Troubles de conscience TD de sémiologie année universitaire 2016-2017 Professeur Jacques Bouget Service des urgences – CHU Rennes Bases anatomiques Un état de conscience normal repose sur l’interaction continue et effective de 2 éléments – Vigilance (niveau d’éveil) • Formation réticulée ascendante activatrice (FRAA): bulbe, protubérance, mésencéphale – Contenu de la conscience (réponses aux sentiments, émotions, activité mentale) • Réseau neuronal complexe reliant les différentes zones du cortex cérébral (neuromédiateurs, surtout cholinergiques) Définition • Un trouble de la conscience est: – un syndrome déficitaire diffus (déficit du contenant et/ou du contenu de la conscience) – avec abolition de la vie de relation (les fonctions végétatives étant le plus souvent conservées) – non réversible par les stimulations ( ≠ sommeil) • Il témoigne d’un dysfonctionnement cérébral sévère. • Il constitue une urgence diagnostique et thérapeutique. Cadre nosologique Différents types de troubles de conscience : Confusion (état confusionnel aigu) = « delirium » des anglo-saxons Stupeur Agitation Coma État végétatif NB : les flèches signifient que le malade peut passer en permanence d’un état à un autre souvent associée (en complique la PEC) Physiopathologie (1) • Facteurs lésionnels – – – – Lésions sous tentorielles Lésions sus tentorielles Lésions diffuses multifocales Lésions destructrices • Facteurs métaboliques +++ – – – – – – – Oxygène Glucose Flux sanguin cérébral Osmolarité plasmatique Hyponatrémie Hyperammoniémie Dérèglement thermique Physiopathologie (2) • Facteurs toxiques et médicamenteux Effets sur les systèmes neurotransmetteurs (cholinergique, GABA, fonction synaptique…) • Hypertension intra-crânienne (perfusion cérébrale = PA moyenne – P intracrânienne) • Œdème cérébral • Facteur épileptique • Facteurs multiples Physiopathologie (3) • Déséquilibre de la neurotransmission intracérébrale – Cholinergique (acétylcholine), dopaminergique, noradrénergique, sérotoninergique, glutamatergique • Implication des cytokines (IL, TNF…) – Augmentation perméabilité de la barrière hémato-encéphalique – Perturbation de la neurotransmission • Activation du système nerveux sympathique et de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien – Stress post traumatique – Dysfonctions sérotoninergiques Diagnostics positif et différentiel (1) • Etat confusionnel aigu – Signes cliniques (spécificité décroissante) Malade normal puis déconne puis normal etc… • • • • • • • • Début aigu et fluctuation à court terme dans le temps Altération de la vigilance, même minime Hallucinations (olfactives, visuelles, auditives…) Pensée désorganisée ou incohérente Activité motrice anormale Inattention globale Désorientation temporo-spatiale Inversion du rythme veille/sommeil • Etat confusionnel aigu – Diagnostics différentiels • Aphasie de Vernicke (= paralysie de la parole) • Trouble psychotique aigu (=sdm délirant -> délire ne fluctue pas) • Ictus amnésique (=gens ne se rappellent plus de ce qu’ils viennent de faire -> angoissant) • Démence +++ • Syndrome dépressif grave ++ Etat confusionnel aigu Perturbation de la conscience avec diminution de la capacité à mobiliser l’attention. Déficit de la mémoire, désorientation, perturbation du langage, pas mieux expliqué par une démence pré-existante, stabilisée ou en évolution. Perturbation installée sur un temps court (qqes heures ou qqes jours) avec évolution fluctuante dans la journée. Syndrome dépressif Démence Apparition de 5 ou plus des signes suivants depuis au moins 2 semaines : - Humeur dépressive - Diminution d’intérêt dans les activités - Perte ou gain de poids ou modification marquée d’appétit Insomnie ou hypersomnie quotidienne - Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours - Fatigue, perte d’énergie presque tous les jours - Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (parfois délirante) presque tous les jours - Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer, ou indécision presque tous les jours - Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires récurrentes avec plan précis ou tentative de suicide sans plan précis. Altération de la mémoire (apprentissage, mémorisation) et 1 ou plusieurs des perturbations cognitives suivantes : - Aphasie - Apraxie - Agnosie Perturbation due aux conséquences physiologiques directes d’une affection médicale générale, d’une intoxication par une substance ou par le sevrage de celleci, de l’exposition à un médicament ou une toxine, ou d’une combinaison de ces facteurs, mises en évidence par l’histoire, l’examen et les examens complémentaires. Symptômes induisant une souffrance significative. Caractéristiques associées : perturbation du cycle veille/sommeil, trouble du Symptômes non imputables aux