Autour de la fonction exponentielle

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Autour de la fonction
exponentielle
I. Les points du programme concernés
II. Une introduction possible de la fonction
exponentielle
III. Quel champ d’application ?
I. Les points du programme
Deux objectifs majeurs fédèrent les éléments du chapitre d’analyse :
- l'extension du champ des suites et des fonctions...
- l'initiation au calcul intégral et à la problématique des
équations différentielles...
L’étude des suites et fonctions sera motivée par la résolution de
problèmes : elle n’est pas une fin en soi. Ceux-ci pourront être
d'origine mathématique, physique, biologique, économique ou autre
et amèneront à des recherches d'extremums, des comparaisons de
fonctions,
des
résolutions
graphiques
d'équations
ou
d'inéquations,etc.
Souci d’une formation cohérente pour les élèves :
- un point d’entrée commun à plusieurs disciplines
- un développement spécifique à chacune
On privilégiera les problèmes mettant en jeu des liens entre une
fonction et sa dérivée première ou seconde.
1. Analyse
Introduction de la fonction exponentielle
Contenus
Étude de l’équation f’ = k f.
Théorème : Il existe une unique fonction f dérivable sur R
telle que f’=f et f(0) = 1.
Relation fonctionnelle caractéristique.
Introduction du nombre e. Notation ex.
Extension du théorème pour l'équation f’ = k f.
Modalités de mise en œuvre
L’étude de ce problème pourra être motivée par un ou
deux exemples, dont celui de la radioactivité traité en
physique, ou par la recherche des fonctions dérivables f
telles que f(x+y)=f(x)f(y).
On construira avec la méthode d'Euler introduite en
première des représentations graphiques approchées de
f dans le cas k = 1; on comparera divers tracés obtenus
avec des pas de plus en plus petits.
L’unicité sera démontrée ; l’existence sera admise dans
un premier temps.
Approximation affine, au voisinage de 0 de h  eh.
Commentaires
Le travail se fera très tôt dans l’année car il est central
dans le programme de mathématiques et de physique. Il
fournit un premier contact avec la notion d’équation
différentielle et montre comment étudier une fonction
dont on ne connaît pas une formule explicite.
La méthode d’Euler fait apparaître une suite géométrique
et donne l’idée que l’exponentielle est l’analogue
continu de la notion de suite géométrique, ce que
l’équation fonctionnelle confirme.
3. Probabilités et statistique
Lois de probabilité
Contenus
Exemple de loi de probabilité continue:
… loi de durée de vie sans vieillissement
Modalités de mise en œuvre
Application à la désintégration radioactive : loi
exponentielle de désintégration des noyaux.
Commentaires
Ce paragraphe est une application de ce qui aura
été fait en début d’année sur l’exponentielle et le
calcul intégral
II. Une introduction possible de
la fonction exponentielle
Le problème physique : la radioactivité
I. L’observation du physicien
L’expérience suggère que, si l’on considère une population
macroscopique de noyaux radioactifs (c’est-à-dire dont le nombre
est de l’ordre du nombre d’Avogadro, soit 1023), le nombre moyen
de noyaux qui se désintègrent pendant un intervalle de temps t à
partir d’un instant t, rapporté au nombre total de noyaux N(t)
présents à l’instant t et au temps d’observation t, est une
constante  caractéristique du noyau en question. On peut donc
écrire :
N (t )
  t
N (t )
II. Question au mathématicien :
existe-t-il une fonction qui fasse l’affaire ?
Un souvenir de première : On construira point par point un
ou deux exemples d’approximation de courbe intégrale définie
par : y' =g(t) et y(t0) = y0 en utilisant l'approximation
f  f'(a) t.
N (t )
  t
N (t )
N (t )   N (t )t
N '(t )   N (t )
C’est l’occasion d’introduire le passage de t à dt : passage
un peu mystérieux au départ, mais qui prendra son sens au fur
et à mesure de son utilisation. C’est important pour tous ces
lycéens souvent déstabilisés durant les premiers cours de
physique dans le supérieur !
N (t )   N (t )t
N (t )
  N (t )
t
dN (t )   N (t )dt
dN (t )
  N (t )
dt
ou N '(t )   N (t )
Passage à reprendre dans les calculs d’aires, de volumes,...
III. Le travail du mathématicien
Recherche de fonctions vérifiant f ’ = kf
( on dit que l’on résout une équation différentielle,
notée indifféremment f ’ =kf ou y’ =k y)
Parmi les fonctions connues à ce stade d’étude, y en at-il dont la dérivée soit proportionnelle à la fonction ?
Examinons le cas k = 1
Supposons qu’une telle solution existe, on peut alors
essayer de la représenter avec la méthode d ’Euler.
h=
x 0=
0,1
f(x+h)=f(x)+hf(x)= f(x)(1+h)
0 f(x 0)=
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
1,1
1,2
1,3
1,4
1,5
1,6
1,7
1,8
1,9
2
2,1
2,2
1
1,1
1,21
1,331
1,4641
1,61051
1,771561
1,9487171
2,14358881
2,35794769
2,59374246
2,85311671
3,13842838
3,45227121
3,79749834
4,17724817
4,59497299
5,05447028
5,55991731
6,11590904
6,72749995
7,40024994
8,14027494
4
3
2
1
0
0
1
(Remarque : Lien avec suites géométriques)
2
Problème de l’existence d’une telle fonction ?
