Proceedings of the International Congress of Mathematicians August 16-24, 1983, Warszawa JEAN-MAKC FONTAINE Représentations ^-adiques On sait que, lorsque l'on étudie les représentations Z-adiques du groupe de Galois d'un corps de nombres, les places premières à l jouent un rôle très différent de celles qui divisent Z. Tout Part est dans la manière d'utiliser simultanément les informations fournies par les unes et les autres. Ici, bien au contraire, nous nous limitons à passer en revue quelques résultats sur ce que l'on peut dire lorsque l'on ne considère qu'une seule place p, supposée en outre diviser Z. Aussi le contexte est le suivant: on fixe un corps K de caractéristique 0, complet pour une valuation discrète, à corps résiduel parfait Jc de caractéristique p > 0; on choisit une clôture algébrique K de K et on pose (S = Gal(j£/IT). Une représentation p-adique est un Qp-espace vectoriel de dimension finie muni d'une action linéaire et continue de ©. Comme le groupe (S n'est pas très "explicite", l'un des objectifs est d'associer à une représentation ^p-adique des invariants plus tangibles. Le plus naturel est le couple (V, Gv) formé du Qp-espace vectoriel sousjacent V et du sous-groupe (fermé) Gv de GL(7) qui est l'image de 05. On obtient un objet plus maniable en remplaçant Gr — soit par son algèbre de Lie, JAeGv (comme tout sous-groupe fermé de GL(F), Gv est un groupe de Lie jp-adique), — soit par sa clôture de Zariski GVf8big, i.e. le plus petit sous-groupe algébrique de GL(7) qui contient Gv (d'après un résultat classique de Cflievalley, Lie6rr>aig est la plus petite sous-algèbre de Lie algébrique de gl(7) qui contient Lie(? F ). Ubus allons associer à certains types de représentations d'autres invariants et, dans certains cas, voir quels renseignements la connaissance de ces invariants fournit sur L i e $ F ou sur GVtfûg. Dans ce qui suit, mis à part quelques résultats sur les variétés abéliennes et les groupes ^-divisibles, on a laissé de côté toutes les questions où intervient la géométrie algébrique (problèmes de comparaison entre [47Ö1 476 Section 3: J.-M. Fontaine différentes cohomologies #-adiques, voir [2], [3], [14], [7] App., [9], bien que ce soit celle-ci qui "motive" beaucoup des définitions données. Bemarque. Beaucoup des catégories abéliennes que nous allons rencontrer sont des ®-catégories, i.e. sont munies d'un produit tensoriel, d'un Horn interne et d'un objet-unité satisfaisant à des propriétés convenables (cf. [18]); pour alléger l'exposé, nous avons renoncé à donner les définitions, presque toujours évidentes, de ces structures; une sous®-catégorie d'une ®-catégorie abélienne est une sous-catégorie pleine stable par sous-objet, quotient, somme directe, produit tensoriel, hom interne, contenant l'objet-unité; un ®-foncteur (resp. une ®-équivalence de catégories) est ce que l'on pense (voir [18] ou [4] pour des définitions précises). 1. Représentations non ramifiées On sait depuis longtemps que leur étude se ramène à un problème d'algèbre linéaire. Commençons par fixer quelques notations: — si A est un anneau commutatif contenant F^, W(A) est l'anneau des vecteurs de Witt à coefficients dans A et F: W(A)->W(A) le Frobenius (cf., par exemple, [22], chap. II, §6); — on pose 17 == W(Jc), KQ = FracW et on note a le Frobenius agissant sur Jc, W et K0; — on note W[F] (resp. K0[F]) l'anneau (non commutatif si h ^Fp) engendré par W (resp. K0) et un élément F, soumis aux relations FX = a(X)F, pour tout l e W (resp. K0); si A est une fc-algèbre, W(A) est, de façon naturelle, une TF-algèbre et un T7[J?T]-module; si