L'ATHROSE DES MEMBRES 1 DEFINITION * Elle est anatomique et complexe, reposant sur l’association de lésions destructrices du cartilage articulaire, de lésions condensantes et géodiques de l’os sous-chondral et d’ostéophytes. * En pratique, elle est radiologique parce ces lésions se voient sur la radiographie simple, la destruction du cartilage se traduisant par le pincement de l’interligne. PHYSIOPATHOLOGIE * L’arthrose associe (1) des lésions destructrices du cartilage puis de l’os, (2) des lésions hypertrophiques réparatrices de l’os épiphysaire, (3) une synovite congestive. * On admet que l’ altération initiale de l’arthrose réside dans le cartilage articulaire. Les lésions du cartilage consiste en une fissuration , s’étendant de la surface vers la profondeur et détachant des lambeaux de tissus. Elles siègent dans la zone de pression principale des jointures, aboutissant à une destruction locale complète du cartilage, et ainsi à la dénudation des surfaces osseuses. Ces dernières s’usent alors l’une contre l’autre de façon extrêmement lente. * La réparation est marquée par (1) un hyperemodelage osseux condensant et (2) l’ostéophytose. L’os sous-jacent aux lésions du cartilage se condense par apposition ostéoblastique et métaplasie osseuse de la moelle osseuse. Cette condensation rend l’os extrêmement dur, lui permettant de résister aux contraintes mécaniques anormales qu’il subit. Elle est parsemée de géodes qui sont plus ou moins constantes et volumineuses. Les ostéophytes correspondent à la néoformation d’une épiphyse articulaire avec un os sous-chondral et un tissu cartilagineux de revêtement. Ils se développent à la périphérie des jointure, à la jonction os-cartilage. Ils augmentent les surfaces articulaires et compensent ainsi en partie la destruction des tissus dans les zones de pression. * La synovite arthrosique est vasculaire (congestive) avec une petite prolifération des synoviocytes, devenant hypertrophique et hyperplasique. Un réaction cellulaire autour de débris osseux ou cartilagineux existe à un stade tardif mais en règle il n’y a pas d’infiltrats lymphoplasmocytaires. Elle est secondaire à la libération dans la cavité articulaire de divers fragments de dégradation du cartilage puis de l’os. Elle est l’origine principale de la douleur. ETIOPATHOGENIE A. On distingue des arthroses secondaires et primitives. 1. Arthroses secondaires à des affections articulaires diverses : Reproduit pour l’ÉSO RHUMATOLOGIE L'ATHROSE DES MEMBRES 2 Infections, polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathies, chondrocalcinose, goutte, ostéonécrose aseptique, Paget, chondromatose synoviale. 2. Arthroses secondaire à des facteurs mécaniques : Fracture articulaire, traumatisme articulaire unique ou répété, entorses chroniques, ménisectomie, dysplasie et luxation de hanche, genu varum et valgum. 3. Arthrose commune ou primitive Probablement association d’un terrain génétique non identifié (certaines polyarthroses précoces familiales sont liées à une mutation sur un codon du collagène de type II), de l’âge intervenant par le facteur temps (sommation des contraintes mécaniques de la vie) et/ou par le facteur biologique (diminution de l’IGF-1 avec l’âge), le surmenage des jointures (obésité, sportifs de haut niveau, danseur) B. Mécanisme de la destruction du cartilage Le cartilage est un tissu de 0.1à 8 mm d’épaisseur, sans innervation (insensible) ni vascularisation (pas de réparation), formé d’eau (75%) de protéoglycanes et de collagène de type II. Par leurs charges négatives, les protéoglycanes attirent l’eau et mettent sous-tension les fibres collagènes, assurant ainsi la rigidité du tissu. Le cartilage fissuré est malacique et hyperhydraté (du fait de lésions des fibres qui ne peuvent plus s’opposer au gonflement des protéoglycanes). Les cellules se nécrosent dans certaines zones et profilèrent en amas dans certaines zones .Les cellules restantes sont stimulées produisant plus de matrice et plus d’enzymes de dégradation (métalloprotéases). Ces enzymes qui dégradent protéoglycanes et collagène participent à la destruction du cartilage. Elles sont stimulées par l’IL-1, le TNFa , les pressions... La cause exacte de la dysrégulation des chondrocytes arthrosiques est inconnue. L’excès de dégradation est une cible thérapeutique actuelle (inhibiteurs des métalloprotéases, de l’IL-1..) FREQUENCE ET TOPOGRAPHIE L’arthrose primitive (ex-rhumatisme