Humanité et compétence 07.11.2013_2ème partie

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Comment prendre soin
avec humanité et compétence
d’une personne âgée au 21ème siècle
St-Prex 07.11.2013
R. Dreher
D. Peschoud
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Contexte général : qui sont nos clients d'aujourd'hui et de demain ?
Notre société vieillit : la proportion des personnes âgées qui vivent en son
sein s’accroît. Ce phénomène nous touche de plein fouet et va progresser
encore ces prochaines années en raison de l’arrivée dans le 3ème âge de la
génération « du baby-boom ».
En Suisse et dans la plupart des régions du monde, les systèmes de santé
sont questionnés par le vieillissement. Des changements épidémiologiques
fondamentaux ont lieu : les maladies chroniques, qu’il conviendra de
soigner et d’accompagner dans le long terme, vont prendre une part
prépondérante des ressources de notre système soins.
Les problèmes cognitifs dus à la sénescence prennent déjà et vont prendre
une place exponentielle dans la prise en soins.
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La grande question que se pose tous les soignants aujourd’hui est de
: comment accompagner les patients âgées présentant des troubles
cognitifs avérés, voir psycho-gériatrique dans un processus
thérapeutique ?
La maladie d’Alzheimer est aujourd’hui annoncée comme un des
défis majeur du 21ème siècle. Les familles évoquant bien la difficulté
et les perturbations qu’engendre le fait que l’un des leurs perde la
mémoire. Ils ont le sentiment de ne pas le reconnaître, de ne plus
comprendre ses réactions. Il y a une perte de repère et une difficulté
à en créer de nouveaux, afin de maintenir le lien affectif.
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Constat
Comment prendre soin de la personne âgée fragilisée dans sa santé et
atteinte de perte de mémoire mineur ou majeur ?
En mettant en pratique les enseignements reçus lors de la formation
initiale :
L’observation du patient : connaissance des habitudes de vie
Identification des besoins fondamentaux perturbés : marche,
sommeil, s’alimenter, respirer
Identification des ressources et des handicaps
Entrer en communication par la parole, par le regard parfois
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Malgré la mise en pratique des compétences acquises, il est difficile
d’entrer en communication et de soigner certains patients.
Remarque des soignants : ce patient a été mal orienté, nous
n’arrivons pas à le soigner.
« Il ne comprend pas les consignes »
« Il refuse d’obtempérer »
« Je suis obligé de le laver dans les cris et l’agitation, car cela fait trois
jours qu’il refuse de se laver »
Ce type de patient n’est pas pour nous et il y en a de plus en plus qui
sont mal orientés.
Ces patients qui ne comprennent pas les consignes nous épuisent.
J’essaie de lui parler mais il me rejette, il ne veut pas que je le soigne.
Je n’arrive pas à soigner, je ne suis pas satisfaite de ma journée, car je
n’arrive pas à prendre soin
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Constat en tant que cadre, responsable de la mise en œuvre des
bonnes pratiques qui garantissent une qualité de soins.
Le client que nous devons accompagner dans sa prise en charge
thérapeutique évolue et perturbe les codes de référence et
l’organisation en place par une attitude psycho-comportementale
différente : perte de mémoire, de repères temporaux-spatial,
agressivité, fugue, prostration.
Aujourd’hui, la caractéristique du patient que nous soignons est
d’avoir un certain âge.
La performance de nos organisations, ne s’est pas adaptée à ce type
de prise en charge.
Une fois le constat posé, il convient d’adapter l’organisation des
soins, mais pour ce faire il faut développer des compétences en
gériatrie, et auprès des patients âgés porteurs de troubles cognitifs.
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D’autre part, il faut pouvoir former différents corps de métiers : aideinfirmière, infirmière, physiothérapeute, ergothérapeute,
diététicienne, infirmière de liaison, médecin avec des niveaux de
savoir différents.
Puisque ce que nous savons faire c’est prendre soin d’une personne
dans sa globalité et en interdisciplinarité, en bénéficiant des
compétences de différents corps de métier. Mais, nous ne savons pas
prendre en charge le patient qui ne comprend pas les consignes.
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Objectif
Chercher une formation qui augmente les connaissances théoriques
de chaque professionnel et permettre une transposition des savoirs
enseignés dans la pratique pour l’ensemble de l’équipe
interdisciplinaire.
Beaucoup de formation possible, mais une seule accessible à un public
ayant un niveau de formation différent à la base et permettant
l’alternance entre les apports théoriques et la pratique sur le lieu de
travail même des collaborateurs.
