17/01/2014 Affaire Lambert : Les malades soignés par les juges du

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soignes-par-les-juges-du-tribuna-890182.html
17/01/2014
Affaire Lambert : Les malades soignés par les juges du tribunal administratif ? Kaï, kaï,
kaï…
Avant tout, je dois vous dire que je vais être totalement partial (mais ça ne pose pas de problème, car
contrairement à Arno, ce fauteur de troubles, je ne suis pas conseiller d’Etat). Je connais bien les
équipes de soins palliatifs du CHU de Reims, qui sont une référence, et le Docteur Eric Kariger est un
toubib de classe, ajusté au dernier niveau de la connaissance scientifique, praticien chevronné, rodé à
la gestion des situations les plus difficiles, et un grand bonhomme qui a chevillé au corps l’attention
pour la relation, pour la différence. Science et conscience comme disait l’autre…
Comme son service est en or, j’étais en train d’organiser le déménagement de ma petite famille pour
que nous puissions bénéficier de cette garantie, car belle-maman commence à rouler sur la jante.
Mais bing, la catastrophe : voilà le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (16 janvier 2014,
1400029), qui met la blouse blanche pour écrire les ordonnances d’Eric… Wahou, ça craint !
Planquez-vous les gars, et j’espère que les malades hospitalisés à Reims sont en bonne santé, parce
que si c’est les juges administratifs qui les soignent dès qu’ils arrivent en phase critique, ils ont juste le
temps de se barrer de l’hosto et de prendre le maquis !
J’exagère ? Je n’ai jamais exagéré de ma vie, et je ne vais pas commencer aujourd’hui… Voici la
preuve, à savoir ce qu’a jugé le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne : « Article 2.
L’exécution de la décision du Dr Kariger en date du 11 janvier 2014 est suspendue ». Voilà, je vous
l’avais dit : les juges réécrivent les ordonnances médicales, il y a de quoi flipper !
Le juge se prend pour un toubib !
Pour commencer, donc, un petit passage par les bases du droit administratif. Aussi sympathique et
entreprenant que soit notre ami Eric, il a juridiquement la qualité d’agent de l’établissement, et à ce
titre, il n’a aucune capacité à prendre une décision administrative qui puisse faire l’objet d’un recours
devant la juridiction administrative. Seul le directeur est habilité à représenter l’hôpital dans la vie
civile, et donc à prendre des décisions en son nom. C’est l’article L. 6143-7 du CSP : « Le directeur,
président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement
dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement ».
Les décisions médicales répondent à des critères médicaux, et ne peuvent pas faire l’objet d’un
recours en légalité. Si ces décisions ne sont pas conformes aux bonnes pratiques médicales, ce sont
alors des fautes, qui engagent la responsabilité pénale et disciplinaire du médecin, ou la
responsabilité civile de l’hôpital. Ces procès reposent sur de longues enquêtes, et des expertises, le
juge n’ayant pas de connaissances médicales et ne pouvant se prononcer sans l’avis d’experts.
L’Ordre des médecins, s’il était encore vivant, aurait bondi : « Quoi, une décision médicale suspendue
par un juge ? Un juge qui n’a même pas eu recours à une expertise et ne s’est pas déplacé voir le
patient ? Pour balayer le travail d’une équipe de haute compétence, et qui a travaillé avec des avis
extérieurs ? » Si cette jurisprudence s’installe, nous allons à la catastrophe. Toute décision médicale
pourra être contestée devant un tribunal dès lors que la vie est en jeu…
Pour éclairer sur les pratiques, je peux vous citer la cas de l’hébergement d’urgence
des personnes sans abri (CASF, Art. L. 345-2-2 ; CE, 5 avril 2013, 367232). Une
famille à la rue explique ses difficultés par exemple vivre sans toit quand il fait moins cinq et
demande que lui soit trouvé un hébergement d’urgence. On se présente devant le juge avec des
témoignages, des photos, … et que répond le juge administratif ? Le fait que cette famille vive à moins
cinq dans la rue ne me montre pas que les personnes sont dans une précarité telle qu’il faille les
héberger, et avant de prendre une décision, je désigne un médecin pour les examiner et donner un
avis médical.
