Christian Vassard (IUFM Rouen)
3
Chapitre
Entre l’abondance et la déficience, la perfection… Juste ce qu’il faut de diviseurs stricts, ni trop, ni
trop peu, pour que leur somme soit exactement égale au nombre considéré… Quels sont donc ces
nombres que l’on dit parfaits, équilibre idéal entre l’excès et le défaut ? Leur étude, bien plus encore
que celle des nombres abondants et déficients, révèle de nombreux trésors arithmétiques. Comme
d’habitude, nous noterons
la fonction somme des diviseurs.
Sommaire
Chapitre 3. Nombres parfaits ................................................................................. 29
1. Définition et recherche de nombres parfaits.......................................... 30
1.1 Que sont ces nombres ? ................................................................ 30
1.2 Premiers exemples .......................................................................... 30
1.3 Étude à la TI-Nspire ........................................................................ 31
1.4 La proposition d’Euclide.................................................................. 31
1.5 La réciproque de la proposition d’Euclide .................................... 35
2. Les nombres de Mersenne ....................................................................... 36
2.1 L’origine historique de ces nombres ............................................. 36
2.2 Premiers ou pas ? ........................................................................... 37
Chapitre 3.
Nombres parfaits
30 Mathématiques et TI-Nspire
© T³ France 2010 / Photocopie autorisée
1. Définition et recherche de nombres parfaits
1.1 Que sont ces nombres ?
L’entier naturel non nul n est dit parfait lorsque
(n) = 2n.
Remarquons que
(n) = 2n équivaut à
(n) n = n : autrement dit n est parfait si et seulement si n est
égal à la somme de ses diviseurs stricts (de ses parties aliquotes, disait-on autrefois
1
...).
Nous aurons donc une fois de plus besoin de la fonction somme des diviseurs : celle du premier
chapitre est parfaite. Sinon une telle fonction peut se réécrire très facilement avec divisors, comme
le montre l’écran suivant :
Attention toutefois à des risques de dépassement de ressources dans ce cas : la calculatrice ne peut pas
générer des listes de plus 16 380 termes ; si le nombre possède plus de 16 380 diviseurs c’est le cas
par exemple de 1030 + 1 , la calculatrice renvoie un message d’erreur. À bannir donc pour tout calcul
sur des nombres un peu grands.
1.2 Premiers exemples
La recherche au tableur menée dans le chapitre 2 nous a fourni 6 et 28. En effet, si on ne travaille que
sur les diviseurs stricts, 6 = 1 + 2 + 3 est parfait, ainsi que 28 = 1 + 2 + 4 + 7 + 14.
1
Pour Euclide, un nombre parfait est « égal » à ses parties.
Nombres parfaits 31
© T³ France 2010 / Photocopie autorisée
Ouvrons une parenthèse égyptienne.
De 6 = 1 + 2 + 3, on tire que 1 = 1
6 + 1
3 + 1
2, puis que 2 = 1
6 + 1
3 + 1
2 + 1 et enfin que :
2
n = 1
6n + 1
3n + 1
2n + 1
n (où n
)
que l’on peut voir comme une «formule » de duplication
2
d’une fraction « égyptienne »
3
en somme de
fractions égyptiennes. Ainsi, le papyrus de Rhind (1800 av J-C) donne :
2
101 = 1
606 + 1
303 + 1
202 + 1
101.
… qui n’est autre que notre « formule », appliquée à n = 101.
Les Égyptiens utilisaient-ils ces notions reliant un entier et la somme de ses diviseurs ? Nul ne le sait
aujourd’hui faute d’avoir une information précise sur l’assise théorique des mathématiques
égyptiennes, mais on pourrait y voir un intérêt à l’étude très ancienne de ces problèmes...
1.3 Étude à la TI-Nspire
Tout au plus peut-on conclure que les nombres parfaits sont rares, d’où leur nom sans doute. Cela
rend leur recherche à la main très fastidieuse. Autant laisser la calculatrice gérer ce travail pénible !
La fonction select_range de la bibliothèque numtheory, nous permet de lister, en une poignée de
secondes, les nombres parfaits compris entre 1 et 1000 :
La recherche peut être poursuivie au delà mais elle est peu fructueuse : entre 1000 et 10 000, en 4
minutes et demie
4
, on obtient le quatrième nombre parfait, 8 128.
Au delà de 10 000, les recherches n’aboutissent plus… ou bien il faudrait y passer beaucoup trop de
temps pour les piles de la calculatrice... et la patience de l’utilisateur… L’intelligence, et les
mathématiques
5
, doivent prendre le relais !
1.4 La proposition d’Euclide
Nous avons donc obtenu quatre nombres parfaits : 6, 28, 496 et 8 128. Est-il possible de mettre
en évidence un point commun simple
6
entre ces nombres, suffisamment simple pour qu’on puisse
calculer les suivants ?
C’est leur décomposition en facteurs premiers qui apporte des éléments intéressants.
2
Rappelons l’importance de la duplication dans l’algorithme de multiplication égyptienne.
3
À part 2/3, les Égyptiens n’utilisaient que des fractions de numérateur 1 : c’est bien ces dernières que nous appelons fractions égyptiennes.
4
Une quarantaine de secondes avec le logiciel.
5
Ce qui prouve qu’elles sont encore indispensables, même et surtout à l’époque des ordinateurs puissants, contrairement aux affirmations
péremptoires d’un ministre, il y a quelques années...
6
En d’autres termes, quelle tête ont-ils ?
32 Mathématiques et TI-Nspire
© T³ France 2010 / Photocopie autorisée
Les nombres obtenus présentent des similitudes troublantes. Passons sur le premier facteur,
clairement une puissance de 2 ; l’œil mathématique un tant soit peu habitué à la fréquentation des
nombres reconnaît une puissance de 2, diminuée de 1.
Plus précisément on peut écrire :
6 = 2
(22 1)
28 = 22 × (23 1)
23
(24 1) = 8
15 = 120 ?
496 = 24 × (25 1)
25
(26 1) = 32
63 = 2016
8128 = 26 × (27 1)
avec des entiers dont on ne peut que remarquer l’absence… Pourquoi n’a-t-on pas 120 et 2016
dans les nombres parfaits ? Déterminons la somme des diviseurs de ces entiers :
Ces derniers nombres sont en fait abondants : en d’autres termes, ils ont trop de diviseurs pour être
parfaits, le fragile équilibre est rompu.
On peut penser que c’est au fait que 24 1 et 26 1 sont composés, tandis que les autres, 22 1,
23 1, 25 1, 27 1, sont tous premiers.
Nous voici en mesure de faire une conjecture sur les nombres parfaits.
un nombre parfait est de la forme 2n 1 × (2n 1) avec 2n 1 premier.
Testons au moyen du tableur cette conjecture avec les valeurs suivantes de n. Dans la première
colonne figurent les valeurs de n ; la deuxième colonne teste la primalité de 2n 1 ; la troisième
calcule 2n 1 × (2n 1) ; enfin la dernière vérifie si le nombre calculé est parfait ou non (avec la
fonction sdiv de la bibliothèque numtheory, pour être plus rapide).
Nombres parfaits 33
© T³ France 2010 / Photocopie autorisée
La conjecture émise plus haut n’est pas réfutée et semble au contraire bien confirmée. Au passage
nous récupérons quatre autres nombres parfaits, que nous n’aurions jamais obtenus par balayage
systématique, tant ils sont grands :
212 × (213 1) = 33 550 336
216 × (217 1) = 8 589 869 056
218 × (219 1) = 137 438 691 328
230 × (231 1) = 2 305 843 008 139 952 128
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