Jean-Noël Talbot1 Sonia Balogova1,2 Virginie Huchet1 Valérie Nataf1,3 Khaldoun Kerrou1 Jessica Ohnona1 Mathieu Gauthé1 Linda Jorgov1,4 Véronique Gaura-Schmidt1 Thibaut Cassou-Mounat1 Françoise Montravers1 1 AP-HP Tenon, IUC-UPMC Sorbonne Université Service de médecine nucléaire 4, rue de la Chine 75020 Paris France <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> 2 Université Comenius et Institut oncologique Ste Elisabeth Département de médecine nucléaire Vajanského nábrežie Staré Mesto 811 02 Bratislava Slovaquie 3 AP-HP Tenon Radiopharmacie 4, rue de la Chine 75020 Paris France IEC Innovations en cours An innovation in prostate cancer imaging: positron emission tomography RÉSUMÉ L’imagerie utilisant la tomographie par émission de positons (TEP) dans le cadre du cancer de la prostate (CP) n’est pas mentionnée ou est même déconseillée dans la plupart des référentiels actuels des sociétés savantes, sauf ceux du National Comprehensive Cancer Network (NCCN) aux ÉtatsUnis. Cela est contraire à l’évolution des recommandations pour l’imagerie de la plupart des autres cancers. La cause principale est la moindre performance dans le CP du traceur TEP le plus répandu : le [18F] fluorodésoxyglucose (FDG). D’autres traceurs sont donc à considérer comme des innovations, même si deux d’entre eux, le fluorure de sodium (FNa) et la fluorocholine (FCH), ont déjà une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France. Ils sont utiles pour déceler les métastases osseuses et aussi, dans le cas de la FCH, les récidives locales, ganglionnaires et à distance dans les parties molles. La FCH permet aussi le suivi thérapeutique rapproché au stade de CP résistant à la castration. Depuis quelques années, de nouveaux traceurs innovants sont en cours d’évaluation avec des performances diagnostiques qui seraient, selon des études pilotes, supérieures à celles de la FCH. Cet article fait le point sur les résultats de la TEP dans les divers stades du CP, en se limitant aux traceurs innovants dont l’emploi chez l’homme a été rapporté. l Mots clés : prostate ; imagerie TEP/TDM ; fluorodésoxyglucose ; TEP du squelette ; fluorure de sodium ; fluorocholine ; radiopharmaceutique. ABSTRACT Positron emission tomography (PET) imaging of prostate cancer (PC) is either not mentioned or sometimes even discouraged in most formal scientific current guidelines, with the exception of the NCCN guidelines in the United States. This is contrary to recent changes in recommendations regarding imaging for most other cancers. The main cause is the poor performance in PC of the most widespread PET tracer: 18F fluorodeoxyglucose (FDG). Other tracers therefore need to be considered as innovations although two of them, sodium fluoride (FNa) and fluorocholine (FCH), have received market authorisation in France. They are useful for detecting skeletal metastases and, in the case of FCH, local and lymph node recurrences, as well as distant metastases in the soft tissues. FCH also enables close therapeutic monitoring in terms of castration-resistant PC. In recent years, other innovative tracers have been clinically tested and have performed better than FCH, according to pilot studies. This article reports on PET results at various stages of prostate cancer, limited to innovative tracers which are reported to be used in humans. Pour citer cet article : Talbot JN, Balogova S, Huchet V, Nataf V, Kerrou K, Ohnona J, Gauthé M, Jorgov L, GauraSchmidt V, CassouMounat T, Montravers F. Une innovation dans l’imagerie du cancer de la prostate : la tomographie par émission de positons. Innov Ther Oncol 2016 ; 2 : 11-22. doi : 10.1684/ito.2016.0023 Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 11 doi: 10.1684/ito.2016.0023 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Une innovation dans l’imagerie du cancer de la prostate : la tomographie par émission de positons IEC Innovations en cours J.-N. Talbot, et al. 4 Université Semmelweis Département de médecine nucléaire " i út 26 Üllo 1085 Budapest Hongrie l Key words: prostate; PET/CT imaging; fluorodeoxyglucose; bone PET; sodium fluoride; fluorocholine; radiopharmaceutical. Remerciements et autres mentions : Financement : aucun. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article Tirés à part : JN. Talbot D urant ces 15 dernières années, la tomographie par émission de positons (TEP), couplée à la tomodensitométrie (TEP/TDM) ou plus récemment à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), est devenue un examen d’imagerie majeur largement pratiqué en cancérologie. Elle permet de déceler l’extension du cancer, des seconds cancers synchrones ou métachrones, lors de la stadification, de la restadification ou en cas de récidive biologique, et également d’évaluer de façon précoce la réponse ou la résistance des localisations néoplasiques à la thérapeutique. Et pourtant, pour l’imagerie du cancer de la prostate (CP), la TEP en serait à peine au stade d’innovation, à en juger par la plupart des référentiels. L’Association européenne d’urologie (EAU) en 2015 la mentionne, mais négativement pour la stadification et de façon ambiguë, comme sans intérêt pour la recherche de récidive après prostatectomie radicale. Le CP serait-il la seule néoplasie où la scintigraphie du squelette aurait de meilleures performances que la TEP/TDM ? Comme la résolution intrinsèque de la détection par TEP est nettement supérieure à celle de la scintigraphie planaire ou de la tomoscintigraphie, cela signifierait qu’aucun radiopharmaceutique actuellement disponible pour la TEP n’a de performances satisfaisantes pour déceler le CP et que l’innovation dans ce domaine est urgente pour plusieurs raisons : c’est le cancer le plus fréquent chez l’homme, l’imagerie de médecine nucléaire apporte des informations fonctionnelles importantes pour déceler et affirmer la viabilité du tissu néoplasique, les innovations thérapeutiques se succèdent à un rythme soutenu dans le CP et enfin la scintigraphie du squelette ne peut déceler que les métastases du squelette et pas les lésions néoplasiques dans la loge prostatique et/ou les tissus mous. Cet article a pour but de présenter les performances des traceurs TEP actuellement disponibles avec autorisation de mise sur le marché (AMM) en France et les résultats publiés concernant ceux qui sont en évaluation chez l’homme pour l’imagerie du CP. 12 [18F] fluorodésoxyglucose et découverte accidentelle Le [18F] fluorodésoxyglucose ou FDG est un analogue radioactif du