Économique - HEC Montréal

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Valeurs et éthique de la
performance :
les leçons d’Enron
Thierry C.Pauchant
Professeur titulaire, Chaire en
management éthique des
organisations, HEC Montréal
[email protected]
Plan
• Performance et valeurs
• Le scandale d’Enron
1. Dimension économique
2. Dimension politique
3. Dimension sociale
4. Dimension environnementale
• Pour une pratique intégrée de l’éthique
Performance et valeurs ?
Un jugement, même s’il est porté sur des
résultats organisationnels, reflète des prises
de position à l’égard des valeurs et des
intérêts politiques qui influencent ce qu’on
doit considérer et pas considérer dans la
notion même de performance
organisationnelle.
Une tendance lourde :
l’intégration
•
•
•
•
•
•
•
Ex : post-modernisme : dé-construction
Ex : théorie des systèmes
Ex : analyses multivariées
Ex : pratiques multidisciplinaires
Ex : globalisation des marchés
Ex : théorie des «stakeholders», CSR
Ex : modèles intégrés de performance
organisationnelle
Ex. critères intégrés : E. Morin HEC Montréal - CGA
Pérennité de l’organisation
Valeur du
personnel
Arène
politique
Légitimité de
l’organisation
Efficience des
processus
Domaines pour performance organisationnelle éthique
Économique : rentabilité
Social : dignité
Éthique
intégrée
Politique : équité
Environnemental :
viabilité
Une pratique lourde :
la fragmentation
•
•
•
Importance accrue du retour aux
investisseurs et même de la création
attendue de la valeur de l’action
Primauté de la logique financière : 76%
des critères de performance
Dépersonnalisation des partenaires
sociaux et fragmentation des enjeux
Ex. de fragmentation : Enron
• La nature scandaleuse du scandale d’Enron :
On ne parle que d’argent et du top
management !
• Les trois autres domaines d’éthique sont
éclipsés : équité, dignité, viabilité
• Alors que les activités d’Enron sont
problématiques dans les 4 domaines
Enron avant 2 décembre 2001
•
•
•
•
•
•
7e entreprise américaine
+100 Milliard $US de chiffres d’affaires
1.8 M$US de revenus annoncés en 5 ans
+ 88.6% rendement en 2000; - 9.1% S&P500
«Fleuron de la nouvelle économie»
1996-2001: Palme de l’innovation par Fortune
Magazine
• 2000 : CEO vu comme «le messie de l’énergie»,
par The Economist
1. Scandale économique :
rentabilité falsifiée
•
•
•
•
•
•
Entre 2 et 4 M$US de dettes dissimulées
Augmentation artificielle de valeur action
Complicité Arthur Andersen
Pas d’impôts 4 années sur 5
Stock Option déduction : 600 millions $US
Déc. 2000: 750 millions boni top exec. alors
que bénéfice net déclaré 975 millions
2. Scandale politique :
manque d’équité.
• 29 top exec. 1M$ en stock options avant
banqueroute pendant que interdiction pour
employés de vendre leurs options
• CEO seul : vente de 67 $millions d’options
• 4 500 employés au chômage. Prime de
séparation :13 500 $ par employé
• 63% employés ont perdu totalité de leur
fonds de pension (plan 401K)
3. Scandale social :
droits humains bafoués (I) :
• Ex: Dabhol Power Corporation, Inde
• 65% Enron; 10% G.E; 10% Betchel; 15% Inde,
province Maharashtra (début 1992)
• Plus grande usine d’électricité au gaz du monde
• 3 M$ d’investissement (10% investissements
étrangers en Inde 1992-2002)
• Projet de 2 200 mégawatts (Baie James Phase II :
3 500 mégawatts)
3. Scandale social :
droits humains bafoués (II) :
• Déplacement de 2 000 personnes et prise de
possession des terrains sans avis préalable
• Arrestation de 300 manifestants pacifistes par jour
pour une moyenne de 8 jours d’emprisonnement,
sans procès et avec atteinte droits humains
fondamentaux
• Manifestants, surtout femmes, expulsés de leur
maison, coups et blessures (matraques, gaz
lacrymogène, hélicoptères), emprisonnement,
humiliation, intimidation
• …Similaire, Gandhi, Afrique du Sud, 1910s…
4. Scandale environnemental :
déséquilibres écologiques
• Pas d’étude d’impact, pas de site alternatif
• Moquerie du processus de consultation
• Détournement eau potable (8 300 litres minute).
