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08/12/2008 |
Mercantilisme
Le mercantilisme est le nom donné à la politique économique (ainsi qu'à la doctrine qui la sous-tendait)
menée par les Etats, surtout monarchiques, entre 1600 et 1750 environ. Depuis les années 1920, on qualifie
de "mercantilistes" ou de "néomercantilistes" les politiques protectionnistes.
Le terme fut inventé après l'âge d'or du mercantilisme, le XVIIe s.; il remonte à Adam Smith qui, à l'époque
des Lumières, reprocha à ce qu'il appelait "système mercantile" de voir dans la production et l'accumulation
de métaux précieux un but en soi; au lieu de servir les intérêts de la société et de toute l'humanité, le
mercantilisme n'aurait été utile que pour l'Etat. Dans les faits, le mercantilisme n'a rien d'une théorie
cohérente; il est plutôt un ensemble hétéroclite de procédés et de recommandations pratiques. Ses
principaux représentants sont en France Colbert (on parle aussi de colbertisme), en Angleterre Thomas Mun
et en Allemagne Johann Joachim Becher. On le rapproche du "caméralisme allemand"; mais celui-ci, au-delà
de nombreux points communs, avait des visées plus vastes, puisqu'il n'embrassait pas seulement l'économie,
mais aussi l'administration étatique et la jurisprudence.
Le mercantilisme, qui est étroitement lié à l'absolutisme, se caractérise notamment par l'idée que la quantité
de richesses contenues dans le monde est constante. Le but de la politique commerciale d'une nation est
donc de s'en assurer la plus grande part. Le commerce est, selon une métaphore empruntée à la littérature
économique de l'époque, la grande roue qui meut toute la machine sociale. On partait du principe que
l'économie pouvait et devait être développée, mais que les matières premières à utiliser au profit du pays
étaient limitées. Il fallait par conséquent encourager les exportations de produits finis, source de rentrées
d'argent, mais restreindre le plus possible les importations et les limiter aux matières premières
indispensables, par le moyen d'interdictions et de taxes douanières. L'impératif premier était une balance
commerciale positive, car on mettait sur le même plan la bonne santé des finances publiques et la puissance
de l'Etat. Comparable à une sorte de nationalisme économique, le mercantilisme prit dans chaque pays des
couleurs particulières. Dans la seconde moitié du XVIIIe s., il fit place aux modèles de la physiocratie, aux
concepts de libre-échange et de libéralisme, contemporains de l'industrialisation. Cependant, les théories des
mercantilistes frayèrent la voie de ceux qui le contestèrent, tels François Quesnay, Richard Cantillon, David
Hume, Turgot et même Adam Smith, fondateur de l'économie politique classique.
Il n'y a pas, à proprement parler, de mercantilisme suisse. En effet, le territoire de la Confédération n'a
commencé à connaître une intégration économique nationale, sous forme de coopération entre entrepreneurs
genevois et zurichois, qu'au cours du XVIIIe s.; néanmoins, l'interdiction d'importer et de consommer du tabac,
décrétée par la Diète au milieu du XVIIe s., est un exemple typique de mesure mercantiliste. On peut par
contre en repérer des manifestations dans les politiques économiques cantonales: réflexes protectionnistes,
extension du cadre économique du chef-lieu à l'ensemble du territoire, efforts en vue de s'assurer une
balance commerciale et une balance des paiements excédentaires, se traduisant fréquemment par un soutien
étatique aux exportations, souci de limiter les importations, notamment au moyen des ordonnances
somptuaires des XVIIe et XVIIIe s. Dans certains cantons, l'économie très liée aux marchés étrangers souffrit
au XVIIe s. des mesures protectionnistes prises par la France (le meilleur client de la Confédération) et par
l'Autriche. L'absence de coopération économique et l'attitude des villes corporatives, qui freinaient les
initiatives des entrepreneurs, empêchèrent une réaction appropriée de la Confédération face aux politiques
mercantilistes des Etats voisins.