glucose. C’est le traceur le plus utilisé pour la TEP/TDM en cancérologie, du fait de son mode d’action non spécifique selon le type de cancer primitif : l’intensité de fixation par les lésions cancéreuses et leur contraste (signal sur bruit de fond) sont liés à l’augmentation du transport intracellulaire du glucose et de l’activité glycolytique du tissu néoplasique pour ses besoins métaboliques. Ce seul traceur métabolique permet donc l’imagerie de la grande majorité des cancers où ces phénomènes sont franchement accrus, ce qui présente un avantage logistique décisif par rapport à l’utilisation de nombreux traceurs spécifiques. Le CP, généralement d’évolution lente, fixe faiblement le FDG, ce qui limite le contraste avec les tissus sains et donc la sensibilité de détection en TEP [1], sauf chez certains patients au stade de résistance à la castration (CPRC). Néanmoins, la TEP/TDM au FDG peut avoir une valeur diagnostique pour le CP quand on découvre, sur cet examen pratiqué pour une autre indication, une hyperfixation diffuse ou focale de la glande. Bucerius et al. [2] ont rapporté en 2007 le cas d’un patient chez qui la TEP/ TDM au FDG, pratiquée pour la surveillance d’un cancer de l’hypopharynx, a fait découvrir un foyer du lobe droit de la prostate qui correspondait à un adénocarcinome, alors que ni la concentration sérique d’antigène spécifique de la prostate (PSA) mesurée antérieurement, ni le toucher rectal ne l’évoquaient. D’autres cas cliniques ont ensuite confirmé cette possibilité de découverte imprévue d’un CP lors d’une TEP/TDM au FDG effectuée pour un autre cancer [3, 4], avec cependant le risque de résultat faux-positif en cas d’inflammation bénigne [5]. Notre équipe a rapporté plusieurs cas et a conclu, à partir d’une analyse de la littérature, que la conduite à tenir dépendait au moins autant du contexte clinique que de l’aspect en imagerie [6]. Elle est différente selon que la TEP au FDG a été demandée pour la stadification ou la restadification Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. d’un cancer agressif où le pronostic global ne dépend pas d’un éventuel CP et où on reste attentiste quant à la caractérisation d’un foyer prostatique, ou bien chez un patient considéré en rémission d’un autre cancer ou adressé pour une pathologie non maligne (infection, inflammation, démence) où on proposera plus souvent la biopsie après le dosage de PSA. Si des facteurs de risque sont réunis, comme une hyperfixation focale du FDG en périphérie de la prostate, sans calcifications, avec une intensité significative mesurée par le SUVmax (maximum standardized uptake value) supérieur à 3, la biopsie devrait être indiquée même si la concentration sérique de PSA est inférieure à 4 ng/mL, surtout si la TEP/TDM ne montre pas un autre cancer étendu ou invasif. On pourrait s’attendre à ce que ce soient les formes les plus agressives du CP qui fixent significativement le FDG mais cela ne semble pas être le cas : le score de Gleason des cancers décelés en TEP au FDG était très variable, de 6 à 9, et il n’y avait pas de corrélation entre le score de Gleason et l’intensité de la fixation du FDG reflétée par le SUVmax. En revanche, l’absence d’hyperfixation diffuse ou focale du FDG par la prostate ne permet pas d’exclure la présence d’un cancer, la sensibilité et la valeur prédictive négative (VPN) du FDG étant très faibles dans l’adénocarcinome prostatique à la phase initiale. Dans le dépistage de la pathologie cancéreuse chez 5 693 hommes rapporté par Ide et al. [7], la TEP/TDM au FDG a décelé un CP chez seulement 2 des 45 patients (4,4 %) où il a finalement été diagnostiqué par dosage du PSA et IRM. [18F] fluorure de sodium et détection des métastases osseuses Le squelette est un organe fréquemment envahi par le CP dans les formes évolutives. La scintigraphie du squelette a été, et reste encore selon certains référentiels, l’examen de référence pour déceler ces métastases. Pour bénéficier de la qualité d’image de la TEP et d’un examen tomographique du corps entier couplé à la TDM en une durée d’acquisition d’images raisonnable, un traceur s’accumulant dans l’os en formation est disponible depuis plusieurs années : le [18F] fluorure de sodium (FNa). Ses performances ont été comparées à celles du FDG et apparaissent supérieures, quelle que soit l’agressivité de la maladie (CPRC, score de Gleason élevé), témoignant encore une fois du rôle plus limité du FDG dans le CP et de la nécessité de nouveaux traceurs. Le FNa a obtenu une AMM en France en 2008. Il faut noter qu’un traitement par bisphosphonates n’interfère pas avec la fixation osseuse de celui-ci, contrairement à ce qui a été rapporté en scintigraphie osseuse. L’évaluation du volume métastatique au niveau de tout le squelette, proposée depuis quelques années par l’indice de la scintigraphie du squelette (Bone Scan Index [BSI]), est possible en TEP/TDM au FNa [8], avec la même approximation qu’en scintigraphie du squelette : le traceur ostéotrope se fixe sur l’os en renouvellement accéléré, en réaction à l’invasion métastatique, et non pas sur la métastase elle-même. Plusieurs études comparatives ont été menées [9]. L’étude de Even-Sapir et al. publiée en 2006 [10] chez 44 patients avec un CP à haut risque de métastases a montré que la sensibilité et la spécificité pour la détection des métastases osseuses n’étaient que de 70 % et 57 % respectivement pour la scintigraphie osseuse planaire et de 92 % et 82 % pour la tomoscintigraphie osseuse, contre 100 % et 100 % pour la TEP/TDM au FNa, différence significative. Ces résultats ont été confirmés récemment par Poulsen et al. [11], chez 46 patients, avec l’IRM comme référence, ce qui est discutable : la sensibilité et la spécificité pour détecter des localisations rachidiennes ont été de 51 % et 82 % pour la scintigraphie du squelette, contre 93 % et 54 % pour la TEP/TDM au FNa, et de 85 % et 91 % pour la TEP/TDM à la [18F] fluorocholine (FCH), un autre traceur dont nous allons détailler les performances ci-après. La meilleure exactitude était obtenue avec la FCH (87 %), puis le FNa (81 %) et enfin la scintigraphie du squelette (61 %). Cette étude confirmait donc également l’intérêt potentiel de la FCH plutôt que du FNa comme traceur de la TEP/TDM à la recherche des métastases osseuses, qui avait été proposé depuis plusieurs années (figure 1). La FCH peut donc être préférée pour la détection précoce des métastases osseuses au stade intramédullaire, avec une spécificité significativement