Dyslexie : quelques idées reçues et conceptions erronées DYSLEXIE : Quelques idées reçues revues à la lumière de la recherche scientifique http://resodys.phpnet.org Michel Habib, M.D. Centre Hospitalier Universitaire de Marseille (France) Questions de définition : lire, mais aussi…. Le cerveau dyslexique : des données fragiles Quelques débats actuels sur les mécanismes: deux théories très critiquées Rééduquer le cerveau dyslexique : de la théorie aux preuves Effet de la langue maternelle : des méfaits de la langue anglaise? La dyslexie : définitions et autres notions de base La dyslexie est un trouble de la lecture survenant malgré une intelligence normale En fait : "significativement en-dessous du niveau escompté eu égard à l'intelligence mesurée" (DSM-IV) "La perturbation interfère de façon significative avec la réussite scolaire ou les activités de la vie courante" (DSM-IV) En fait, certains dyslexiques peuvent traverser tout le cursus scolaire sans difficulté apparente : cas des intellectuellement précoces Etude de Stevenson et Fredman (1990) : 550 jumeaux de 13 ans La dyslexie est un trouble constitutionnel indépendant de tout facteur d'environnement En fait : on conçoit actuellement le cerveau du dyslexique comme la combinatoire subtile de facteurs innés, d'environnement pré-natal, péri-natal et de l'expérience post-natale. Rôle de facteurs génétiques : - études de jumeaux (MZ et DZ) - étude de cas familiaux - étude de gènes "candidats" (6 chromosomes incriminés) - études de génétique moléculaire ('DYX1') Rôle de facteurs prénataux : testostérone Rôle de l'expérience post-natale : cerveau des musiciens, profession de la mère propriétaire/locataire du logement séparation des parents lecture d’histoires sexe de l ’enfant profession du père niveau d’éducation des parents interactions mère-enfant niveau de lecture/écriture des parents santé de la mère taille de la famille o 1 BIOL PSYCHIATRY 2003;54:25–33 Etude de Stevenson et Fredman (1990) –22-27% de la lecture –22% de l‘écriture –32% de l‘intelligence 3 groups : NI (non-impaired) AIR (compensated) PPR (persistent poor) Si on contrôle le QI des enfants –6 % de la lecture –13 % de l‘écriture –Seul sexe, taille de la famille sont prédictifs Conclusion => La plupart des facteurs sociaux ont une influence générale sur l’intelligence mais n’agissent pas spécifiquement sur le niveau de lecture. 2 tasks : NWR = « do [LEAT] and [JETE] rhyme? » CAT = « are [CORN] and [RICE] from the same category » Shaywitz et al., 2003 : Conclusion > = > = < > > À égalité de sévérité initiale de la dyslexie Les deux groupes (compensé et persistant) diffèrent outre l’évolution de la dyslexie Par le QI de départ (compensé > persistant) Par le niveau de compréhension écrite (pers.< comp.) Mais pas par le niveau socio-culturel (non significativement différent au début sauf sur un seul indicateur) « PPR may represent a more environmentally influenced dyslexic reader »?? > En fait à nouveau influence du milieu par l'entremise du QI Reconnaissance et identification des mots : une construction progressive et laborieuse normalement déjà en place dès la fin de la première année, bol Processus spécifiquement défectueux chez le dyslexique 2 confortablement tambenefoneclor Analyse visuelle du mot Adressage : Mots réguliers et irréguliers ? Assemblage : Mots réguliers et pseudo-mots chrysanthème prononciation C h r y s a n t h è m e boulversement 3 bouleversement boulevresement . . . . . café table . . . . . pardon d'après Nazir et al., 1998 Élémentaire 1 2 Tâche d'identification perceptive 3 4 lettres X 5 lettres 6 lettres bateau bateau bateau bateau bateau ###### 500 ms d’indice de fixation présentation de l’item (mesures des seuils perceptifs) ≅ 250 ms en T1 (déc 2003) ≅ 200 ms en T2 (avril 2004) ≅ 150 ms en T3 (septembre 2004) masque réponse de l’enfant : mot ou lettres Développement de la