Hormones salivaires

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Mise
au
point
Hormones salivaires :
application au dosage des stéroïdes
Salivary hormones and steroids analysis
Bruno Cauliez*
P o i nt s f o rt s
»»Le passage des stéroïdes dans la salive se fait par diffusion passive
à travers la membrane cellulaire. Seule la forme libre non liée aux
protéines de transport y est retrouvée.
»»La corrélation entre concentrations salivaire et sanguine (libre) est
excellente.
»»Les valeurs de cortisol salivaire ne sont pas affectées par
l’augmentation de la Cortisol Binding Globulin observée chez les
femmes sous contraception orale.
»»Le dosage du cortisol salivaire à minuit fait partie des examens de
première intention à effectuer en cas de suspicion de syndrome
de Cushing.
Mots-clés : Salive – Cortisol – Stéroïdes – Syndrome de Cushing.
Keywords: Saliva – Cortisol – Steroids – Cushing’s syndrome.
L
* Laboratoire de biochimie
médicale, hôpital CharlesNicolle, CHU de Rouen.
162
a salive est un liquide biologique particulièrement facile à recueillir, et l’idée d’effectuer des
dosages d’hormones sur ce fluide date de plusieurs décennies. Pendant de nombreuses années,
diverses contraintes analytiques n’ont pas permis de
développer des techniques de dosage suffisamment
fiables. Avec l’amélioration des techniques de dosage
et le développement de la prise en charge ambulatoire,
le dosage salivaire prend actuellement tout son intérêt
(1-3). En effet, de nombreuses hormones (amines, stéroïdes, peptides ou protéines) sont présentes dans la
salive. Le but de cette approche est d’obtenir un reflet
fidèle de la concentration sanguine de ces hormones
à partir d’un prélèvement recueilli de façon totalement non invasive. Avant d’envisager la pertinence
d’un dosage hormonal salivaire, certaines questions
doivent être posées. Comment l’hormone passe-t-elle
dans la salive ? Cette hormone est-elle produite également localement au niveau de la glande salivaire ? Cette
hormone subit-elle un métabolisme salivaire ? Enfin, le
passage de l’hormone dans la salive est-il indépendant
du flux salivaire ? En d’autres termes, la concentration de
l’hormone dans la salive est-elle étroitement corrélée
à sa concentration sanguine et ce, quelles que soient
les conditions physiologiques ou pathologiques ? Pour
répondre à ces questions, un bref rappel de la physiologie des glandes salivaires est proposé. Dans un
second temps, les différentes hormones stéroïdiennes
potentiellement dosables dans la salive seront envisagées en insistant tout particulièrement sur le cortisol.
Physiologie des glandes salivaires
La salive
La production salivaire journalière est de 500 à 1 500 ml
(flux salivaire d’environ 0,5 ml/mn). Le débit salivaire
est cependant éminemment variable (0 à 6 ml/mn) en
fonction des situations : il est stimulé par la perception
d’odeurs, la douleur, au cours de la grossesse, alors que
le stress, la carence estrogénique le diminuent. Enfin,
il est proche de 0 au cours du sommeil. La constitution du fluide salivaire se fait via un transfert passif de
substances et d’électrolytes au niveau des acini glandulaires puis une réabsorption active de Na+ et de Cl–,
ce qui aboutit à une salive hypotonique au plasma. La
présence de récepteurs des minéralocorticoïdes au
niveau des canaux explique également la plus grande
concentration de K+ dans la salive que dans le plasma.
À côté de ces électrolytes, différentes molécules synthétisées par la glande salivaire assurent la protection
des muqueuses buccales et gingivales. La salive permet
également d’initier la digestion du bol alimentaire par
humidification et par la présence d’amylase. La salive
est également un milieu dans lequel passent de façon
passive et/ou active des molécules présentes dans le
sang. Cela est vrai aussi bien pour des molécules exogènes (comme certains médicaments ou toxiques) que
pour des molécules endogènes, comme les hormones.
