Représentations ^-adiques - International Mathematical Union

Proceedings of the International Congress of Mathematicians
August 16-24, 1983, Warszawa
JEAN-MAKC FONTAINE
Représentations ^-adiques
On sait
que,
lorsque l'on étudie les représentations Z-adiques du groupe
de Galois d'un corps de
nombres,
les places premières à
l
jouent un rôle
très différent de celles qui divisent Z. Tout Part est dans la manière d'uti-
liser simultanément les informations fournies par les unes et les autres.
Ici,
bien au contraire, nous nous limitons à passer en revue quelques
résultats sur ce que l'on peut dire lorsque l'on ne considère qu'une seule
place p, supposée en outre diviser Z.
Aussi le contexte est le suivant: on fixe un corps
K
de caractéristique 0,
complet pour une valuation discrète, à corps résiduel parfait
Jc
de ca-
ractéristique p > 0; on choisit une clôture algébrique
K
de
K
et on pose
(S
=
Gal(j£/IT).
Une représentation
p-adique
est un
Qp-espace
vectoriel
de dimension finie muni d'une action linéaire et continue de ©.
Comme le groupe (S n'est pas très "explicite", l'un des objectifs est
d'associer à une représentation
^p-adique
des invariants plus tangibles.
Le plus naturel est le couple (V,
Gv)
formé du
Qp-espace
vectoriel sous-
jacent V et du sous-groupe (fermé)
Gv
de
GL(7)
qui est l'image de
05.
On obtient un objet plus maniable en remplaçant
Gr
soit par son algèbre de Lie,
JAeGv
(comme tout sous-groupe fermé
de
GL(F),
Gv
est un groupe de Lie
jp-adique),
soit par sa clôture de
Zariski
GVf8big,
i.e. le plus petit sous-groupe algé-
brique de GL(7) qui contient
Gv
(d'après
un résultat classique de
Cflie-
valley,
Lie6rr>aig est
la plus petite sous-algèbre de Lie algébrique de
gl(7)
qui contient
Lie(?F).
Ubus
allons associer à certains types de représentations d'autres
invariants et, dans certains cas, voir quels renseignements la connaissance
de ces invariants fournit sur
Lie$F
ou sur
GVtfûg.
Dans ce qui suit, mis à part quelques résultats sur les variétés abé-
liennes et les groupes
^-divisibles,
on a laissé de côté toutes les questions
où intervient la géométrie algébrique (problèmes de comparaison entre
[47Ö1
476 Section 3: J.-M. Fontaine
différentes
cohomologies
#-adiques,
voir [2], [3], [14], [7] App., [9], bien
que ce soit celle-ci qui "motive" beaucoup des définitions données.
Bemarque.
Beaucoup des catégories abéliennes que nous allons ren-
contrer sont des ®-catégories, i.e. sont munies d'un produit tensoriel,
d'un Horn interne et d'un objet-unité satisfaisant à des propriétés con-
venables (cf. [18]); pour alléger l'exposé, nous avons renoncé à donner
les définitions, presque toujours évidentes, de ces structures; une sous-
®-catégorie d'une ®-catégorie abélienne est une sous-catégorie pleine
stable par sous-objet, quotient, somme directe, produit tensoriel,
hom
interne, contenant
l'objet-unité;
un ®-foncteur (resp. une ®-équivalence
de catégories) est ce que l'on pense (voir [18] ou [4] pour des définitions
précises).
1.
Représentations
non
ramifiées
On sait depuis longtemps que leur étude se ramène à un problème d'al-
gèbre linéaire. Commençons par fixer quelques notations:
si A est un anneau commutatif contenant
F^,
W(A) est l'anneau des
vecteurs de Witt à
coefficients
dans A et
F:
W(A)->W(A)
le Frobenius
(cf., par exemple, [22], chap. II, §6);
on pose
17 ==
W(Jc),
KQ
=
FracW
et on note
a
le Frobenius agissant
sur
Jc,
W et
K0;
on note
W[F]
(resp.
K0[F])
l'anneau (non commutatif si
h ^Fp)
engendré par W (resp.
K0)
et un élément F, soumis aux relations FX
=
a(X)F,
pour tout
l
e W (resp.
K0);
si A est une fc-algèbre, W(A) est,
de façon naturelle, une
TF-algèbre
et un
T7[J?T]-module;
si A est parfait,
c'est même un
W{F,
P^-module.
Par définition, une
représentation
non ramifiée est une représentation
sur laquelle le
sous-groupe dHnertie
©0
de © opère trivialement. Si
h
désigne
le corps résiduel de
K,
k est une clôture algébrique de
Jc
et
©/©<,
s'identifie
à©
:=Gal(ï/*).