C'est gros, mais bon… Question : comment le même juge qui ne sait pas que vivre à moins cinq à la
rue est un drame pour la santé, peut se prononcer, sans avis médical, pour dézinguer les
ordonnances des meilleures équipes médicales du CHU de Reims ? Ça me dépasse…
L’histoire
Le patient, 37 ans, est, des suites d’un accident de la circulation, tétraplégique et en état de
conscience minimale.
Au mois de mai, après cinq années de prise en charge et des mois de travail en équipe, les soignants
sont parvenus à la conclusion que les soins étaient déraisonnables, devenant donc des actes
inhumains et dégradants, au sens de l’article 3 de la Convention EDH, le Dr Kariger avait décidé de
l’arrêt de la nutrition artificielle, et la mise en place d’un processus d’accompagnement. Trente jours
plus tard, les parents avaient saisi le juge des référés, qui par une décision éminemment critiquable,
avait, sans expertise, ordonné la reprise de l'alimentation, au motif qu'ils n'avaient pas été
suffisamment informés de cette décision. L’hôpital, hélas, n’avait pas formé de recours, ce qui était
bien regrettable au regard de l’impact général de la jurisprudence.
Samedi, après des mois d’analyse et de concertation procédure collégiale engagée pendant l’été,
réunion de concertation 9 décembre 2013, avis motivé de deux praticiens du service, et de quatre
médecins extérieurs les conclusions de ces professionnels avisés étaient nettes :
- l’état clinique de Vincent Lambert et son évolution ne permettent pas d’envisager une amélioration et
le rétablissement de la communication,
- le maintien de l’alimentation et de l’hydratation artificielles va à l’encontre de sa volonté, ainsi qu’en
témoignent les refus de soins et ses déclarations, corroborées par sa personnalité,
- le maintien du traitement, qui apparaît inutile, disproportionné et a pour effet le
maintien artificiel de la vie, consiste en une obstination déraisonnable.
Le docteur Eric Kariger avait alors annoncé l'arrêt imminent de l’alimentation et de l’hydratation
artificielles, et la mise en œuvre d’un accompagnement. Cette décision venait ainsi après une
concertation médicale exemplaire, et avec un travail de fond auprès de toute la famille. Famille dont il
faut prendre en compte l’avis, mais qui, et c’est heureux, n’est pas décisionnaire. D’ailleurs, le tribunal
des médecins administratifs n’a pas contesté la qualité de la procédure. La procédure, qui met en
évidence des avis médicaux tous concordants, est jugée bonne,... mais le tribunal des médecins
administratifs en sait plus que les médecins.
Lundi, les parents, une sœur et un demi-frère ont saisi le tribunal administratif de Châlons-en-
Champagne dans le cadre d'une requête en référé-liberté pour demander l'annulation de la
décision médicale et le transfert dans un autre hôpital.
La procédure, c’est le référé-liberté de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, que grâce à
Dieudonné, tout le monde connait maintenant :
« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes
mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de
droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans
l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se
prononce dans un délai de quarante-huit heures».
Ça dérape sur la liberté fondamentale…
L'ordonnance du tribunal des médecins administratifs commence mal : « Considérant que le droit au
respect de la vie, rappenotamment par l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, constitue une liberté fondamentale au sens des
dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ».
Certes. Mais il fallait aussi citer l’article 3 qui prohibe les traitements inhumains et dégradants, car les
soins déraisonnables, ceux de l’acharnement thérapeutique, sont inhumains et dégradants. De telle
sorte, dès le principe posé, on voit qu’on est en pente douce…
Ça dérape grave sur les mesures que peut prescrire le juge
Le tribunal des médecins administratifs : « Lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un
danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et
manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement
des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des
référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article,
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