mise au point L’imagerie actuelle du thorax en tomodensitométrie Current CT imaging of the chest C. Beigelman-Aubry*, S. Baleato**, G. Fernandez Perea***, C. Hill**** L es dernières générations de scanners multicoupes ou multidétecteurs ont révolutionné la prise en charge des pathologies thoraciques en imagerie. Toutes les indications bénéficient des qualités actuelles des résolutions temporelle, spatiale et en contraste. Un choix adéquat des paramètres assure des reconstructions multipla­naires et tridimensionnelles d’excellente qualité. Des logiciels d’aide au diagnostic peuvent compléter l’analyse. Essentiellement dédiés au problème des nodules pulmonaires, ces logiciels sont développés dans le domaine de l’emphysème, de l’embolie pulmonaire et des maladies diffuses du poumon. Principe-Paramètres techniques (1,2) * Service de radiologie polyvalente diagnostique et interventionnelle, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. ** Service d’imagerie médicale, Complejo Hospitalario Universitario de Santiago de Compostela, Espagne. *** Service d’imagerie médicale, Hospital Universitario de La Princesa, Madrid, Espagne. **** Service de radiologie, Northern General Hospital, Sheffield, Royaume-Uni. Les technologies multicoupes, introduites à partir de 1998, permettent une acquisition simultanée de plusieurs coupes par unité de temps. Une acquisition thoracique complète dure environ 5 s, avec une épaisseur de reconstruction d’environ 1 mm et une couverture dans l’axe du patient de 20 à 40 mm par rotation en technologie 64 canaux. L’intérêt est substantiel chez des sujets sévèrement dyspnéiques, traumatisés ou en réanimation. Les coupes axiales doivent être chevauchées afin d’obtenir des reconstructions 2D et 3D de qualité. Cinq cents coupes environ sont obtenues par examen et reconstruites avec un filtre de reconstruction adapté pour l’étude du médiastin et celles du parenchyme pulmonaire et de l’os. Les voxels, unités de volume élémentaires, sont isotropes ou quasi isotropes, c’est-à-dire qu’ils ont des dimensions quasi identiques dans tous les plans de l’espace. Il n’existe ainsi aucune déformation de l’image en reconstruction 2D ou 3D, quelle que soit 46 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2009 l’orientation. Le contrôle des doses (3, 4) est un enjeu de santé publique en raison des risques potentiels des rayons X. La transposition en droit français de la directive européenne 97/43 Euratom impose ainsi une plus grande attention à la pratique scanographique. Les explorations doivent être optimisées, toute l’information utile devant être obtenue avec l’irradiation la plus faible possible. Selon l’article R1333-66 du Code de la santé publique et l’arrêté du 22 septembre 2006, il est désormais obligatoire de mentionner sur le compte-rendu les informations concernant la dose délivrée au patient. La dose s’exprime par le PDL (produit dose x longueur) en milligrays x centimètre (mGy x cm). Le niveau de référence diagnostique (arrêté du 14 février 2004) pour le thorax est de 500 mGy x cm. Cette valeur correspond à une limite en dessous de laquelle se situent 75 % des installations. Une stratégie économe doit être utilisée, en particulier au cours du suivi de pathologies infiltrantes diffuses chez des sujets jeunes ou de la surveillance des nodules pulmonaires. En outre, au cours d’une acquisition en expiration dynamique à la recherche d’une trachéo-bronchomalacie ou d’un piégeage, de très faibles doses peuvent être suffisantes pour le diagnostic (figure 1). Cela est possible grâce au grand contraste naturel entre l’air et les tissus. Bien que la synchronisation cardiaque puisse réduire, voire supprimer, les artefacts liés aux battements cardiaques (5), délétères pour l’analyse de la lingula et d’une portion du lobe inférieur gauche, cette méthode est plus irradiante. C’est la raison pour laquelle cette technique n’est pas utilisée en routine, les temps de rotation courts avec les dernières générations de scanner réduisant également ces artefacts. L’acquisition TDM peut être couplée à une synchronisation respiratoire (6) dans un objectif de quantifica- Résumé Les dernières générations de scanners multicoupes ou multidétecteurs ont révolutionné la prise en charge des pathologies thoraciques en imagerie. Toutes les indications bénéficient des