supérieure à celle du FNa pour mettre en évidence les lésions de l’os cortical. Elle peut être prise en défaut pour certaines lésions ostéocondensantes où la masse tumorale est réduite mais qui sont bien visibles, non seulement avec le FNa, mais aussi en TDM. Dans une étude ultérieure, bi-centrique avec l’équipe de l’hôpital Tenon, prospective et avec lecture en insu [12], la performance au niveau du patient était comparable pour le FNa et la FCH. Cependant, dans le groupe de patients adressés pour suspicion de récidive, la spécificité au niveau de la lésion était significativement meilleure avec la FCH qu’avec le FNa (96 % contre 91 %), alors que la sensibilité était identique pour les deux traceurs (89 %). L’impact de l’association de la TEP/TDM au FNa et à la FCH a été évalué chez 90 patients. Pour 56 % des patients, la TEP/TDM avec l’un des traceurs ou les deux a montré des foyers évocateurs de métastases, entraînant chez 18 patients (20 %) le changement d’une thérapie à visée curative vers un traitement palliatif. La TEP/TDM à la FCH de ces 18 patients était positive, tandis que la scintigraphie du squelette et la TEP/TDM au FNa étaient négatives dans quatre cas, ce qui illustre l’avantage de la visualisation directe du tissu métastatique au sein de l’os grâce à la FCH [13]. L’exploitation du registre national des examens par TEP aux États-Unis a permis de mesurer l’impact de la TEP au FNa sur une plus grande échelle de patients atteints de CP [14]. Réalisée lors du suivi de 1 097 patients qui avaient eu une autre TEP au FNa au préalable et de 423 patients qui avaient eu une scintigraphie du squelette au préalable, elle a entraîné un changement Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 13 IEC Innovations en cours Une innovation dans l’imagerie du cancer de la prostate : la tomographie par émission de positons IEC Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Innovations en cours J.-N. Talbot, et al. A 12/2010 B 02/2011 C 02/2011 A : TEP/TDM au FDG négative, B : TEP/TDM au F Na importante extension métastatique dans le squelette, C : TEP/TDM à la FCH importante extension métastatique dans le squelette et quelques ganglions. FCH : fluorocholine ; FDG : fluorodésoxyglucose ; FNa : fluorure de sodium ; TEP/TDM : tomographie par émission de positons couplée à la tomodensitométrie. Figure 1. Trois examens TEP/TDM réalisés sur une période d’un mois et demi chez le même patient au stade de résistance à la castration, sans modification de la thérapeutique entre les examens. Figure 1. Three PET/CT examinations conducted over a period of six weeks in the same patient presenting castration-resistant prostate cancer, without changes to treatment between examinations. d’attitude thérapeutique chez 42 % des patients, le taux le plus élevé de tous les cancers étudiés. Cependant, une limitation bien connue de la visualisation indirecte des métastases osseuses par la réaction de l’os cortical pour évaluer la réponse à un traitement est l’embrasement (flare response) : des lésions jusque-là non visibles deviennent visibles sans que l’on puisse savoir s’il s’agit d’une progression ou d’une réponse des métastases au traitement favorisant la cicatrisation des lésions. Ce phénomène bien connu en scintigraphie du squelette a été également décrit en TEP au FNa [15]. [11C] choline et [18F] fluorocholine et détection des foyers des tissus mous ou du squelette La choline, composant des phospholipides, constituants essentiels de la membrane cellulaire, s’est montrée un excellent biomarqueur pour l’imagerie de la prolifération 14 cellulaire. Une modification du métabolisme de la choline a été rapportée dans de nombreuses néoplasies, dont le CP, reflétant une augmentation de sa disponibilité pour les cellules cancéreuses proliférantes, grâce à une augmentation du transport intracellulaire de la choline et de l’activité de l’enzyme choline kinase [16]. Les premières études en TEP ont été effectuées avec de la choline marquée au 11C. Ce radiopharmaceutique présente l’avantage d’être chimiquement identique à la choline naturelle. De plus, sa période physique est de 20 min seulement, ce qui a l’avantage d’entraîner une très faible radioexposition du patient, plus faible qu’avec le FDG, le FNa ou la scintigraphie du squelette, et permet éventuellement de faire bénéficier le patient d’un autre examen par TEP dans la même journée. En revanche, il est impossible de réaliser des images tardives après injection pour obtenir un meilleur rapport signal sur bruit, et surtout elle nécessite la présence d’un cyclotron sur un site d’imagerie TEP de routine. Même si ces conditions ont pu être réunies dans quelques centres spécialisés, aucune Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. utilisation en routine de la [11C] choline n’a été rapportée en France. Un analogue fluoré de la choline, la [18F] fluorocholine [17] s’est imposé et y a obtenu une AMM en 2010 sur les résultats d’études de phase III prospectives comparatives. La radioexposition du patient est similaire à celle qu’entraîne le FDG ou le FNa. Une étude déjà citée [12] a montré, dans le CP, un avantage en spécificité de la TEP/TDM à la FCH en comparaison de la TEP/TDM du squelette au FNa pour détecter les métastases osseuses, mais la FCH est également capable de mettre en évidence des lésions des tissus mous. Cependant, cinq ans après l’octroi de l’AMM, la FCH n’est toujours pas disponible dans toute la France, du fait de la limitation à l’extension géographique à sa livraison qu’impose la période physique de 110 min du radionucléide 18F. Elle n’est pas citée dans les référentiels (sauf celui du National Comprehensive Cancer Network (NCCN) pour la [11C] choline) et peut donc encore être considérée comme une innovation, même si sa disponibilité dans un centre de médecine nucléaire aboutit rapidement à une substitution des demandes de scintigraphie du squelette ou de TEP/TDM au FNa vers cet examen [18]. Tout comme le FDG, la FCH est un traceur métabolique et n’est pas spécifique du CP. Les premières études ont rapporté sa fixation dans des cas de cancer du sein, de tumeur cérébrale, de cancer broncho-pulmonaire, de carcinome hépatocellulaire ou par un processus inflammatoire. Un foyer de fixation à distance chez un patient atteint de cancer peut donc correspondre à une métastase ou à un second cancer [19], voire à une pathologie bénigne, et a avant tout une valeur d’alarme. Concernant la préparation du patient, un jeûne de quatre