Mathématiques et TI-Nspire, chapitre 2 - Univers TI

Christian Vassard (IUFM Rouen)
2
Chapitre
Un nombre abondant est intuitivement un nombre qui possède beaucoup de diviseurs, tandis qu’un
nombre déficient en possède peu. Entre l’abondance et la déficience, que l’on peut voir comme un
excès ou comme un manque, trône le nombre parfait, juste équilibre entre un nombre et ses diviseurs.
Rien de plus simple… mais nous verrons que derrière cette simplicité apparente, se cache un domaine
d’une grande richesse, comme souvent en arithmétique. Ce chapitre est l’occasion d’utiliser la
fonction somme des diviseurs que nous avons écrite dans le chapitre précédent.
Sommaire
Chapitre 2. Nombres abondants et déficients ..................................................... 21
1. Abondance et déficience .......................................................................... 22
1.1 Que sont ces nombres ? ................................................................ 22
1.2 Recherche à la calculatrice… ........................................................ 22
2. Quelques conjectures… et leurs démonstrations ................................. 24
Chapitre 2.
Nombres abondants
et déficients
22 Mathématiques et TI-Nspire
© T³ France 2010 / Photocopie autorisée
1. Abondance et déficience
1.1 Que sont ces nombres ?
C’est la somme des diviseurs d’un nombre, que nous noterons
qui nous sert à mesurer le caractère
abondant ou déficient d’un nombre. Plus précisément :
Un nombre est dit abondant lorsque
 
2nn
et déficient lorsque
 
2nn
.
Juste à la frontière des deux contraintes précédentes, un entier sera dit parfait
1
lorsque
 