qualités actuelles des résolutions temporelle, spatiale et en contraste. Un choix adéquat des paramètres assure l’isotropie des voxels avec des reconstructions multipla­naires et tridimensionnelles d’excellente qualité. Des logiciels d’aide au diagnostic peuvent compléter l’analyse. Essentiellement dédiés à la gestion des nodules pulmonaires, ces logiciels sont développés dans le domaine de l’emphysème, de l’embolie pulmonaire et des maladies diffuses du poumon. Dans tous les cas, le rapport bénéfice/risque de l’examen, tenant compte de la dose reçue par le patient, sera évalué. A Lecture et rendu des images La grande quantité des données numériques impose une gestion rigoureuse en termes de technique de lecture et de rendu d’images. Une sélection d’images de synthèse est reproduite sur films, toutes les données numériques étant gravées sur CD-ROM en format DICOM ou JPEG. L’archivage des données sur système PACS permet de disposer des imageries antérieures et d’effectuer des comparaisons fiables par l’affichage des images à équivalent anatomique. Post-traitements La lecture d’un scanner multicoupes va au-delà de l’analyse en coupes axiales. Les reconstructions sont effectuées en temps réel, dans le volume, à la console de post-traitement. Scanner multicoupes Reconstructions 2D et 3D Systèmes d’aide au diagnostic Highlights B Figure 1. Bronchomalacie (flèches) avec piégeage (astérisques) chez un sujet BPCO. Coupe axiale mm en fenêtre pulmonaire à hauteur des bronches segmentaires basales réalisée à 75 mAs en inspiration (A) et à très faible dose en expiration (B). tion fiable et reproductible de volumes pulmonaires ou des bronches. Cela permet d’envisager des études longitudinales au cours des BPCO, en particulier, mais n’est pas effectué en routine. Une synchronisation dans le cadre du TEP-scanner paraît en revanche pertinente dans un objectif de suppression des erreurs de correction d’atténuation liées aux artefacts de mouvements respiratoires (7). Mots-clés ◆◆ Reconstructions 2D L’orientation des reconstructions multiplanaires est choisie selon le siège des lésions, sans irradiation complémentaire (figure 2). Au cours des maladies diffuses du poumon, une évaluation rapide de la distribution régionale est obtenue avec un nombre de coupes inférieur à celui des coupes axiales. La technique du rendu volumique multiplanaire (RVMP ou slab) correspond à la sommation de plusieurs pixels, avec une épaisseur augmentée à la demande. Des rendus variables sont obtenus selon le mode choisi. ➤➤ Le RVMP moyen (average) permet de réduire le bruit de l’image par un petit épaississement de la coupe. Il peut également générer des équivalents tomographiques (figure 3) et des rendus radiographiques de face et de profil. ➤➤ La technique de minIP (projection d’intensité minimum ou mini-MIP) projette les voxels les plus hypodenses sur un plan 2D. Toute anomalie de l’arbre trachéo-bronchique et toute maladie infiltrative diffuse, hormis les micronodules, peuvent bénéficier de la technique. ➤➤ La technique de MIP (projection d’intensité maximum ou maxi-MIP) projette les densités les plus élevées sur un plan 2D. En fenêtre parenchymateuse pulmonaire, cette technique facilite la détection, l’évaluation de la profusion et la caractérisation des micronodules selon leur distribution (figure 4). The last generations of MDCT technology have revolutionized chest imaging. The current quality of temporal, spatial and contrast resolution benefit all types of pathologies. A correct choice of parameters ensures isotropic voxels with multiplanar and 3D reconstructions of excellent quality. Computerassisted diagnosis systems may complete analysis. Mainly dedicated to the management of pulmonary nodules, these softwares are developed in the area of pulmonary emphysema, pulmonary embolism and diffuse lung disease. In all cases, the risk-benefit ratio must be evaluated, taking into account the radiation dose received by the patient. Keywords Multislice CT 2D and 3D reconstructions Computer-assisted diagnosis (CAD) systems La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2009 | 47 mise au point L’imagerie actuelle du thorax en tomodensitométrie La technique de MIP évalue également la taille et la répartition des vaisseaux pulmonaires. Elle facilite la reconnaissance de l’œdème pulmonaire et la différenciation