procédure d'adressage (d'après T. Nazir et B. Lété) B. Lété, 2004 4 Identifications correctes des mots (poire poire) avril 2004 6;9 ans dec. 2003 6;5 ans Fréquents sept. 2004 7;2 ans Rares 100 90 80 "VWFA" (partie de l'aire 37) : lieu de la reconnaissance visuelle des mots 70 % 60 50 40 30 20 10 Atteint sa maturation au cours des premières années d'apprentissage 0 P1 P2 P3 P4 P5 P1 P2 P3 P4 P5 P1 P2 P3 P4 P5 Spécifiquement sous-activée chez le dyslexique Récupère sous l'effet d'un entraînement intensif à la procédure alphabétique La dyslexie est seulement un trouble de la lecture troubles DYSORTHOGRAPHIE linguistiques Syndrome hyperkinétique/ Déficit attentionnel. Extra-linguistiques moteur écrit • lecture • orthographe visuel oral • dysgraphie • dyspraxie Phonol perceptif visuo-attentionnel DYSLEXIE MCT verbale Consc phonol Production (articul) Percept (discrimin) autisme morpho-syntaxe Accès lexical pragmatique… Dénomination rapide automatisée Talents particuliers Dyscalculie Dyschronie • dyscalculie • dyschronie • talents (espace) Comprendre la dyslexie : un raisonnement typiquement médical régularités Observer les types d’erreurs Syndrome hémisph. droit développemental Dysphasie cognitif phonétique autres Trouble des conduites DYSGRAPHIE/ DYSPRAXIE Le cerveau du dyslexique symptômes Comprendre les signes associés Les liens avec le langage oral syndromes étiopathogénie Mise au point de thérapeutiques 5 La présence de malformations (ectopies, dysplasies) sur le cerveau du dyslexique est constante et causale PT Planum temporale Planum temporale left Les résultats initiaux de Galaburda sont • obtenus sur un nombre limités de spécimens • irréfutables donc incontrôlables Ils témoignent plutôt d'un trouble général de la maturation cérébrale sans signification causale right NON DYSLEXIC DYSLEXIC Absence d'asymétrie du planum temporal sur le cerveau dyslexique D'après Galaburda et al., 1979; 1985 Le cerveau du dyslexique est moins asymétrique • Il y a autant de résultats en faveur qu'à l'encontre de cette affirmation Leonard et al. (2001) : extreme leftward asymmetry of temporal and parietal cortices (15 college students vs 15 dyslexic adolescents) Des régions hémisphériques droites sont surdéveloppées Investigation des mécanismes sousjacents à l'asymétrie (ou la symétrie) : Galaburda, et al., 1987; Rosen et al., 1999 •Les constatations initiales de Galaburda seraient un artéfact mathématique 6 Les aires cérébrales du dyslexique sont moins activées lors de la lecture Certaines sont plus activées, d'autres sous-activées C'est surtout la chronologie de leur mise en jeu qui semble affectée Toute corrélation entre un coefficient d'asymétrie et la taille d'un côté (le droit) est un artéfact mathématique Aire de Broca (articulation de la parole) Zone temporale postérieure (discrimination des sons) CHAPEAU Zone temporale Inférieure (forme visuelle des mots écrits) L’hémisphère gauche du cerveau humain et ses régions activées par la lecture Lecture normale : activation initiale et prédominante de la forme visuelle des mots CHAPEAU Les mécanismes La phonologie et le reste… L'alternative : rôle du cervelet La thèse du déficit de traitement des phonèmes Lecture chez un dyslexique : Activation retardée de la forme visuelle Activation excessive de l’aire de Broca 7 Les troubles de la lecture sont toujours d'origine phonologique La force de la théorie phonologique Liberman et al (1974) : liens entre phonologie et lecture Syllabe Phonème Le trouble phonologique peut être la conséquence du trouble de la lecture Cf J. Morais Le concept de dyslexie visuo-attentionnelle (S. Valdois) certains dyslexiques récupèrent la phonologie et non la lecture certains dyslexiques sont excellents en conscience phonol profil de dyslexie visuelle; Proportion Correct 100% 90 70 48 46 17 4 5 6 Âge Les preuves d’un lien conscience phonologique - dyslexie