Les hormones dans la salive
Le passage des hormones du sang vers la salive peut
se faire par trois mécanismes différents en fonction du
caractère lipophile ou hydrophile de la molécule, et de
son poids moléculaire. Le premier mécanisme est le trans-
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Hormones salivaires : application au dosage des stéroïdes
fert passif à travers la membrane selon un gradient de
concentration (figure 1A). Ce mécanisme qui concerne
les petites molécules lipophiles est emprunté par les
stéroïdes. En l’absence de dégradation ou de métabolisme in situ, la concentration salivaire de l’hormone est
très proche de la concentration de sa forme libre dans la
circulation. Le deuxième mécanisme concerne les petites
molécules plus polaires, comme les stéroïdes conjugués
(sulfate de DHEA, estriol conjugué) qui passent dans la
salive entre les cellules via les jonctions serrées (figure 1B).
Leur concentration salivaire, qui est généralement très
inférieure à leur concentration sanguine, varie en fonction
du flux salivaire (4). Enfin, pour les hormones peptidiques
ou protéiques, un troisième mécanisme est mis en jeu :
il s’agit d’un transport actif décrit notamment pour l’insuline (figure 1C). La présence d’hormones peptidiques
ou protéiques (qui ne sont pas synthétisées localement)
dans la salive est également liée à la présence d’exsudat gingival. Dans un tel cas, la concentration dans la
salive est très faible, moins de 1/1 000 ou 1/10 000 de la
concentration sanguine. Il faut noter que pour les hormones qui disposent d’une protéine de transport, seule
la forme libre peut passer dans la salive, les mécanismes
de transfert ne permettant pas le passage de l’hormone
liée à sa protéine de transport. La concentration salivaire
reflète ainsi la concentration sanguine de l’hormone libre
et donc la forme biologiquement active.
Certaines hormones sont également partiellement
métabolisées lors de leur passage dans la glande
salivaire (figure 1D). Un exemple est la conversion du
cortisol en cortisone par la 11β hydroxystéroïde deshydrogénase de type 2 (11βHSD 2) exprimée de façon
importante dans la glande salivaire, ce qui explique, au
moins partiellement, que la concentration du cortisol
salivaire soit inférieure à sa concentration libre sanguine.
Enfin, des hormones sont également synthétisées par
la glande salivaire elle-même (figure 1E), ce qui a été
récemment décrit pour la ghréline (5). La diversité des
mécanismes de transfert et la possibilité d’une synthèse
au niveau salivaire expliquent que la corrélation entre
les concentrations salivaire et sanguine soit très variable
d’une hormone à l’autre. Les meilleures corrélations sont
observées pour les molécules qui diffusent de façon
passive à travers la membrane cellulaire.
Dosages des stéroïdes salivaires
et indications cliniques
Indications cliniques
Comme le montre le tableau I, la corrélation entre
concentration sanguine (totale ou libre) des stéroïdes
Contamination possible
par une brèche gingivale ou buccale
Épithélium
glandulaire
A
D
B
Sang
C
Salive
Exsudat gingival
E
Figure 1. Provenance des hormones salivaires (d’après [1]).
A. Transport passif à travers la membrane cellulaire ; B. Transport passif à travers les jonctions
serrées ; C. Transport actif ; D. Métabolisme enzymatique in situ ; E. Synthèse in situ
Tableau I. Principaux stéroïdes retrouvés dans la salive et concentrations salivaires attendues chez
l’adulte. D’après (6).
Stéroïdes
Concentration
chez le sujet
sain
Corrélation
avec la concentration
sanguine totale (r)
Pourcentage
approximatif de
la concentration
sanguine totale
Aldostérone
< 150 pmol/l
0,75 à 0,96
30
Δ 4 Androstènedione*
60-630 pmol/l
0,92 à 0,97
5
Cortisol**
6-30 nmol/l
0,85 à 0,97
5
Cortisone**
20-80 nmol/l
non déterminé
100
Déhydroépiandrostérone*
0,3 à 1,7 nmol/l
0,86
5
17-α-hydroxyprogestérone*
50-360 pmol/l
0,93 à 0,97
3à4
Estradiol (milieu de cycle)
10-30 pmol/l
0,71 à 0,82
1à2
Progestérone
(phase lutéale)
200-1 600 pmol/l
0,75 à 0,99
2
Testostérone (homme)
250-600 pmol/l
0,7 à 0,87
1à2
* Les concentrations n’ont pas été différenciées en fonction du sexe.
