Gestion de la douleur à domicile Jusqu’où faut-il aller ? Situation clinique Monsieur X est âgé de 72 ans. Il souffre d’un cancer de la vessie métastatique à l’os. Il a été opéré il y a 2 ans (ablation de la vessie), opération qu’il décrit comme pénible avec des douleurs importantes péri-opératoires. Il porte depuis lors une poche pour les urines. Il est traité par ailleurs par un anti-hypertenseur contenant un diurétique Il souffre d’une dépression traitée par un inhibiteur de la recapture de la sérotonine. Situation clinique suite 2 Monsieur X est âgé de 72 ans. Ses 2 enfants n’habitent pas dans le même village. Son épouse de 74 ans souffre d’un diabète et ne conduit pas. Le CMS passe 1 fois par semaine pour une aide au ménage 1 fois par semaine pour un contrôle « semainier », paramètres vitaux et évaluation symptômes Situation clinique suite 3 Monsieur X est âgé de 72 ans. Traitement en cours: Anti-tumoral par castration chimique (injection toute les 3 semaines chez son urologue) Le traitement antalgique a été adapté il y a 10 jours par le médecin traitant en raison de douleurs mal contrôlées Dafalgan 1g 3x/j Durogesic 25 mug/h TTS / 3j Morphine 5 mg en gttes 6x/ en réserve Situation clinique suite 4 Monsieur X est âgé de 72 ans. En raison d’une forte exacerbation des douleurs au niveau de la hanche droite depuis 4 jours, il prend presque toutes ses réserves à savoir: Morphine 5mg en gttes toutes les 4 heures le jour Ainsi que d’autres médicaments qu’il prenait avant l’introduction des opiacés: Tramal 100mg retard le soir Brufen 400mg 2 à 3 fois /24h Il présente des nausées, a vomit une fois hier et paraît être un peu agité avec une température à 37,7. Traitement Matin Midi Soir Dafalgan 1 g X X X Durogésic 25 mug 1 patch ch 3 jour ----------------------------------------------------------------------- Morphine 5 mg Réserve 6 X X Tramal Retard 100mg X X X X X Brufen 400 mg Réserve 2 à 3 fois X Anti hypertenseur contenant un diurétique X Inhibiteur de la recapture de la sérotononie X X X Le maintien à domicile est-il possible? A quelles conditions? Que faire tout de suite? Comment gérer la douleur? Plan La douleur c’est quoi? Comment évaluer la douleur? Comment gérer les autres symptômes? Le maintien à domicile est il possible? Quels sont les principes de base du traitement antalgique médicamenteux? Douleur Mieux comprendre pour mieux soigner Douleur : définition "Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à des lésions tissulaires présentes ou potentielles, ou décrite comme relevant de telles lésions" International Association for the Study of Pain, 1986 Douleur Aigue Chronique ≥ 3mois Signal d’alarme inutile et destructrice Bien définie dans le temps Pas de réaction vasomotrice Associée à des signes Répercussions (dépression, …) vasomoteurs Disparaît avec le traitement de l’étiologie Nécessité non seulement d’un traitement antalgique mais d’une prise en charge globale Types de douleurs Douleur nociceptive Douleur neurogène Activation des récepteurs nociceptifs Atteinte du système nerveux périphérique ou central dans les divers tissus et organes Douleur somatique (peau, muscle..) Continue, bien localisée, sensible à la pression, incidence Douleur viscérale Mal localisée, référée, profonde tranchante, en colique Sensations de brûlure, décharge électrique Continue ou par paroxysmes Parfois associée à un déficit sensitif-moteur et localisée au niveau de la zone innervée par la structure lésée Exacerbation douloureuse Touche 40-80% des patients en phase palliative Impact majeur sur la qualité de vie À rechercher systématiquement dans l’anamnèse de la douleur Type de douleur: nociceptive ou neuropathique Rapidité d’installation Fréquence, durée et intensité variables, à évaluer Spontanée ou déclenchée par différentes activités: mobilisation volontaire ou non, tousser, avaler, respirer profondément Boucle infernale? Stimulus nociceptif Récepteurs Perception Modulateurs ↑ Autres symptômes, fatigue, anxiété, expérience antérieure ↓ soulagement des symptômes, Etat cognitif Expression sommeil, entourage… Croyances Environnement socio-culturel Evaluation Traitement Modified from Bruera E. Cancer Treat Rev 1996 Composante multidimentionnelle Bien-être physique? • Capacité fonctionnelle • Fatigue, cachexie • Sommeil et récupération • Appétit, nausée, etc. Bien-être psychologique ? •Appréhension, soucis •Deuil, dépression •Plaisir, loisirs •Anxiété, colère •Capacités cognitives Souffrance Bien-être social ? •Communication avec le personnel soignant •Relations avec les proches, sollicitations •Situation