effets comportement psychomoteur, psychologiques directs d’une autre perturbation émotionnelle avec passages substance ou d’une affection médicale rapides et imprévisibles d’un état générale. émotionnel à un autre. Symptômes pas mieux expliqués par un deuil. Perturbation des fonctions exécutives (projet, organisation du temps, pensée abstraite). Perturbation significative des relations sociales ou professionnelles. Déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur Evolution par un début progressif et un déclin cognitif continu. => Diagnostic se fait à long terme, ne jamais être trop hâtif HAS: services des bonnes pratiques professionnelles, déc 2008 Traitement médicamenteux de la confusion aiguë chez les PA Diagnostics positif et différentiel (2) • Coma – Classement en 4 stades -> plus utilisé sauf stade 4 : mort cérébrale – Echelle (score) de Glasgow • gradation de l’état de conscience, reproductible Y - ouverture des yeux V – meilleure réponse verbale M – meilleure réponse motrice 1 pas de réponse 2 à la douleur 3 aux stimuli verbaux 4 spontanément 1 pas de réponse 2 sons incompréhensibles 3 mots adéquats isolés 4 désorienté et parle 5 orienté et parle 1 pas de réponse 2 extension 3 flexion 4 retrait orienté 5 localise la douleur 6 obéit Minimum = 3 Maximum = 15 • Coma – Diagnostics différentiels • Mutisme akinétique (=maladie neurologique, gens debout s’arrête et plus rien ne se passe.) • Locked-in syndrome (=thrombose du tronc basilaire => malade conscient mais ne peut plus bouger ni parler etc.. Seulement cligner des yeux. -> « légume ») • Coma psychogène (=malade hystérique, capable de mimer un coma) Eléments du diagnostic étiologique 1 - Examen neurologique complet – Tonus: hypo ou hypertonie, raideur méningée +++ – Activité et réactivité motrice: déficit, myoclonies, convulsions, astérixis… – Réflexes: ROT, cornéens, tronc cérébral, anormaux – Examen yeux: pupilles, motricité oculaire, réflexes oculocéphaliques (atteinte du III, mydriase bilatérale ou unilatérale, myosis bilatéral ou unilatéral) 2 - Examen général – Glycémie – Respiration: rythme (FR), périodicité, cyanose, hypoxie (SaO2), hypercapnie… – Hémodynamique: signes de choc: pouls, TA, ECG… – État cutanéo-muqueux: marbrures, purpura, déshydratation, ischémie – Température: hypo ou hyerthermie 3 – Anamnèse – Histoire récente +++, circonstances, environnement, témoins, traumatisme… (aigu, récent, subaigu, progressif) – Antécédents (complets) – Traitements +++ • Ordonnances, automédication • Prise volontaire, involontaire • Substances illicites Principaux médicaments associés à un risque d’état confusionnel aigu Produits présentant une activité anticholinergique Anti-H2 Analgésiques Sédatifs et hypnotiques Médicaments cardiovasculaires Médicaments hypoglycémiants Antibiotiques Divers Antiparkinsoniens Antidépresseurs tricycliques Neuroleptiques Théophylline Antihistaminiques Atropine Cimétidine ranitidine Y compris les anti-inflammatoires non stéroïdiens benzodiazépines Nifédipine béta-bloquants quinidine tous les anti-hypertenseurs Insuline Sulfamides hypoglycémiants Cotrimoxazole Fluoroquiolones Chloroquine Acyclovir Amphotéricine B Stéroïdes xanthines Cadres étiologiques par associations Trouble de conscience - Choc (état confusionnel - Pathologie respiratoire aigue aigu, coma) - Anomalies glycémiques - Fièvre - Signes cutanés - Signes de focalisation - Signes méningés - Signes de traumatisme récent - Déshydratation - Toxique + Etiologies Lésions supratentorielles Lésions sous tentorielles Commentaires Expansives : Hémorragiques (intracérébrales, épidurales, sousdurales) Tumorales (primitives, secondaires) Abcès (intracarébral, sousdural) Post-traumatiques (hématome sous dural, extra dural, intracérébral) Destructrices : infarctus cérébral Retentissement sur les structures profondes. Le trouble de conscience est lié à l’effet de masse et/ou à l’œdème péri-lésionnel, et/ou à un engagement. Expansives Hémorragies cérébelleuses Infarctus cérébelleux Tumeurs Abcès Anévrisme basillaire Destructrices Hémorragies protubérantielles Infarctus du tronc cérébral Démyélinisation du tronc cérébral Lésions directes sur le tronc cérébral Urgence thérapeutique +++ Etiologies Affections métaboliques, multifocales, diffuses Privation d’oxygène, de substrats ou de co-facteurs métaboliques : Hypoxie (pathologie pulmonaire, anémie) Ischémie cérébrale (patho. Cardiaque hypovolémie, patho. vasculaire) Hypoglycémie Carence vitaminique (vitamine B1, PP, B12, folates) Troubles ioniques Hypo, hyper natrémies Hypo, hyper calcémies Acidoses métabolique et respiratoire Intoxications Volontaires, involontaires, professionnelles, pathologie iatrogène Sédatifs, psychotropes, alcool éthylique, opiacés, substances illicites Non médicamenteuses : CO, solvants, organo-phosphorés Sevrage : alcool, benzo Infections et inflammations du système nerveux central Méningite, méningo-encéphalite Vascularites cérébrales, thrombo-phlébites cérébrales Troubles de la régulation thermique hypothermie, coup de chaleur Affections viscérales diverses : Coma hépatique, encéphalopathie respiratoire, insuffisance rénale, infections (septicémie) pancréatite diabète, insuffisance surrénale aiguë hypothyroïdie, insuf. Antéhypophysaire Commentaires Diminution ou arrêt du fonctionnement cérébral Tout état de choc par diminution du débit sanguin cérébral, trouble du rythme, infarctus du myocarde Symptomatiques lorsque de survenue aiguë et de grande amplitude. Liste non exhaustive. Presque tous les médicaments peuvent être incriminée sur terrain prédisposant : grand âge, insuffisant hépatique, rénal. Etiologies Facteur épileptique Commentaires Crise convulsive : phase post-critique ou état de mal Epilepsie partielle Etat de mal non convulsif Affections non Conversion hystérique organiques catatonie Diagnostic d’élimination Examens complémentaires • Examens de première intention – – – – – – Glycémie ECG Gaz du sang (avec dosage HbCO) Ionogramme sanguin avec créatinine NFS alcoolémie • Examens de seconde intention – – – – – – – Recherche de toxiques (ciblée par l’anamnèse) Imagerie cérébrale (scanner, IRM) Ponction lombaire Bactériologie: hémocultures, BU, … Radio pulmonaire Rx rachis cervical (si trauma crânien) EEG (?) Prise en charge thérapeutique • Assurer les fonctions vitales – Traitement d’un choc, d’une détresse respiratoire… – Surveillance des constantes vitales ++ (monitoring) et surveillance neurologique – Voie veineuse • Éviter les complications – Traitement de l’agitation – Nursing, prévention escarres, MVTE… • Traiter la cause Cas particuliers • Sujet jeune ou adolescent – Toxiques > post-traumatiques > neuro-méningés > épilepsie • Sujet âgé +++ (polypathologique, polymédicamenté) – – – – – – – Défaillance viscérale (organe « cliniquement muet ») Toxique: médicaments, interactions, sevrage Infection, quelle que soit son origine Douleur: rétention urinaire, stase stercorale Perte brutale d’une fonction sensorielle Étiologie psycho-affective Plusieurs étiologies ++ Pronostic • Fonction de la cause, de la durée, de l’âge ++, du sexe (H>F) de l’existence de troubles cognitifs pré-existants ++. • Etat confusionnel aigu – Mortalité globale 35% à 1 an, 58% à 2 ans • Coma – Étiologie: hémorragie cérébrales > étiologie métabolique > infectieuse – Score de Glasgow -> facteur évolutif, non pronostic – Durée – Signes cliniques: absence de réflexes cornéens, de réponse oculovestibulaires, réflexes de décérébration… Trouble de conscience (Etat confusionnel aigu, coma) Glycémie capillaire Encombrement, cyanose, SaO2, FR gazométrie, Rx pulm. PLS, oxygénation, ventilation Fonction respiratoire Anamnèse, circonstances Antécédents Traitements Examen général (trauma) Glasgow Examen neurologique Signes méningés Signes cutanés Fonction hémodynamique Pouls, TA, scope, ECG Etat de choc Recherche clinique Recherche biologique Signes de focalisation Recherche ciblée de toxiques : alcool, CO, sédatifs, opiacés Ionogramme NFS Oui non oui Scanner crânien fièvre Traitement spécifique oui non Oui Traitement spécifique non PL Surveillance clinique Bilan complémentaire EEG, bilan hépatique, NH4, dosages médicaments, … Avis spécialisé Aphorismes (1) • Tout trouble de conscience est une urgence nécessitant toujours une hospitalisation. • Les 2 substrats principaux nécessaires au fonctionnement des cellules cérébrales sont le sucre et l’oxygène. • La conduite initiale à tenir consiste à assurer les fonctions vitales, hémodynamique et respiratoire et à mesurer la glycémie. Ce n’est que dans un second temps que l’on s’orientera vers le diagnostic étiologique. • La conduite diagnostique doit s’efforcer de rechercher des étiologies curables rapidement. Il y a plusieurs diagnostics qui ne souffrent d’aucun retard thérapeutique : étiologie post-traumatiques, infectieuses neuroméningées, toxiques, et toutes les étiologies respiratoires et cardiaques. Aphorismes (2) • La conduite diagnostique nécessite un recueil complet, rapide et fiable des données de l’anamnèse, des antécédents, des traitements, un examen neurologique complet, et un examen général afin de cibler les examens complémentaires les plus performants. • La surveillance doit être rigoureuse et régulière. • Prudence dans l’utilisation des médicaments chez les malades confus en raison des risques de potentialisation et d’effets secondaires. • Le diagnostic de démence n’existe pas en urgence, car cette pathologie n’est jamais de survenue aiguë. Un dément est un confus chez qui aucune étiologie n’a pu être retrouvée.