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Actualité du nodule pulmonaire
News from the pulmonary nodule
" P. Grenier*
a découverte d’un nodule pulmonaire sur un examen
radiographique ou, plus souvent maintenant, sur un
examen tomodensitométrique, chez un sujet asymptomatique est une éventualité de plus en plus fréquente. La stratégie d’exploration et de prise en charge reste un problème difficile. En effet, la découverte d’un nodule pulmonaire nous fait
craindre un petit cancer dont il ne faut pas retarder l’exérèse en
voulant éviter des procédures diagnostiques invasives pour une
lésion bénigne. Classiquement, le nombre de nodules pulmonaires
solitaires découverts au cours d’une année aux États-Unis a été
estimé à 150 000, soit un nodule toutes les 500 radiographies.
Ces données anciennes sous-estiment très vraisemblablement la
fréquence de ces nodules, surtout depuis l’avènement de la scanographie hélicoïdale, et encore plus aujourd’hui, avec l’apparition de la nouvelle génération de scanners multicoupes. On sait,
par des études utilisant le scanner à faibles doses pour détecter
le cancer bronchopulmonaire chez des patients asymptomatiques
fumeurs et âgés de plus de 50 ans, qu’environ 25 à 52 % des sujets
peuvent présenter au moins un nodule pulmonaire sur l’examen
de dépistage.
Il est temps de proposer des stratégies d’exploration de prise en
charge adaptées à l’identification rapide des sujets porteurs d’une
tumeur maligne opérable et les faisant bénéficier d’un traitement
chirurgical potentiellement curable, tout en évitant, à tous ceux
qui sont porteurs d’une lésion bénigne, une résection chirurgicale inutile et grevée d’une morbidité non négligeable. Les stratégies reposent sur une analyse minutieuse de la morphologie et
de la densité du nodule au scanner. Les nodules présentant des
critères de bénignité sont abandonnés à leur propre sort ou surveillés par des examens radiographiques jusqu’à une stabilité à
2 ans. Les nodules qui présentent un seul des signes de haute suspicion de malignité doivent être biopsiés ou réséqués chirurgicalement. Les nodules dits “indéterminés” après l’examen scanographique font l’objet de stratégies de prise en charge qui
varient avec la probabilité clinique de malignité et la taille du
nodule. Une approche invasive ou un examen par tomographie
par émission de positons est recommandé dans les nodules de
plus de 10 mm. Les nodules inférieurs à 10 mm ou moins sont
plutôt surveillés par des examens scanographiques itératifs
(12 et 24 mois pour les nodules inférieurs à 5 mm et 3, 6, 12 et
24 mois pour les nodules entre 5 et 10 mm). Seuls les nodules
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* Service de radiologie polyvalente diagnostique et interventionnelle, groupe
hospitalier Pitié-Salpêtrière.
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présentant une augmentation de diamètre ou de volume feront
l’objet d’une procédure invasive.
Les améliorations technologiques du scanner spiralé multicoupes
faiblement irradiant ont redonné un intérêt au dépistage des cancers bronchiques chez les populations à risque. Les études préliminaires développées au Japon, aux États-Unis et en Europe semblent indiquer que les deux tiers des cancers bronchiques dépistés
par le scanner seront connus à un stade précoce. D’autres données font état d’une possible amélioration de la survie de ces cancers dépistés. Cependant, il reste à démontrer que le dépistage
améliore la mortalité spécifique par cancer bronchique.
Les essais non randomisés souffrent malheureusement de nombreux biais. Seuls les essais contrôlés randomisés éliminent ces
biais, mais ils ont l’inconvénient d’être très longs, difficiles à
mettre en place et fort coûteux.
Aux États-Unis, un groupe coopératif organisé par l’American
College of Radiological Imaging Network (ACRIN), sponsorisé
par le National Cancer Institute (NCI) a dessiné un essai contrôlé
randomisé multicentrique impliquant 50 000 participants sur
5 ans ; il devrait être porteur d’une puissance de détection d’environ 20 % de réduction de la mortalité par cancer bronchopulmonaire. Ce projet comporte deux bras : le bras du groupe des gens
dépistés, qui auront un scanner faible dose annuel, et le groupe
contrôle, qui sera examiné par une radiographie du thorax
annuelle. Ce projet a commencé fin 2002.
Une étude de faisabilité de 1 000 patients a été financée en France
par le PHRC. Elle a débuté en septembre 2002. Une étude complète incluant 20 000 sujets pourrait être menée si le financement
par les tutelles était confirmé.
Pour convaincre les pouvoirs publics que le scanner faible dose peut
être une technique utile au dépistage du cancer bronchopulmonaire,
il faudra apporter la preuve qu’il induit une diminution de la mortalité spécifique par cancer bronchique et que la mise en place d’un
tel dépistage peut avoir un coût acceptable pour la société.
L’utilisation de la TDM dans les stratégies de dépistage du cancer pulmonaire conduira inévitablement au diagnostic et au suivi
des nodules pulmonaires autrefois ignorés et dont la prise en
charge médicale est encore mal codifiée. Seule une minorité de
ces nodules correspond à une tumeur cancéreuse. Il sera donc de
notre responsabilité de définir des stratégies diagnostiques appropriées, en minimisant la potentialité et la iatrogénicité liées à ces
diagnostics et en maîtrisant une inflation coûteuse en examens
!
paracliniques.
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no 1 - janv.-févr. 2003
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