entre verre dépoli en mosaïque et perfusion en mosaïque. Les thromboses vasculaires bénéficient de la technique en fenêtre médiastinale. Ces reconstructions sont effectuées en routine clinique à la demande selon les anomalies visuaA B Figure 2. Hernie hiatale. Coupe axiale (A) et reconstruction sagittale (B) [flèches]. A B D E lisées en coupes axiales natives. La recherche de nodules pulmonaires, qui doit être effectuée de façon systématique, requiert de fait une analyse en MIP pour tout examen TDM du thorax. ◆◆ Reconstructions tridimensionnelles Les reconstructions 3D les plus couramment utilisées à l’heure actuelle sont en mode rendu volumique. – La technique du rendu volumique ou volumetric rendering technique (VRT) attribue à chaque voxel un niveau de gris ou une couleur et une transparence ou une opacité. Toutes les données volumiques sont intégrées, à l’inverse de la technique de minIP ou de MIP où seule une petite fraction des données numériques est utilisée. Il peut donner une image volumétrique proche de la vision macroscopique. L’extraction 3D de l’arbre trachéo-bronchique (figure 4) peut compléter les autres techniques pour l’évaluation de sténoses ou de distorsion des voies aériennes. – L’endoscopie virtuelle offre un rendu interne en perspective des parois et de la lumière trachéobronchique similaire à l’endoscopie réelle, avec une navigation interactive permettant une vue antégrade et rétrograde, avec possible franchissement virtuel des sténoses. Elle permet une exploration en temps réel jusqu’au-delà des bronches sous-segmentaires, et elle est dotée d’une excellente corrélation avec C Figure 3. Bronche trachéale droite. Coupes axiales (A, B), reconstruction coronale/simple (C), en mode moyenne (D) et 3D (E) [flèches]. 48 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2009 mise au point A B Figure 4. Impactions mucoïdes (flèches bleues) chez un sujet porteur de dilatations des bronches (A). Aspect en arbre bourgeonnant authentifié en MIP (B) [flèches orangées]. les données de l’endoscopie en ce qui concerne la localisation, la sévérité et la forme des sténoses des voies aériennes. Elle est néanmoins incapable d’identifier les causes des obstructions ou des lésions endoluminales bronchiques, les sténoses modérées, les infiltrations sous-muqueuses et les extensions tumorales superficielles. Ces reconstructions sont moins fréquemment effectuées en routine clinique car elles ont des indications spécifiques. Elles requièrent plus d’expérience technique et de “temps médecin”. Autres traitements d’images Des logiciels dédiés à l’aide au diagnostic ajoutent des potentiels spécifiques aux post-traitements précédents. Les systèmes d’aide au diagnostic (Computer assisted diagnosis ou CAD) sont à l’heure actuelle essentiellement dédiés à la gestion des nodules pulmonaires. La détection des nodules fait partie intégrante de l’analyse de tout scanner thoracique. Le nombre des données numériques est malheureusement source de difficultés dans l’interprétation et s’oppose aux contraintes de productivité. Ces difficultés sont majorées par la résolution spatiale actuelle, qui génère une visualisation accrue des petits nodules pulmonaires et en contrepartie un aspect pseudonodulaire des vaisseaux. ➤➤ Une amélioration de la performance des radiologues dans la détection des nodules solides a été nettement démontrée grâce à la combinaison observateur et CAD, toujours supérieure aux résultats des doubles lectures des observateurs (8-10). Une détection rétrospective de lésions significatives méconnues en première lecture a été rapportée (11). Cela illustre les particularités de la lecture humaine, complexe et multiparamétrique. La détection automatique de lésions non solides (12) en verre dépoli ou mixte, dont la prévalence augmente et de caractère plus péjoratif que les nodules solides (13), est actuellement proposée par certains constructeurs. ➤➤ Les générations actuelles de CAD permettent de détecter les nodules (figure 5), de mesurer leur volumétrie et d’effectuer leur suivi temporel. Les indications de l’évolution temporelle sont le suivi de(s) nodule(s) pulmonaire(s) indéterminé(s), dans un contexte néoplasique ou non, et le suivi des métastases après éventuelle chimiothérapie. ➤➤ La qualité de l’extraction du nodule doit toujours être vérifiée afin de