heures avec une bonne hydratation est recommandé, ainsi que l’abstention d’effort musculaire avant l’examen, et un traitement par la colchicine doit être arrêté. L’arrêt d’un traitement antiandrogénique n’est pas nécessaire dans la mesure où une récidive durant ce traitement est soupçonnée sur des arguments cliniques ou biologiques ; un meilleur taux de positivité de la TEP/TDM à la FCH a même été rapporté chez les patients traités. La FCH est captée de façon significative par la moelle osseuse ; l’administration d’un facteur de croissance des cellules hématopoïétiques entraîne une fixation diffuse au niveau du squelette qu’il peut être difficile de distinguer d’une invasion métastatique diffuse si ce traitement n’a pas été signalé [20]. FCH et localisation prostatique du cancer Plusieurs études ont évalué la performance de la TEP à la FCH pour localiser le CP dans la loge prostatique, avec des résultats discordants. Il a été conclu initialement que la FCH ne pouvait pas différencier, de manière fiable, CP et hyperplasie bénigne [21]. Des données plus récentes retrouvent, d’une part, que les secteurs de la prostate envahis par le cancer avaient une fixation de la FCH significativement plus élevée que ceux où la glande n’était pas envahie, et, d’autre part, que l’acquisition des images une heure après l’injection était nécessaire pour différencier l’hyperplasie bénigne de la tumeur maligne au sein de la prostate [22]. Elle permettrait même, dans certains cas difficiles, de guider de nouvelles biopsies chez certains patients dont les prélèvements initiaux étaient négatifs de façon répétée [23]. La TEP/IRM à la FCH est une approche nouvelle en cours d’exploration par rapport à l’IRM de la prostate pour la détection du cancer. La TEP/TDM à la FCH a également été utilisée pour déterminer le volume tumoral biologique cible de la radiothérapie prostatique. Pinkawa et al. ont réalisé une TEP/TDM à la FCH pour la planification de la radiothérapie initiale chez 66 patients atteints de CP. Deux ans plus tard, la même équipe a évalué prospectivement la qualité de vie des patients après la radiothérapie selon qu’elle avait été pratiquée avec (n = 46) ou sans (n = 21) boost basé sur la TEP/TDM à la FCH [24]. Il en a été conclu que la planification de la radiothérapie par TEP/TDM à la FCH permet une augmentation de la dose délivrée aux lésions intraprostatiques macroscopiques sans dégrader de manière significative la qualité de vie. Performance diagnostique de la FCH pour la stadification initiale du CP Si la TEP/TEM à la FCH semble un examen performant, la sélection des patients pouvant bénéficier de l’imagerie nucléaire et sa faible accessibilité liée à un nombre de machines TEP encore insuffisant, en limitent l’utilisation. Toutefois, son apport dans la stadification initiale de la maladie a été évalué (figure 2). La valeur prédictive de la TEP/TDM à la FCH pour déceler l’invasion lymphatique lors de la stadification initiale est décevante [25]. Les valeurs de sensibilité sont dispersées (45 à 70 %) mais la spécificité est plutôt bonne, avoisinant dans certaines études 90 % [26-28] permettant parfois la détection d’un ganglion positif dans une aire ganglionnaire inhabituellement envahie, iliaque commune, périvésicale ou périrectale. Même si l’examen est plutôt plus performant que les techniques d’imagerie classiques, les conclusions des études convergent sur le fait que la FCH ne peut pas remplacer le curage ganglionnaire, même si elle peut le guider. En ce qui concerne le bilan d’extension à distance, notre équipe a comparé de façon prospective la performance diagnostique de la TEP/TDM à la FCH avec celle de la TDM avec produit de contraste ou de l’IRM chez 61 patients adressés pour stadification initiale d’un CP confirmé et chez 11 patients avec concentration sérique de PSA élevée mais biopsie négative [29]. La sensibilité était de 87 % pour la TEP/TDM à la FCH contre 36 % pour la TDM avec produit de contraste et 100 % pour la TEP/TDM à la FCH contre 71 % pour l’IRM. Nous avons déjà évoqué, ci-dessus, dans le chapitre consacré au FNa, l’importance de la détection des métastases osseuses. Dans trois études, les résultats ont été identifiés chez les patients adressés pour stadification mais l’étude de Langsteger et al. [12] est la seule qui rapporte de façon prospective les performances Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 15 IEC Innovations en cours Une innovation dans l’imagerie du cancer de la prostate : la tomographie par émission de positons IEC Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Innovations en cours J.-N. Talbot, et al. A B C A : rendu volumique ; B : TEP, TDM et TEP/TDM coupes axiales ; C : TEP, TDM et TEP/TDM coupes frontales. TEP/TDM : tomographie par émission de positons couplée à la tomodensitométrie. Figure 2. TEP/TDM à la fluorocholine (FCH) pour stadification d’un adénocarcinome prostatique, score de Gleason 6 (3+3) avec concentration sérique de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) élevée (35 ng/mL). Fixation intense et diffuse de la FCH dans les deux lobes prostatiques à leur partie centrale, avec un foyer plus intense de la zone marginale postérieure gauche (flèche noire) et une extension aux vésicules séminales (flèche pointillée). Foyers ganglionnaires iliaques bilatéraux (flèches grises). Figure 2. FCH PET/CT for staging of a prostatic adenocarcinoma, Gleason score 6 (3+3), with elevated serum PSA concentration (35 ng/mL). Intense and diffuse focus of FCH in the central part of the two prostatic lobes, with a more intense area in the left posterior marginal region (black arrow) and extension to the seminal vesicles (dotted arrow). Bilateral iliac lymph centres (grey arrows). comparées pour la stadification initiale entre la FCH (88 % pour la sensibilité et 89 % pour la spécificité) et le FNa (respectivement 88 % et 78 %). En pratique, l’indication de la TEP/TDM à la FCH pour stadification est retenue chez les patients avec un score de Gleason supérieur à 7 ou une concentration sérique de PSA supérieure à 10 ng/mL ou de stade supérieur à T2c. Restadification et localisation de la récidive occulte Chez les patients en récidive biologique après traitement initial radical de CP, il a été montré que l’efficacité de la TEP/TDM à la FCH pour localiser le ou les sites de récidive était corrélée à la concentration sérique de PSA. Une valeur seuil de concentration sérique de PSA qui prédirait, avec une probabilité raisonnable, la