La mise en pratique se fait sur le patient dont je dois prendre soin
aujourd’hui.
D’où la mise en place de la formation Gineste-Marescotti à l’EHC.
Les collaborateurs des EMS sont en cours de formation, les
collaborateurs du CTR sont formés et les collaborateurs de la
médecine soins aigus sont en cours de formation.
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La formation
C’est une philosophie et des techniques de soins.
La philosophie : l’humanitude
En 1989, Lucien Mias, gériatre français, introduit pour la première fois
le terme d’Humanitude dans les soins en affichant dans son service les
phrases suivantes :
« On naît de l’espèce humaine, mais on devient humain. Les autres
nous font entrer en Humanitude »
« Si tu fermes la porte des sens, tu fermes la porte de mon contexte
(l’environnement matériel et l’entourage humain qui m’ont fait entrer
et me maintiennent humaniste) ».
En 1995, Yves Gineste et Rosetta Marescotti définissent l’Humanitude
comme « l’ensemble des particularités qui permettent à un homme de
se reconnaître dans son espèce : l’Humanitude; mais aussi comme
l’ensemble des particularités qui permettent à un homme de
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reconnaître un autre homme comme faisant partie de l’Humanité ».
La philosophie de l’Humanitude s’intéresse aux liens qui doivent
persister dans la relation soignant-soigné. Le maintien de ces liens
s’appuie sur trois piliers relationnels, le regard, la parole et le toucher
et un pilier identitaire, la verticalité. Ces quatre piliers constituent les
bases incontournables, vitales des relations humaines positives tout
au long de notre vie nous permettant de nous reconnaître, de nous
sentir humain et de reconnaître les autres comme des frères
d’humanité.
En définitive, l’Humanitude c’est un ensemble de techniques qui
permet aux humains de se rencontrer quelque soit leur état, leur
statut.
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Etre humain pour vivre et se développer, il a besoin à toutes les
époques de sa vie qu’on le regarde, qu’on lui parle, qu’on le touche.
Exemple : le nouveau-né (Autisme, le 1er regard vient de nos parents….
Nos parents se souviennent de nos premiers pas. La verticalité est un
passage majeur du développement de l’enfant
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Qu’est-ce qu’un soignant ?
C’est un professionnel qui prend soin d’une personne qui a des
problèmes de santé ou qui se préoccupe de sa santé dans le but de
l’aider :
-À l’améliorer
-À la maintenir
-À l’accompagner jusqu’à la mort
Le professionnel a un cahier des charges, il a des droits et des devoirs.
Il agit selon les règles de l’art de sa profession. Ce sont les règles
communes à tous au sein d’une même profession. Elles guident les
pratiques, permettent de véhiculer le même discours.
C’est une garantie de qualité pour le patient et un outil d’évaluation du
travail du soignant.
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Les règles de l’art selon la philosophie de l’humanitude :
•Avoir l’approbation de la personne avant d’effectuer un soin : la fin
des soins de force sans abandon de soins
•Aider à faire et non faire à la place
•Jamais d’approche « surprise »
•Respect de l’intimité ou du domicile : frapper à la porte et attendre
une réponse avant d’entrer
•Ne plus remonter une personne par les épaules
•Bannir les prises en griffe ou en pince
•Respecter le temps de sommeil : l’adulte âgé a besoin de 4 à 6h de
sommeil réparateur (les protections sont efficaces de 6 à 8h)
•Soigner les handicaps mais aussi prendre soin des ressources : bienêtre spirituel, qualité de vie selon le patient, plaisir, la confiance
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Mise en œuvre d’outil
La capture sensorielle
4 étapes :
les pré préliminaires
les préliminaires au soin
le rebouclage sensoriel
la consolidation émotionnelle
Les pré préliminaires
•Frapper 3 coups : attendre la réponse et s’annoncer
•Si pas de réponse : 3 coups puis attendre
•Si pas de réponse : 2 coups et entrer
Il servent à respecter l’intimité du patient « je vais à la rencontre du
patient »
-Éliminer les contacts surprises
-Stimuler une réponse
-Permettre de s’approprier la chambre comme domicile (EMS)
-Etablir une transition entre chaque patient
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Les préliminaires au soin
Ils permettent d’entrer en communication avec le patient.
C’est une mise en relation donc en humanitude par le regard, la parole
et le toucher.
Il convient de rechercher le consentement (verbal) ou l’assentiment
(non verbal).
L’objectif est d’écarter les seuils de tolérance afin d’éviter de partir en
CAP.
