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Figure 1. Échographie bidimensionnelle et IRM chez un patient
atteint de non-compaction ventriculaire gauche.
1A : ETT, incidence apicale. Quatre cavités montrent de volumineuses
trabéculations prédominant sur la paroi latérale du ventricule gauche,
ainsi qu’un thrombus apical (fl èche).
1B : IRM cardiaque chez le même patient, confi rmant la présence des
trabéculations et du thrombus (fl èche).
VD : ventricule droit, VG : ventricule gauche, OG : oreillette gauche.
1B
La Lettre du Cardiologue - n° 403 - mars 2007
Non-compaction isolée du ventricule gauche
Isolated left ventricular non-compaction
IPG. Habib*
* Département de cardiologie, la Timone, Marseille.
POINTS FORTS
La non-compaction isolée du ventricule gauche (NCVG)
est une cardiomyopathie congénitale rare résultant de l’ar-
rêt de l’embryogenèse normale du myocarde.
Sa principale caractéristique anatomique est l’existence
de trabéculations ventriculaires myocardiques nombreuses
et profondes, en général localisées au niveau de l’apex du
ventricule gauche.
Le diagnostic repose sur l’échocardiographie, le scanner
et/ou l’IRM cardiaque, et peut être diffi cile dans les formes
limitées.
Les formes familiales ne sont pas rares, rendant obliga-
toire un dépistage familial.
Un registre national de la non-compaction est en cours
de réalisation en France.
Mots-clés : Non-compaction - Échocardiographie - Cardio-
myopathie.
Keywords: Non-compaction - Echocardiography - Cardio-
myopathy.
La non-compaction isolée du ventricule gauche (NCVG) est
une cardiomyopathie connitale rare résultant de l’arrêt
de lembryogenèse normale du myocarde. Initialement dé-
crite chez l’enfant (1), et placée par lOrganisation mondiale de la
santé (OMS) dans le groupe des cardiomyopathies non classées”
(2), elle a été “redécouverte” ces dernières années, puisque plus de
300 cas ont été rapportés, dont plus de 85 % après 1997 !
Lintérêt de cette pathologie réside dans ses caractéristiques ana-
tomiques variables, qui sont à l’origine de critères diagnostiques
incertains, dans son diagnostic diffi cile, reposant essentiellement
sur l’échocardiographie et l’IRM ou le scanner, et, enfi n, dans
ses caractéristiques pronostiques ainsi que dans son caractère
parfois familial.
DÉFINITION ET CRITÈRES DIAGNOSTIQUES
La NCVG serait la conquence d’un arrêt du phénomène embryo-
logique de compaction progressive du myocarde ventriculaire,
qui se produit normalement entre la cinquième et la huitième
semaine, provoquant la persistance, à des degrés divers, de trabé-
culations proéminentes et de profonds espaces intertrabéculaires.
La principale caractéristique anatomique de la NCVG est donc
l’existence de trabéculations ventriculaires myocardiques nom-
breuses et profondes, en néral localisées au niveau de l’apex du
ventricule gauche. Léchocardiographie transthoracique (ETT) est
l’examen clé qui en permet le diagnostic, en dévoilant la présence
des critères conduisant à la suspecter (3) :
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Figure 2. Intérêt de l’échocardiographie de contraste (SonoVue®)
chez le même patient.
2A : à un temps précoce, le contraste souligne les trabéculations ( èche).
2B : à un temps tardif, le contraste souligne le thrombus, en négatif
(fl èche).
VD : ventricule droit, VG : ventricule gauche.
2A
2B
La Lettre du Cardiologue - n° 403 - mars 2007
– présence de trabéculations ventriculaires gauches multiples ;
– présence de récessus profonds intertrabéculaires ;
– fl ux doppler couleur à l’intérieur des récessus et en commu-
nication avec la cavité ventriculaire gauche ;
– absence de cardiopathie associée ;
– classiquement, le diagnostic de non-compaction est retenu
lorsque le rapport zone non compactée/zone compactée est
supérieur à 2, bien que ce dernier critère soit contestable.
La gure 1 montre un exemple échographique de NCVG.
PRÉSENTATION CLINIQUE
La présentation clinique est très variable, cette cardiomyopathie
pouvant se révéler à tous les âges de la vie (4), voire rester totale-
ment silencieuse, comme le prouvent les cas découverts fortuite-
ment chez des apparens de sujets atteints. Ainsi, si linsuffi sance
cardiaque est le mode de révélation le plus fréquent, d’autres
manifestations peuvent permettre de découvrir la maladie : trou-
bles du rythme ventriculaire ou supraventriculaire, accidents
emboliques, éléments mis au jour par l’enquête familiale. Si la
triade insuffi sance cardiaque, embolies et troubles du rythme
a été proposée pour défi nir la NCVG (5), aucune manifestation
clinique ne permet de la diff érencier des autres formes de cardio-
myopathies, bien qu’elle soit classiquement associée à un risque
thrombo-embolique et rythmique plus important.