** Concentrations le matin entre 8 et 10 heures.
et concentration salivaire est très bonne, ce qui fait
des stéroïdes d’excellents candidats pour le dosage
salivaire (6). Le rapport des concentrations salivaire et
sanguine est cependant variable d’un stéroïde à l’autre.
Les dosages de la progestérone et de l’estradiol ont été
proposés pour le monitoring du cycle menstruel, alors
que le dosage de la testostérone salivaire pourrait permettre l’exploration et la surveillance d’une pathologie
pubertaire chez le garçon ou d’un hirsutisme chez la
femme. Le suivi thérapeutique de l’hyperplasie des
surrénales pourrait être effectué par le dosage salivaire
de la 17α-hydroxyprogestérone (7, 8). De nombreuses
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autres indications ont également été évoquées, telles
que le dosage de l’estriol non conjugué comme marqueur prédictif d’accouchement prématuré (9). Dans
ces différentes indications, les études restent limitées
et ne permettent pas d’établir des valeurs seuils utilisables en pratique quotidienne. En ce qui concerne
le cortisol salivaire, la situation est différente puisque
de nombreuses études ont mis en évidence l’intérêt
de son dosage en pratique clinique, notamment dans
l’exploration du syndrome de Cushing.
Cortisol salivaire
✓✓ Intérêt dans le diagnostic et le suivi du syndrome
de Cushing : le dosage du cortisol salivaire à minuit est
maintenant clairement admis comme faisant partie
des examens de première intention pour le diagnostic
positif du syndrome de Cushing au même titre que le
dosage du cortisol libre urinaire des 24 heures (CLU) et
le test de freination minute (dosage du cortisol sanguin
et/ou salivaire) [10, 11]. Certains auteurs le considèrent
même comme le premier examen à effectuer avant le
CLU et le test de freination minute étant donné ses
excellentes sensibilité et spécificité, supérieures à 90 %
(12, 13). La valeur seuil de cortisol salivaire proposée
par H. Raff est de 4,3 nmol/l (prélèvement à 23 heures),
valeur donnée à titre indicatif puisqu’elle varie de façon
importante d’une étude à l’autre et en fonction de la
technique utilisée (14). Le dosage de cortisol salivaire
effectué au coucher permet ainsi d’objectiver une sécrétion nocturne inappropriée, témoin d’une abolition au
moins partielle du rythme nycthéméral, signe souvent
inaugural du syndrome de Cushing. Le dosage du cortisol salivaire présente plusieurs avantages par rapport
au dosage sanguin. D’une part, la facilité de recueil salivaire permet un prélèvement au domicile du patient, ce
qui est difficile pour un prélèvement sanguin à minuit,
et ce recueil totalement indolore ne génère pas “l’angoisse de l’aiguille” ressentie par certains patients. Ce
prélèvement permet ainsi de s’affranchir de tout stress
lié à une hospitalisation et au prélèvement sanguin.
