Histoire de la pensée économique et sociale Les origines de la pensée économique La science économique est une discipline récente Les appelations utilisées pour désigner le savoir économique divergent Pluralité de discours économiques, pluralité d’origines Un écheveau qu’il faut déméler pour comprendre notre société Objectifs du cours Articuler l’histoire des théories économiques et l’histoire des théories sociales : une vision de la modernité économique et sociale Contribuer à acquérir par le biais de l’histoire des idées une culture économique et sociale de base. Présenter un certain nombre d’interprétations qui ont été données du « capitalisme » ou de « l’économie de marché » Un centrage sur l’économie et les politiques économiques 1615 : Antoine de Montchrétien emploie pour la première fois le terme d’ « économique politique » : ensemble de règles et de pratiques pour permettre l’enrichissement du royaume. Affirmation et critique de l’économie politique aux XVIIIe et XIXe siècles Une optique d’histoire des idées Importance des auteurs et des écoles (à partir des physiocrates) La question de la neutralité en histoire des idées Les sciences humaines comme une tradition (patrimoine commun et grands débats) Les grands courants de la pensée économique Mercantilistes Physiocrates Classiques Marx Marginalistes et néo-classiques Keynes Des approches diverses Distinction entre macro et micro économie Prise en compte ou non de l’histoire Intervention ou non de l’État Ouvrages d’histoire des idées économiques Jean Boncour et Hervé Thouément, Histoire des idées économiques, Paris, Nathan, 2000, tome 1, « De Platon à Marx » ; tome 2, « De Walras aux contemporains ». Ghislain Deleplace Histoire de la pensée économique, Dunod 1999. Robert L. Heilbroner, Les grands économistes, Paris, Seuil (nombreuses rééditions). Une synthèse inégale selon les collaborateurs: Alain Béraud et Gilbert Faccarello (éditeurs), Nouvelle histoire de la pensée économique, Paris, La Découverte, 1992-2000, tome 1, « Des scholastiques aux classiques » ; tome 2, "Des premiers mouvements socialistes aux néoclassiques" ; tome 3, "Des institutionnalistes à la période contemporaine". Sur la pensée sociale Raymond Aron, Les étapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1976. Élie Halévy, Histoire du socialisme européen, Paris Gallimard, 1948. Karl M. Van Leter, La sociologie. Textes essentiels, Paris, Larousse, 1992. Quelques œuvres Adam Smith, La richesse des nations, Paris, Garnier-Flammarion, 2 vol., 1997. Thomas Malthus, Essai sur le principe de population, Paris, Garnier-Flammarion, 2 vol., 1998. Benjamin Constant, Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri, Paris, Les Belles Lettres, 2004. Jean-Baptiste Say, Cours d’économie politique et autres essais, Paris, Garnier-Flammarion, 1997. Karl Marx, Œuvres, Maximilien Rubel éd., Paris, Gallimard, La Pléiade, 1963 sq. (réédition des vomules du Capital, 2008) Pierre-Joseph Proudhon, Qu’est-ce que la propriété ?, Tops Ed. H. Trinquier, 1997. Jean Baechler, Le Capitalisme, 2 vol., Paris, Gallimard, 1995. Sur le site « classiques des sciences sociales » de l’Université Laval (Québec), ainsi que sur www.gallica.bnf.fr, œuvres de Bastiat, Engels, Fourier, Proudhon, Ricardo, Smith. Le Mercantilisme Introduction : Problématique : la première « école » économique ? - La pensée économique avant le mercantilisme - Définition 1 (petit Larousse) : « Doctrine économique selon laquelle les métaux précieux constituent la richesse d’un Etat ». Définition 2 (Pierre Deyon, Le Mercantilisme, Paris, Flammarion, 1969) : « Ensemble des théories et des pratiques d’intervention économique qui se sont développées dans l’Europe moderne depuis le XVIe siècle ». Définition 3 (Pierre Deyon) : une doctrine qui « repose sur cette idée que l’intervention de l’Etat doit assurer l’équilibre indispensable de la balance commerciale ». - - Les difficultés du terme « mercantilisme » 1) Un terme forgé par les adversaires de ce courant (Adam Smith et le « système mercantile »), accusé d’être au service des intérêts des seuls marchands. 