Nutrition en Cancérologie Introduction Prévention Plan Cancer • Pour l’OMS 40% des cancers peuvent être évités par des programmes de prévention • Plan cancer : développer dans le cadre du PNNS des actions de promotion de l’hygiène alimentaire • 10 recommandations du World Cancer Research Fund : – – – – – – – – – – Limiter les aliments hypercaloriques Consommer surtout des végétaux Etre aussi mince que possible (IMC<25 et éviter les prises de poids) Etre physiquement actif au quotidien Limiter la viande rouge et éviter la charcuterie Limiter l’alcool Limiter le sel Pas de compléments alimentaires Oui à l’allaitement Penser aussi aux malades (cancer = maladie chronique, 2d loc) Dénutrition en Cancérologie 1.1- Prévalence • Prévalence de la dénutrition est fonction de la localisation tumorale (DEWYS 1980) • L’atteinte de l’appareil digestif proximal : très haute prévalence de dénutrition (MEGUID 1985) • La perte de poids est dépendante de l’extension tumorale (MEGUID 1985 ; HAUGSTVEDT 1991) • Pour certaines tumeurs la perte de poids est fréquemment révélatrice de la maladie : 40% des patients atteints de cancer du poumon (GROSVENOR 1989) • Dénutrition responsable du décès du patient dans 15 à 20% des cas (FAUSSIER 2004) Prévalence de la dénutrition au moment du diagnostic de cancer, en fonction de la localisation tumorale Pancréas Œsophage Estomac ORL Foie Lymphome Bronches Prostate Colon-Rectum Sein Leucémie Vessie 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 1.1- Prévalence • Plus de 50% des patients cancéreux présentent une malnutrition (de 30 à 87% en fonction du type de tumeurs et du stade) – – – – – Voies aérodigestives : 50% Sein : 40% Poumon : 60% Estomac : 80% Pancréas : 80% 1.1- Prévalence • Facteurs aggravants : – Niveau socio-économique (Obésités sévères : dénutrition fréquente) – Douleurs chroniques – Age – Dénutrition ancienne : hospitalisation préalable, OHTabac … 1.1- Prévalence • A un stade avancé de la maladie cancéreuse, la majorité des patients sont concernés par : – Perte de poids : 60% ont une perte > 10% – Anorexie : 64% (DONNELLY 1995) 1.2- Causes de la dénutrition en cancérologie 1.2.1 – Réduction des apports alimentaires 1.2.2 – Altérations métaboliques du patient cancéreux 1.2.3 – Modification des dépenses énergétiques 1.2.1 – Réduction des apports alimentaires • Principalement liés à l’anorexie • Troubles accompagnant la prise alimentaire : – – – – Modification du goût, de l’odorat, des sécrétions salivaires Douleurs (mastication, déglutition…) Satiété précoce Nausées, vomissements, troubles du transit • Dépression, anxiété • Hospitalisation (horaires des repas, habitudes alimentaires, jeûne pour examens…) • Obstructions mécaniques (localisation tumeur) 1.2.2 – Altérations métaboliques du patient cancéreux Perturbations fréquentes des différents métabolismes • Métabolisme glucidique (NITENBERG 1997) : – Diminution de la sensibilité à l’insuline – Niveau faible d’insuline + niveaux élevés de cortisol et de glucagon chez les patients cachectiques … protéolyse… – Augmentation de la néoglycogénèse (lactates, alanine, glycérol) – Production hépatique de glucose résistante à la régulation du taux de glucose circulant – Flux de glucose augmenté • Métabolisme lipidique (HEYMSFIELD 1985) : – Augmentation de la lipolyse avec oxydation accrue des acides gras 1.2.2 – Altérations métaboliques du patient cancéreux • Métabolisme protéique (NITENBERG 1997) : – Augmentation du catabolisme protéique total et musculaire – Diminution de l’anabolisme protidique – Captation des acides aminés circulants supérieure dans le tissu tumoral PIF Inflammation 1.2.2 – Altérations métaboliques du patient cancéreux • Les cytokines pro-inflammatoires : – La réponse de l’organisme au cancer présente de nombreuses similitudes avec les mécanismes de l’inflammation – Elles sont produites soit par l’hôte en réaction à la tumeur soit directement par les cellules néoplasiques – Jouent un rôle non seulement dans l’anorexie mais aussi dans les perturbations métaboliques – Activité cytokinique élevée = habituellement perte de poids Physiopathologie de la dénutrition en cancérologie Relation métabolique hôte / tumeur Acides Gras Libres LMF Cytokines Glucose PIF Acides Aminés Circulants Anorexie Troubles du goût, de l’odorat Perte autonomie Troubles psy Obstacles mécaniques Carences d’apport Relation Hôte / Tumeur Détournements métaboliques Cachexie Cancéreuse 1.2.3 – Modification des dépenses énergétiques • La