D’autre part, le cortisol salivaire représente la fraction
libre du cortisol sanguin, cortisol biologiquement actif
contrairement au cortisol sanguin habituellement dosé
qui est le cortisol total (cortisol lié à la transcortine ou
Cortisol Binding Globulin, CBG [80 à 90 %] + cortisol lié à
l’albumine [5 à 10 %] + cortisol libre [5 à 10 %]). Seules
des techniques très spécialisées, telles que la spectrométrie de masse ou des techniques immunologiques
après dialyse à l’équilibre, permettent un dosage spécifique de la fraction libre circulante. Pour appréhender
la fraction libre du cortisol sanguin, l’alternative est un
calcul (équation de Coolens) reposant sur le dosage du
164
cortisol sanguin total et de la CBG. Ce calcul qui tient
compte de la constante d’affinité de la CBG pour le
cortisol est donc pris en défaut en cas (certes exceptionnel) d’anomalie qualitative de la CBG mais également en présence d’une anomalie quantitative de
l’albumine (cas beaucoup plus fréquent). Toutefois, le
dosage de la CBG n’est pas un dosage courant. Enfin,
la dernière approche est le dosage du cortisol dans un
fluide biologique où seul le cortisol libre est filtré, ce
qui est le cas pour les urines et la salive. Le dosage du
cortisol libre urinaire est tributaire du recueil exact de
la diurèse des 24 heures et peut être pris en défaut si
le syndrome de Cushing ne se manifeste que par une
augmentation modérée de la cortisolémie (le dosage
global sur les 24 heures restant alors dans les limites
de la normale). Une étude effectuée chez 11 patients
présentant un syndrome de Cushing modéré montrait
que le CLU n’était augmenté que chez 4 des 11 patients
et que cette augmentation était très modérée (inférieure
à deux fois la limite supérieure de la normale). Chez ces
mêmes patients, le cortisol salivaire était augmenté
dans environ 60 % des cas mais la répétition des prélèvements (2 à 16 par patient) a permis d’objectiver
une augmentation du cortisol salivaire sur au moins
deux dosages chez tous les patients (15). En revanche,
le cortisol salivaire à minuit n’est pas un bon index diagnostique de l’hypercortisolisme infraclinique satellite des adénomes corticosurrénaliens (16, 17). Enfin,
étant donné la facilité d’obtention des prélèvements
itératifs à domicile, le dosage salivaire du cortisol est
également particulièrement adapté à la recherche d’un
syndrome de Cushing cyclique (dont les cycles peuvent
être espacés de plusieurs mois), ainsi qu’au suivi postthérapeutique du syndrome de Cushing.
✓✓ Intérêt potentiel dans le diagnostic de l’insuffisance
surrénalienne : quelques études ont été menées sur
l’intérêt potentiel du dosage du cortisol salivaire dans
l’exploration d’une insuffisance surrénalienne (18-21).
Bien que ces études soient différentes en termes de
population étudiée, de dose de Synacthène® (tétracosactide) injectée et de technique de dosage utilisée,
certains points sont convergents. En effet, le pic de cortisol salivaire est retrouvé entre la 90e et la 120e minute
après une injection de 250 µg de Synacthène®, pic
retardé d’environ une demi-heure par rapport au cortisol sanguin (20). Ce retard ne serait pas uniquement
lié au temps nécessaire au cortisol pour passer du sang
vers la salive (ce qui prend quelques minutes), mais
également aux modifications de l’équilibre entre cortisol libre et cortisol lié à la CBG. Lorsque la dose de
Synacthène® est plus faible (25 µg i.m. ou 1 µg i.v.),
le pic de cortisol salivaire se situerait entre la 30e et la
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40e minute après l’injection. Les valeurs seuils de cortisol
salivaire pour le diagnostic d’insuffisance surrénalienne
(établies 30 minutes après l’injection de Synacthène®)
proposées dans la littérature sont résumées dans le
tableau II. Cependant, d’après ces études, le cortisol
salivaire n’est pas supérieur au cortisol sanguin, qu’il
s’agisse du dosage à T0 (sensibilité aussi médiocre pour
le dosage salivaire que pour le dosage sanguin) ou après
test au Synacthène®. De plus, un prélèvement sanguin
le matin à l’acmé de la sécrétion physiologique est facilement réalisable (au laboratoire ou par une infirmière
à domicile) et le stress engendré par la prise de sang
n’interfère pas de façon significative sur l’interprétation
des résultats. En revanche, l’intérêt de ce dosage peut
devenir majeur dès que la concentration de cortisol
sanguin ne reflète plus la concentration en cortisol
biologiquement actif par anomalie quantitative des
protéines de transport. Une condition fréquente est
l’augmentation de la CBG par stimulation de sa synthèse
hépatique par les estrogènes (prise d’estroprogestatifs
ou grossesse, par exemple). Une étude récente effectuée chez des jeunes femmes qui étaient leur propre
témoin montrait que la prise d’estroprogestatifs entraînait une augmentation moyenne d’un facteur 2,3 de
la concentration de CBG avec pour conséquence une
élévation d’un facteur 2 de la concentration de cortisol
total. À l’inverse, les concentrations de cortisol libre
sanguin et de cortisol salivaire n’étaient pas significativement affectées par la prise d’estroprogestatifs (22).