2nn
.
Quelques exemples, au hasard des premiers nombres entiers :
9 est déficient car
(9) = 1 + 3 + 9 = 12 2
9 = 18 ;
12 est par contre abondant car
(12) = 1 + 2 + 3 + 4 + 6 + 12 = 28 2
12 ;
6 est parfait car 1 + 2 + 3 + 6 = 2
6.
Signalons aussi que dans l’histoire, on ne considérait pas le nombre lui-même dans la liste de ses
diviseurs. Ainsi par exemple un nombre était dit parfait lorsqu’il était exactement égal à la somme de
ses diviseurs
2
. Les définitions alternatives des nombres abondants et déficients étaient du même type.
Pour faire une recherche, on peut réutiliser la fonction sdiv que nous avons écrite lors du précédent
chapitre partir d’une bibliothèque publique comme numtheory par exemple). On peut aussi la
réécrire rapidement à l’aide de la fonction divisors de la bibliothèque numtheory.
1.2 Recherche à la calculatrice
Le plus simple est de faire une recherche systématique au tableur. Les formules utilisées sont
apparentes sur la feuille de calcul ci-dessous.
1
Les nombres parfaits seront étudiés dans le prochain chapitre.
2
Au début du VIIe livre des Éléments, Euclide donne la définition suivante d’un nombre parfait (définition 23) : le nombre parfait est celui
qui est égal à ses parties.
Nombres abondants et déficients 23
© T³ France 2010 / Photocopie autorisée
On remarquera en particulier l’utilisation des variables a et b, qui correspondent aux bornes de la
recherche en A1 et A2. L’instruction seq dans les colonnes B et C permet d’avoir des colonnes qui
s’ajustent automatiquement au nombre de données que l’on traite. Les nombres déficients sont
largement majoritaires au début ; le premier nombre abondant qui apparaît est 12. Un nombre parfait
déjà rencontré, 6, est aussi à noter.
On peut aussi lister les nombres abondants grâce à une fonction héritée
3
du logiciel Derive, que l’on
trouve dans la bibliothèque numtheory : select_range. Trois arguments sont nécessaires en entrée :
les bornes d’étude, inférieure et supérieure, une certaine propriété que l’on veut étudier.
Cette fonction permet de lister tous les nombres entiers, compris entre les bornes d’étude, qui vérifient
cette propriété particulière, propriété qui doit impérativement être énoncée dans une chaîne de
caractères contenant obligatoirement la variable x, comme par exemple "sdiv(x)>2.x" pour la
recherche des nombres abondants, ou "isprime(x)=true" pour celle des nombres premiers.
En quelques secondes, on obtient très rapidement la liste des nombres abondants, déficients et parfaits
inférieurs ou égaux à 200 :
En conclusion de ces deux études, on peut finalement établir le tableau suivant. N’y figurent pas
les deux seuls nombres parfaits inférieurs à 200 : 6 et 28…
déficients
abondants
2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 21,
22, 23, 25, 26, 27, 29, 31, 32, 33, 34, 35, 37, 38, 39,
41, 43, 44, 45, 46, 47, 49, 50, 51, 52, 53, 55, 57, 58,
59, 61, 62, 63, 64, 65, 67, 68, 69, 71, 73, 74, 75, 76,
77, 79, 81, 82, 83, 85, 86, 87, 89, 91, 92, 93, 94, 95,
97, 98, 99, 101, 103, 105, 106, 107, 109, 110, 111,
113, 115, 116, 117, 118, 119, 121, 122, 123, 124,
125, 127, 128, 129, 130, 131, 133, 134, 135, 136,
137, 139, 141, 142, 143, 145, 146, 147, 148, 149,
151, 152, 153, 154, 155, 157, 158, 159, 161, 163,
164, 165, 166, 167, 169, 170, 171, 172, 173, 175,
177, 178, 179, 181, 182, 183, 184, 185, 187, 188,
189, 190, 191, 193, 194, 195, 197, 199.
12, 18, 20, 24, 30,
36, 40, 42, 48, 54,
56, 60, 66, 70, 72,
78, 80, 84, 88, 90,
96, 100, 102, 104,
108, 112, 114, 120,
126, 132, 138, 140,
144, 150, 156, 160,
162, 168, 174, 176,
180, 186, 192, 196,
198, 200.
3
Une utilisation judicieuse de void est aussi possible, comme nous l’avons vu au chapitre précédent.
24 Mathématiques et TI-Nspire
© T³ France 2010 / Photocopie autorisée
2. Quelques conjectures… et leurs démonstrations
À partir de ces listes, on peut conjecturer, puis tenter de prouver ou d’infirmer, certains résultats.
Même si on la pratique à un niveau élémentaire, n’est-ce pas l’essence de l’activité mathématique,
celle d’un chercheur par exemple ? Encourageons les élèves à avoir, sur ce type de problème, la
« conjecture facile »
4
Quelques conjectures sur les nombres déficients, à partir des listes obtenues
Conjecture 1 : toute puissance de 2 est un nombre déficient.
Démonstration
La somme de diviseurs de 2n, pour n entier naturel non nul, vaut :
1 + 2 + … + 2n = 2n + 1 1
2 1 = 2n + 1 1 < 2n+1 = 2 × 2n.
À un près, un tel nombre est parfait... mais il est quand même déficient.
Conjecture 2 : tout nombre premier est déficient.
Est-il besoin d’en dire plus ? C’est bien le moins qu’on attende d’un nombre premier, qui possède le
moins de diviseurs possibles. On peut en déduire, même si l’on s’en doutait, que l’ensemble des
nombres déficients est infini.
Conjecture 3 : tout entier qui s’écrit sous la forme p × qp et q sont des nombres premiers
impairs et distincts, est un nombre déficient.
Démonstration
C’est le cas, par exemple, de 21 ou de 35.
Soit donc p et q deux entiers premiers impairs et distincts. On peut, sans restreindre la généralité,
supposer que p < q.
La somme des diviseurs de pq, avec p et q premiers impairs vaut 1 + p + q + pq, dont on doit montrer
qu’elle est inférieur strictement à 2pq.
Or 1 + p + q + pq < 2pq équivaut à 1 + p + q < pq soit, en divisant par q, 1
q + p
q + 1 < p
Or p est supérieur ou égal à 3, tandis que 1
q + p
q + 1 < 1 + 1 + 1 = 3.
Ceci prouve bien que 1
q + p
q + 1 < p et donc que pq est bien déficient.
Conjecture 4 : tout carré de nombre premier est déficient.
Démonstration
Soit donc p un entier premier.
La somme des diviseurs de p2 est égale à : 1 + p + p2.
Or, 1 + p + p2 < 2 × p2 équivaut à 1 + p < p2 : ceci est manifestement vrai pour tout entier premier car
1 + p = p(1 + 1
p) < p × p.
Conjecture 5 : toute puissance de nombre premier est un nombre déficient.
Démonstration
C’est immédiatement le cas si le nombre premier considéré est 2, d’après la conjecture 1.
4
Ce qu’a dit Daniel Perrin dans une conférence à l’IUFM de Rouen il y a quelques années…
Nombres abondants et déficients 25
© T³ France 2010 / Photocopie autorisée
On peut prouver ce résultat par récurrence sur l’exposant n d’un nombre premier p quelconque
strictement supérieur à 2.
La proposition est vraie pour n = 2, comme le montre la conjecture 4.
Supposons que la propriété soit prouvée pour un entier n arbitraire : alors pn est déficient, ce que l’on
peut traduire par 1 + p + … + pn < 2 × pn.
Montrons que la propriété est vraie au rang n + 1. On a :
1 + p + … + pn + pn + 1 < 2 × pn + pn + 1 = pn + 1 (1 + 2
p)
Or si p est premier impair, on a : 1 + 2
p < 2, ce qui suffit à prouver le résultat.
Conjectures sur les nombres abondants
De la même façon, l’examen de la liste des entiers abondants obtenues plus haut peut conduire à
émettre les conjectures suivantes.
Conjecture 1 : tout multiple non nul de 6, sauf 6, est abondant.
Démonstration
On sait que 6 est un nombre parfait… il n’est donc pas abondant.
Soit n = 6k un multiple de 6, avec k > 1.
n est divisible par 1 et par n mais aussi par 2, donc par n
2, par 3, donc par n
3, par 6, donc par n
6 (qui
n’est pas égal à 1 car n > 6) : n, n
2, n
3, n
6 et 1 sont deux à deux distincts.
On a donc :
(n)
n + n
2 + n
3 + n
6 + 1 = 2n + 1 > 2n.
n est bien un nombre abondant.
Remarquons que le raisonnement peut être mené à la calculatrice...
On peut en déduire, si on avait encore un doute, qu’il y a une infinité de nombres abondants. On sait
qu’à partir de n = 60, les nombres hautement composés (chapitre précédent) sont des multiples de 6 :
ils sont donc aussi, à partir de cette valeur, des nombres abondants.
Remarque
Par un raisonnement analogue, on peut montrer que tout nombre de la forme kp, p est un nombre
parfait et k un entier naturel strictement supérieur à 1, est abondant.
Appelons d1, d2, …, dn les diviseurs strictement positifs de p : on sait donc que :
d1 + d2 + ... + dn = 2 × p.
5
Comme di divise p, il divise aussi kp : par suite, kp
di divise aussi kp.
D’autre part, aucun des kp
di n’est égal à 1, car k lui-même est strictement supérieur à 1. On a donc :
5
Égalité d’où l’on tire au passage que
, c’est-à-dire encore que
1
12
n
ii
d
.
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