A est parfait, c'est même un W{F, P^-module. Par définition, une représentation non ramifiée est une représentation sur laquelle le sous-groupe dHnertie ©0 de © opère trivialement. Si h désigne le corps résiduel de K, k est une clôture algébrique de Jc et ©/©<, s'identifie à © :=Gal(ï/*). Le groupe © opère sur P : = Frac W (S) de façon compatible avec sa structure de uT0-algèbre et de KQ\F, p-^-module. Si 7 est une représentation #-adique non ramifiée, BP(V) : = ( P ® Q 7)® est un module de Bieudonné de pente 0 sur K0, i.e. un K0 [P]-moduïe, de dimension finie comme if0-espace vectoriel, contenant un TT-réseau sur lequel l'action de F est bijective. Le foncteur BP définit une (^-équivalence entre la catégorie des représentations p-adiques non ramifiées et celle des modules de Bieudonné de pente 0. Un quasi-inverse'est le foncteur 7 P qui, à un tel module B, associe le sous-Qi3[©]-module de P®K B formé des éléments Beprósentations j)-adiques 477 fixés par F (ces résultats se démontrent sans difficulté, par exemple en utilisant [23], III, A.l). 2 . Une "description" des représentations ^-adiques (voir [12], [13], [27], [28] pour des démonstrations et d'autres résultats) Soit x: ®-^Z* le caractère cyclotomique, défini par ge = e*W, pour g e ©, « 6 ^ ( 1 ) ; soient § le noyau de ©, r = ©/# et JJ = E*. Il se trouve que $ s'identifie au groupe de Galois d'un corps parfait de caractéristique p. Pour toute extension F de K contenue dans E, notons BE l'ensemble des suites (a?n),leN formées d'éléments du complété Ê de F, vérifiant a?^+1 = xn, pour tout n. Si l'on pose m-»-oo WnèN"(yn)fiéN = {^nVfùnaSi J2 S devient un corps parfait de caractéristique p. C'est même un corps value complet (on obtient une valuation de BE en choisissant une valuation v de F et en posant v[(œn)neii) = fl(a?0)) dont le corps résiduel s'identifie au corps résiduel JcE de F (bien sûr BE = 7% si JE/ est une extension finie d'une extension non ramifiée). Le corps BL a une structure très simple: c'est le complété de la clôture radicielle d'un corps local bien défini, le corps des normes XK(L) de l'extension L/K ([28]), qui est donc un corps de séries formelles en une variable ut à coefficients dans JcL. Le groupe abélien P opère continûment sur XK(L) ot BL et cette action est facile à décrire (lorsque p est une uniformisante de K, i.e. lorsque K = K0, on peut choisir ut pour que g(l + ut) = (1 + ut)x{0\ pour tout g e ©). Si maintenant F est une extension finie galoisienne de L, BE est une extension finie galoisienne de BL et Qnl(BEIBL) sHdentifie à Gal(2?/.L); <m outre la réunion B~ des BE, pour F parcourant les extensions finies de L contenues dans E est une clôture algébrique de BE. Si 7 est une représentation jp-adique, et si PR = FracTF(jB^), on voit que BPR(V) : = (PR<8)Q 7 ) S est un "T-module de Bieudonné de pente 0", i.e. un module de Bieudonné de pente 0 sur FracT7(jRjr,), munie d'une action continue de P, semi-linéaire par rapport à son action naturelle sur FracT7(JSi). On obtient ainsi une (Si-équivalence entre la catégorie de toutes les représentations p-adiques et celle des r-modules de Bieudonné de pente 0. 478 Section 3: J.