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PRATIQUES 45 AVRIL 2009
DOSSIER
DOSSIER
La méthodologie de soin dite « humanitude »,
est l’aboutissement de trente années d’obser va -
tions, d’analyse, de propositions et d’ajustements
de deux enseignants d’Education Physique et
Sportive, formateurs en manutention des malades
: Rosette Marescotti et Yves Gineste.
Ils ont mis au point des techniques de communi-
cation verbale et non verbale, de « décontracture »,
de mobilisation douce, d’aide au lever et à la
marche, développé les concepts de « manutention
relationnelle
®
», de « toucher-tendresse
®
», de
« mourir debout
®
», proposé une classification des
patients selon leurs possibilités de verticalisation,
des « programmes d’activité minimum », la « toi-
lette évaluative », des algorithmes décisionnels…
plus de 150 outils et concepts, toujours évolutifs,
sur lesquels reposent les formations. Le concept
d’humanitude est le résultat de l’étude du dérou-
lement des nombreuses toilettes réalisées auprès
des malades les plus difficiles, lors de l’application
en stage des théories enseignées : les patients ne
sont pas agressifs lorsque l’on entre et reste en
contact avec eux, si l’on s’interdit d’imposer un
geste, de le faire à leur place, sans l’annoncer…
Tout mammifère, pour survivre après la mise-bas,
est léché par sa génitrice. Celle-ci informe le nou-
veau-venu qu’il est son petit, initie l’attachement à
la mère, la reconnaissance du groupe et
l’appartenance à l’espèce. L’humanitude est
l’ensemble des critères qui permettent à chaque
homme de reconnaître l’autre comme membre de
son espèce, de se reconnaître soi-même comme tel.
Il est aujourd’hui reconnu que le petit d’homme
ne se développe pas « normalement » s’il ne peut
bénéficier de ces liens dès la naissance et dans
l’enfance. Il est moins manifeste que ces liens au
grand âge restent fondamentaux pour le maintien
de cette reconnaissance mutuelle implicite.
Les trois premiers piliers de l’humanitude sont le
regard, la parole et le toucher, ceux que la maman
échange avec son bébé dès son arrivée.
Lorsqu’il fait ses premiers pas, l’enfant répond à
une exigence singulière de l’espèce qui lui vient
de la nuit des temps : homo sapiens est le seul
mammifère bipède vrai.
Si l’on mesure le nombre de regards et de paroles
que reçoivent des personnes vieilles, grabataires,
malades, le résultat est impressionnant : neuf regards
rapides sur une journée, cent vingt secondes de
communication directe en moyenne par 24 heures !…
Les deux premiers piliers de l’humanitude ne sont
pas naturellement activés… le soignant en prend
conscience et s’entraîne à pénétrer dans le champ
visuel à bonne hauteur, de façon axiale, proche, pro-
longée, à échanger quelques mots agréables sur
un ton mélodieux avant de passer à l’action.
Le toucher reçu par ces personnes est principale-
ment de caractère « utile », celui qu’il faut com-
prendre pour l’accepter. Ceci est compromis avec
peu de facultés cognitives. Le soignant apprend
un toucher tendre, qui n’induise aucune sensation
désagréable ou agressive (saisie technique mais
dure, en pince, en griffe, geste rapide…), qui
aurait un impact négatif sur le ressenti. Ces tech-
niques s’appliquent aux gestes de soin et aux mobi-
lisations passives ou actives.
Un grand nombre d’états grabataires sont iatro-
gènes, par défaut de sollicitation, suite à des conten-
tions. Le temps que passe un soignant avec un
patient est exploité au maximum, il sollicite les capa-
cités de chacun. La verticalité est bien entendu privi-
légiée, et le choix du type de toilette en tient compte.
Le soin reprend sa place dans la relation, ce sont
les principes de la « capture sensorielle
®
», avec
préliminaires, rebouclage sensoriel, consolidation
émotionnelle. Le temps toilette peut avoir pour
orientation non seulement l’hygiène et le « bien-
être », mais aussi la communication, la prévention
des dégradations corporelles, la réhabilitation, le
confort, la motivation… des personnes soignées,
mais aussi des soignants : qui fait du bien se fait
également du bien.
L’humanitude,une
méthodologiede soins
Nicole Sicard, gériatre
Pour les soins aux personnes grabataires, très âgées ou malades, une méthode
mise au point par Rosette Marescotti et Yves Gineste, basée sur la douceur
et le respect.
§Personne âgée
§Paramédicaux
§Formation
Le confort au cœur du soin ?
«Les trois
premiers
piliers de
l’humanitude
sont le
regard,
la parole et
le toucher. »
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