financière, problèmes assécurologiques Bien-être spirituel ? •Sens ou non sens de la maladie •Signification de la douleur •Foi religieuse •Perspectives existentielles Evaluation Nécessaire pour apprécier l’aspect multidimensionnel de la douleur et communiquer Evaluation : principes de base Outil de communication avec le patient Evaluation subjective (basée sur le ressenti du patient) Donne des informations objectives Objectifs: Aider à mieux comprendre l’origine et les causes de la douleur Permet d’orienter le traitement Nécessité de croire le patient dans l’intensité de sa douleur Evaluation Qualitative Evaluation Multidimensionnelle Investigations Interventions Réévaluations Quantitative Evaluation qualitative de la douleur Localisation, irradiation Caractère de la douleur Modalité d’apparition Durée, horaire Facteurs d’aggravation et de soulagement Répercussions sur la vie quotidienne Effets des traitements antérieurs Evaluation qualitative de la douleur Echelle visuelle analogique (EVA) Douleurs insupportables Pas de douleur Echelle numérique 0 2 4 6 8 10 EVA + Echelle verbale simple Pas de douleur Douleurs légères Douleurs modérées Douleurs fortes Douleurs très fortes Douleurs insupportables Quand passer à un évaluation multidimensionnelle de la douleur? Douleur résistant au traitement a priori bien conduit et suivi Douleur mal expliquée par l’analyse clinique. Composante anxieuse, dépressive ou autres manifestations psychopathologiques Interprétations ou croyances du patient éloignées des interprétations du médecin concernant la douleur, ses causes, son retentissement ou ses traitements. Evaluation multidimentionnelle Les échelles multidimensionnelles font appel à des questionnaires. ESAS : échelle d’Edmonton Les échelles comportementales peuvent appréhender le retentissement de la douleur sur le comportement quotidien (ECPA – Doloplus) Le bilan psychologique, c’est-à-dire par le HADS : échelle du retentissement émotionnel (Hospital Anxiety and Depression Scale). Limites de l’évaluation Adhésion du patient… Adhésion du soignant… Gérer la douleur et les autres symptômes De l’observation à l’action “Echelle EVA” des symptômes Évaluation, Vigilance, Anticipation En dehors de la DOULEUR ne pas oublier: Fatigue État de la Muqueuse Buccale Troubles digestifs : Vomissements, Constipation Escarres et état de la Peau Dénutrition Anxiété / Dépression Autres symptômes … Principe de la gestion des symptômes Évaluer l’importance du symptôme pour le patient (Évaluation et Pluridisciplinarité) Prévenir l’apparition du symptôme (Anticipation) Chercher la cause et la traiter (Précision) Traitements : simple, voie orale, rapport bénéfice/risque (Démarche décisionnelle) Prévenir les effets secondaires (Anticipation) Évaluer l’efficacité (Évaluation et Pluridisciplinarité) Principe de la gestion des symptômes Evaluer Détecter Symptômes Prévenir Traiter La démarche décisionnelle Étape 1 : Quelle est le problème aujourd’hui quelle est la question formulée ? Étape 2 : Quel est le contexte ? Maladie, Malade et souffrance, Malade et projet Étape 3 : Que pouvons nous faire ? Sur Maladie, Souffrance, Projet Avec Qui, Quoi ? Étape 4 : Que devons nous faire ? Prise de décision aujourd’hui Étape 5 : Évaluation des effets de la prise de décision Douleur : Rôle des soignants Evaluer la douleur Lors de chaque intervention, au repos et pendant l’acte Auto évaluation du patient Langage non verbal (grimace, position, crispation, gémissement…) Echelle DOLOPLUS etc… Penser à évaluer la douleur morale Anticiper et transmettre Trouver les bonnes positions Mobiliser avec précaution Planifier l’utilisation des réserves Prendre le temps de la discussion (+++) Transmettre au médecin l’évaluation de la douleur (+++) : par cahier de transmission, par téléphone si besoin Domicile ou institution? Les enjeux Maintien à domicile possible? Désirs et possibles Consentement du patient Consentement de la famille Évaluation de la faisabilité au niveau de l’entourage et des conditions matérielles Evalutation des besoins • De la personne malade : matériel médical, confort, prescription, prévention, anticipation De la personne malade à son domicile : aide ménagère, garde malade, portage de repas, téléalarme De son entourage : information, éducation, soutien, aide financière Les limites du domicile Refus du malade ou de sa famille ou de son équipe soignante du domicile L’épuisement des acteurs Le sentiment d’insécurité du malade et de son entourage Les symptômes extrêmes Les risques de complications spectaculaires Mais aussi « l’hospitalisation temporaire