-M. Fontaine 3. Décomposition de Hodge-Tate et théorie de Seri ([26], [24], [21]} Si 7 est une représentation ^-adique finie (i.e. telle que © opère à travers un groupe fini), la trivialité de B}\%, GLn(E)), pour tout n, implique que (Jr® Q 7)® est un JT-espace vectoriel de dimension finie égale à celle de 7 sur Q p . Plus généralement tout Z-espace vectoriel 7, de dimension finie n9 muni d'une action de G, semi-linéaire par rapport à son action sur Ef continue pour la topologie de Krull de G et la topologie discrète de 7, est isomorphe à En. L'idée fondamentale, qui est à la base de toute la suite de cet exposé, et que Tate a été le premier à utiliser dans ce contexte [26], est que, pour les représentations ^p-adiques quelconques, il faut remplacer K par son complété G = Ê (et donc i P f ® , GLjZ)) par J2"*0nt(®> GLJC)), la topologie de GLn(C) étant la topologie p-adique). Autrement dit, dans u n premier temps, au lieu d'étudier les représentations #-adiques, on va s'intéresser aux G-reprêsentations de ©, i.e. aux O-espaees vectoriels de dimension finie, munis d'une action semi-linéaire et continue de ©. Le premier résultat, dû à Tate, est le suivant : si i* est une C-représentation de ©, et si, pour tout i e Z, on note "P* le sous-IT-espace vectoriel de ir formé des v vérifiant gv = xi(g)'/0j pour tout g e ©, alors ([24], prop. 4), Vapplication évidente est injective. Si elle est surjective, on a alors une décomposition canonique de ir, la décomposition de Hodge-Tate ir = © C ^ ' , et on dit que f est du type Bodge-Tate. L'un des intérêts de cette notion est que l'on conjecture (Tate) que la cohomologie étale ^-adique fournit, par extension des scalaires à G, des exemples de U-représentations du type Hodge-Tate. Une classification pratiquement complète des (/-représentations a été obtenue par Sen ([21]): La théorie de Sen associe, à toute O-représentation i~ de dimension n, un L-espace vectoriel HT de dimension n muni d'un endomorpJiisme q>, dont les facteurs invariants sont à coefficients dans K. La connaissance de <p détermine ir à isomorphisme près ; si Jc est algébriquement clos, tout couple (W', (p) provient d?une O-représentation. En termes de cocycles continus, cela revient à construire une application injective Représentations j)-adiques 479 (bijective si Jc est algébriquement clos) de S"oont(® ? ^51^(0)) dans l'ensemble Mn(E) des classes de similitude des matrices (n,n) à coefficients dans K. La construction de (HT, <p), qui se fait en trois étapes, est instructive : 1° étape: L'ensemble Elont(^, GLn(0)) a un seul élément. Gomme en outre (7S s= L (le complété de L = i£ $ ), pour toute (7-représentation y de ©, l'application naturelle de ö ® ^ 7 ^ dans 7 est un isomorphisme; on est donc ramené à l'étude "des ^-représentations" de P. 2° étape: Il suffit en fait d'étudier "les P-représentations" de P, i.e. les P-espaces vectoriels de dimension finie munis d'une action semi-linéaire et continue de P. On peut en effet "décompléter" la .^-représentation i^ : si HT désigne le sous-P-espace vectoriel de y * , réunion des sous-Pespaces vectoriels de dimension finie stables par P, il est lui-même de dimension finie et l'application naturelle de L®Ln/P dans y * est un isomorphisme. 3° étape: Choisissons une base e1} ez, ..., en de HT sur L. Il existe une extension finie K' de K contenue dans P telle que le sous-üT'-espace vectoriel if de HT engendré par les ej est stable par P. L'action de Gal(P/J£') sur if est alors linéaire et l'on en déduit facilement l'existence d'un unique P-endomorphisme cp de HT tel que yw =exp(p-logjj(y))(w), (*) pour tout w e if et tout y appartenant à un sous-groupe ouvert suffisamment petit de P. Il est clair que cp ne dépend pas de la base choisie, parce que la formule (*) reste vraie pour tout w eiV et tout y appartenant à un sous-groupe ouvert convenable (dépendant de w) de P. On montre alors que l'on peut choisir une base sur laquelle la matrice de q> est à coefficients dans K. Bemarques. 