détection de la récidive par la TEP/TDM à la FCH aurait une utilité pratique majeure, mais ne sera probablement jamais déterminée, car la concentration sérique de PSA reflète la masse tumorale alors que c’est l’intensité du métabolisme qui influe sur la détection par la FCH : on observe une augmentation continue de son taux de détection selon la 16 concentration sérique de PSA sérique, sans point d’inflexion franc. D’autres critères ont été proposés, comme le temps de doublement du PSA sérique ou la vélocité de sa variation [30, 31]. Une série récente de 1 000 patients en récidive a montré une relation entre le score de Gleason initial et la détection ultérieure de la récidive grâce à la FCH [32]. Pour un score de Gleason initial supérieur à 7, le taux de détection global était de 79 %, alors qu’il n’était que de 52 % pour une concentration sérique de PSA inférieure à 1 ng/mL. Étant donné la difficulté de prouver histologiquement chaque lésion suspectée comme métastatique, des critères histologiques ou radiologiques ont été établis afin de définir la nature « métastatique » des lésions. Cette approche correspondant aux recommandations de l’European Medicine Agency (EMA) dans le domaine de l’imagerie est nommée en anglais standard of truth (SOT). Pour la population pour laquelle la méthodologie du SOT a été appliquée, la TEP/TDM à la FCH avait, pour la détection de la récidive au niveau patient, une sensibilité de 98 % et une spécificité de 80 %, la VPN étant de 97 %. Plusieurs autres équipes, dont la nôtre, n’ont pas retrouvé des valeurs aussi élevées de sensibilité et spécificité, mais un point important est qu’en cas de Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 en récidive biologique, que la TEP/TDM à la FCH détecte correctement les lésions malignes chez 74 % des patients et une lésion unique chez 28 % des patients, dont 65 % avaient une récidive locale, 19 % un seul ganglion lymphatique fixant et 16 % une métastase osseuse solitaire. Panebianco et al. [36] ont comparé la TEP/ TDM à la FCH à l’association de l’imagerie par spectroscopie de résonance magnétique et de l’IRM dynamique pour la détection des récidives locales, chez 84 patients à haut risque de récidive après prostatectomie ou radiothérapie. La sensibilité et la spécificité de la TEP n’étaient pas meilleures que les méthodes d’IRM combinées et même moindres pour les récidives de petite taille. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. suspicion de récidive, le plus souvent du fait d’une réascension de la concentration sérique de PSA, la TEP/ TDM à la FCH peut déceler des foyers suspects alors que toutes les autres méthodes d’imagerie ont échoué (récidive occulte). L’impact de la TEP/TDM à la FCH pratiquée en cas de récidive biologique sur la prise en charge du patient a été rapporté. Il dépend souvent de l’étendue de la récidive visualisée (figure 3). Dans l’étude de Marzola et al. portant sur 233 patients [33], la TEP/TDM à la FCH a permis de localiser la récidive suffisamment tôt pour permettre une radiothérapie locorégionale dans 20 % des cas environ. Notre équipe a coordonné l’étude prospective ICHOROPRO visant à évaluer, chez 181 patients en récidive occulte (IRM et scintigraphie osseuse considérées comme non contributives ou douteuses), le taux de changement de pratique lié à l’information fournie par la TEP/TDM à la FCH [34]. Le taux de changement dans la prise en charge était de 55 %, les deux changements les plus fréquents étant radiothérapie au lieu d’hormonothérapie (11 %) et hormonothérapie au lieu d’une surveillance (11 %). L’étude de Beheshti et al. [35] retrouve, chez 250 patients A B L’intérêt de la TEP/TDM à la FCH dans l’évaluation d’une radiothérapie stéréotaxique ciblée sur les foyers ganglionnaires détectés par cette technique a été évalué dans l’étude de Casamassima et al. [37]. Sur 71 patients en récidive biologique, 39 avaient des foyers ganglionnaires positifs. La radiothérapie stéréotaxique a été possible chez 64 % d’entre eux. Après un suivi médian de 29 mois, 52 % des patients étaient en rémission persistante, 32 % présentaient une récidive ganglionnaire à l’extérieur des C A : rendu volumique, B : TEP/TDM et TEP/TDM coupes axiales, C : TEP/TDM et TEP/TDM coupes sagittales. TEP/TDM : tomographie par émission de positons couplée à la tomodensitométrie. Figure 3. TEP/TDM à la fluorocholine (FCH) pour la recherche de récidive d’un adénocarcinome prostatique, Gleason score 6 traité par radiothérapie, puis hormonothérapie terminée il y a deux ans. Augmentation de la concentration sérique de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) à 3,1 ng/mL. Foyers en faveur d’une récidive locale prostatique (flèche blanche) et d’une métastase osseuse unique de L3 (flèche pointillée). Figure 3. FCH PET/CT to identify recurrence of a prostatic adenocarcinoma, Gleason score 6, in a patient treated by radiotherapy plus hormonotherapy which ended two years ago. There was elevated serum PSA concentration to 3.1 ng/mL. Areas suggesting a local prostatic recurrence (white arrow) and a single L3 osseous metastasis (dotted arrow). Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 17 IEC Innovations en cours Une innovation dans l’imagerie du cancer de la prostate : la tomographie par émission de positons IEC Innovations en cours J.-N. Talbot, et al. zones irradiées et 8 % présentaient une extension osseuse. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Restadification et suivi thérapeutique au CPRC La restadification par la TEP/TDM à la FCH a été comparée à l’imagerie conventionnelle (IC) par scintigraphie du squelette et TDM abdominopelvienne avec produit de contraste. La sensibilité et la spécificité de la FCH étaient de 96 % [38]. Plus intéressantes encore sont les données concernant la valeur pronostique de l’intensité de la fixation de la FCH [39]. Celle-ci a été évaluée grâce au SUVmax de la lésion la plus active et par la détermination du volume tumoral métabolique (MTV) et de l’activité totale lésionnelle (TLA), produit de ce MTV par le SUVmoyen. Après un suivi médian de 23 mois, et en utilisant le modèle de Cox, la survie globale était associée de façon significative avec le MTV (p = 0,0068), la TLA (p = 0,0072) et le SUVmax de la lésion la plus active (p = 0,017), alors que la liaison avec la concentration de PSA était tout juste significative (p = 0,046). Les résultats de l’analyse de Kaplan-Meier étaient similaires. Dans le CPRC, où la concentration sérique de PSA n’a