Les valeurs seuils de cortisol salivaire pour le diagnostic
d’insuffisance surrénalienne pourraient donc s’appliquer
aux femmes sous contraceptif (tableau II). Au cours
de la grossesse, l’interprétation des données est plus
complexe. En effet, s’associe à l’augmentation de la
concentration en CBG un réel état d’hypercorticisme
(notamment aux 2e et 3e trimestres), ce qui se traduit
par une augmentation du cortisol libre, et donc salivaire,
chez les femmes enceintes (tableau II) [21].
✓✓ Le cortisol comme marqueur de stress : pour les raisons mentionnées plus haut, le prélèvement salivaire
est le prélèvement de choix lorsque le cortisol est utilisé
comme marqueur biologique de stress, ce que l’importance de la littérature sur le sujet (environ la moitié des
études publiées sur le cortisol salivaire) illustre.
Aspects préanalytiques et analytiques
✓✓ Recueil de la salive : des dispositifs de recueil salivaire
très simples sont maintenant disponibles. Il s’agit de
“salivettes” contenant un tampon que l’on mastique
pendant une à deux minutes. Ce tampon est ensuite
replacé dans la salivette qui est prête à être centrifugée
(figure 2). La salive se retrouve après centrifugation au
fond du tube, le tampon est enlevé du dispositif et le
tube peut être stocké à 4 °C ou à – 20 °C si l’analyse est
différée. Afin d’augmenter le volume de salive recueillie,
la salivation peut être stimulée par une substance présente dans le tampon, telle que de l’acide citrique. Il
faut noter que cela ne peut pas s’envisager si la concentration de l’hormone à doser varie en fonction du flux
salivaire, ce qui est le cas pour le sulfate de DHEA, par
exemple. Une attention particulière est portée au dispositif de recueil en lui-même. Il a en effet été noté que
certains plastiques (polyéthylène) pouvaient adsorber
des stéroïdes comme la testostérone et que la matière
du tampon avait une influence sur la concentration
salivaire. Une étude a mis en évidence une forte augmentation de la concentration de testostérone (× 3),
Tableau II. Valeurs seuils de cortisol salivaire proposées pour le diagnostic d’insuffisance surrénalienne.
Étude
Valeurs seuils proposées*
Technique utilisée
Contreras (15)
(Synacthène 25 et 250 µg)
20 nmol/l
(aussi bien 25 que 250 µg)
RIA (Siemens)
Marcus-Perlman (16)
(Synacthène 1 µg)
24-28 nmol/l
RIA (Siemens)
Deutschlein (17)
(Synacthène 250 µg)
18 nmol/l
RIA (Diasorin)
2e T : 29 nmol/l
3e T : 33 nmol/l
(post-partum : 21 nmol/l)
ELISA (Salimetrics)
Femmes enceintes
Suri (19)
(Synacthène 250 µg)
* Les valeurs seuils ont été determinées 30 minutes après l’injection de Synacthène (hormis [19] : concentration au pic).
A
B
C
D
Figure 2. Exemple de dispositif de recueil salivaire.
Le tampon (D) imbibé de salive est remis dans l’élément C (percé d’un orifice), qui est lui-même replacé
dans l’élément B, ce qui permet à la salive de se retrouver au fond de la salivette (A) après centrifugation.