ne pas générer des erreurs dans les calculs de temps de doublement. Les paramètres qui peuvent influencer l’analyse volumétrique des nodules et entraîner des erreurs potentielles dans l’évaluation de la croissance, incluant l’épaisseur des coupes, la dose, le degré d’inspiration, le filtre utilisé, doivent également être pris en considération. Accessibles sur console de post-traitement, ordinateur ou station PACS, les systèmes CAD peuvent La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2009 | 49 mise au point L’imagerie actuelle du thorax en tomodensitométrie A B Figure 5 (A, B). Détection d’un nodule du lobe inférieur droit et évaluation volumétrique par un système CAD. A B Figure 6. Quantification 3D d’un emphysème pulmonaire par technique d’histogramme de densité avec calcul par seuillage. Coupe native au niveau lobaire supérieur (A) et avec colorisation des pixels sélectionnés (B). améliorer la communication avec les cliniciens, notamment avec les cancérologues. Des techniques de caractérisation s’avèrent prometteuses, en particulier par analyse fractale et réseaux neuronaux, et comportent une évaluation de la probabilité de malignité (14). L’élimination des faux positifs (15) par des apprentissages successifs paraît également pertinente. 50 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2009 Malgré le caractère séduisant de ces systèmes, les critères RECIST restent la méthode de référence en cancérologie thoracique. Les systèmes CAD, qui intègrent les mesures automatiques du RECIST, ne se substituent pas à l’heure actuelle aux mensurations classiques, à cause des inconvénients notables que sont leur indisponibilité et leur coût prohibitif. mise au point Le scanner est la méthode d’imagerie de choix pour le diagnostic d’emphysème, l’évaluation de son extension in vivo, et pour la reconnaissance du phénotype prédominant chez les sujets BPCO, à savoir emphysème et/ou remodelage des voies aériennes. ➤➤ Il existe de très bonnes corrélations entre les quantifications par imagerie, les tests fonctionnels respiratoires et les scores histopathologiques (16-18). ➤➤ Les méthodes densitométriques, effectuées en 2D ou 3D, incluent les techniques d’histogrammes de densité avec calcul par seuillage (figure 6) ou les calculs de surface relative du poumon ayant des valeurs d’atténuation inférieures à une valeur de percentile prédéfini. Un rendu coloré simultané de la distribution de l’emphysème est obtenu dans les différents plans de l’espace. Il existe de bonnes corrélations entre les quantifications à partir de l’analyse 3D comparativement aux analyses 2D et au scoring visuel. – En complément des mesures de densité dans un but de quantification d’emphysème, des données préliminaires concernent le caractère prometteur des analyses de texture quantitative (19). Des logiciels dédiés à la quantification de l’épaisseur pariétale bronchique (20-24) ont été développés mais ne sont pas disponibles en routine clinique. Ils permettent en théorie d’évaluer le remodelage des voies aériennes, de réévaluer la thérapeutique et pourraient (ainsi), participer au bon choix thérapeutique pour les BPCO. Les systèmes de détection automatique de l’embolie pulmonaire et d’analyse texturale des maladies pulmonaires diffuses restent en cours de développement. Conclusion Les progrès technologiques observés en TDM multicoupes ont transformé notre approche diagnostique de toutes les pathologies thoraciques. Le futur sera marqué par une approche morpho-fonctionnelle, avec des ouvertures dans l’évaluation de la perfusion, qui bénéficiera autant aux pathologies parenchymateuses pulmonaires, aux affections vasculaires, au bilan des cancers broncho-pulmonaires qu’à l’évaluation de l’efficacité d’une chimiothérapie. La combinaison de l’ensemble de ces données à celles du TEP optimisera encore la gestion et le suivi postthérapeutique des patients. ■ Références bibliographiques 1.Flohr TG, Schaller S, Stierstorfer K et al. Multi-detector row CT systems and image-reconstruction techniques. Radiology 2005;235:756-73. 2.Beigelman-Aubry C, Hill C, Guibal A et al. Multi-detector row CT and postprocessing techniques in the assessment of diffuse lung disease. Radiographics 2005;25:1639-52. 3.Cordoliani YS. Dose délivrée au patient en scanographie. 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