pour stabiliser une situation »… Prise en charge médicamenteuse Principes généraux Exemple de la morphine Principes pour une antalgie efficace Douleur = phénomène multidimensionnel Prévoir les exacerbations possibles Evaluation continue Compréhension des mécanismes responsables Eviter les délais dans l'institution du traitement antalgique Antalgie par paliers, selon la sévérité des douleurs Douleur continue = antalgie continue, à heures fixes Voie orale, chaque fois que possible sous une forme adaptée au patient (gttes – cp) Prévenir et identifier les effets secondaires Approche pharmacologique = une part de la prise en charge Recommandations de l'OMS 3 2 1 DOULEURS Premier palier de l'antalgie Paracétamol Analgésique non-opioïde Palier 1 +/Adjuvant (co-analgésique) Si antalgie insuffisante Palier 2 A. acétylsalicylique AINS (ibuprofène) Deuxième palier de l'antalgie Palier 2 Codéine Opiacés "doux" Tramadol +/Adjuvant (co-analgésique) Si antalgie insuffisante Palier 3 +/- Analgésique non-opioïde Troisième palier de l'antalgie Morphine Hydromorphone Opiacés "forts" Palier 3 Méthadone Fentanyl +/ Adjuvant (co-analgésique) Oxycodone +/ - Si antalgie insuffisante Analgésie interventionnelle Analgésique non-opioïde « A heure fixe » Substance administrée à la demande Zone de toxicité Substance administrée préventivement Zone de toxicité Zone d’efficacité Douleurs Douleurs Modalités d’administration des opiacés 1. Initiation du traitement Choisir une morphine à effet immédiat à petites doses aux 4h ou un opiacé à effet prolongé à la dose equi-analgésique inférieure Mettre à disposition des réserves égales au 1/61/10 de la dose journalière totale Donner les réserves aussi souvent que nécessaire (max.1x/heure) sans modifier l’horaire des doses d’office Modalités d’administration de la morphine 2. Adaptation du traitement Si persistance des douleurs et ou utilisation de plus de 3 réserves/24h, augmenter les doses par paliers de 20 à 30% ou sur la base des réserves utilisées Adapter les réserves de façon similaire Modalités d’administration de la morphine 3. Douleurs stabilisées Introduire éventuellement la morphine ou un autre opiacé à effet retard Maintenir les réserves Si réapparition des douleurs, maintien de la forme retard avec titrage de la dose antalgique par les réserves ou réintroduction de la forme à effet immédiat Morphine par voie iv ou sc Indications La voie sous-cutanée Le patient ne peut pas Utiliser un butterfly avaler Les effets secondaires sont incontrôlables Troubles de l’absorption intestinale, ileus Préférer la voie souscutanée à la voie intraveineuse Piquer dans le sens de la circulation Laisser en place 10 jours maximum mais réévaluer au quotidien Contre indications Œdèmes généralisés Thrombocytopénie Effets secondaires des opiacés Traitement Laxatif en prophylaxie systématique Métoclopramide, haldol, passage sc Palier prolongé, rotation opiacé Rotation opiacé, hydratation, réduction doses Soins de bouche, salive artificielle, glaçons Suivi d’un patient prenant des opiacés Compréhension et acceptation du traitement? Absorption du médicament (po ou transcutanée) ? Nouveau médicament introduit? Hydratation suffisante? Somnolence? Efficacité? Transit régulier? Les adjuvants ou co-analgésiques Le terme « co-analgésique » décrit un médicament dont l'indication première est autre que l'analgésie, mais qui peut avoir un effet antalgique dans certaines circonstances douloureuses. Portenoy RK, 1998 Les stéroides comme co-analgésiques Indiqués lors de: douleurs osseuses douleurs abdominales lors de compression tumorale ou d’ileus douleurs neurogènes sur infiltration Autres effets: Diminution de l’oedème cérébral Augmentation de l’appétit Augmentation de l’énergie « dopage » Autres co-analgésiques Anti-dépresseurs clomipramine, imipramine, amytryptyline Anti-épileptiques gabapentine/prégabaline Agissent sur les douleurs de type neurogène surtout Conclusion EVA Evaluation de la douleur (échelle visuelle analogique) Pas de douleur EVA EVALUATION VIGILANCE ANTICIPATION Douleurs insupportables La gestion de la douleur à domicile Evaluer Détecter DOULEUR Prévenir Traiter Quand hospitaliser ou demander l’aide de l’EMSP Douleur résistant au traitement a priori bien conduit et suivi Douleur mal expliquée par l’analyse clinique. Effets secondaires persistants Difficultés dans l’évaluation de la situation Composante anxieuse, dépressive ou autres manifestations psychopathologiques Interprétations ou croyances du patient éloignées des interprétations des soignants. Merci pour votre attention palliative-vs