L`imagerie actuelle du thorax en tomodensitométrie – Current CT

46 | La Lettre du Pneumologue Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2009
MISE AU POINT
L’imagerie actuelle du
thorax en tomodensitométrie
Current CT imaging of the chest
C. Beigelman-Aubry*, S. Baleato**, G. Fernandez Perea***, C. Hill****
* Service de radiologie polyvalente
diagnostique et interventionnelle,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
** Service d’imagerie médicale,
Complejo Hospitalario Universitario
de Santiago de Compostela, Espa-
gne.
*** Service d’imagerie médicale,
Hospital Universitario de La Prin-
cesa, Madrid, Espagne.
**** Service de radiologie, Northern
General Hospital, Sheffield, Royau-
me-Uni.
L
es dernières générations de scanners multi-
coupes ou multidétecteurs ont révolutionné
la prise en charge des pathologies thoraciques
en imagerie. Toutes les indications bénéficient
des qualités actuelles des résolutions temporelle,
spatiale et en contraste. Un choix adéquat des para-
mètres assure des reconstructions multipla naires et
tridimensionnelles d’excellente qualité. Des logiciels
d’aide au diagnostic peuvent compléter l’analyse.
Essentiellement dédiés au problème des nodules
pulmonaires, ces logiciels sont développés dans le
domaine de l’emphysème, de l’embolie pulmonaire
et des maladies diffuses du poumon.
Principe-Paramètres techniques
(1,2)
Les technologies multicoupes, introduites à partir
de 1998, permettent une acquisition simultanée de
plusieurs coupes par unité de temps. Une acquisi-
tion thoracique complète dure environ 5 s, avec une
épaisseur de reconstruction d’environ 1 mm et une
couverture dans l’axe du patient de 20 à 40 mm
par rotation en technologie 64 canaux. L’intérêt est
substantiel chez des sujets sévèrement dyspnéiques,
traumatisés ou en réanimation. Les coupes axiales
doivent être chevauchées afin d’obtenir des recons-
tructions 2D et 3D de qualité. Cinq cents coupes
environ sont obtenues par examen et reconstruites
avec un filtre de reconstruction adapté pour l’étude
du médiastin et celles du parenchyme pulmonaire
et de l’os.
Les voxels, unités de volume élémentaires, sont
isotropes ou quasi isotropes, c’est-à-dire qu’ils ont
des dimensions quasi identiques dans tous les plans
de l’espace. Il nexiste ainsi aucune déformation de
l’image en reconstruction 2D ou 3D, quelle que soit
l’orientation. Le contrôle des doses (3, 4) est un enjeu
de santé publique en raison des risques potentiels
des rayons X. La transposition en droit français de la
directive européenne 97/43 Euratom impose ainsi
une plus grande attention à la pratique scanogra-
phique. Les explorations doivent être optimisées,
toute l’information utile devant être obtenue avec
l’irradiation la plus faible possible. Selon l’article
R1333-66 du Code de la santé publique et l’arrêté
du 22 septembre 2006, il est désormais obligatoire
de mentionner sur le compte-rendu les informa-
tions concernant la dose délivrée au patient. La dose
s’exprime par le PDL (produit dose x longueur) en
milligrays x centimètre (mGy x cm). Le niveau de
référence diagnostique (arrêté du 14 février 2004)
pour le thorax est de 500 mGy x cm. Cette valeur
correspond à une limite en dessous de laquelle se
situent 75 % des installations. Une stratégie économe
doit être utilisée, en particulier au cours du suivi de
pathologies infiltrantes diffuses chez des sujets jeunes
ou de la surveillance des nodules pulmonaires. En
outre, au cours d’une acquisition en expiration dyna-
mique à la recherche d’une trachéo-bronchomalacie
ou d’un piégeage, de très faibles doses peuvent être
suffisantes pour le diagnostic (figure 1). Cela est
possible grâce au grand contraste naturel entre l’air
et les tissus.
Bien que la synchronisation cardiaque puisse réduire,
voire supprimer, les artefacts liés aux battements
cardiaques (5), délétères pour l’analyse de la lingula
et d’une portion du lobe inférieur gauche, cette
méthode est plus irradiante. C’est la raison pour
laquelle cette technique n’est pas utilisée en routine,
les temps de rotation courts avec les dernières
générations de scanner réduisant également ces
artefacts.
L’acquisition TDM peut être couplée à une synchroni-
sation respiratoire (6) dans un objectif de quantifica-
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Figure 1. Bronchomalacie (flèches) avec piégeage (astérisques) chez un sujet BPCO. Coupe axiale mm en fenêtre pulmonaire
à hauteur des bronches segmentaires basales réalisée à 75 mAs en inspiration (A) et à très faible dose en expiration (B).