1. Une O-représentation est du type Hodge-Tate si et seulement si cp est semi-simple, et à valeurs propres dans Z. 2. L'endomorphisme cp ne dépend que de la restriction de l'action de © à un sous-groupe ouvert du groupe d'inertie: Le foncteur qui à y associe le couple (if', cp) est un ®-foncteur exact et fidèle de la catégorie des (/-représentations dans celle des P-espaces vectoriels de dimension finie, munis d'un endomorphisme; mais, bien que (nIV,cp) détermine y à isomorphisme près, il n'est pas pleinement fidèle. Si Jc est algébriquement clos, il l'est "presque": il induit une ®-équivalence entre, d'une part, la catégorie dont les objets sont les ö-representati ons et les morphismes 480 Section 3: J.-M. Fontaine les applications C-linéaires qui commutent à l'action d'un sous-groupe ouvert suffisamment petit de © et, d'autre part, la catégorie des couples 4. Représentations linéaires de Lieo [(24], [20], [21]) Si 7 est une représentation p-adique, on peut appliquer la théorie de Sen à la O-représentation V0 = 0®Q 7 et V0 est muni d'un O-endomorphisme <pVQ (c'est l'extension (/-linéaire à V0 de l'endomorphisme P-linéaire cp de HT\ on prendra garde que, bien que V0 = C®Q 7 = 0®LnfT, en général HT est distinct de P®Q 7). D'où la question: que peut-on dire de l'action de © sur 7 si l'on connaît seulement cpVQ% La réponse, conjecturée par Serre dans le cas où V0 est du type Hodge-Tate, a été obtenue par Sen: la connaissance de cpVQ est équivalente à celle de l'action de l'algèbre de Lie du groupe d'inertie. Bn particulier, si Von suppose Jc algébriquement clos, JÀeGy est la plus petite sous-algèbre de Lie (ou le plus petit sous-Qp-espace vectoriel, il se trouve que cela revient au même) de gl(7) défini(e) sur Qp, dont Vextension des scalaires à G contient (pVçr Bemarques. 1. Supposons toujours Jc algébriquement clos et soit g = Lie© :== limLie(©/3)j pour 3 parcourant les sous-groupes fermés invariants de © tels que ®/5 èst un groupe de Lie #-adique de dimension finie. Soit QG = <7®Q g :== limü®Q Lie(©/3). H existe un unique élément <pSen G Qç tel que, pour toute représentation #-adique 7, cpVa soit l'endomorphisme qui donne l'action de <p8en sur Vc. Le résultat ci-dessus signifie que g est la plus petite sous-algèbre de Lie d'elle-même, fermée, définie sur Qp, et dont l'extension des scalaires à G contient <pSen. 2. On sait peu de choses sur ce que peuvent être les facteurs invariants d'un cpVo provenant d'une représentation jp-adique 7. Il ne paraît pas impossible de pouvoir les calculer en termes du P-module de Dieudonné de pente 0 associé à 7. 5. Représentations de Hodge-Tate, de de Rham et cristallines ([6], [7]> [9H11L [16], [29]) Posons QjP(l) =Q_p®z lim A« ^(E)s pour tout ieN, soit Qp(i) la i-ième puissance tensorielle de Qp(i) et Qp( —i) le dual de Qp(i). Pour i G Z, Qp(i) est un Qp-espace vectoriel de dimension 1 sur lequel © opère à travers #*. Représentations jp-adiques 481 Notons P H T la 0-algèbre graduée ®<7®Q %(i) (si t est un élément non nul de %(1), tout élément de P H T s'écrit, de manière unique, sous la forme J ^ f , avec les c{ e G, presque tous nuls). i* 6 Z Pour toute représentation p-adique 7, soit BnT(V) = ( P H T ® Q TO*5D'après les résultats de Tate rappelés au n° précédent, c'est un jE>esi)ace vectoriel gradué de dimension finie inférieure ou égale à la dimension de 7 sur Q^ ; on dit que 7 est de Modge-Tate si ces deux dimensions sont égales (ce qui revient à dire que V0 est du type Hodge-Tate). On montre facilement que les représentations de Hodge-Tate forment une sous-®catégorie de celle des représentations #-adiques et que, par restriction, P