilité neuronale (ataxie épisodique, épilepsie) ou muscu-
laire (paralysies périodiques) responsable des crises.
5.
5. A-t-on idée du mécanisme par lequel une mutation
d’un canal ionique peut provoquer des phénomènes de
migraine hémiplégique ?
Les canaux ioniques jouent un rôle essentiel dans le contrôle
de l’excitabilité cellulaire. Les mutations de CACNA1A et
d’ATP1A2 perturbent cette excitabilité. On peut donc émettre
l’hypothèse que les neurones des patients ont une excitabilité
modifiée, mais on ne sait pas comment cette anomalie conduit à
des crises de migraine avec aura motrice. Il est possible que cette
anomalie de l’excitabilité favorise le phénomène de dépression
corticale envahissante. En effet, plusieurs études d’imagerie ont
suggéré que la dépression corticale envahissante était à l’origine
de l’aura chez des patients atteints de migraine avec aura non
hémiplégique. Mais il n’a pas encore été démontré que ce même
phénomène se produisait lors des crises de migraine hémiplégique.
6.
6. Faut-il systématiquement à l’heure actuelle faire une
analyse génétique chez un patient atteint de migraine
hémiplégique familiale ?
La réponse est claire : il n’y a pas de nécessité ni d’utilité à faire
un diagnostic génétique chez un patient atteint d’une forme
typique de migraine hémiplégique familiale. Le diagnostic de
cette affection reste clinique, fondé sur la mise en évidence par
l’interrogatoire de crises de migraine avec aura motrice chez le
patient et chez au moins un de ses apparentés au premier degré
et sur la normalité des examens complémentaires.
7
7.
.Y a-t-il des différences cliniques entre la migraine hémi-
plégique familiale et la migraine hémiplégique spora-
dique ? Connaît-on les prévalences respectives de ces
deux types de migraine ?
La prévalence de la migraine avec aura motrice est voisine de
1 à 2 pour 1 000 dans la population générale. Récemment, une
étude de population danoise a identifié 147 patients atteints de
migraine hémiplégique familiale sur 5,2 millions d’habitants, ce
qui donne une prévalence de 3 pour 10 000. Les cas non fami-
liaux de migraine hémiplégique se répartissent en deux groupes.
Certains sont liés à une mutation autosomique dominante d’un
des gènes de la migraine hémiplégique familiale (mutation de
novo absente chez les parents biologiques ou mutation transmise
par un des parents porteur sain). D’autres cas sporadiques se rap-
prochent des variétés plus habituelles de migraine avec aura et
sont d’origine multifactorielle avec intrications de facteurs envi-
ronnementaux et de facteurs génétiques complexes.
8.
8. Parmi les patients souffrant de migraine hémiplégique,
connaît-on la prévalence de ceux qui souffrent en plus
de leurs crises hémiplégiques de crises sans aura et de
crises avec aura typique sans déficit moteur ?
De 10 à 60 % (selon les études) des patients atteints de migraine
hémiplégique familiale ont aussi des crises de migraine avec aura
non motrice. Cette prévalence est plus élevée que dans la popu-
lation générale. En revanche, seulement 10 à 20% ont aussi des
crises de migraine sans aura, ce qui n’est pas plus élevé que dans
la population générale.
9.
9. A-t-on progressé dans la génétique de la migraine sans
aura et de la migraine avec aura ? Une responsabilité du
chromosome 19 ou du chromosome 1 a-t-elle été recher-
chée ? Quels sont les arguments pour penser que ces
deux types de migraine ont une transmission génétique
similaire ou au contraire différente ?
Les études épidémio-génétiques les plus récentes ont montré que
la migraine sans aura et la migraine avec aura étaient des affec-
tions polygéniques, à transmission génétique complexe. Plu-
sieurs mutations dans plusieurs gènes différents sont nécessaires
chez un même patient pour que le phénotype migraineux appa-
raisse. Ces facteurs génétiques interagissent avec des facteurs
environnementaux dont le poids est plus important dans la
migraine sans aura que dans la migraine avec aura. Le gène
CACNA1A situé sur le chromosome 19 n’est probablement pas
impliqué dans les variétés plus habituelles de migraine. En
revanche, différentes études ont mis en évidence plusieurs loci
de susceptibilité à la migraine, en particulier la migraine avec
aura, sur le chromosome 4, le chromosome 19 (différent du
locus de la migraine hémiplégique familiale), sur le chromosome
X et peut-être le chromosome 1 (tableau). Aucun des gènes
mutés situés au sein de ces loci de susceptibilité n’a encore été
identifié.
L’implication du gène ATP1A2 n’a pas encore été analysée dans
la migraine sans ou avec aura. ■
Imprimé en France - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne - Dépôt légal : à parution. © février 1997 - ALJAC S.A. Locataire gérant de Edimark SA.
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