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de progestérone (× 5), d’estradiol (× 4) et de DHEA
(× 14) lorsque la salive était recueillie sur un tampon
en coton (6). En revanche, la concentration salivaire de
cortisol n’était pas affectée par la matière du tampon.
Le recueil salivaire requiert quelques précautions. En
particulier, il est demandé que tout recueil de salive
soit fait à distance des repas (au moins une demi-heure
après la fin du repas) et également à distance du brossage des dents. En effet, il est fondamental qu’il n’y ait
aucune contamination de la salive par du sang venant
de lésions gingivales ou buccales. Les concentrations
sanguines d’un grand nombre d’hormones étant très
largement supérieures à celles retrouvées dans la salive,
une faible contamination sanguine de la salive aura
une répercussion importante sur le résultat du dosage
salivaire. Certains facteurs sont également à prendre en
compte dans l’interprétation des résultats du cortisol
salivaire. En effet, le tabac augmente à court terme
la sécrétion de cortisol, alors que la mastication d’un
chewing gum au contraire la diminue. Enfin, la prise de
réglisse augmente la concentration du cortisol salivaire
en inhibant sa conversion en cortisone (23-24).
✓✓ Conservation de la salive : la conservation des stéroïdes dans la salive est bonne, voire excellente, ce
qui laisse amplement le temps au patient d’adresser
son échantillon salivaire au laboratoire, par la poste
par exemple. En effet, la stabilité des stéroïdes dans
ce fluide biologique est d’au moins une semaine à
température ambiante (25-26). Passé ce délai, il faut
rester prudent même si certaines études ont fait état
d’une stabilité de plusieurs semaines. Il est à noter que
dans ces études, la salive était d’emblée centrifugée,
ce qui permet d’éliminer des débris cellulaires et ainsi
de diminuer la prolifération bactérienne connue pour
dégrader les stéroïdes. Dans le travail de M. Gröschl et
al., la diminution de concentration en cortisol et 17-OH
progestérone devenait significative 9 et 15 jours après
le prélèvement de salive non centrifugée, alors que la
stabilité de ces deux stéroïdes était d’environ 3 semaines
si la salive avait été centrifugée d’emblée (27). À défaut
Tableau III. Dosage des stéroïdes : recommandations pour le prélèvement salivaire.
Effectuer le prélèvement
(1) Au moins une demi-heure après la fin du repas
(2) À distance du brossage des dents
(3) Après rinçage de la cavité buccale si (2) non effectué
(4) Mâcher le tampon 1 à 2 minutes
(5) Ne pas utiliser de tampon en coton (sauf pour le dosage du cortisol)
Vérifier visuellement l’absence de contamination sanguine
Conserver la salivette au maximum une semaine avant envoi au laboratoire
(de préférence à 4 °C)
166
de centrifugation, la contamination de l’échantillon
biologique par des débris cellulaires est réduite au maximum par un rinçage de la cavité buccale 5 à 10 minutes
avant le prélèvement (tableau III).