Résumé
Les dernières générations de scanners multicoupes ou multidétecteurs ont révolutionné la prise en charge
des pathologies thoraciques en imagerie. Toutes les indications bénéficient des qualités actuelles des réso-
lutions temporelle, spatiale et en contraste. Un choix adéquat des paramètres assure l’isotropie des voxels
avec des reconstructions multipla naires et tridimensionnelles d’excellente qualité. Des logiciels d’aide
au diagnostic peuvent compléter l’analyse. Essentiellement dédiés à la gestion des nodules pulmonaires,
ces logiciels sont développés dans le domaine de l’emphysème, de l’embolie pulmonaire et des maladies
diffuses du poumon. Dans tous les cas, le rapport bénéfice/risque de l’examen, tenant compte de la dose
reçue par le patient, sera évalué.
Mots-clés
Scanner multicoupes
Reconstructions 2D
et 3D
Systèmes d’aide au
diagnostic
Highlights
The last generations of MDCT
technology have revolution-
ized chest imaging. The current
quality of temporal, spatial and
contrast resolution benefit all
types of pathologies. A correct
choice of parameters ensures
isotropic voxels with multi-
planar and 3D reconstructions
of excellent quality. Computer-
assisted diagnosis systems may
complete analysis. Mainly
dedicated to the management
of pulmonary nodules, these
softwares are developed in
the area of pulmonary emphy-
sema, pulmonary embolism and
diffuse lung disease. In all cases,
the risk-benefit ratio must be
evaluated, taking into account
the radiation dose received by
the patient.
Keywords
Multislice CT
2D and 3D reconstructions
Computer-assisted diagnosis
(CAD) systems
tion fiable et reproductible de volumes pulmonaires
ou des bronches. Cela permet d’envisager des études
longitudinales au cours des BPCO, en particulier, mais
n’est pas effectué en routine. Une synchronisation
dans le cadre du TEP-scanner paraît en revanche
pertinente dans un objectif de suppression des erreurs
de correction d’atténuation liées aux artefacts de
mouvements respiratoires (7).
Lecture et rendu des images
La grande quantité des données numériques impose
une gestion rigoureuse en termes de technique de
lecture et de rendu d’images. Une sélection d’images
de synthèse est reproduite sur films, toutes les
données numériques étant gravées sur CD-ROM en
format DICOM ou JPEG. L’archivage des données sur
système PACS permet de disposer des imageries anté-
rieures et d’effectuer des comparaisons fiables par
l’affichage des images à équivalent anatomique.
Post-traitements
La lecture d’un scanner multicoupes va au-delà de
l’analyse en coupes axiales. Les reconstructions sont
effectuées en temps réel, dans le volume, à la console
de post-traitement.
Reconstructions 2D
Lorientation des reconstructions multiplanaires est
choisie selon le siège des lésions, sans irradiation
complémentaire (figure 2). Au cours des maladies
diffuses du poumon, une évaluation rapide de la
distribution régionale est obtenue avec un nombre
de coupes inférieur à celui des coupes axiales.
La technique du rendu volumique multiplanaire
(RVMP ou slab) correspond à la sommation de
plusieurs pixels, avec une épaisseur augmentée à
la demande. Des rendus variables sont obtenus selon
le mode choisi.
Le RVMP moyen
(average) permet de réduire le
bruit de l’image par un petit épaississement de la
coupe. Il peut également générer des équivalents
tomographiques (figure 3) et des rendus radiogra-
phiques de face et de profil.
La technique de minIP (projection d’intensité
minimum ou mini-MIP) projette les voxels les plus
hypodenses sur un plan 2D. Toute anomalie de l’arbre
trachéo-bronchique et toute maladie infiltrative
diffuse, hormis les micronodules, peuvent bénéficier
de la technique.
La technique de MIP (projection d’intensité
maximum ou maxi-MIP) projette les densités les plus
élevées sur un plan 2D. En fenêtre parenchymateuse
pulmonaire, cette technique facilite la détection,
l’évaluation de la profusion et la caractérisation
des micronodules selon leur distribution (figure 4).
A B
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Figure 2. Hernie hiatale. Coupe axiale
(A) et reconstruction sagittale (B)
[flèches].
Figure 3. Bronche trachéale droite. Coupes axiales
(A, B), reconstruction coronale/simple (C), en
mode moyenne (D) et 3D (E) [flèches].
L’imagerie actuelle du thorax
en tomodensitométrie
MISE AU POINT
La technique de MIP évalue également la taille et la
répartition des vaisseaux pulmonaires. Elle facilite la
reconnaissance de l’œdème pulmonaire et la différen-
ciation entre verre dépoli en mosaïque et perfusion
en mosaïque. Les thromboses vasculaires bénéficient
de la technique en fenêtre médiastinale.
Ces reconstructions sont effectuées en routine
clinique à la demande selon les anomalies visua-
lisées en coupes axiales natives. La recherche de
nodules pulmonaires, qui doit être effectuée de façon
systématique, requiert de fait une analyse en MIP
pour tout examen TDM du thorax.
Reconstructions tridimensionnelles
Les reconstructions 3D les plus couramment utilisées
à l’heure actuelle sont en mode rendu volumique.