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Le regard
: horizontal  l’égalité
Cela consiste à se mettre à la hauteur de la personne : position assise
: lever le lit
: axial  la franchise
: long  la confiance, l’amitié
: proche  la tendresse
Bannir le regard vertical qui est dominateur et méprisant.
Proscrire l’absence de regard, qui traduit l’ignorance, « tu n’existes
pas ».
Attention au tunnel de vision: le patient a la tête baissée, il déambule.
Démence avérée : tant que le contact visuel n’est pas établi, le patient
n’entend pas.
Chez la personne Alzheimer, il convient d’amplifier les expressions, les
mimiques. Il entend la tonalité de la voix et perçoit en visuel : le non
verbal, les mots sont secondaires.
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La parole
Dans la communication
:
:
:
7% mots
38% tonalité
55% physiologie
Les patients déments retiennent la tonalité et le non verbal.
Il convient de travailler l’ambiance sociale en utilisant un ton doux,
mélodieux, chaleureux, calme.
Formaliser l’expression de manière positive.
En cas d’absence de feed-back, naturellement le silence s’installe.
Utiliser l’auto feed-back :
• prédictif : « je vais vous laver le bras »
• descriptif : je vous soulève le bras, c’est le bras gauche
• augmentation de la durée de communication thérapeutique avec le
patient = moyenne 7 à 8 x plus que d’habitude
• mettre la personne en zone de confort : époque où elle se rappelle17
• donner une consigne à la fois
- ne pas être trop directif
- ajouter des SVP
- méthode lors de l’incapacité d’attention divisé
soignant maître  qu’établit le regard, la parole
soignant furtif  qui pose les actes
Piège à éviter : lorsque le patient ne répond pas, d’arrêter de lui
parler
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Le toucher : vaste, doux, lent
4 principes du toucher
•Professionnel :sans pince, ni griffe
prise en berceau (par le dessous)
•Progressif = schéma corporels
= des zones les moins sensibles aux plus sensibles
•Permanent = principe de l’escalade (main relationnelle + main utile)
•Pacificateur = vaste et lent (induit les 3 premiers)
2 types de toucher en mémoire affective
•Toucher agressif = reste en mémoire émotionnelle, toucher non
consenti
•Toucher validant = s’autoriser les touchers validants dans le
consentement mutuel
Ne jamais commencer par les parties les plus sensibles qui sont le
visage, les mains, les pieds (parties du corps à faire en dernier lors de
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la toilette)
Le rebouclage sensoriel
C’est un état de bien-être obtenu quand il y a au moins 2 entrées
sensorielles en continu (visuelle, auditive, tactile).
Agissant en harmonie en contribuant à la réassurance et à la
participation du patient aux soins : créent un climat calme, serein.
La consolidation émotionnelle
-Elle conclue la relation au soin
-Elle valorise l’acte de soin
-Elle valorise la personne, la rencontre
-Mots positifs, geste amicale
-On laisse une empreinte positive qui s’imprime dans la mémoire
affective
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Qu’est ce qu’un CAP (comportement d’agitation pathologique)
Le patient crie, refuse qu’on l’approche, est prostré…
Eléments déclencheurs :
-Soins de force
-Réveil non justifié
-Arrivée surprise
C’est une situation angoissante, le soin est perçu comme une
agression et le patient se défend (mémoire émotionnelle, empreinte
négative).
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La verticalité
Entre 3 jours et 3 semaines suffisent pour rendre une personne
grabataire.
80 à 90% des grabataires auraient pu terminer leur vie debout.
20 minutes par jour de mobilisation suffisent à prévenir la
grabatérisation.
• Le système osseux nécessite du mouvement pour intégrer le calcium
• Le mouvement et la mise sous pression aident à préserver la masse
musculaire
• L’absence de sollicitation des muscles diminue les mouvements
volontaires
Comportement à abolir :
« Elle est fatiguée, il faut la laisser au lit »
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Conclusion
Avant de conclure, j’aimerai partager avec vous une chanson de Linda
Lemay : La Centenaire
La Centenaire
Ca fait cent longs hivers
que j’use le même corps
j’ai eu cent ans hier
mais qu’est-ce qu’elle fait la mort ?