Le groupe © opère sur P
: = Frac W
(S) de façon compatible avec
sa structure de
uT0-algèbre
et de
KQ\F,
p-^-module.
Si 7 est une repré-
sentation
#-adique
non ramifiée,
BP(V)
:=(P®Q
7)® est un module
de Bieudonné
de pente
0 sur
K0,
i.e. un
K0
[P]-moduïe,
de dimension finie
comme
if0-espace
vectoriel, contenant un
TT-réseau
sur lequel l'action
de F est bijective. Le foncteur
BP
définit une
(^-équivalence
entre la
caté-
gorie des
représentations
p-adiques non ramifiées et celle des modules de
Bieudonné de pente 0. Un
quasi-inverse'est
le foncteur
7P
qui, à un tel
module B, associe le
sous-Qi3[©]-module
de
K
B formé des éléments
Beprósentations j)-adiques
477
fixés par F (ces résultats
se
démontrent sans difficulté, par exemple en
utilisant [23], III,
A.l).
2.
Une
"description"
des représentations
^-adiques
(voir [12], [13], [27],
[28] pour des démonstrations et d'autres résultats)
Soit
x:
®-^Z*
le caractère cyclotomique, défini par
ge
=
e*W,
pour g e ©,
«6^(1);
soient
§
le noyau de ©,
r
=
©/#
et
JJ
=
E*.
Il se trouve que
$
s'identifie
au
groupe de Galois d'un corps parfait de caractéristique
p.
Pour toute extension
F
de
K
contenue dans E, notons
BE
l'ensemble
des suites
(a?n),leN
formées
d'éléments du complété Ê de F, vérifiant
a?^+1
=
xn,
pour tout n. Si l'on pose
m-»-oo
WnèN"(yn)fiéN
=
{^nVfùnaSi
J2S
devient un
corps
parfait de caractéristique p. C'est même un corps
value
complet
(on obtient une valuation de
BE
en choisissant une valuation
v
de
F
et en posant
v[(œn)neii)
= fl(a?0)) dont le corps résiduel s'identifie
au corps résiduel
JcE
de
F
(bien
r
BE
=
7%
si
JE/
est une extension finie
d'une extension non ramifiée).
Le corps
BL
a une structure très simple: c'est le complété de la clôture
radicielle d'un corps local bien défini, le corps des normes
XK(L)
de l'exten-
sion
L/K
([28]), qui est donc un corps de séries formelles en une variable
ut
à coefficients dans
JcL.
Le groupe abélien
P
opère continûment sur
XK(L)
ot
BL
et cette action est facile à décrire (lorsque p est une uniformisante
de
K,
i.e. lorsque
K
=
K0,
on peut choisir
ut
pour que g(l +
ut)
=
(1
+
ut)x{0\
pour tout g e ©).
Si maintenant
F
est une extension finie galoisienne de
L,
BE
est une
extension finie galoisienne de
BL
et
Qnl(BEIBL) sHdentifie
à
Gal(2?/.L);
<m
outre la réunion
B~
des
BE,
pour
F
parcourant les extensions finies
de
L
contenues dans E est une clôture algébrique de
BE.
Si 7 est une représentation
jp-adique,
et si
PR
=
FracTF(jB^),
on voit
que
BPR(V)
:=
(PR<8)Q
7)S
est un
"T-module
de Bieudonné de pente 0",
i.e. un module de Bieudonné de pente 0 sur
FracT7(jRjr,),
munie d'une
action continue de P, semi-linéaire par rapport à son action naturelle
sur
FracT7(JSi).
On obtient ainsi une
(Si-équivalence
entre la catégorie de
toutes les représentations
p-adiques
et celle des
r-modules
de Bieudonné de
pente 0.
478 Section 3: J.-M. Fontaine
3.
Décomposition
de Hodge-Tate et théorie de
Seri
([26],
[24], [21]}
Si 7 est une représentation
^-adique
finie (i.e. telle que © opère à travers un
groupe fini), la trivialité de
B}\%,
GLn(E)),
pour tout n, implique que
(Jr®Q
7)®
est un
JT-espace
vectoriel de dimension finie égale à celle de 7
sur
Qp.
Plus généralement tout
Z-espace
vectoriel 7, de dimension
finie
n9
muni d'une action de G, semi-linéaire par rapport à son action sur
Ef
continue pour la topologie de Krull de G et la topologie discrète de 7, est
isomorphe à
En.
L'idée fondamentale, qui est à la base de toute la suite de cet
exposé,
et que Tate a été le premier à utiliser dans ce contexte [26], est que, pour
les représentations
^p-adiques
quelconques, il faut remplacer
K
par son
complété G = Ê (et donc
iPf®,
GLjZ))
par
J2"*0nt(®>
GLJC)),
la
topo-
logie de
GLn(C)
étant la topologie
p-adique).