H T induit un (^-fondeur exact et fidèle de cette catégorie sur celle des K-espaces vectoriels gradués de dimension finie. Soit B l'anneau des entiers de B& (cf. n° 2, B^ est le complété de B°~) et soit WK(B) = K®WW(B). Si a ~ (a0, a1, . . . , am,...) e W(B), chaque am est une suite d'éléments (amtn)néS d'éléments de l'anneau des entiers V0 de (7; l'application 0°: W(B)~>@0i qui à a associe Spmßm>m9 est un homomorphisme surjectif de 17-algèbres, qui induit un épimorphisme, encore noté 0°, de la JT-algèbre WK(B) sur G-, son noyau est donc un idéal maximal m de WK(B) et on note B D R le corps des fractions du séparé complété de WK(B) pour la topologie m-adique. C'est un corps complet pour une valuation discrète, dont le corps résiduel s'identifie à 0; on montre que Q^(l) se plonge canoniquement dans le groupe additif de 2?DR et que tout élément non nul de Qp(l) est une uniformisante de P D R ; il en résulte que l'anneau gradué associé à P D R (pom.' la filtration définie par les puissances de l'idéal maximal de l'anneau des entiers de P D R ) s'identifie à P H T Pour toute représentation #-adique 7 , soit P D R ( 7 ) = ( P D R ® Q T7)*5Domine gr'Pi) R = PHT? °' e s * u n -K-espace vectoriel filtré de dimension finie inférieure ou égale à la dimension de 7 sur Q^; on dit que 7 est de ïe BJiam si ces dimensions sont égales; s'il en est ainsi, 7 est aussi de Eodge-Tate et g r P D R ( 7 ) s'identifie à P H T ( ^ ) Ici encore les représentations de de Eham forment une sous-®-catéjorie des représentations de Hodge-Tate et, par restriction, D D R induit m ® -foncteur exact et fidèle de la catégorie des représentations de de BJiam mr celle des K-espaees vectoriels filtrés de dimension finie (cette dernière a'est pas abélienne, mais on a toutefois des notions de suite exacte courte, produit tensoriel, ...). 482 Section 3: J.-M. Fontaine Bemarque. S'il est clair qu'il existe un homomorphisme de la If-algèbre G dans l'anneau des entiers de J? DR qui composé avec la projection de cet anneau sur J3 DR induise l'identité, je ne vois pas de raison pour que l'on puisse choisir un tel homomorphisme compatible avec l'action de ©. On peut donc penser qu'il existe des représentations de Hodge-Tate qui ne sont pas de de Eham; les extensions non triviales de Q^(l) par Q^, semblent de bons candidats, mais je ne sais pas le montrer (les extensions de Qp par Qp(l) sont en revanche non seulement de Hodge-Tate mais aussi de de Eham). Soit Wnp(B) le séparé complété pour la topologie ^-adique de l'enveloppe à puissances divisées de W(B) relativement au noyau de 0° (choisissons un œ = (xn)neJ!i eB tel que œ0 = p et posons [x] = (x, 0, 0, ...), * = M - * , WKQ(B) ^K,®WW(B), yn(S) =^®^% <* Y*iW) = ^ ® ®[xn], pour ^ e N ; alors 17(12) [[yn(ê))nex] = W(B) [(yn(lx]))neN] et WDP(B) est le séparé complété de cette algèbre pour la topologie jp-adique). L'homomorphisme évident de WK (B) dans WK(B) se prolonge de manière naturelle en une inclusion de W§P(B) : = KQ^WWDP(B) clans I? DR que nous utilisons pour identifier W^P(B) à un sous-anneau de J3 D R . On note JBoris la sous-T7êP(jB)-algèbre de J3 DR engendrée par f 1 , où t est un élément arbitraire non nul de Qp(l). Il est clair que Bovis est stable par ffi. On montre en outre (i) que l'action de F sur W (B) s'étend naturellement à JB0Pis, (ii) que l'hom.omorphisme évident de E®^0-BOriS dans B D R est injectif. Pour toute représentation jp-adique 7, soit B0ria(V)=(BGTÌS®QpV)®. L'injectivité de K®KoBOTÌa dans -BDR indtiit une injection de E^K BQrìB(V) dans BBn(V) et J> oris (7) est donc un jBT0-espace vectoriel de