Enfants mauvais lecteurs : Enfants de 10 ans en difficulté de lecture Enfants de 10 ans sans difficultés Enfants de 7 ans sans difficultés ayant le même niveau de lecture que les enfants en difficulté Conscience phonologique 1 2 Groupe 3 Bradley & Bryant (1978), Difficulties in auditory organisation as a possible cause of reading backwardness, Nature Epreuve visuo-attentionnelle (S. Valdois) literates illiterates Non-words-words (repetition) Report Global A V T. S R Réponse AVTSR 8 Whole report 25 Letter identification 20 Laurent Nicolas 7th Grade 3rd Grade 15 10 5 0 P1 P2 P3 P4 P5 Letter position Valdois, Bosse, Ans, Zorman, Carbonnel, David, Pellat (sous presse) Si le trouble n'est pas constant, alors il n'est pas causal Le déficit peut avoir été présent initialement, disparaître ensuite, mais avoir empêché une étape cruciale de s'installer Finch et al., 2002 Atteinte spécifique du système olivocérébelleux • Lobe antérieur : pas de différence de proportion de grandes cellules/petites • Noyau dentelé : Pas d’anomalie Principaux résultats : différence significative entre dyslexiques et contrôles pour 3 tests cérébelleux fréquence 13/22 (59%) < Nicolson et al., 2001 comparaison dyslexiques purs vs dyslexiques plus = 42 % vs 80% 9 duration of the closing phase (m 2 – m 1) * duration of the full closure phase (m 3 – m 2) * duration of the release phase (m 4 – m 3) Articulatory aspects of developmental phonological dyslexia Muriel LALAIN, Noël NGUYEN and Michel HABIB Laboratoire Parole et Langage, CNRS, Université de Provence 29 av. Robert Schuman, 13621 Aix-en-Provence, France {lalain,nguyen,habib}@lpl.univ-aix.fr Entraîner la boucle audio-articulatoire pour réduire le déficit phonologique 19 enfants : 7 -11 ans. Dyslexie phonologique sévère classique • Exemple de planche utilisée dans l'entraînement articulatoire • associé au logiciel IBM « Speech-viewer™ » Deux Groupes= 1/ phonoarticulatoire puis phonologique seul, 2/ l'inverse [pa] [ba] 10 M. Mercier et al., 2002 M. Mercier et al., 2002 CONSCIENCE PHONOLOGIQUE GROUPE 1 n.s P=.009 * GROUPE 2 * P=.02 n.s 9,5 9 E1 E2 pourcentages de réussite Scores moyens 12 11,5 11 10,5 10 LECTURE E3 GROUPE 2 P=.03 84 82 80 78 76 74 72 70 Mais pas toujours présent GROUPE 1 * P=.04 * P=.03 E2 E3 PAS DE DIFFÉRENCE D"EFFET SUR LA LECTURE ENVIRONNEMENT Le trouble phonologique provient d'une représentation déficiente des phonèmes * n.s E1 EFFET CUMULATIF (PHONO+ARTIC.) Preuves d'un déficit auditif perceptif 90 88 86 Niveau neurobiologique ? Déficit perceptif ? Niveau cognitif Niveau comportemental Et pas de lien avec phonologie Succion non nutritive Résultats : Eimas et al. http://www.ehess.fr/centres/lscp/ •Les bébés tètent vigoureusement lorsqu’ils sont stimulés •Une fois familiarisés avec le stimulus, l’ennui s’installe et ils tètent moins •La reprise de succion lors d’un changement de stimulus indique donc que le bébé a bien perçu une différence •La nouveauté suscite un regain d’intérêt qui se traduit par une augmentation de l’amplitude de la succion. Contraste phonologique /b/ versus /p/ Changement acoustique /p/ versus /p`/ Même stimulus /p/ versus /p/ 11 Perception de la parole Si les bébés sont capables de reconnaître tous les sons de parole dès la naissance, leurs capacités initiales précoces de discrimination de contrastes phonétiques “étrangers” déclinent entre 6 et 12 mois Percentage able to discriminate Hindi t’s 100 90 80 70 60 Enfants de 6 mois à risque familial de dyslexie : défaut d'activation cérébrale par un stimulus déviant quant à ses caractéristiques temporelles (/ata/ vs /atta/) 50 40 30 20 10 0 Werker & Tees, 1984 Hindispeaking adults 6-8 months 8-10 months 10-12 months Englishspeaking adults Infants from English-speaking homes Un retard de parole à 2 ans persiste à 3 ans1/2 chez les enfants à risque familial •Comparaison des lecteurs et non lecteurs dans les deux