Autrement dit, dans un
premier temps, au lieu d'étudier les représentations
#-adiques,
on va
s'intéresser aux G-reprêsentations de ©, i.e. aux
O-espaees
vectoriels de
dimension finie, munis d'une action semi-linéaire et continue de ©.
Le premier résultat, dû à Tate, est le suivant
:
si
i*
est une
C-repré-
sentation de ©, et si, pour tout i e Z, on note
"P*
le
sous-IT-espace
vectoriel
de
ir
formé des v vérifiant
gv
=
xi(g)'/0j
pour tout g
e
©,
alors
([24],
prop. 4),
Vapplication
évidente
est injective. Si elle est surjective, on a alors une décomposition cano-
nique de
ir,
la décomposition de Hodge-Tate
ir
=
©C^',
et on dit que
f
est du type
Bodge-Tate.
L'un des intérêts de cette notion
est que l'on conjecture (Tate) que la cohomologie étale
^-adique
fournit,
par extension des scalaires à G, des exemples de
U-représentations
du type
Hodge-Tate.
Une classification pratiquement complète des
(/-représentations
a été
obtenue par Sen ([21]): La théorie de Sen associe, à toute
O-représentation
i~
de dimension n, un
L-espace
vectoriel
HT
de dimension n muni
d'un
endo-
morpJiisme
q>,
dont les facteurs invariants sont à coefficients dans K. La
connaissance de
<p
détermine
ir
à
isomorphisme
près
;
si
Jc
est algébriquement
clos,
tout
couple
(W',
(p)
provient
d?une
O-représentation. En termes de
cocycles continus, cela revient à construire une application injective
Représentations j)-adiques
479
(bijective
si
Jc
est algébriquement clos) de
S"oont(®
? ^51^(0))
dans l'ensemble
Mn(E)
des classes de similitude des matrices (n,n) à coefficients
dans
K.
La construction de
(HT,
<p),
qui se fait en trois étapes, est
instructive :
1° étape:
L'ensemble
Elont(^,
GLn(0))
a un seul élément.
Gomme
en
outre
(7S
s= L
(le complété de
L
=
$),
pour toute
(7-représentation y
de ©, l'application naturelle de
ö®^7^
dans 7 est un isomorphisme;
on est donc ramené à l'étude "des
^-représentations"
de P.
2° étape: Il suffit en fait d'étudier "les
P-représentations"
de P, i.e.
les
P-espaces
vectoriels de dimension finie munis d'une action semi-linéaire
et continue de P. On peut en effet "décompléter" la
.^-représentation
i^
:
si
HT
désigne le sous-P-espace vectoriel de
y*,
réunion des
sous-P-
espaces
vectoriels de dimension finie stables par P, il est lui-même de
dimension finie et l'application naturelle de
Ln/P
dans
y*
est un iso-
morphisme.
3° étape: Choisissons une base
e1} ez,
...,
en
de
HT
sur
L.
Il existe une
extension finie
K'
de
K
contenue dans P telle que le
sous-üT'-espace
vecto-
riel if de
HT
engendré par les
ej
est stable par P. L'action de
Gal(P/J£')
sur
if
est alors linéaire et l'on en déduit facilement l'existence d'un
unique
P-endomorphisme
cp
de HT tel que
yw
=exp(p-logjj(y))(w),
(*)
pour tout
w
e
if
et tout y appartenant à un sous-groupe ouvert suffi-
samment petit de P. Il est clair que
cp
ne dépend pas de la base choisie,
parce que la formule
(*)
reste vraie
pour
tout
w eiV
et tout y apparte-
nant à un sous-groupe ouvert convenable (dépendant de
w)
de P. On
montre alors que l'on peut choisir une base sur laquelle la matrice de
q>
est à coefficients dans
K.
Bemarques. 1. Une O-représentation est du type Hodge-Tate si et
seulement si
cp
est
semi-simple,
et à valeurs propres dans Z.
2.
L'endomorphisme
cp
ne dépend que de la restriction de l'action
de
©
à un sous-groupe ouvert du groupe d'inertie: Le foncteur qui à
y
associe le couple
(if',
cp)
est un ®-foncteur exact et fidèle de la catégorie
des
(/-représentations
dans celle des P-espaces vectoriels de dimension
finie,
munis d'un endomorphisme; mais, bien que
(nIV,cp)
détermine
y
à isomorphisme près, il n'est pas pleinement fidèle. Si
Jc
est algébriquement
clos,
il l'est "presque": il induit une ®-équivalence entre, d'une
part,
la catégorie dont les objets sont les
ö-representati
ons et les morphismes
1 / 12 100%

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