dimension finie inférieure ou égale à celle de 7 sur Q^; on dit que 7 est cristalline si ces dimensions sont égales. Si 7 est cristalline, 7 est aussi de de Eham et BBn(V) s'identifie à K®KBcvi8(V). S'il en est ainsi, BoviB(V) est un module de Bieudonné filtré faiblement admissible au sens de [13]; autrement J dit, c'est un JBT0-espace vectoriel B de dimension finie muni (i) d'une action o,-semi:linéaire de F (induite par, l'action de F sur -^cris/7 Eepresentations ^-adiques 483 (ii) d'une filtration de BK = K®K B (la filtration naturelle de BBn( 7)), vérifiant certaines conditions (voir [6], § 4 et [16], § 1). La catégorie MFj^ des modules de Dieudonné filtrés faiblement admissibles est abélienne. On dit qu'un module de Dieudonné filtré est admissible s'il est isomorphe à un B0ViB(V), pour une représentation cristalline 7 convenable, La catégorie MF% des modules de Dieudonné filtrés admissibles est une sous-catégorie pleine de MP^ stable par sous-objet et quotient. On montre que la restriction de BOTiB à la catégorie des représentations cristallines est pleinement fidèle et induit une (Si-équivalence de cette catégorie sur M F g . Le défaut de cette théorie est que l'on ne connaît pas de description explicite de MF^; mais, en fait, on conjecture que faiblement admissible équivaut à admissible et on sait le démontrer dans de nombreux cas particuliers ([15], [16], [11], [10]). Bemarques. 1. L'anneau B0TiB construit ici diffère légèrement de celui construit dans [7] qu'il contient. Mais cela ne change pas le foncteur D c r l s . Si % désigne l'anneau des entiers de E, WDP(B) s'identifie (cf. [10]) à #üris(%) : = liniH°((Spec(^/^^)/17 n (&)) o r l 8 , faisc. struct.). 2. Si S est un groupe de Barsotti-Tate sur l'anneau des entiers de K, VP(M) =Q i? ®z linaiT n ( % ) est une représentation cristalline de poids c {0,1} (i.e. YQ ^ 0=>i G {0,1}); inversement, si e = [K: K0]^.p—1, toute représentation cristalline de poids c {0,1} provient d'un groupe de Barsotti-Tate ([17], [5], [16]); on conjecture que cela reste vrai si e > # ( o n le sait dans des cas particuliers, voir [15], [10]). 3. Si A est une variété abélienne sur K, VP(A) =Q i 3 ® z limJ. n(E) est de Hodge-Tate de poids c {0,1} ([26], [1], [8]) et même de de Eham. Elle est cristalline si (et probablement seulement si, c'est en tout cas un théorème si e < p —1) elle a bonne réduction. 4. Il serait agréable de savoir reconnaître si une représentation jp-adique est de Hodge-Tate, de de Eham ou cristalline en termes de son jT-module de Dieudonné de pente 0. Il serait agréable d'avoir aussi une description terre à terre du foncteur qui associe à tout module de Dieudonné filtré admissible le P-module de Dieudonné de pente 0 de la représentation cristalline correspondante. Les anneaux PracT7(JB^) et BGTiB sont suffisamment "voisins" pour que cela paraisse possible. 35 •— Proceedings... 484 Seetion 3: J.-M. Fontaine 6. Le groupe Gr alg pour les représentations de Hodge-Tate [20], [21], [28], [29]) ([23]-[2Ö], On suppose maintenant Jc algébriquement clos. Soit 7 une représentation ^-adique. Si (pv<y est semi-simple et si le Q-espace vectoriel engendré par ses valeurs propres est de dimension < 1, le sous-(7-espace vectoriel de 01(7^) engendré par cpVQ est une sous-algèbre de Lie algébrique et Lie GVtSLlg — Lie(? F (en particulier, Gv est ouvert dans GVt^(%)). C'est le cas lorsque 7 est de Hodge-Tate. Soit alors hv: G m ->GL(7 0 ) l'homomorphisme défini par Jiv(X)-x = ÏÏx, si a? G 7#; Vimage de hv est contenue dans ö F j a l g ® G et la classe de conjugaison <ßv de Jiv dans GVfGlg est