Le rôle de l’Etat en matière économique Antoine de Montchrestien Accroche • “On peut fort à propos maintenir contre l’opinion d’Aristote et de Xénophon que l’on ne saurait diviser l’économie de la police, sans démembrer la partie principale de son tout, et que la science d’acquérir des biens qu’ils nomment ainsi est commune aux Républiques aussi bien qu’aux familles.” Antoine de Montchrétien, Traité d’économie politique. 1615. Auteur: Antoine de Montchrétien (1575-1621) Antoine de Montchrétien • Normand d’extraction modeste, orphelin, recueilli par une famille noble qui l’envoie au collège de Caen. • Il se destine d’abord à la dramaturgie et à la poésie et tente de s’attirer la protection des puissants (poèmes dédiés à la femme du président du Parlement de Rouen) • En 1604, un duel qu’il remporte contre un gentilhomme l’oblige à l’exil d’abord en Hollande puis en Angleterre • Jacques Ier obtient sa grâce et il peut revenir en France et épouse une riche héritière • Il se lance dans l’aciérie ( faux, lancettes, coutellerie) • Se tourne vers les Psaumes et l’Histoire • Son oeuvre majeure: Traité d’économie politique est dédié à Louis XIII et Marie de Médicis en 1615 • Il tente par celui-ci de faire prendre conscience aux gouvernants de l’importance à accorder à l’économie pour les grandes nations. Nature du document • Extrait du livre 1er du Traité d’économie politique. • Ouvrage majeur de Montchrétien qui entend faire comprendre à la noblesse la nécessité de s’intéresser davantage à l’organisation de l’économie nationale. • Il s’adresse aux souverains pour leur faire entendre l’organisation de l’économie politique d’un point de vue pratique Contexte • Découverte de l’Amérique, développement des échanges et bouleversements culturels et religieux (la morale chrétienne n’est plus LA référence) • Période de régence (1610-1617): Marie de Médicis régente, gouverne aidée de Concini • Troubles, instabilités, mauvaise gestion des affaires. • Montchrétien, profondément affecté, tente d’apporter des remèdes • Mais profond mépris de la noblesse pour “les choses du commerce” Problématique • Pourquoi la puissance d’un souverain est-elle directement liée à la richesse de sa nation? • Comment peut-il faire en sorte d’augmenter cette richesse? Plan • I. Un mercantilisme interventionniste • II. Un mercantilisme manufacturier • III.L’économie politique, ancêtre de la science économique I. Un mercantilisme interventionniste 1. Une règlementation nécessaire 2. Un “patriotisme économique” 1. Une règlementation nécessaire - Des lois doivent fixer des normes de fabrication très strictes pour protéger les industries nationales de la concurrence étrangère • L. 2 “(…)régler et distinguer les arts.” • L. 10 “(…)que l’on dresse plusieurs ateliers et artifices”. • L. 14. “(…)De cet ordre naîtra l’exquise science”. On voit ici les prémices des manufactures royales et d’Etat instaurées par Colbert. Ainsi naît l’idée que le souverain a un rôle à jouer dans le commerce. Car la stabilité de son royaume dépend de sa prospérité. L. 31: “les princes (…) ont toujours tasché d’imaginer (…) des réglements” Montchrétien a retenu ce qu’il a vu à la cour d’Angleterre. 2. “un patriotisme économique” • Acheter à l’étranger c’est affaiblir la nation: - en l’appauvrissant - en “tarissant” son savoir-faire. Il ne faut pas acheter à l’étranger ce dont on dispose dans notre pays (l. 16-21) Il est important de “(…) deffendre l’apport et l’usage des ouvrages estrangers” l. 35 • L’absence de législation sur le commerce avec l’étranger est dangereuse pour la France l. 40 et suivantes II. Un mercantilisme manufacturier • 1. Une spécialisation poussée des industries • 2. Le travail, moteur de richesses 1. Une spécialisation poussée des industries • La France doit développer des arts et métiers à forte valeur ajoutée • L. 5. :“ne les mélanger et diversifier point en une seule main” • L. 11-12: Une gestion des ateliers par des “esprits capables et plains de l’intelligence requise” • Vendre des matières premières ne permet pas de s’enrichir il faut leur apporter une valeur ajoutée. (l. 35) 2. Le travail, moteur de richesses • L’oisiveté, le pire des maux. (l.27-29) • A l’inverse, des sujets industrieux garantissent stabilité et prospérité à l’Etat (l. 34) • Les impôts et taxes sont à proscrire (l. 36) III. L’économie politique, ancêtre de la science économique • 1. L’harmonie économique des intérêts semblables • 2. “l’argent, le nerf de la guerre” 1. L’harmonie économique • L’économie: de la science de l’administration des affaires familiales à celle de l’Etat. • Montchrétien pose les base de la théorie des harmonies économiques (Un Etat riche construit sa puissance sur un peuple lui-même riche). L. 32, l. 39 “La richesse de vos sujets est votre”. • “Le développement de l’industrie et des exportations, qui est pour les marchands la fin à atteindre, est le moyen pour l’État d’atteindre sa propre fin: l’abondance en homme et en argent” Henri Denis, Histoire de la pensée économique, 1966. 2. l’argent, le nerf de la guerre. • Un théorie basée sur le fait que c’est l’abondance de monnaie en tant que métal qui fait la richesse d’un pays. • Une vision critiquée par Smith qui dénonce confusion entre monnaie et richesse. Conclusion • Un écrit profondément novateur qui ne sera pas entendu immédiatement. • Richelieu puis Colbert s’en inspireront • La politique française est encore aujourd’hui imprégnée de ce dirigisme. • Des théories encore discutées aujourd’hui à l’heure du patriotisme économique et de la mondialisation Bibliographie • Source: Traicté de l'oeconomie politique : dédié en 1615 au Roy et à la Reyne mère du Roy par Antoyne de Montchrétien avec introd. et notes par Th. FunckBrentano, 1889. • François Etner, Mercantilisme, Encyclopédie thématique Universalis, 2005. • Alain Guéry (dir.)Montchrétien et Cantillon, Le commerce et l’émergence d’une pensée économique, ENS éditions, 2011 • Claude Echaudemaison, Dictionnaires d'Économie et des Sciences Sociales, Nathan 1993.