dégénératif) ne se voit que chez l’adulte après 50 ans. C’est de loin la première cause d’arthropathie. Sa fréquence ( 4 millions en France ) et son coût socio-économique semble énorme. Elle ne touche que certaines jointures, avec par ordre approximatif de fréquence à 70 ans : * * * * Interphalangiennes distales (IPD, Nodosités d’Heberden) 45% Genoux : 30-40 % Trapézo-métacarpienne (Rhizartrose du pouce) : 30 %. Interphalangiennes proximales (IPP, nodosités de Bouchard) : 15% Reproduit pour l’ÉSO RHUMATOLOGIE L'ATHROSE DES MEMBRES * * * * 3 Hanche : 10 % Métatarso-phalangienne du gros orteil Epaule et coudes : très rares ((sauf si fracture…) Poignet et cheville : jamais (sauf si fracture…) En principe une seule jointure est atteinte, généralement de façon bilatérale. La polyarthrose qui touche rachis, pieds, mains, genoux existe . SIGNES CLINIQUES * Indolence. Certains ne se plaignent pas d’une arthrose parfois importante sur la radio. Cette discordance clinico-radiologique est classique. * La douleur est le symptôme principal Mécanique : déclenchée par l’usage de la jointure et calmée par le repos, avec un dérouillage de quelques minutes (<30mn), d’intensité variable mais en règle modérée. • La gène fonctionnelle dépend surtout de la douleur. Seule l’atteinte du genou et de la hanche peuvent conduire à un handicap important, apprécié par le périmètre de marche, les indices algofonctionnels de Lequesne et le WOMAC. * La raideur articulaire (limitation des mouvements) est constante mais tardive et très variable selon les jointures. * La tuméfaction articulaire (pour les jointures superficielles) : c’est une hypertrophie articulaire, sans épanchement ni épaississement de la synoviale, sous-tendue par les ostéophytes. * Sans intérêt : craquements, dérobements, sensation d’accrochage, pseudo-blocage * La poussée congestive d’arthrose. C’est une poussée douloureuse, déclenchée par un surmenage ou un traumatisme, pendant laquelle les douleurs prennent un caractère inflammatoire. Il y a alors souvent un épanchement mais le liquide synovial reste mécanique de même que les marqueurs sériques de l’inflammation. Elle guérit en quelques semaines avec le repos (sauf en cas de persistance du surmenage). SIGNES RADIOGRAPHIQUES * Le pincement de l’interligne articulaire localisé dans la zone de pression principale de la jointure. * Les ostéophytes qui élargissent les contours articulaires Reproduit pour l’ÉSO RHUMATOLOGIE L'ATHROSE DES MEMBRES 4 * La condensation de l’os sous-chondral sous la région du pincement articulaire. * Des géodes qui sont inconstantes et siègent au sein de la condensation * A un stade tardif, une érosion de l’os sous-chondral toujours localisée dans la zone de pression ou le cartilage a disparu et déformation. SIGNES BIOLOGIQUES * Aucun signe biologique d’inflammation : VS et CRP sont normales. * Aucun signes biologiques particuliers, pas de marqueurs validés. * Le liquide synovial, en principe absent est mécanique, c’est-à-dire clair, visqueux, contenant moins de 1.000 Globules blancs/mm3, avec < 50 % de polynucléaires. AUTRES EXAMENS * Arthrographie gazeuse ou opaque, scanner, scintigraphie, IRM et arthroscopie ont tous une sensibilité supérieure à la radiographie simple pour visualiser la destruction du cartilage et/ou la réaction osseuse (scinti et IRM). * En pratique, il ne faut jamais les demander car la radio simple est suffisante pour le diagnostic (sauf très rares cas particuliers) et le suivi. * La biopsie synoviale montre les lésions décrites plus haut. Elle est aussi inutile sauf très rares cas de diagnostic difficile EVOLUTION * En règle générale, les lésions radiographiques s’aggravent progressivement de façon lente. Cette évolution est cependant extrêmement variable. Il a des formes stables surtout ostéophytiques qui n’évoluent pas pendant des dizaines d’années. A l’inverse il a y des formes destructrices rapides qui détruisent le cartilage puis l’os en quelques mois. Entre les deux, il y a toutes les formes intermédiaires possibles. * Cette évolution est imprévisible au départ et Il n’ y a pas de facteurs pronostiques validés. * L’évolution des douleurs et de l’impotence n’est pas forcément parallèle avec celles des lésions et dépend de la localisation. La corrélation est même inverse pour l’arthrose des mains et des pieds qui devient généralement indolente au bout de quelques années au prix d’un gène fonctionnelle peu