Le mercantilisme put s'imposer jusqu'à un certain point dans quelques cantons patriciens. C'est la ville de
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Berne, où les corporations ne jouaient aucun rôle politique, qui alla le plus loin dans cette voie. Le
gouvernement bernois tenta de prohiber sur son territoire toute espèce d'oisiveté et décida dès les années
1680 de soutenir le commerce et l'industrie. Il institua en 1687, d'après un modèle français, un Conseil de
commerce, qui se montra actif notamment en Haute-Argovie, en y faisant pratiquer un commerce encouragé
et surveillé par l'Etat, pour le profit de la République. Comme les corporations de Berne, contrairement à
celles de Genève, Zurich ou Bâle, n'interdisaient pas l'artisanat rural, le canton réussit à élargir peu à peu le
cadre de son économie, d'abord étroitement urbaine. En outre, les autorités fondèrent des maisons de travail
pour indigents et orphelins, attribuèrent des monopoles de fabrication, promulguèrent en 1719 un mandat sur
les manufactures, créèrent un tribunal du commerce et mirent sur pied un vaste programme de constructions
routières. A ses débuts, la Société économique de Berne souscrivit aussi aux thèses mercantilistes. Des
mesures semblables furent prises à Lucerne, où les autorités créèrent une Chambre de commerce,
attribuèrent des monopoles, introduisirent l'industrie de la schappe et multiplièrent les postes de douane. A
Neuchâtel et dans l'évêché de Bâle, le mercantilisme inspira également des ébauches d'action.
Il eut moins de succès dans les cantons à régime corporatif. A Zurich, Schaffhouse, Bâle et Saint-Gall, les
corporations urbaines veillaient à empêcher le développement de l'artisanat à la campagne. Néanmoins, les
mesures de Zurich pour l'encouragement et la protection des fabriques (dernier tiers du XVIIe s.) rappellent la
politique de Colbert (Protoindustrialisation); les maîtrises genevoises essayèrent aussi d'élever des barrières
douanières. Dans les cantons campagnards enfin, l'Etat ne jouait guère de rôle régulateur et la liberté de
commerce (ou plutôt l'indépendance de celui-ci vu l'absence d'une politique économique étatique) qui régnait
dans la plupart des cantons de la Confédération, y était encore plus marquée qu'ailleurs.
Les succès relativement limités du mercantilisme dans la Confédération furent l'une des causes du
développement industriel du pays; la Suisse devint la nation la plus fortement industrialisée du continent,
capable même, à la fin du XVIIIe s., de concurrencer l'Angleterre. On estime qu'à ce moment-là l'industrie
occupait environ 12% de la population suisse. Etablie dans les campagnes, dans les Préalpes et dans le Jura,
elle progressait en s'intéressant à de nouveaux produits d'exportation et en investissant dans de nouvelles
formes d'exploitation gourmandes en capitaux. Les conceptions mercantilistes apparurent dès lors comme
dépassées dans toute l'Europe; elles ne résistèrent pas aux critiques des partisans des Lumières, fondées au
début principalement sur la philosophie morale.
Bibliographie
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in RSH, 1, 1951, 562-598
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– H.R. Rytz, Geistliche des alten Bern zwischen Merkantilismus und Physiokratie, 1971
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– J.-F. Bergier, Hist. économique de la Suisse, 1984, surtout 140-153 (all. 1983)
– I. Wallerstein, Le système du monde du XVe s. à nos jours, 2: le mercantilisme et la consolidation de
l'économie-monde européenne (1660-1750), 1985 (angl. 1980)
– A.-M. Piuz, L. Mottu-Weber, L'économie genevoise, de la Réforme à la fin de l'Ancien Régime, 1990
– R. Gömmel, Die Entwicklung der Wirtschaft im Zeitalter des Merkantilismus, 1620-1800, 1998
Auteur(e): Urs Hafner / PM
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