dépense énergétique peut être fortement augmentée en particulier en cas de syndrome inflammatoire important (Cancer ORL ou bronchique); de croissance tumorale rapide (lymphomes)… • Dépense Energétique augmentée la plupart du temps • Parfois hypo métabolisme • DER : – Harris et Benedict – Black et Al. 1.2.3 – Modification des dépenses énergétiques • Le plus souvent : hyper catabolisme, les besoins énergétiques sont donc majorés + Coeff. Activité Alité +5% Marche à l’hôpital + 10 % Modérée + 20 % + Coeff. Patho Chirurgie mineure + 20 % Chirurgie + 40 % Brûlures étendues + 100 % Escarre + 60 % 1.2.3 – Modification des dépenses énergétiques 3000 2240 2500 2000 2560 1600 1500 1000 Pour compenser les besoins de base... donc ne pas perdre de poids 500 0 Patient x Chirurgie K ORL Besoins énergétiques 1.3- Conséquences des traitements antinéoplasiques 1.3.1 – Chirurgie 1.3.2 – Chimiothérapie 1.3.3 – Radiothérapie 1.3.4 – Autres Traitements 1.3.1 – Chirurgie • Acte chirurgical souvent précédé d’hospitalisations source d’aggravation de la dénutrition (bilans, préparations digestives…) • Catabolisme protéique accru et augmentation de la synthèse des protéines inflammatoires • Elévation modérée des dépenses énergétiques : de 10% à 40% • La survenue éventuelle de complications infectieuses est d’autant plus fréquente que le patient est déjà dénutri • Perturbations liées à l’opération (gastrectomie, laryngectomie…) 1.3.2 – Chimiothérapie • Mode d’action = destruction des cellules à renouvellement rapide : tumorales mais aussi normales Immunodépression Infections Hypercatabolisme Mucites Atteintes des surfaces muqueuses +/- Toxicité foie, pancréas Constipation (+/- produits) Modifications sensorielles (ex : goût métallique) Complications Digestives Nausées Aversions alimentaires acquises Diarrhées (+/douleurs abdo) Malabsorptions intestinales Syndrome sub-occlusif Baisse apports alimentaires 1.3.3 – Radiothérapie Odorat, goût Hypo, voire asialie Mucite, Mycose (Modif Ph) Long cours : séquelles osseuses et dentaires (ex : ostéoradionécrose) Œsophagites Infections locales Douleurs Gênes mastication Dysphagies Vomissements Sténose Douleurs abdominales Diarrhées Long cours : entérite radique Malabsorptions Syndromes Occlusifs 1.3.4 – Autres Traitements • Immunothérapie : – Elévation des dépenses énergétiques – Complications infectieuses fréquentes • Hormonothérapie : – Prises de poids fréquentes (même après rémission) • Médicaments de support : – Corticoïdes : prise de poids avec rétention hydrosodée, intolérance glucidique, protéolyse accrue – Morphiniques : constipation et nausées – Antibiotiques : modification de la flore intestinale avec diarrhées –… 1.4- Conséquences de la dénutrition en cancérologie • Altération de la qualité de vie : fatigabilité musculaire avec asthénie qui réduit encore l’activité physique et aggrave le déficit musculaire • Augmentation de la morbi-mortalité périopératoire lors de la chirurgie lourde • Aggravation fréquente du pronostic des cancers digestifs • Altération possible de la réponse positive au traitement (chimiothérapie …) Evaluation de l’état Nutritionnel 2- Evaluation de l’état nutritionnel 2.1 – Données cliniques et anthropométriques – – 2.1.1 – La consultation diététique initiale 2.1.2 – Poids, taille, variation de poids 2.2 – Données biologiques 2.3 – Les index (Scores) 2.1.1 – La consultation diététique initiale • But : identifier les causes de la dénutrition – Conditions de vie – Habitudes alimentaires (initiales et adaptées) – Antécédents – Traitements en cours – Niveau socio économique (habitation, aide familiale, revenus, possibilité d’adaptation culinaires…) – Antécédents digestifs (résections, dérivations…) 2.1.2 – Poids, Taille, IMC, Variation de poids • Poids : attention aux limites d’interprétation (fonte musculaire peut être masquée dans le cas d’obésité ou d’œdèmes). Surveillance : 1/semaine • Poids de forme ou poids habituel = Poids avant la maladie responsable de la dénutrition = Poids stabilisé après rémission en cas de rechute après une longue période de rémission complète • Variation de poids – (Pds forme – Pds actuel) x 100/ Pds forme (BLACKBURN 1977) 1 semaine >2% 1 mois >5% 3 mois >7,5% 6 mois >10% 2.2 – Données biologiques • Protéines de la nutrition : – Évaluation de la masse protidique – Reflet de la synthèse hépatique – en cas de dénutrition < 35 g/l < 30 g/l • Protéines de l’inflammation T1/2 VIE (JOURS) CONCENTRATION Albumine 21 38 - 45 g/l Préalbumine 