2) Pas de doctrine cohérente, d’où la difficulté de classer certains auteurs. Plan I. Les pratiques mercantilistes II. Un courant économique III. Les limites I. Les pratiques mercantilistes 1) L’intervention de la puissance publique, un héritage - Le marché, entre état « naturel » de l’économie et construction historique - Une tradition d’encadrement de l’économie : 1258, le Parlement d’Oxford prohibe les exportations de laine brute Louis XI et la culture de la soie 2) La politique monétaire Idée de base du mercantilisme : « L’abondance d’or et d’argent est la richesse d’un pays » (Jean Bodin) Or et argent espagnol, monnaie française (4 prohibitions de 1506 à 1574 en France) ne doivent pas sortir du royaume. Prohibitions impuissantes. Au XVIIe siècle, l’économie est gênée par le manque de numéraire, la France et la Grande-Bretagne accusent les Provinces-Unies. 3) Faire penser la balance commerciale du bon côté Thomas Gresham (1518-1579) élabore en 1549 dans son « Bref examen », qui ne sera publié qu’après sa mort, la notion de « balance du commerce ». 3) (suite) Seules la France et l’Angleterre parviennent à mener « une politique économique cohérente et d’une relative efficacité » (Pierre Deyon). Exemple : Navigation Act de 1651 < progrès de la réflexion théorique < modernisation de l’appareil d’Etat < sensibilité des gouvernants (comme Richelieu et surtout Colbert) Navigation Act (1651) Tourné contre les Provinces-Unies et leur place dans le transport maritime (crée d’ailleurs une guerre) Les marchandises européennes ne peuvent être transportées en Angleterre que sur les bateaux anglais ou sur les navires du pays d’origine. Subordonne à l’octroi d’une licence le commerce avec les colonies anglaises. Réserve le cabotage aux navires anglais. Confirmé et renforcé en 1660, 1663 et 1673 La politique économique de Colbert Conception pessimiste de l’économie (stagnation de la richesse mondiale et du volume des échanges) Aménagement des tarifs douaniers Manufactures et compagnies de commerce Primes à la construction maritime Règlements de fabrique pour accroître la qualité. II. Un courant économique 1) Des théoriciens… Magistrats, hommes d’affaires, magistrats, administrateurs, comme Barthélemy de Laffemas (contrôleur général du commerce en 1602) Thomas Mun, en Angleterre, est directeur de la Compagnie des Indes orientales Des variantes nationales Bullionisme ibérique Commercialisme britannique Colbertisme Centré sur la dépopulation et le risque de fuite du numéraire Insiste sur la balance du commerce extérieur et le protectionnisme Importance de la réglementation et de l’interventionnisme étatique 2)… Qui s’adressent à la puissance publique Le Traicté de l’Oeconomie politique de Montchrétien (1615) est dédié à Marie de Médicis et Louis XIII. Colbert lui-même écrit beaucoup de mémoires pour ses collaborateurs. 3) L’apologie de la nation et du travail Apologie du travail créateur de richesse répond au souci des princes qui cherchent des financements, en particulier pour la guerre. Le mercantilisme est un moment de la construction nationale. Antoine de Montchrétien : « Les marchands étrangers sont comme des pompes qui tirent hors du royaume (…) la pure substance de vos peuples (…). Ce sont sangsues qui s’attachent à ce grand corps de la France, tirent son meilleur sang et s’en gorgent. » III. Les limites d’un courant 1) Le poids de la pratique Pas de véritable communauté savante Adaptation à l’époque : le marché international ne fonctionne pas réellement. Selon Pierre Deyon, le mercantilisme « correspond assez exactement aux conditions économiques du temps ». 2) Un critique du mercantilisme : Pierre le Pesant de Boisguilbert (1646-1714) 1695-1696 : Le Détail de la France, la cause de la diminution de ses biens et la facilité du remède, en fournissant en un mois tout l’argent dont le roi a besoin et enrichissant tout le monde 1697-1707: Dissertation sur la nature des richesses, de l’argent et des tributs Les idées de Boisguilbert Dans le Détail, affirme que c’est la baisse de la consommation qui a ruiné le royaume : il faut libérer le marché et permettre l’exportation des grains. Dans la Dissertation : c’est la circulation des produits et des revenus qui fait la richesse, pas l’or qu’on pourrait à la limite remplacer par du papier-monnaie. Janséniste, il pense que les hommes sont motivés par l’intérêt personnel, et que c’est la concurrence qui permet de fixer des prix honnêtes. Conclusion Pas encore une théorie d’ensemble : un ensemble de conseils, de prescriptions. Pas encore l’idée d’une logique propre de l’économie qui émerge avec des penseurs comme Boisguilbert. Cependant, le lancement d’un vrai débat économique portant sur les politiques publiques.