plus la même valeur diagnostique et pronostique, la TEP/TDM à la FCH peut guider le suivi thérapeutique et déceler une réponse ou une résistance à un traitement donné, car les options thérapeutiques sont maintenant nombreuses. Cette approche a été utilisée dans l’évaluation de l’enzalutamide chez 31 patients en répétant les examens TEP/TDM à la FCH [40]. Notre équipe a évalué rétrospectivement l’évolution de la concentration sérique de PSA et les résultats de la lecture en insu de la TEP/TDM à la FCH et de l’IRM du rachis (évaluation de l’atteinte osseuse) lors de 30 périodes de traitement chez neuf patients [41]. La concentration de PSA a été considérée comme indiquant une progression si elle augmentait de plus de 25 % durant la période. Nous avons constaté une fréquence significativement plus élevée de positivité pour la TEP/TDM à la FCH par rapport à l’IRM du rachis (p < 0,03). Analogue d’acide aminé : une autre approche métabolique Les acides aminés sont indispensables à l’homéostasie cellulaire. Un analogue de la leucine, le [18F] FACBC, a été testé chez l’homme en imagerie moléculaire et il existe quelques données dans le CP. Dans une étude où 20 secteurs ont été considérés pour chaque patient, la comparaison avec l’histologie aboutit à une sensibilité de 67 % et une spécificité de 66 % pour le FACBC contre 73 % et 79 % pour l’IRM pondérée en T2, avec une augmentation de la valeur prédictive positive (VPP) en combinant les deux modalités [42]. Le SUVmax était plus élevé en cas de cancer que dans la glande saine, mais pas différent des valeurs observées dans l’hyperplasie bénigne. Ce traceur n’est donc pas spécifique de malignité. 18 Fluorodéhydrotestostérone : imagerie du récepteur des androgènes À part le FDG, les traceurs métaboliques fluorés que nous venons d’énumérer sont sensibles pour déceler les foyers de CP, mais ils manquent de spécificité, en particulier visà-vis des lésions inflammatoires. Une autre approche est de mettre en évidence la surexpression, au sein du tissu néoplasique et en particulier au niveau de la membrane cellulaire, structure la plus facile à atteindre, de cibles plus spécifiques du CP : récepteurs ou antigènes. Parmi les récepteurs, il est bien connu que le CP surexprime celui des androgènes. Pour le mettre en évidence, la fluorodéhydrotestostérone (FDHT), analogue fluoré de la testostérone, a été testée chez l’homme depuis plusieurs années. Des études pilotes ont été surtout menées chez des patients au stade métastatique progressif ou de CPRC. Les séries sont trop petites et ne permettent pas, à ce jour, de dégager un intérêt pour ce traceur de façon formelle. Analogues de la bombésine : imagerie du récepteur du peptide libérant la gastrine La bombésine se lie au récepteur du peptide libérant la gastrine (GRPr) qui est surexprimé par divers cancers dont le CP. Un antagoniste de la bombésine radiomarqué au gallium-68 a été testé chez l’homme. Une petite série de 14 patients a établi une sensibilité pour déceler la tumeur primitive de 88 % et une spécificité de 81 % ; le taux de détection pour déceler les métastases ganglionnaires était de 70 % mais, comparée à la FCH, la bombésine n’a pas permis de mettre en évidence les lésions métastatiques d’un CPRC [43]. Une autre étude pilote a comparé deux autres traceurs marqués au gallium-68 : un analogue de la bombésine, le RM2, et un ligand de l’antigène de membrane spécifique de la prostate (PSMA) dont nous allons analyser les premiers résultats dans le prochain paragraphe. Le gallium-68 est un radionucléide qui a l’avantage d’être disponible dans tout service de médecine nucléaire grâce à un générateur, mais le marquage sur place nécessite la présence d’une équipe de radiopharmacie et implique donc une logistique lourde et difficile en routine pour l’imagerie d’un cancer fréquent comme le CP. Une autre équipe a donc testé un analogue de la bombésine marqué au 18F avec des résultats peu enthousiasmants. Ligands de l’antigène membranaire spécifique de la prostate ou PSMA Le PSMA est un antigène transmembranaire exprimé par pratiquement tous les CP ; il a une fonction enzymatique de glutamate carboxypeptidase dont la signification physiopathologique n’est pas connue. Un anticorps Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 marqué à l’indium-111 pour la scintigraphie n’a pas permis d’obtenir les performances diagnostiques espérées et n’a jamais été enregistré en France. Plus récemment, des ligands ou antagonistes de cet enzyme ont été marqués avec des nucléides pour l’imagerie TEP. L’un d’entre eux, marqué au gallium-68, le [68Ga] HBED-CC aussi abrégé en PSMA-11, rencontre actuellement un grand intérêt. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Stadification et restadification Les premiers travaux sur la TEP/TDM au PSMA-11 ont établi que cet examen permettait de détecter la tumeur primitive dans plus de 90 % des cas et que sa sensibilité et sa spécificité pour la détection des métastases ganglionnaires identifiées ensuite par curage étaient respectivement, au niveau du patient, de 33 % et 100 %, et au niveau de la lésion de 27 % et 100 % [44]. La taille médiane des métastases ganglionnaires non décelées était de 4,3 mm. Dans une cohorte publiée récemment de 1 889 patients atteints de CP ayant bénéficié d’une TEP/TDM ou d’une TEP/IRM au PSMA-11, 85 foyers pulmonaires ont été observés chez 45 patients : leur nature, déterminée selon un SOT, correspondait à une métastase du CP pour 76 foyers, à un cancer primitif du poumon dans sept cas et à de la tuberculose active dans deux cas, sans possibilité d’orienter le diagnostic grâce à l’intensité de fixation (SUVmax) [45]. Les auteurs ont observé in vitro l’expression du PSMA par les néovaisseaux dans le cancer du poumon ou par les lésions tuberculeuses. Une autre équipe a attiré l’attention sur la fixation du PSMA-11 par les ganglions sympathiques cœliaques, observée chez 76 de 85 patients (89 %), même si le SUVmax moyen était plus faible qu’en cas de métastase ganglionnaire (2,97 contre 8,5) [46]. Cette fixation, confirmée en immunohistochimie, aurait pu entraîner un résultat faussement positif chez 35 patients (4 %) qui n’avaient pas de métastases ganglionnaires. Le PSMA n’est donc pas aussi spécifique du CP que son nom l’indique. Plusieurs publications de cas cliniques rapportent une fixation significative dans d’autres cancers. Comme cela a été proposé avec d’autres traceurs TEP, une deuxième acquisition à trois heures pourrait aider au