MÉTHODES DIAGNOSTIQUES
Léchocardiographie, le scanner et l’IRM cardiaque sont les
examens de référence pour le diagnostic de NCVG. Léchocar-
diographie, du fait de sa simplicité, est bien sûr la méthode la
plus utilisée. Quelle que soit lathode choisie, la diffi culté dia-
gnostique est très variable. Le diagnostic est aidans les formes
typiques, caractérisées par des trabéculations larges séparées
par des récessus profonds intertrabéculaires. La localisation de
la zone non compactée est caractéristique (6), prédominant à
l’apex, et sur les segments latéro- et inféro-médians. Dans les cas
douteux, il est très important de s’aider du doppler couleur, afi n de
bien obtenir un critère diagnostique important : la visualisation,
dans le cadre de l’emploi de cette technique, dun remplissage des
espaces intertrabéculaires par le fl ux sanguin provenant de la
cavité ventriculaire. Le scanner cardiaque et/ou l’IRM ( gure 1B)
apportent des éléments diagnostiques similaires, permettant de
visualiser parfaitement les trabéculations et les récessus ainsi que
leur localisation (7). Le diagnostic est cependant parfois beaucoup
plus délicat : la principale diffi culté, en échographie comme en
IRM, est de diff érencier une hypertrabéculation “physiologique”,
observée fréquemment dans les cardiomyopathies primitives, des
non-compactions réelles. La limite définie par un rapport zone
non compactée/zone compactée supérieur à 2 est arbitraire,
reposant sur des études corrélatives comportant très peu de cas
comparés à l’anatomie. Par ailleurs, des trabéculations excessives
mais ne répondant pas aux critères de NCVG sont parfois obser-
vées chez des apparentés de sujets atteints (7). Le diagnostic de
NCVG peut également être diffi cile dans les formes localisées,
dans les formes à fonction systolique préservée (de plus en plus
fréquemment décrites) et dans les formes associées à d’autres
pathologies (bicuspidie, cardiomyopathie restrictive, cardiopa-
thie hypertrophique, coarctation aortique, etc.), formes qui ne
répondent plus alors à la stricte défi nition de la NCVG isolée.
En n, certains diagnostics di érentiels seront éliminés avec plus
ou moins de facilité : les cardiomyopathies hypertrophiques et
restrictives, les thrombi apicaux ventriculaires gauches (parfois
associés) et la transposition corrigée des gros vaisseaux.
Si l’échocardiographie conventionnelle est l’examen clé, d’autres
techniques échographiques sont utiles pour le diagnostic et
l’évaluation des NCVG : ETT, échographies de contraste ou
tridimensionnelle. La gure 2 illustre l’intét potentiel de
l’échographie de contraste, et la gure 3 celui de l’échographie
tridimensionnelle. La place respective de ces nouvelles techni-
ques reste cependant à préciser dans cette pathologie.
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Figure 3. Intérêt de l’échocardiographie 3D chez un autre patient
atteint de NCVG, soulignant les trabéculations apicales (fl èches).
VG : ventricule gauche.
La Lettre du Cardiologue - n° 403 - mars 2007
PRONOSTIC ET TRAITEMENT
Bien que la NCVG soit réputée de plus mauvais pronostic que
les autres formes de cardiomyopathies, son évolution est très
variable et en fait mal connue. La rareté de la NCVG et l’absence
de grandes séries longitudinales ne permettent pas de connaître
l’histoire naturelle de la maladie. Si la NCVG s’accompagne
classiquement d’un risque embolique et rythmique élevé, il nest
pas complètement certain que son pronostic soit diff érent de
celui des autres formes de cardiomyopathies.
Lévolution peut être foudroyante, aboutissant dans ce cas à
la transplantation (8), ou au contraire très lente, comme en
témoigne la découverte de cas de NCVG chez des sujets âgés.
La mise en place prophylactique d’un défi brillateur est logique
quand la fraction d’éjection est inférieure à 30 %, comme dans
toute cardiomyopathie, mais elle ne peut pas être recommandée
quand la fonction ventriculaire gauche est conservée. De la
même façon, l’utilisation du traitement anticoagulant doit être
large, étant donné la fréquence des complications thromboem-
boliques, mais son intérêt na pas non plus été prouvé quand
la fonction ventriculaire est normale. Le traitement actuel de
la NCVG est donc celui de toute cardiomyopathie, reposant
sur les traitements conventionnels de l’insuffi sance cardiaque,
avec un usage sans doute plus large des anticoagulants et du
défi brillateur implantable. Surtout, gardons en mémoire que
la NCVG est une aff ection génétique, et que le dépistage des
apparentés du premier degré doit être pratiqué.
Le registre français des non-compactions de l’adulte vient de
terminer ses inclusions. Ses prochains résultats nous apporteront
de nouveaux éléments pour mieux comprendre cette “nouvelle”
aff ection, aujourd’hui encore énigmatique.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Chin TK, Perloff JK, Williams RG et al. Isolated non-compaction of left ventri-
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3. Jenni R, Oeschlin E, Schneider J et al. Echocardiographic and pathoanatomi-
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8. uny F, Philip E, Caucino K et al. Non-compaction isolée du ventricule gauche :
à propos de deux cas. Arch Mal Cœur 2003;96:339-43.
Les affi rmations suivantes concernent la non-
compaction du ventricule gauche
1) Elle s’accompagne toujours d’une dysfonction ventriculaire gauche.
2) Le pronostic est plus péjoratif que celui des autres cardiomyopathies.
3) La non-compaction peut également toucher le ventricule droit.
4) La non-compaction ne se révèle qu’à l’âge adulte.
5) La non-compaction peut être associée à une atteinte musculaire.
Les affi rmations suivantes concernent la non-
compaction du ventricule gauche
1
)
Elle peut toucher également les oreillettes.
2
)
Les trabéculations anormales prédominent à l’apex du ventricule gauche.
3
) L
implantation d’un dé brillateur doit être systématique.
4
)
Un dépistage de la maladie chez les apparentés est souhaitable.
5
)
Elle constitue une contre-indication à la gre e cardiaque.
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