importante. Les arthroses de la hanche semblent Reproduit pour l’ÉSO RHUMATOLOGIE L'ATHROSE DES MEMBRES 5 évoluer vers une invalidité douloureuse progressivement croissante mais dans un pourcentage de cas mal connu (20-30%). Il semble en être de même pour les arthroses fémoro-tibiales, avec plus souvent une évolution par poussées. DIAGNOSTIC DE L'ARTHROSE • Il repose sur la radiographie simple qui est nécessaire mais suffisante. • * L’ostéophyte et le pincement de l’interligne sont des lésions suffisantes. * L’ostéophyte est spécifique de l’arthrose (sauf arthrite condensante des spondylarthropathies) et sa présence, facile à voir, est suffisante pour le diagnostic. Certaines arthroses se manifeste au début seulement par un pincement de l’interligne. Dans ce cas, le contexte, la VS et l’analyse du liquide synovial sont nécessaires pour un diagnostic correct. * Cette radiographie n’est pas sensible pour déceler des lésions débutantes, mais en pratique il y a toujours des signes radiographiques évidents lorsqu’un arthrosique vient consulter. * Cela est surtout vrai lorsqu’on dispose des clichés adéquats : clichés en position debout pour les genoux, vue axiale pour la fémoro-patellaire, clichés en Schuss (postéro-antérieur à 30° de flexi on) pour la fémoro-tibiale, clichés de face et en faux profil de Lequesne pour la hanche. * Si la radio ne montre pas d’arthrose il s’agit a priori d’une autre affection articulaire. Si il s’agit bien d’une arthropathie et pas d’une douleur projetée l’IRM est alors l’examen de choix pour le diagnostic différentiel. FORMES TOPOGRAPHIQUES 1. COXARTHROSE Douleur du pli de l’aine, dessus de la cuisse, genou, parfois fesse, parfois seulement le genou++, avec boiterie, limitation du périmètre de marche, raideur articulaire. Formes radiologiques Reproduit pour l’ÉSO RHUMATOLOGIE L'ATHROSE DES MEMBRES 6 * selon la topographie du pincement : supéro-externe, supéro-interne ou axiale. * primitive ou associée avec: dysplasie et subluxation de hanche (coxa valga, défaut de couverture de la tête, obliquité exagérée du cotyle) séquelle d’épiphysite ou épipyphysiolyse, protrusion acétabulaire ( arrière fond du cotyle dépassant la ligne ilio-ischiatique, souvent coxa-vara). Formes évolutives : * progression du pincement de l’interligne et de l’impotence fonctionnelle avec ankylose, atrophie de la cuisse, attitude vicieuse en abduction, rotation externe du pied, flexum de hanche, raccourcissement du MI et prothèse au bout de 7-8 ans. * formes stables pendant des années (60-70%). * formes destructrices rapides (<10%), très douloureuses d’allure inflammatoire, invalidantes, avec destruction de l’interligne et de l’os en quelques mois, peu ou pas d’ostéophytes, simulant une coxite (parfois élévation de la VS). * bilatéralisation : 50%. 2. GONARTHROSE. Trois formes différentes qui peuvent s’associer (sauf l’arthrose fémoro-tibiale interne et externe). La douleur siège en principe au niveau de la jointure atteinte, mais parfois diffuse et postérieure. Possibilité de kyste poplité et de rupture de kyste. Rarement chondromatose synoviale secondaire. 1. Arthrose Fémoro-patellaire * Très fréquente * Syndrome rotulien : douleur en flexion du genou (assis, accroupi, montée et descente). * Parfois atrophie de la cuisse, épanchement mais souvent rien (signe du rabot, douleur à la pression). * Diagnostic précoce seulement sur la vue axiale des rotules à 45° de flexion , qui montre parfois dysplasie et subluxation de la rotule. * Peu invalidante et bien tolérée chez le sujet âgé. Pas de traitement chirurgical d’intérêt évident. 2. Arthrose fémoro-tibiale interne * Primitive ou sur genu varum, isolée ou associée à arthrose fémoropatellaire * Douleur interne sur le ménisque ou au-dessous. * Souvent au début pincement isolé de l’interligne, parfois seulement démontré par le Schuss , effilement des épines Reproduit pour l’ÉSO RHUMATOLOGIE L'ATHROSE DES MEMBRES * 7 Eviter ménisectomie : aggravation rapide vers la prothèse • Ostéotomie tibiale de valgisation si varus important ou progression vers un varus important 3. Arthrose fémoro-tibiale externe * Primitive ou sur genu valgum, plus rare, féminine, souvent avec arthrose fémoro-patellaire. * Classiquement mieux tolérée que la forme interne * Douleur sur le ménisque interne. * Nécessité du Schuss pour diagnostic précoce * Pas d’ostéotomie. Attendre la prothèse si nécessaire Reproduit pour l’ÉSO RHUMATOLOGIE