- réaction élèves : bien sûr, je viens de la représenter !
Mais cette fonction vérifie-t-elle y’ = y ?
Mis à part le cas des fonctions affines par
morceaux, une représentation graphique ne suffit
jamais pour définir une fonction.
- réaction du non-mathématicien :
Ce n’est pas notre problème !
- la solution du mathématicien :
Comment définir f(t) pour un réel t arbitraire ?
Commençons avec t > 0.
On reprend la méthode d ’Euler en définissant h de façon
à tomber sur t au bout d ’un nombre entier n d ’étapes :
on prend donc h 
t
n
d'où
t
f (t )  f (0)  (1  h) n  (1  ) n
n
Le calcul de f(t) dépend donc du nombre de pas pour aller
de 0 à t : comment y échapper ?
Une manipulation sur tableur peut mettre les élèves sur la
voie.
n
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
(1+1/n)^n
2
2,25
2,37037037
2,44140625
2,48832
2,521626372
2,546499697
2,565784514
2,581174792
2,59374246
2,604199012
2,61303529
2,620600888
2,627151556
2,632878718
2,637928497
2,642414375
2,646425821
2,650034327
2,653297705
2,656263214
2,658969859
2,661450119
2,663731258
2,665836331
2,667784967
2,669593978
2,671277853
2,672849144
2,674318776
2,675696306
1
t
D'où l'idée de s'intéresser à lim(1  ) n
n 
n
et de définir f (t )comme cette limite.
L’existence de cette limite est
difficile mais accessible aux
élèves avec les deux suites
adjacentes :
t n
t n
un  (1  ) et vn  (1  )
n
n
(Cf. doc. d’accompagnement, où l’on
prouve de façon élémentaire que ces
suites sont adjacentes, puis que la
fonction ainsi créée est dérivable.)
Le mieux sera peut-être d’admettre provisoirement l’existence
d’une telle fonction (on y reviendra après l’introduction de la
fonction ln comme primitive de la fonction inverse) mais
d’énoncer très clairement le théorème :
Il existe une fonction f dérivable sur R telle que
f’=f et f(0) = 1.
Cette existence étant admise, il faut absolument présenter ici
quelques propriétés de cette fonction notée au départ exp
1. exp(x) est non nul pour tout réel x.
1
(considérer F(x)= exp(x) exp(-x)… F ’= 0 donc F =1 ; de plus exp(-x) =
exp( x)
2. exp est unique.
et plus généralement, pour tous réels a et , la fonction f
définie pour tout réel x par f(x) = aexp(x) est l’unique
fonction dérivable sur R telle que f ’ = f et f(0) = a.
3. exp transforme des sommes en produits
et donc expx > 0 pour tout x
Et plus généralement :
Soit f une fonction dérivable sur R telle que f(0) = 1.
Les deux propositions suivantes sont équivalentes :
(i) Il existe une constante  telle que f vérifie f ’ = f ;
(ii) Pour tous réels a et b : f(a+b) = f(a)f(b).
Des fonctions caractérisées par une équation différentielle,
mais aussi par une équation ou relation fonctionnelle !
4. Notation ex
(à l’aide de la relation fonctionnelle pour les
exposants entiers, en posant exp(1) = e ).
IV. Retour au problème initial
De N’(t) = -  N(t)
on déduit donc la loi d’évolution du nombre moyen
de noyaux présents :
N(t) = N(0) e-t
La loi macroscopique de désintégration radioactive
N (t )
1
Le terme λ est déduit de l'expérience : avec

 λ
t
N (t0 )
III. Quels champs
d’application ?
1. La fonction exponentielle (et ses associées) :
extension du terrain d’étude et de pratique des fonctions
- avec ses aspects traditionnels
(y compris les problèmes asymptotiques :
ainsi en + , l’exponentielle l’emporte sur xn
xn
Par récurrence, e 
pour x > 0 (en dérivant la différence);
nx!
x
d'où pour x > 0, on a
e
x

x n (n  1)!
- avec un regard nouveau : celui de l’équation différentielle et
de la relation fonctionnelle, introduit tôt dans l’année…
2. Retour sur la loi macroscopique de désintégration radioactive
N(t)= N(0) e-t
- Pour toute valeur de t et t0, on a aussi : N(t+ t0)= N(t0) e-t
(On peut repartir à 0 quand on veut !)
- Demi-vie :  solution de e λt 
(Pour le carbone-14
1
ln 2
donc  
2
λ
  5 730 ans )
3. Que se passe-t-il à l’échelle des noyaux ?
Une loi microscopique de désintégration radioactive ?
Quelles hypothèses pour construire un modèle pour la durée de
vie d’un noyau ?