Aspects analytiques
Différentes techniques peuvent être utilisées pour le
dosage des stéroïdes salivaires : chromatographiques
(chromatographie liquide à haute performance ou
chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse par exemple) ou immunologiques. Les
méthodes chromatographiques sont généralement
plus spécifiques de l’analyte à doser avec une absence
totale de réactions croisées avec d’autres stéroïdes. De
plus, ces techniques sont particulièrement sensibles et
s’adaptent donc bien au dosage d’analytes présents en
très faible quantité. Ces techniques restent cependant
relativement lourdes et sont dédiées à des laboratoires
très spécialisés. Quant aux techniques immunologiques,
elles sont très utilisées pour le dosage des stéroïdes
dans le sang et une adaptation de ces techniques (généralement RIA ou ELISA) à un autre fluide biologique,
tel que la salive, permet un rendu de résultat fiable. Le
dosage immunologique des stéroïdes est une technique par compétition où l’antigène à doser entre en
compétition avec un antigène marqué pour se fixer
sur des anticorps présents en quantité limitée. Deux
points fondamentaux sont à prendre en considération :
d’une part, la sensibilité analytique de la technique (plus
petite valeur détectable) et, d’autre part, l’importance
des réactions croisées avec d’autres stéroïdes. Pour ce
qui concerne la sensibilité analytique, la gamme de
mesure des trousses de dosage salivaire a été adaptée
aux valeurs basses retrouvées dans ce fluide. Lorsque
la technique utilisée pour le dosage sanguin est très
sensible, une simple concentration de l’analyte par une
phase préalable d’extraction-concentration peut être
suffisante. En revanche, les réactions croisées constituent une réelle difficulté. Un très bon exemple est
l’interférence potentielle de la cortisone (qui ne diffère
du cortisol que par la présence d’une fonction cétone
sur le carbone 11) sur le dosage du cortisol salivaire.
En effet, étant donné les concentrations respectives
de cortisol et de cortisone dans la salive (environ 4 fois
plus de cortisone), une réaction croisée, ne serait-ce que
de quelques pourcents, devient significative pour le
dosage salivaire, ce qui n’est pas le cas pour le dosage
sanguin (où la cortisone est en concentration faible
par rapport au cortisol). La spécificité de l’anticorps
est donc un point important à prendre en compte lors
du choix de la technique de dosage et une séparation
chromatographique préalable au dosage peut s’avérer
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Hormones salivaires : application au dosage des stéroïdes
nécessaire si la réaction croisée avec la cortisone n’est
pas négligeable (28). Enfin, se pose la question de la
“transférabilité” des résultats d’une technique à l’autre.
Les techniques immunologiques sont généralement
très bien corrélées entre elles, mais cela ne signifie pas
que les résultats soient comparables. À titre d’exemple,
une comparaison effectuée sur plus de 300 échantillons
entre deux techniques de dosage du cortisol salivaire
(technique RIA Coat A Count [Siemens] et technique
ELISA [DSL]) montre une excellente corrélation (r = 0,97)
mais avec des valeurs en moyenne 1,7 fois supérieure
avec la technique ELISA (29). Cela illustre bien le fait
que les valeurs normales sont spécifiques à chaque
technique de dosage et que l’utilisation d’une valeur
seuil validée dans une publication ne peut être appliquée qu’après vérification de la “transférabilité” des
résultats entre la technique de dosage du laboratoire
et celle utilisée dans la publication.
Conclusion
Étant donné la facilité du recueil de la salive, le dosage
des nombreuses hormones présentes dans ce liquide
biologique paraît particulièrement intéressant, notamment pour la prise en charge ambulatoire des patients.
De plus, pour les hormones circulant sous forme liée
à une protéine de transport, seule l’hormone libre
est retrouvée dans la salive, ce qui permet un dosage
spécifique de l’hormone biologiquement active. Cela
prend tout son intérêt en cas de variations physiologiques ou pathologiques des protéines de transport.
À condition que certaines précautions soient prises
lors du recueil salivaire, le dosage salivaire de l’hormone considérée peut rendre d’excellents services
au clinicien. Ce dosage paraît particulièrement adapté
aux stéroïdes, au premier rang desquels le cortisol. En
effet, de nombreuses publications ont maintenant
validé le dosage du cortisol salivaire comme l’un des
examens de première intention à effectuer devant
toute suspicion de syndrome de Cushing. Cet examen est de réalisation relativement simple pour un
laboratoire pouvant effectuer des dosages ELISA ou
RIA. Cependant, ce dosage n’est malheureusement
toujours pas à la nomenclature des actes de biologie
médicale alors qu’il figure dans le protocole national
de diagnostic et de soins du syndrome de Cushing de
la HAS. ■
R e m e r c i e m e nt s
Tous mes remerciements
au Pr Hervé Lefebvre
pour sa relecture du manuscrit.
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