Remplacement de 10% de l’eau pour villages
• Pollution des rivières par eaux usées
• Contamination eau salée (rejet d’eau chaude 13
million litres par jour)
• Destruction de plantations (mangue, noix de coco)
et pêcheries
Enron en Inde : un cas isolé ? (I)
• Autres pays affectés par Enron : Argentine, Brésil,
Mozambique, Pologne…
• Autres entreprises : Global Crossing, Oracle,
Merck, Qwest, RD Shell, Total-Elf-Fina, Unocal,
Xerox, Vivendi, Worldcom…
• Caractéristiques de la finance internationale :
LBOs, accélération des IPOs, stock options (700%
de croissance en 10 ans), investisseurs
institutionnels (50%+), valeur espérée de l’action
à court terme comme seul critère / performance…
Enron : un cas isolé ? (II)
• Caractéristiques du management «nouvelle
économie» : valeur associée à top exec. idéalisé;
CEOs = 500% salaire employé moyen; bonus
passé de 3$ à 64$ par 1000$ de valeur en 10 ans;
PR agressives; discours «responsabilité»; seuls
1.5% des stock options payés aux employés; etc.
• Complicité d’acteurs sociaux : gouvernements
(Enron financé par 7M$ investissements publics :
USA, Allemagne, Angleterre, France, Italie,
Japon…); analystes financiers; grands cabinets
comptable et consultation; Écoles de gestion;
journaux d’affaires; gouvernements hôtes; etc…
Signes avant-coureurs(Prodomes)
• 1992 : rumeurs que contrat de Dabohl signé en Inde était
corrompu (niveau d’investissement = 50% du budget
d’éducation de la province)
• 1993 : refus de la Banque Mondiale de financer le projet
(prix de l’énergie 4 fois plus élevé que localement)
• 1995-96 : tentative de retrait du gouvernement indien du
projet; début violence physique aidée de la police
• 1997 : rapport Amnesty International
• 1998-2001 : prix de l’action hors-normes d’Enron
• 1999 : rapport Human Rigths Watch
• 2000 : «note 16» dans rapport financier d’Enron
• 1992 – 2002 : Enron : 29 allégations de corruption
• 2002 : rapport US House of Representative
Réponses des acteurs sociaux aux
manquements éthiques
• Enron : déni; attaque en justice pour bris de
contrat; lobbying; intimidation du Gvt. de l’Inde
• Analystes financiers : pas d’investigation des
allégations, ni de la «note 16»
• Cabinets comptables : complicité
• Média : quelques articles sur tensions en Inde; pas
d’investigation sur le terrain, pas d’images
• Encore aujourd'hui : l’affaire Enron, un scandale
financier pour la majorité; nouvelles directives du
Congrès américain avant tout punitives
Domaines pour performance organisationnelle éthique
Économique : rentabilité
Social : dignité
Éthique
intégrée
Politique : équité
Environnemental :
viabilité
Leçon à retenir de ce cas
L’éthique, pour la performance organisationnelle,
ou pour d’autre domaines, ne peut être
fragmentée.
Les conditions de contrôle ou de gouvernance
d’entreprise doivent être traités de concert avec la
participation active de toutes les parties prenantes
qui affectent ou qui sont affectées par les activités
d’affaires…
Et ce pour les conditions de rentabilité, d’équité,
de dignité et de viabilité.
Signes positifs actuels
• Réactions d’assainissement du marché : Nasdaq
• Des firmes comptabilisent leurs stock options
comme dépenses : Boeing, G.E., G.M., Citigroup,
• Des top exec. d’Enron collaborent avec la justice
• Prolifération de nouvelles approches et outils : ex:
global compact des N.U; comptabilité sociale et
environnementale; principes OCDE; etc.
• 36% des PDGs plus conscients des responsabilités
intégrées (mais seuls 10% investissent dans CSR)
• Alien Tort Claim Act : appel gagné contre Unocal
Reste de nombreuses questions…
• Comment inciter les cabinets comptables à
intégrer des normes CSR ?
• … garantir que ces normes expriment la réalité ?
• … améliorer la gouvernance d’entreprise ?
• … rendre les corporations responsables envers
d’autres groupes d’intérêts, en plus des
actionnaires ?
• … accroître l’intégrité des étudiants en gestion et
celles des gestionnaires ?
• … diminuer le phénomène de «l’aplatissement»
dans nos sociétés ?
Éthique
E = [(Indiv. X collect.) X (subj. X obj.)]
Subj.
Indiv.
Collect.
Obj.
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