définie sur K. On a donc un triplet (G, <&, TJ) (avec G = GVt8,is, <£ = # F , TJ =z V) formé d'un groupe algébrique G défini sur Q p , d'une classe de conjugaison # de sous-groupes à un paramètre de G, définie sur K et d'une représentation linéaire TJ de dimension finie de G. Si on suppose que 7 est à poids c [j,j'] (i.e. que Yl0 # 0 implique j < i^j'), le triplet (G, V, U) vérifie m»* (i) la composante neutre G0 de G est le plus petit sous-groupe algébrique de G, défini s%ir Qp, contenant <të, (ii) TJ est une représentation fidèle de G et les poids de Vaction de <ê sur TJ sont compris entre j et j ' . On peut tenter de classifier de tels triplets, au moins lorsque l'on suppose G réductif. Cela a été fait par Serre ([25]) pour MT[Q1] : il montre en particulier que les facteurs simples de G0 sont, dans ce cas, de type classique (An, B w , Cw, Dn) et que leurs poids dans TJ sont des poids minuscules. Soit (G,%, TJ) un triplet vérifiant MTyj^. Existe-t-il une représentation 7 de Hodge-Tate telle que (GVt&lg, <ßy, 7) ~ (G, <ë, U)? On dispose de méthodes pour attaquer ce problème si l'on exige en plus que 7 soit cristalline. Le groupe G doit alors être connexe ([6]), mais ce n'est pas suffisant. Si G est réductif connexe, les résultats partiels dont on dispose laissent penser que la réponse pourrait être oui. Supposons e =1, i.e. K = K0 (c'est le seul cas où les résultats sont significatifs). Un travail de Wintenberger ([29]) permet d'associer, à tout module de Dieudonné filtré faiblement admissible B, un triplet (GD, <êD, TJD) (vérifiant MT[jtf] si gr~*Z) = 0 implique j < i < j ' ) . Lorsque B est admissible, si B ~ i>oris( 7), le fait que D cria définit une ®-équivalence de catégories implique que les triplets (GVt&ìg, <ßv, 7) et (GD, <#D, UD) sont Eepresentations #-adiques 485 des "formes intérieures" l'un de l'autre et deviennent isomorphes après une extension finie non ramifiée de Qp. Dans [30], Wintenberger montre que, quelque soient j et j ' , tout triplet (G,<ê, TJ) vérifiant MT[jtJV avec G réductif connexe, est isomorphe à un (Gjy, #£,, TJD), pour un B faiblement admissible convenable. Comme on sait ([11]) que tout B faiblement admissible, tel quHl existe j avec Y\VB = Bet ¥i\j+pB = 0, est admissible, cela implique que, si y —j < p, tout (G,%>, TJ) vérifiant MT^^, avec G réductif connexe, est isomorpJie à une forme intérieure du triplet associé à une représentation cristalline de poids c [j,jf] convenable. Bemarques. 1. Ces résultats joints à ceux de Serre pour MT[0ti] et à la remarque 2 du n° 3 permettent, lorsque e = 1, de caractériser, à une forme intérieure près, les triplets (G, <€, TJ) avec G réductif, que Von obtient à partir des représentations p-adiques de la forme VP(A) = Q P ® Z lim-4. n(E), où A est un groupe p-divisible ou un scJiéma abélien sur les entiers de K (cf. [30]). 2. Cela fournit un moyen pour montrer que n'importe quel groupe réductif connexe peut se réaliser (à torsion par une forme intérieure près) comme GVtB}g d'une représentation cristalline 7, du moins si p est assez grand; par exemple SL2 (si p > 3) et (Serre) G2 (si p > 3), E 8 (si p > 5); il est intéressant de noter qu'aucun de ces trois groupes n'est le GVtQiig d'une représentation appartenant à la ®-catégorie engendrée par les modules de Tate des groupes p-divisibles et leurs duaux (cf. [25], th. 7). Bibliographie [1] Bogomolov F . A., Sur l'algébricito] des représentations Z-adiques, 0. B. Acad. Sci. 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INSTITUT FOURIER, UNIVERSITÉ DE GRENOBLE I, B.P. 74, 38402 SAINT MARTIN D'HÈRES CEDEX, FRANCE