2 200 - 360 mg/l CRP : inflammation aiguë 6 heures < 6 mg/l Orosomucoïde : inflammation chronique 3 jours 0,5 à 1,2 g/l PROTEINE Exemple : risque d’apparition d’escarre Dénutrition protéino-énergétique : 3 2 Probabilité de survenue d'une escarre 1 0 Albumine Albumine Albumine = 35g/l = 31g/l = 26g/l 2.3 – Les index (Scores) • IMC = Indice de Masse Corporelle (P/T²) – <18.5 kg/m² – <21kg/m² chez les patients de plus de 75 ans • Le PINI (Pronostic Inflammatory and Nutritional Index) : – Oroso (mg/l) x CRP (mg/l) / Alb (g/l) x Préalb (mg/l) • 1 < PINI <10 : Risque faible • 11 < PINI <21 : Risque moyen • 21 < PINI <30 : Risque majeur • PINI >30 : Risque Vital • Le NRI : Nutritional Risk Index (Buzby) – 1,519 x Alb (g/l) + 0,417 x (Poids Actuel / Poids Habituel x 100) • NRI > 97,5 : Pas de dénutrition • Entre 83,5 et 97,5 : Dénutrition modérée • NRI < 83,5 : Dénutrition sévère Prise en Charge Nutritionnelle 3-1 Besoins Energetiques • = DER (Dépense Energétique de Repos) • Majoré par le facteur activité • Majoré par le facteur pathologie 3-1 Besoins Energetiques Recommandations pratiques : • Facteur limitant = patient (surtout per os) . • En effet : patient affaibli, perte de l ’appétit (cercle vicieux), douleur, hospitalisation, moral … l ’amélioration de ces facteurs peut permettre de couvrir l ’AET désiré. • Quand appétit faible : inciter le patient à manger un peu de tout, tout en étant à l ’écoute de celui-ci • Fractionner éventuellement les prises alimentaires. • Adapter la texture des repas selon les possibilités du patient … Si incapacité de couvrir les besoins : discussion nutrition artificielle 3-1 Besoins Energetiques • Pour prendre un kilo il faut apporter 8000 kcal en plus des besoins cités précédemment … … sur un mois il faut donc apporter 8000/30 soit 250 kcal/jour 250 kcal = un produit de complémentation orale (200 ml) = 800 g de légumes verts ... 3-2 Besoins Protidiques La répartition énergétique pour un régime hyper protidique est la suivante : 20% Protéines Lipides Glucides 50% 30% 3-2 Besoins Protidiques Alimentation équilibrée 13% 55% 32% Protéines Lipides Glucides 3.3- Complémentation orale Elle est de deux types : • Hyper protidique • Hyper énergétique le choix du complément dépend : • Consommation nutritionnelle réelle du patient • Goûts, préférences alimentaires (potage, laitage, boisson lactée, ou fruitée) 3.4- Complémentation orale spécifique • Produits spécialisés en cancérologie : – Action sur l’action des cytokines – Action locale sur les mucites Conseils Nutritionnels 4.1- Nausées Vomissements • Fractionner les prises alimentaires • Consommer les aliments à température ambiante ou froids pour atténuer leur saveur et odeur • Eviter les aliments gras, frits, très assaisonnés ou à odeur forte 4.2- Mucites • Eviter les aliments irritants : – Epices fortes – Acidité – Sel • Attention à la température des plats • Adaptation de texture (mixer éventuellement) • Ajout de matière grasse 4.3- Sécheresse buccale (langue rôtie) • Chewing-gums • Boire de l’eau citronnée (en absence de mucite) • Tablettes ou bâtonnets d’acide citrique • Humidifier la bouche fréquemment (vaporisateur) • Boire régulièrement si possible 4.4- Diarrhée • Boire régulièrement pour compenser les pertes • Régime pauvre en fibres, voire pauvre en résidus (selon l’origine de la diarrhée) 4.5- Constipation • Boire d’avantage, prendre un verre d’eau ou de jus de fruits, le matin à jeun • Augmenter la consommation de fibres • Augmenter autant que possible l’activité physique Cas Pratiques 5.1- Radiothérapie Cervicale • Discuter la nutrition entérale avant de débuter la radiothérapie (gastrostomie) • Repas fractionnés • +/- Modifications texture selon déglutition • Aliments tièdes, peu acides, épicés… • +/- Antalgiques avant les repas • Attention aux fausses routes si laryngectomie partielle 5.2- Radiothérapie Abdomino-Pelvienne • Discuter la nutrition artificielle avant de débuter la radiothérapie si dénutrition • +/- Repas Fractionnés • Souvent régime pauvre en résidus pendant le traitement • Régime sans résidus si diarrhée • Alimentation semi élémentaire … +/- parentérale si intestin radique 5.3- Chimiothérapie • Discuter la nutrition artificielle avant de débuter la chimiothérapie si dénutrition • 1ère cure : – attention à la « mémoire » – Traitement antiémétique associé (Zophren…) • • • • Repas fractionné Attention odeurs, température… Si diarrhées : régime pauvre en fibres Hydratation abondante entre les repas