1) Cette durée de vie est une quantité aléatoire, à valeurs dans
+, donc à modéliser par une loi de probabilité P sur + (la
même loi pour tous les noyaux d’une même substance
radioactive).
N '(t )
2)
est constant au cours du temps
N (t )
Pas d’usure : un noyau se désintègre
sans avoir vieilli.
3)
N'
est constant
N
les désintégrations des
noyaux sont indépendantes
les unes des autres.
Notons F(t) la probabilité P([0,t]) que la durée de vie d’un
noyau soit comprise entre 0 et t (ou de façon équivalente
qu’un noyau se désintègre entre les instants 0 et t).
Dans le cadre des lois continues de terminale, la fonction F
sera associée à une fonction f continue et positive (ici sur +),
telle
t
F(t )=  f ( x)dx et limF(t )  1
0
t 
Ne pas vieillir (hypothèse 3), c’est avoir à tout âge la même
probabilité de vivre encore s années :
Cela s’écrit :
PIt (]t , t  s[)  P(]0, s[)  F(s)
où It est l’événement le noyau n’est pas désintégré à l’instant t.
Or P(It )  1  F(t )
De
et
P(]t , t  s[)  F(t  s)  F(t )
PIt (]t , t  s[)  P(]0, s[)  F(s) on déduit :
P(]t , t  s[)  P(It )  F(s)
soit
F(t  s)  F(t )  (1  F(t ))  F(s)
En posant G(t)=1-F(t), cela donne
G(t) - G(t+s) = G(t)(1 - G(s))
soit G(t+s)=G(t)G(s).
Comme G est dérivable et vérifie G(0)=1, il existe un réel a
tel que G(t)=eat.
F est bornée par 1, G aussi et on peut écrire a = - a, où a >0.
D’où G(t) = e- a t ,
F(t)=1- e- a t
et donc f(t)= ae-at.
La loi P, modélisant la durée de vie d’un noyau qui meurt sans
vieillir , est appelée loi exponentielle de paramètre a.
On aboutit finalement à P([t,t+ s])= e- at (1-e- as) = e- at P([0,s]).
Complément (correspondant à une pratique des physiciens)
En notant p la probabilité de désintégration en une unité de
temps (càd p = P([0,1]) = 1-e-a),
il vient P(]n,n+ 1]) = e- an (1-e- a)
= (1-p)np,.
La durée de vie (entière) [ou la date (entière) de mort]
d’un noyau suit une loi géométrique.
On retrouve une notion « marginale » familière en ES ;
celle de « durée marginale » et on vérifie (1-p)np  F’(n)
F’(n) = f(n) = ae-an = a(1-p)n  p (1-p)n car e- a  1- a.
Une simulation facile (dans ce cas discret):
On lance un dé toutes les secondes : par analogie avec le cas
de la radioactivité, on dira que s’il tombe sur 6, il se
désintègre, et l’on arrête.
L’absence d’usure (ou le non vieillissement) est ici très
intuitive: sachant que le dé n’est pas désintégré à la
seconde n, la probabilité qu’il se désintègre à la seconde
n+1 vaut toujours p=1/6 ; la probabilité qu’il se désintègre
à la seconde n+1 est P(n+1)= (1-p)np.
On retrouve la loi de probabilité géométrique.
4. Lien entre les deux lois : retour au macroscopique.
La loi de probabilité du nombre de noyaux qui se
désintègrent entre les instants 0 et t, t fixé, est une loi
binomiale B(n,p)
avec n = N(0) et p = F(t)=1-e- a t.
L’espérance (moyenne théorique) de cette loi est donnée
par le produit np, soit ici nF(t) = N(0)(1-e- a t).
Cette espérance peut aussi s’écrire N(0)-N(t)
(ici N(t) = nombre moyen de noyaux à l’instant t
= espérance du nombre de noyaux à l’instant t)
D ’où :
N(0)-N(t) = N(0) (1-e- a t).
soit
On en déduit que :
a.
N(t)=N(0) e-at
En guise de conclusion
• Un objet mathématique (l’exponentielle) et un objet
physique (la radioactivité)… qui traversent toute l’année.
• Un concept mathématique (équation différentielle) … à
faire vivre toute l’année ; il enrichit le champ des
questions à proposer aux élèves
(Exemple : résoudre y’y=a,
plutôt que chercher la primitive de u’u)
• Un travail disciplinaire appuyé sur une problématique
interdisciplinaire : des concepts construits simultanément
en math et en physique (et aussi en SVT, cf. doc.)
• Une attitude intellectuelle en phase avec les TPE
• Des objets consistants et stimulants :
- qu’il faut faire comprendre aux élèves,
(malgré de réelles difficultés calculatoires…
qui empêchent l’aisance face aux formules…)
- qui invitent et aident à l’assimilation de concepts
nouveaux.
« Les mathématiques ont un triple but.
Elles doivent fournir un instrument pour l’étude de la
nature.
Mais ce n’est pas tout : elles ont un but philosophique et,
j’ose le dire, un but esthétique. »
Henri POINCARÉ
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