diagnostic différentiel des lésions malignes dont l’intensité augmenterait avec le temps, contrairement aux lésions non malignes [47]. Indication et planification de la radiothérapie Plusieurs études rétrospectives ont exploré l’impact potentiel de la TEP/TDM au PSMA-11 sur les modalités de la radiothérapie dans le CP. La première analyse rétrospective qui a permis d’établir des résultats reproductibles a été effectuée sur les données de 54 patients adressés à un service de radiothérapie [48]. Les indications principales étaient une stadification avant radiothérapie curative (15 %) ou post-prostatectomie (33 %), une récidive biologique après radiothérapie curative (17 %) ou post-prostatectomie (33 %). Dans 47 % des cas, la TEP/ TDM était positive alors que l’examen standard était négatif. Les résultats de la TEP/TDM ont changé la prise en charge des patients dans 54 % des cas, dont 46 % par modification du protocole de radiothérapie. Récidive biologique L’équipe ayant la plus grande expérience a publié récemment les résultats d’une série de 319 patients en récidive de CP ayant eu une exploration par TEP/TDM au PSMA-11 [49]. Chez 83 % des patients, au moins un foyer a été décelé en TEP/TDM au PSMA-11. Le taux de détection au niveau du patient était de 88 %. Les 446 foyers évalués par histologie ont permis d’établir une sensibilité de 77 % et une spécificité de 100 %. Dans cette indication, la TEP/IRM au PSMA-11 permet une plus grande confiance dans la détection des foyers comparée à la TEP/TDM, sauf à proximité des reins et de la vessie [50]. Dans une autre série de 288 patients en récidive biologique après prostatectomie, 222 (90 %) TEP/TDM au PSMA11 ont été positives. Tout comme avec la FCH, ce taux de positivité était lié à la concentration sérique de PSA, de 97 % au-dessus de 2 ng/mL à 58 % au-dessous de 0,5 ng/ mL. Le taux de détection était également lié à la « vélocité » du PSA et au score de Gleason initial [51]. Une autre étude à l’effectif plus limité confirme, chez 155 patients en récidive, cette relation entre taux de détection par PSMA-11 et concentration sérique de PSA : 44 % en dessous de 1 ng/mL, 79 % entre 1 et 2 ng/mL et, 89 % au-dessus de 2 ng/mL [52]. La TEP/TDM était positive chez 19 patients sur 20 (95 %) dont la concentration sérique du PSA était supérieure ou égale à 22 ng/mL avec un temps de doublement inférieur à six mois, et 12 (60 %) étaient restadifiés M1a. En revanche, seuls cinq patients sur 14 (36 %), avec une concentration sérique de PSA inférieure à 1 ng/mL et un temps de doublement supérieur à six mois, avaient une TEP/TDM positive et un seul était restadifié M1a. Approche théranostique Un autre ligand du PSMA, noté PSMA-617, peut être radiomarqué par le gallium-68 pour l’imagerie TEP mais également par l’yttrium-90 ou le lutétium-177 pour la radiothérapie vectorisée. C’est une approche théranostique où l’on vérifie la liaison du ligand aux cibles cancéreuses avant de l’administrer marqué par un radionucléide thérapeutique. Les organes non cibles les plus radioexposés avec le PSMA-617 marqué au lutétium177 pour la radiothérapie vectorisée sont les glandes salivaires et les reins [53]. Un premier travail a observé, chez 19 patients, que 14 d’entre eux ont au moins eu une lésion décelée en TEP/TDM trois heures après l’injection du PSMA-617 marqué au gallium-68 [54]. Ligands de l’antigène de membrane spécifique de la prostate marqués au fluor-18 Comme brièvement discuté ci-dessus dans le chapitre sur les analogues de la bombésine, le gallium-68 a des avantages, en particulier sa disponibilité grâce à un Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 19 IEC Innovations en cours Une innovation dans l’imagerie du cancer de la prostate : la tomographie par émission de positons IEC Innovations en cours Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. J.-N. Talbot, et al. générateur, mais permet moins facilement la livraison d’un traceur prêt à l’emploi que le fluor-18. Récemment, deux ligands du PSMA marqués au 18F, le DFCPyL et la DCFBC, ont été testés chez l’homme. Dans une étude pilote, la biodistribution du DFCPyL est identique à celle du PSMA-11 et la radioexposition du patient est identique à celle des autres traceurs fluorés [55]. Les performances de la TEP/TDM à la DCFBC, autre ligand fluoré du PSMA, et de l’IRM pour déceler la tumeur primitive et la lésion dominante intraprostatique ont été comparées chez 12 patients avant prostatectomie [56]. La DCFBC était moins sensible que l’IRM pour détecter la tumeur primitive au niveau prostatique. En revanche, elle a été plus spécifique que l’IRM (96 % contre 89 %) car il y avait une différence significative de SUVmax entre le CP et l’hypertrophie bénigne de la prostate (médiane : 3,5 contre 2,2, p = 0,004). En pratique En France, le Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale (gbu.radiologie.fr), dans sa version de 2013 établie sous l’égide de la Haute Autorité de santé (HAS), mentionne la TEP du squelette au FNa, « plus performante que la scintigraphie du squelette » pour la recherche de métastases osseuses. Elle retient également l’intérêt de la TEP à la choline ou son analogue fluoré pour la recherche de métastases ganglionnaires ou osseuses, lors de la stadification des patients à haut risque métastatique, dans le suivi en cas de récidive occulte, ou pour la restadification d’une récidive. De manière cohérente, l’AMM du FNa comporte « détection et localisation des métastases osseuses en cas de cancer prouvé chez l’adulte », celle de la FCH initialement limitée à « la détection des lésions métastatiques osseuses dans le CP chez les patients à haut risque » devrait évoluer vers la stadification des patients à risque et la localisation des sites de récidive occulte ou la restadification des récidives. Ces indications sont basées sur les résultats des études que nous avons évoquées et qui ont fait l’objet de métaanalyses. Concernant la détection des métastases osseuses, une méta-analyse de 27 études [57] donne au niveau du patient, une sensibilité de 91 % pour la TEP/TDM à la choline, 97 % pour l’IRM, et 79 % pour la scintigraphie du squelette, et une spécificité de 99 % pour la TEP/TDM à la choline, 95 % pour l’IRM, et 82 % pour la scintigraphie du squelette. Au niveau de la lésion, la sensibilité était de 84 % pour la TEP/TDM à la choline, 90 % pour l’IRM, et 59 % pour la scintigraphie du squelette, et une spécificité de 93 % pour la TEP/TDM à la choline, 85 % pour l’IRM, et 75 % pour la scintigraphie du squelette. Une autre métaanalyse sur 609 patients trouve, pour la détection des métastases ganglionnaires pelviennes en TEP à la choline, une sensibilité de 62 % et une spécificité de 92 % [58]. Il existe un écart manifeste entre ces textes officiels, qui recoupent les résultats des méta-analyses, et les recommandations des référentiels. C’est celui du NCCN (version 20 1.2016) qui en est le moins éloigné : il mentionne la TEP/ TDM au FNa comme substitut à la scintigraphie du squelette et la TEP/TDM à la [11C] choline pour la localisation d’une récidive biologique après prostatectomie ou radiothérapie ; toutefois, il considère que la FCH est encore en cours d’évaluation. Le référentiel de l’European Society for Medical Oncology (ESMO) datant de 2013 ne mentionne pas la TEP. Le plus étonnant est le référentiel de l’EAU qui rapporte, au terme d’une analyse assez complète, la supériorité de la TEP au FNa ou à la choline sur la scintigraphie pour détecter les métastases du squelette, mais n’en conclut pas moins que celle-ci est préférée « sur la base de la disponibilité et du coût ». Le même référentiel conseille l’IRM pour la stadification des formes à risque. Or une machine IRM coûte au moins le prix d’une TEP/TDM, les frais de maintenance, de personnel et la surface de l’installation en sont au moins égaux, et le prix du radiopharmaceutique pourrait rejoindre celui du produit de contraste en IRM si l’emploi s’en développait, ce qui est le cas du FDG. Quant à la recommandation en cas de récidive biologique, elle est pour le moins ambiguë, déconseillant la TEP à la FCH si la concentration sérique du PSA est inférieure à 1 ng/mL, mais ne précisant pas si elle est recommandée dans les autres cas. La méta-analyse de Treglia et al. [59] sur 14 articles montre que le temps de doublement de la concentration sérique de PSA et sa vélocité sont les facteurs à prendre en compte pour obtenir un résultat positif de la TEP avec un traceur de la choline. Conclusions En nous bornant aux traceurs entrés en évaluation clinique chez l’homme, nous avons illustré combien l’innovation est active dans ce domaine, avec de nombreuses molécules dont toutes ne passeront pas à la routine, mais qui ambitionnent de combler les lacunes du traceur TEP de référence actuellement, la FCH, et aussi de l’IRM. Ils visent à localiser la tumeur intraprostatique de façon aussi sensible et plus spécifique que l’IRM afin de guider biopsie et radiothérapie, et à déceler les métastases ganglionnaires avec une meilleure sensibilité, tout en conservant une spécificité supérieure à celle de l’imagerie anatomique, même s’il est clair que les métastases millimétriques sont hors du champ de la TEP avec les détecteurs actuels. Pour la détection de la récidive occulte, l’indication majeure de la FCH, les premières études montrent davantage de foyers détectés avec ces traceurs innovants, mais il faudra démontrer que ce n’est pas au prix d’une baisse de spécificité, ce qui est toujours difficile dans cette indication où peu de lésions sont vérifiées histologiquement et où le suivi, réalisé avec des techniques de performance potentiellement inférieure, peut aboutir à des erreurs de SOT. Enfin, la FCH a montré, dans des études encore peu nombreuses, sa capacité à localiser le CPRC et à en évaluer la réponse à la thérapie. La diversité des options thérapeutiques à ce stade pose un problème de validation d’une modalité d’imagerie Innovations & Thérapeutiques en Oncologie l vol. 2 – n8 1, janv-fév 2016 Take home messages La TEP/TDM et a fortiori la TEP/IRM apporte une valeur ajoutée par rapport aux autres examens d’imagerie dans des indications précises et à des stades déterminés du cancer de la prostate. 7. Ide M. Cancer screening with FDG-PET. Q J Nucl Med Mol Imaging 2006 ; 50 : 23-7. Le FDG, traceur le plus utilisé en TEP oncologique, 9. Talbot JN, Paycha F, Balogova S. Diagnosis of bone metastasis: recent comparative studies of imaging modalities. Q J Nucl Med Mol Imaging 2011 ; 55 : 374-410. n’est pas adapté aux formes habituelles du cancer de la prostate, même si il ne faut pas méconnaitre un foyer prostatique de découverte accidentelle lors d’une TEP au FDG demandée pour une autre indication. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. 6. Kaliska L, Balogova S, Michaud L, et al. Signification d’une hyperfixation prostatique du fluorodésoxyglucose (18F) chez un patient sans antécédent de cancer de la prostate. Cas cliniques, revue et méta-analyse de la littérature. Med Nucl 2014 ; 38 : 266-74. Actuellement en France deux traceurs TEP ont une AMM incluant le cancer de la prostate. Le fluorure (18F) de sodium pour déceler les métastases osseuses qui a été supplanté en pratique par l’autre traceur, la fluorocholine (18F) ou FCH, capable de déceler les lésions métastatiques du squelette mais aussi des tissus mous et les récidives locales ou ganglionnaires. La FCH peut également déceler précocement la progression durant le traitement à la phase de résistance à la castration. Plusieurs traceurs sont actuellement en essai clinique avec pour ambition de localiser le cancer dans la loge prostatique et les petites métastases ganglionnaires où les performances de la FCH sont insuffisantes ; ceux qui semblent à l’heure actuelle les plus prometteurs sont des ligands du PSMA, avec une avancée possible vers la radiothérapie vectorisée comme conséquence de performances diagnostiques élevées. fonctionnelle comme la TEP. Selon la classe thérapeutique, voire le médicament, le moment optimal et le critère prédictif pour déceler la réponse ou l’absence de réponse tumorale avant toute variation de taille des cibles tumorales peuvent être très différents. L’innovation thérapeutique doit s’accompagner d’une innovation dans le suivi diagnostique et dans la prédiction pré-thérapeutique (approche théranostique). Une avancée majeure dans le traitement du CRPC est peut-être en cours dans ces innovations en TEP. 8. Rohren EM, Etchebehere EC, Araujo JC, et al. Determination of skeletal tumor burden on 18F-fluoride PET/CT. J Nucl Med 2015 ; 56 : 1507-12. 10. Even-Sapir E, Metser U, Mishani E, et al. The detection of bone metastases in patients with high-risk prostate cancer : 99mTc-MDP planar bone scintigraphy, single- and multi-field-of-view SPECT, 18F-Fluoride PET, and 18F-Fluoride PET/CT. J Nucl Med 2006 ; 47 : 287-97. 11. Poulsen MH, Petersen H, Høilund-Carlsen PF, et al. 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