groupes : •Dans le groupe à risque, la présence de troubles du langage précoce est prédictive des troubles de la lecture •Dans le groupe non à risque, le niveau de langage n'est pas prédictif •Le trouble phonologique est présent dans les deux groupes Quid du trouble phonologique dans le groupe témoin?? Thérapeutique : en quoi le chercheur peut-il aider? Si une théorie est valide, les méthodes thérapeutiques qu'elle inspire sont efficaces Entraînement articulatoire : amplification de l'effet de l'entraînement phonologique Entraînement par modification temporelle de la parole (Tallal) Si une méthode thérapeutique est efficace, la théorie sur laquelle elle est basée est vraie Utilisation de verres teintés, d'occlusion monoculaire, de lentilles prismatiques = action non spécifique sur les conséquences ophtalmiques ou exercice de plasticité cérébrale? 12 Merzenich et al., 1996; Tallal et al., Science, 1996 “ ” TG HD Test de conscience phonologique; enfant non dyslexique Temple et al., 2003 Lettres riment? Magnitude of change in area 39 vs/ improvement in oral language Activation des régions auditive et articulatoire de l’hémisphère gauche 13 Enfant dyslexique G H Enfant dyslexique après entraînement (Fastforword®) G Activation plus faible et plus antérieure de l’aire de Broca Absence d’activation temporale postérieure H Réapparition des zones « éteintes » Mais aussi… La récupération fonctionnelle de la dyslexie s'accompagne d'une plus forte implication de l'hémisphère gauche … apparition de zones non activées précédemment (et non activées chez le témoin) : mécanisme de compensation? réorganisation? D'après Simos et al., 2002 Régions plus activées à 3 ans qu'à 1 an dans le groupe expérimental 49 dyslexiques de 6-9 ans Deux groupes 37 = EI (experimental intervention) 12 = CI ('community intervention' Expérimental: " 50 min of daily, individual tutoring that was explicit and systematic and focused on helping children understand the alphabetic principle" Régions significativement plus modifiées après un an dans le groupe expérimental "VWFA" Comparaison à 1 an, et à 3 ans 14 La lecture "utilise" les mêmes processus cérébraux quelle que soit la langue La langue maternelle La perturbation neuro-fonctionnelle de la lecture dans la dyslexie est la même quelle que soit la langue Vocal reaction times in single word and non-word reading (Paulesu et al. 2000) Paulesu et al. (2000) A cultural effect on brain function English > Italians : (non-words) Italians > English (all word types) Paulesu et al. (2000) A cultural effect on brain function 15 BA 37= Lexical retrieval? Pixels of maximal difference between dyslexics and controls Areas of reduced activation in dyslexics relative to controls reading aloud words and non-words (Brunswick et al., 1999) Zones également activées chez les dyslexiques et les témoins Sous-activation chez les dyslexiques des trois langues Le défaut d'activation de la VWFA est la marque universelle de la dyslexie : marqueur neuro-fonctionnel ou simple conséquence? pronounc /yue/ /kan/, meaning “view”,“read” “look”,“view.” Semantic similarity judgment pronounc /hua/ /hua/ Orthography - to-phonology mapping Orthography -to-semantic mapping Homophone judgm - letter size decision Chinese character decision - fixation meaning “draw” “talk”, “words ” Homophone judgment LMFG (9) <activation LIFG (44) >activation Bilateral < activation M+IFG Chinese dyslexia : different biological basis +left inf temporal 16 A 1550 B French Italian 1350 British RT (msec) 1150 950 750 550 Broca’s area (BA45) Wernicke’s area Posterior temporal lobe Middle frontal gyrus (BA9) 350 controls dyslexics LECTURE DE PSEUDO-MOTS : ENFANTS ANGLAIS VS ALLEMANDS 94 95 92 71 Pourcentage de mots lus par les enfants de 14 pays européens après 98 une année d’apprentissage (d’après Seymour et al., 2003) Et pour conclure…. 34 95 98 79 97 95 73 95 98 17