La technique du rendu volumique ou volumetric
rendering technique (VRT) attribue à chaque voxel
un niveau de gris ou une couleur et une transparence
ou une opacité. Toutes les données volumiques sont
intégrées, à l’inverse de la technique de minIP ou de
MIP où seule une petite fraction des données numé-
riques est utilisée. Il peut donner une image volumé-
trique proche de la vision macroscopique. Lextraction
3D de l’arbre trachéo-bronchique (figure 4) peut
compléter les autres techniques pour l’évaluation de
sténoses ou de distorsion des voies aériennes.
Lendoscopie virtuelle offre un rendu interne en
perspective des parois et de la lumière trachéobron-
chique similaire à l’endoscopie réelle, avec une navi-
gation interactive permettant une vue antégrade
et rétrograde, avec possible franchissement virtuel
des sténoses. Elle permet une exploration en temps
réel jusqu’au-delà des bronches sous-segmentaires,
et elle est dotée d’une excellente corrélation avec
AB
A
DE
BC
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Figure 4. Impactions mucoïdes (flèches bleues) chez un sujet porteur de dilatations des bronches (A). Aspect en
arbre bourgeonnant authentifié en MIP (B) [flèches orangées].
MISE AU POINT
les données de l’endoscopie en ce qui concerne la
localisation, la sévérité et la forme des sténoses
des voies aériennes. Elle est néanmoins incapable
d’identifier les causes des obstructions ou des lésions
endoluminales bronchiques, les sténoses modérées,
les infiltrations sous-muqueuses et les extensions
tumorales superficielles.
Ces reconstructions sont moins fréquemment effec-
tuées en routine clinique car elles ont des indications
spécifiques. Elles requièrent plus d’expérience tech-
nique et de “temps médecin”.
Autres traitements
d’images
Des logiciels dédiés à l’aide au diagnostic ajoutent
des potentiels spécifiques aux post-traitements
précédents.
Les systèmes d’aide au diagnostic (Computer assisted
diagnosis ou CAD) sont à l’heure actuelle essentielle-
ment dédiés à la gestion des nodules pulmonaires.
La détection des nodules fait partie intégrante de
l’analyse de tout scanner thoracique. Le nombre des
données numériques est malheureusement source
de difficultés dans l’interprétation et s’oppose aux
contraintes de productivité. Ces difficultés sont
majorées par la résolution spatiale actuelle, qui
génère une visualisation accrue des petits nodules
pulmonaires et en contrepartie un aspect pseudo-
nodulaire des vaisseaux.
Une amélioration de la performance des radio-
logues dans la détection des nodules solides a été
nettement démontrée grâce à la combinaison
observateur et CAD, toujours supérieure aux
résultats des doubles lectures des observateurs
(8-10). Une détection rétrospective de lésions
significatives méconnues en première lecture a été
rapportée (11). Cela illustre les particularités de la
lecture humaine, complexe et multiparamétrique.
La détection automatique de lésions non solides
(12) en verre dépoli ou mixte, dont la prévalence
augmente et de caractère plus péjoratif que les
nodules solides (13), est actuellement proposée
par certains constructeurs.
Les générations actuelles de CAD permettent
de détecter les nodules (figure 5), de mesurer leur
volumétrie et d’effectuer leur suivi temporel. Les
indications de l’évolution temporelle sont le suivi
de(s) nodule(s) pulmonaire(s) indéterminé(s), dans
un contexte néoplasique ou non, et le suivi des
métastases après éventuelle chimiothérapie.
La qualité de l’extraction du nodule doit toujours
être vérifiée afin de ne pas générer des erreurs dans
les calculs de temps de doublement. Les paramètres
qui peuvent influencer l’analyse volumétrique des
nodules et entraîner des erreurs potentielles dans
l’évaluation de la croissance, incluant l’épaisseur des
coupes, la dose, le degré d’inspiration, le filtre utilisé,
doivent également être pris en considération.
Accessibles sur console de post-traitement, ordi-
nateur ou station PACS, les systèmes CAD peuvent
A B
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Figure 6. Quantification 3D d’un emphysème pulmonaire par technique d’histogramme de densité avec calcul
par seuillage. Coupe native au niveau lobaire supérieur (A) et avec colorisation des pixels sélectionnés (B).
A B
Figure 5 (A, B). Détection d’un nodule du lobe infé-
rieur droit et évaluation volumétrique par un système
CAD.
L’imagerie actuelle du thorax
en tomodensitométrie
MISE AU POINT
améliorer la communication avec les cliniciens,
notamment avec les cancérologues. Des techniques
de caractérisation s’avèrent prometteuses, en parti-
culier par analyse fractale et réseaux neuronaux,
et comportent une évaluation de la probabilité de
malignité (14). Lélimination des faux positifs (15)
par des apprentissages successifs paraît également
pertinente.
Malgré le caractère séduisant de ces systèmes,
les critères RECIST restent la méthode de réfé-
rence en cancérologie thoracique. Les systèmes
CAD, qui intègrent les mesures automatiques du
RECIST, ne se substituent pas à l’heure actuelle aux
mensurations classiques, à cause des inconvénients
notables que sont leur indisponibilité et leur coût
prohibitif.
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