J’ai encore toute ma tête
elle est remplie d’souvenirs
de gens que j’ai vu naître
puis que j’ai vus mourir
J’ai tellement porté d’deuils
qu’j’en ai les idées noires
j’suis là que j’me prépare
je choisis mon cercueil
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Mais l’docteur me répète
visite après visite
qu’j’ai une santé parfaite
y’est là qu’y m’félicite
(Refrain) :
J’ai vu la Première guerre
le premier téléphone
me voilà centenaire
mais bon, qu’est-ce que ça me donne
les grands avions rugissent
y’a une rayure au ciel
c’est comme si l’éternel
m’avait rayée d’sa liste
Ca fait cent longs hivers
que j’use le même corps
j’ai eu cent ans hier
mais qu’est-ce qu’elle fait la mort
24
Qu’est-ce que j’ai pas fini
qu’y faudrait que j’finisse
perdre un dernier ami
enterrer mes petits-fils ?
J’ai eu cent ans hier
ma place est plus ici
elle est au cimetière
elle est au paradis
Si j’mertais l’enfer
alors c’est réussi
car je suis centenaire
et j’suis encore en vie
(Refrain)
Moi j’suis née aux chandelles
j’ai grandi au charbon
bien sûr que j’me rappelle
du tout premier néon
25
J’ai connu la grande crise
j’allais avoir 30 ans
j’ai connu les églises
avec du monde dedans
Moi j’ai connu les chevaux
et les planches à laver
un fleuve beau
qu’on pouvait se baigner
Moi j’ai connu l’soleil
avant qu’y soit dangereux
faut-il que je sois vieille
venez m’chercher, bon dieu
J’ai eu cent ans hier
c’est pas qu’j’ai pas prié
mais ça aurait tout l’air
que dieu m’a oubliée
26
Alors j’ai des gardiennes
que des nouveaux visages
des amies de passage
payées à la semaine
Elle parlent un langage
qui n’sera jamais le mien
et ça m’fait du chagrin
d’avoir cinq fois leur âge
Et mille fois leur fatigue
immobile à ma fenêtre
pendant qu’elles naviguent
tranquilles sur internet
(Refrain)
C’est vrai qu’j’attends la mort
mais c’est pas qu’j’sois morbide
c’est qu’j’ai cent ans dans l’corps
et qu’j’suis encore lucide
27
C’est que je suis avide
mais qu’y a plus rien à mordre
c’est au’mon passé déborde
et qu’mon avenir est vide
On montre à la télé
des fusées qui décollent
est-ce qu’on va m’expliquer
ce qui m’retient au sol
Je suis d’une autre école
j’appartiens à l’histoire
j’ai eu mes années folles
j’ai eu mes heures de gloire
J’ai eu un bon mari
et quatre beaux enfants
mais tout l’monde est parti
dormir au firmament
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Et y’a qui moi qui veille
qui vis, qui vis encore
je tombe de sommeil
mais qu’est-ce qu’elle fait la mort
Démontre un parcours de vie
Démontre une réalité ; plus on avance en âge, plus le tissu social et
familial s’épanouit :
« J’ai eu un bon mari
et quatre beaux enfants
mais tout le monde est parti
dormir au firmament »
29
« Alors j’ai des gardiennes
que des nouveaux visages
des amies de passage
payées à la semaine
Elle parlent un langage
qui n’sera jamais le mien
et ça m’fait du chagrin
d’avoir cinq fois leur âge
Et mille fois leur fatigue
immobile à ma fenêtre
pendant qu’elles naviguent
tranquilles sur internet »
« C’est que je suis avide
mais qu’y a plus rien à mordre
c’est au’mon passé déborde
et qu’mon avenir est vide »
Il est plus facile d’entrer en deshumanitude que d’entrer en humanitude30
Le développement de compétence en gériatrie est un enjeu d’aujourd’hui
pour relever le défi de demain, à savoir maîtriser les règles de l’art de la
philosophie de l’humanitude, en interdisciplinarité afin de porter un
regard bienveillant sur le sujet âgé et de lui garantir une qualité de soin
optimale.
« Prendre soin avec bienveillance, humanité, proximité et compétence »
« Parce nos connaissances doivent habiller nos mains, et qu’entre le
cerveau qui pense et la main qui agit, il y a le cœur »
Yves Gineste
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Merci à chacun et à chacune de contribuer chaque jour à
l’amélioration de nos pratiques au service du patient.
Merci à la direction de nous accompagner et de nous
encourager à mettre en œuvre ce développement de
compétence.
Merci au cadre soignant (ICUS, infirmière, responsable
du cadre clinique) de promouvoir la mise en œuvre de la
méthode au quotidien.
Merci à chaque professionnel de se remettre en question,
de pratiquer la méthode et d’intégrer un nouveau cadre
de référence.
Merci aux trois associations d’être promoteur d’un
développement de compétence centré sur une prise en
soin bienveillante et humaniste, au travers d’un soutien
financier notamment.
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